Allemagne : 1,4 milliards d’Euros pour stabiliser le réseau électrique en 2017

(dernière mise à jour de l´article le 19.07.2018)

Le réseau de transport d’électricité constitue la colonne vertébrale du système électrique. La pénétration rapide et massive des énergies renouvelables – principalement éolien et photovoltaïque – et le retard pris dans le développement du réseau ont entraîné  une hausse des coûts pour stabiliser le réseau électrique outre-Rhin. Selon l’agence fédérale des réseaux, les coûts de stabilisation ont atteint un niveau record en 2017 et dépassé 1,4 milliards d’Euros.

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Dans un rapport publié le 18 juin 2018 /1/, /2/ l’agence fédérale des réseaux  (« Bundesnetzagentur ») annonce une forte hausse des coûts de stabilisation du réseau en 2017.

Cette hausse provient pour l’essentiel du retard pris dans le développement du réseau, lequel n’arrive pas à suivre le rythme auquel se développent les énergies renouvelables fatales.

Ce problème de congestion observé dans les zones où les actifs de production sont éloignés des zones de consommation (fermes éoliennes off-shore du nord de l’Allemagne pour des centres de consommation industrielle au sud) oblige les gestionnaires  (GRT) à recourir régulièrement à un management accru du réseau.

Tandis que le Brandebourg produit un excédent annuel de plus de 33 000 GWh, le Palatinat (- 9399 GWh) , le Bade-Wurtemberg (- 10908 GWh) et la Hesse (- 21511 GWh) se retrouvent en queue de peloton (voir figure 1)

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Figure 1 : Solde de production et de consommation d´électricité dans les Länder en 2015 selon iwd /6/

C’est d’abord la conduite des centrales conventionnelles qui est touchée par les interventions des GRT telles que :

  • Redispatching, consistant à modifier le plan de production et/ou de charge de manière à modifier les flux physiques sur le réseau de transport
  • Countertrading, qui est un échange réalisé entre deux GRT dans le sens inverse du flux contraignant

Si ces mesures ne suffisent plus à stabiliser le réseau, la loi sur l’énergie autorise l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables intermittentes (éoliennes principalement).

Les coûts relatifs à la stabilisation du réseau ont atteint un nouveau record en 2017. Ils sont avec 1 448 M€ largement supérieurs aux coûts de l´année 2016 (893 M€) qui a connu des conditions météorologiques défavorables notamment pour l´éolien terrestre.

Deux effets ont joué. Au premier trimestre 2017 on a observé une augmentation  des activités de redispatch conséquence d’une pointe de consommation historiquement haute lors d’une vague de froid en Europe combinée avec une production éolienne faible. Au quatrième trimestre une production record des énergies renouvelables et notamment une forte hausse de la production éolienne nécessitait l´écrêtement d´éolien parce le réseau saturait.  Dans ce cas la loi allemande prévoit d’indemniser financièrement les producteurs d’énergies renouvelables.

La figure 2 montre l´évolution des coûts pour stabiliser le réseau électrique et la part de l’éolien et photovoltaïque à la production brute de l´électricité depuis 2011. On peut observer une certaine corrélation avec l´augmentation de la part de la production renouvelable fatale (éolien et photovoltaïque).

Les coûts sont composés de trois éléments : les coûts pour une capacité conventionnelle de réserve ( ~ 415 M€ en 2017), le redispatch et countertrading (~ 423 M€ en 2017) et l´indemnisation des producteurs d’énergies renouvelables qui pèse lourd dans la facture (~ 610 M€ en 2017).

Hausse des coûts de stabilisation du réseau
Figure 2 : Evolution des coûts de stabilisation du réseau et de la part des énergies renouvelables fatales à la production brute d´électricité /1/, /3/

Le total de ces coûts -1448 M€- est répercuté au consommateur via le tarif d’utilisation du réseau.

La lente modernisation du réseau électrique

Le plan actuel de développement du réseau de transport /4/, /5/ estime que 7700 km sont prioritaires (lignes nouvelles ou renforcement des lignes existantes). L´épine dorsale est constituée par les tracés nord – sud en courant continu d´environ 2100 km de longueur et d´une capacité totale de 10 GW.

Or la construction des lignes est lente. Outre les contraintes administratives, l’installation de nouvelles lignes se heurte aux refus des riverains et aux associations de protection de la nature. Les autorités ont pris la décision de la mise en souterrain du réseau électrique pour une grande partie, sans parvenir à calmer toutes les résistances. A la fin du premier trimestre 2018 environ 12% (900 Km) des 7700 km ont été réalisés /5/.

Dans l’état actuel des choses, les lignes à courant continu ne seront pas opérationnelles avant 2025. La situation devrait donc s´améliorer après 2025 selon l´analyse des GRT.

Références

/1/ Bundesnetzagentur : Communiqué de presse du 18 juin 2018 « Bundesnetzagentur veröffentlicht Zahlen zu Redispatch und Einspeisemanagement für 2017 », https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2018/20180618_NetzSystemSicherheit.html;jsessionid=594EC42BE117414BCB4C2B81E5C736E7?nn=265778

/2/ Bundesnetzagentur : « Quartalsbericht zu Netz- und Systemsicherheitsmaßnahmen »  Gesamtjahr und Viertes Quartal 2017, 18 juin 2018, https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Bundesnetzagentur/Publikationen/Berichte/2018/Quartalsbericht_Q4_Gesamt_2017.pdf;jsessionid=6A56822655FB8C5ED5CD1253E1921F7D?__blob=publicationFile&v=2

/3/ AG Energiebilanzen (AGEB) : « Stromerzeugung nach Energieträgern 1990 – 2017 (Stand Februar 2018) », https://www.ag-energiebilanzen.de/

/4/ Énergies renouvelables : de nombreux défis

/5/ Bundesnetzagentur : « Leitungsvorhaben » Stand 1. Quartal 2018, https://www.netzausbau.de/leitungsvorhaben/de.html?cms_map=2

/6/ Institut der deutschen Wirtschaft (iwd) : « Teure Engpässe im Stromnetz », 17.7.2018, https://www.iwd.de/artikel/teure-engpaesse-im-stromnetz-397063/

Chiffres clés du climat 2017 en Allemagne

  • L´ objectif 2020 de réduction de gaz à effet de serre (GES) est actuellement hors de portée selon le rapport 2017 /1/ des « Chiffres clés du climat »  (Klimaschutzbericht 2017) adopté par le gouvernement allemand le 13 juin 2018
  • Seule une réduction de 32% au lieu de 40 % sera atteinte d´ici 2020 par rapport à 1990. Le secteur énergétique par contre réduira ses émissions de presque 40%.

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Rappel de l´objectif 2020 en matière de climat

Selon les mesures phares de la transition énergétique, l’Allemagne prévoit de réduire ses émissions de GES de 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990. Il s´agit  d´un objectif national  fixé en 2007. Cela correspond à une réduction des émissions d´environ 500 Mt CO2éq à 750 Mt CO2éq en 2020. Selon les données provisoires de l´agence fédérale de l´environnement (UBA), les émissions totales de gaz à effet de serre sont avec 905 Mt CO2éq en 2017 en léger recul par rapport à 2016 (909 Mt CO2éq) ce qui correspond à une réduction de 28% par rapport à 1990.

Selon le rapport 2017 une réduction de 32% serait atteinte d´ici 2020

Le gouvernement allemand a adopté le 13 juin 2018 le rapport 2017 des « Chiffres clés du climat » (Klimaschutzbericht 2017) /1/. Le rapport porte sur les objectifs 2020 de réduction des GES et donne des orientations  pour la commission « Croissance, reconversion structurelle et emploi » créée récemment /2/ et qui doit proposer d’ici début décembre 2018 des mesures pour réduire l´écart par rapport à l´objectif 2020.

Selon le rapport 2017, l´Allemagne est à la traine concernant l´objectif 2020 de réduction des GES et manquerait son objectif de 8 points de pourcentage, donc – 32% au lieu de – 40% d´ici 2020 par rapport à 1990. Cela signifie un écart d´environ 100 Mt CO2éq pour atteindre l´objectif visé. Sans le programme d´action décidé par le gouvernement en 2014 l´écart par rapport à l´objectif 2020 serait encore plus grand (12 points de pourcentage).

Les raisons fournies par le gouvernement pour l´écart sont :

  • la surestimation de l´efficacité des mesures engagées pour réduire les émissions de GES, notamment dans le secteur du transport
  • le bon développement conjoncturel des dernières années, au-delà des pronostics
  • la forte croissance démographique inattendue

Les tendances actuelles du développement conjoncturel et du volume de trafic font craindre que l´écart dépasse même 8 points de pourcentage.

Les mesures complémentaire décidées en 2014 n´ont pas produit le résultat souhaité

Déjà en 2014, pour rectifier le tir, le gouvernement d’Angela Merkel avait adopté une série de mesures visant à atteindre l’objectif de réduction de 40 % des émissions de CO2éq d’ici à 2020 /3/. Le rapport 2017 « Chiffres clés du climat »  montre maintenant que les mesures adoptées en 2014 n’économisent que 52 Mt CO2éq, deux tiers seulement de la réduction des émissions initialement envisagée. Cela concerne notamment les secteurs du transport et du bâtiment.

Le secteur énergétique réduira ses émissions de presque 40% d´ici 2020

Le rapport montre que le secteur énergétique – responsable pour 38% des émissions totales – réduira ses émissions de presque 40% par rapport à 1990 et remplit son objectif /4/. Cela concerne notamment les émissions CO2éq de la production d´électricité à base de lignite qui ont déjà baissé de 50% depuis 1990.

De plus, il est prévu d´arrêter en 2019 une capacité de 2,7 GW de centrales au lignite dans le but d´économiser 12,5 Mt CO2éq supplémentaires d´ici 2020.

Toutefois le rapport constate un retard considérable quant au secteur du transport. Les émissions du secteur du transport stagnent pratiquement et une réduction de seulement 3% à 4% est attendue d´ici 2020 par rapport à 1990. Des mesures comme la prime pour l’achat d’un véhicule électrique sont restées sans effet significatif jusqu´à maintenant. Avec environ 54 000 véhicules début 2018, l´Allemagne est loin de son objectif d´un million de véhicules électriques à l’horizon 2020.

 Références

/1/ BMU , communiqué de presse du 13 juin 2018 : « Kabinett beschließt dritten Klimaschutzbericht – Schätzung geht von etwa 32 Prozent Minderung bis 2020 aus », https://www.bmu.de/pressemitteilung/kabinett-beschliesst-dritten-klimaschutzbericht/

/2/ Le gouvernement allemand crée une commission devant émettre des propositions pour la sortie progressive de la production d’électricité à base de charbon et de lignite

/3/ SFEN :  « Climat : pour combler son retard, l’Allemagne prend de nouvelles mesures », 9 décembre 2014, http://www.sfen.org/rgn/climat-combler-retard-allemagne-prend-nouvelles-mesures

/4/ BDEW : communiqué de presse du 13 juin 2018 : « Energiewirtschaft Spitzenreiter bei CO2-Einsparungen in Deutschland « , https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/energiewirtschaft-spitzenreiter-bei-co2-einsparungen-deutschland/

 

Le gouvernement allemand crée une commission devant émettre des propositions pour la sortie progressive de la production d’électricité à base de charbon et de lignite

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Centrale à lignite de Neurath (source RWE)

Conformément au contrat de coalition,  le gouvernement allemand a nommé  le 6 juin 2018 une commission devant proposer des mesures pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du plan de protection du climat (Klimaschutzplan 2050) dans le secteur énergétique (/1/, /2/, /3/). Pour ce secteur qui représente en 2016 environ 38% des émissions totales de l´Allemagne, le plan vise une réduction de 61% à 62% des émissions d´ici 2030 par rapport à 1990. Le secteur électrique fournit avec presque 90% la plus grande part des émissions du secteur énergétique.

Cette commission ouvre la possibilité d´apaiser le débat sociétal concernant la production d’électricité à base de charbon et de lignite et de donner en même temps la sécurité en termes de planification pour les énergéticiens, l´emploi et les régions en reconversion. A côté des propositions de mesures compensatoires d’aide à la restructuration des régions concernées et d´un calendrier de sortie progressive du charbon, la commission doit aussi évaluer les conséquences pour la sécurité d´approvisionnement et le prix de l´électricité /4/, /5/.

Objectifs de la commission

La commission aura pour mission d’élaborer une stratégie, un calendrier et une date de sortie du charbon et lignite pour que l’Allemagne respecte ses objectifs du plan de protection du climat sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les membres de la commission devront se préoccuper au même titre de l’emploi dans les régions en reconversion. Plusieurs dizaines de milliers de jobs sont concernés, principalement en Rhénanie et en Lusace, en tenant compte des sous-traitants de l’industrie charbonnière.

De plus, la commission doit proposer des mesures pour réduire l´écart par rapport à l´objectif 2020 (- 40 % d’émissions par rapport à 1990), actuellement hors de portée.

Planning

La commission baptisée « Croissance, reconversion structurelle et emploi » a commencé son travail en juin. Le planning est très ambitieux.

La proposition des mesures compensatoires d’aide à la restructuration des régions concernées est prévue pour octobre. La proposition des mesures supplémentaires pour réduire l´écart par rapport à l´objectif national 2020 de réduction des émissions (- 40% par rapport à 1990) doit être présentée début décembre, juste avant la prochaine conférence internationale sur le climat (COP) en Pologne. Le rapport final est attendu fin 2018.

Composition de la commission

La commission est composée de 24 membres. Il s’agit d’acteurs politiques et économiques, de responsables syndicaux, de membres d’associations de défense de l’environnement et de représentants des régions concernées par la reconversion.

A cela s’ajoutent les 4 présidents de la commission et 3 députés du parlement fédéral. Le ministère fédéral de l´économie et de l´énergie est responsable de la commission du point de vue organisationnel.

Donc des profils divers pour trouver un équilibre entre les nécessités écologiques, économiques et les contraintes sociales sans oublier la sécurité d´approvisionnement.

Un chantier difficile

La tache est difficile, alors que l´Allemagne perd déjà presque 12% de sa production d´électricité d´ici fin 2022 avec la sortie du nucléaire. En 2017  la part des centrales à charbon et lignite dans la production d´électricité était supérieure à 36%.

L´Allemagne prévoit de quasiment doubler la part actuelle des énergies renouvelables d´ici 2030 à 65% et vise notamment sur l’éolien et le photovoltaïque. Mais ces énergies fatales ne sont pas en mesure d´assurer à elles seules la sécurité d´approvisionnement. En l´absence de solutions de stockage massif d´énergie, la variabilité des énergies renouvelables éolienne et solaire nécessite le maintien en backup des centrales conventionnelles. Il faudrait donc remplacer à terme les centrales à charbon et lignite par des centrales à gaz moins émettrices en CO2 bien que les conditions financières pour la construction de nouvelles centrales ne soient pas réunies actuellement /4/, /5/.

Références

/1/ Bundesregierung : « Kabinett setzt Kommission ein, Strukturwandel aktiv gestalten », 6 juin 2018, https://www.bundesregierung.de/Content/DE/Artikel/2018/06/2018-06-06-kommission-wachstum-strukturwandel-beschaeftigung.html

/2/ Allemagne Diplomatie : « La sortie du charbon, c’est pour quand ? « , 7 juin 2018, https://allemagne.diplo.de/frdz-fr/aktuelles/03-Economie/-/2103394

/3/ BMWi, communiqué de presse du 6 juin 2018 : Bundeskabinett setzt Kommission „Wachstum, Strukturwandel und Beschäftigung“ ein,

https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2018/20180606-bundeskabinett-setzt-kommission-wachstum-strukturwandel-und-beschaeftigung-ein.html

/4/ BDEW, communiqué de presse du 6 juin 2018 : Stefan Kapferer zur Einsetzung der Kommission « Wachstum, Strukturwandel und Beschäftigung » , https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/stefan-kapferer-zur-einsetzung-der-kommission-wachstum-strukturwandel-und-beschaeftigung/

/5/ dena (deutsche Energie-Agentur) 6 juin 2018, « Es geht um mehr als Kohleverstromung, es geht um die Zukunft der Energiewende », https://www.dena.de/newsroom/meldungen/es-geht-um-mehr-als-kohleverstromung-es-geht-um-die-zukunft-der-energiewende/