Le rapport accablant de la Cour Fédérale des Comptes sur la transition énergétique

Temps de lecture : 12 minutes

Il semble que la Cour Fédérale des Comptes, organe indépendant de contrôle financier et l’une des plus hautes autorités fédérales, soit indispensable non seulement pour identifier le véritable état de la transition énergétique en Allemagne, mais aussi pour la présenter sans fard.

Dans son rapport spécial publié en mars 2024 /1/, l’autorité délivre un constat tout à fait accablant pour la politique énergétique allemande : le tournant énergétique n’est pas sur le bon cap, l’Allemagne est en retard par rapport à ses objectifs ambitieux.

Le rapport contraste fortement avec les déclarations sur le site web du Ministre Fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck (Les Verts), où l’on peut lire « Notre tournant énergétique : sûr, propre, abordable ».

Selon la Cour Fédérale des Comptes, les mesures prises jusqu’à présent sont insuffisantes. Le gouvernement fédéral serait en retard dans le développement des énergies renouvelables et des réseaux électriques ainsi que sur le calendrier de construction de nouvelles centrales électriques bas carbone en back-up pour pallier la variabilité de la production des énergies renouvelables telles que l’éolien et le photovoltaïque.

A cela s’ajoutent des lacunes sur l’évaluation des répercussions du tournant énergétique sur le paysage, la nature et l’environnement et l’absence de concept contre les prix élevés de l’électricité. Le gouvernement fédéral manque d’un monitoring efficace pour piloter la transition énergétique prenant en compte tous les objectifs (sécurité d’approvisionnement, accessibilité financière, protection de l’environnement).

Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement fédéral doit impérativement changer de stratégie. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour Fédérale des Comptes pour remédier aux déficits mis en évidence.

Fig 1 Nicht auf Kurs
Figure 1 : La transition énergétique allemande n’est pas sur le bon cap /Source : Cour Fédérale des Comptes

Sommaire

Contexte de départ

Sécurité d’approvisionnement en électricité

  • Développement des énergies renouvelables
  • Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup
  • Développement du réseau de transport
  • Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité

Abordabilité financière (prix de l´électricité)

Respect de l’environnement

Conclusion

Références

Contexte de départ

La Cour Fédérale des Comptes a déjà audité à plusieurs reprises la mise en œuvre du tournant énergétique. La dernière fois, en 2021, elle avait recommandé d’améliorer le suivi de la sécurité d’approvisionnement et de réformer fondamentalement le système de prix de l’électricité /2/. Dans le cas contraire, elle estimait que l’Allemagne risquait de perdre sa compétitivité économique et de voir diminuer l’acceptation sociétale de la transition énergétique.

La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a augmenté les défis. Le gouvernement fédéral a réagi à cette situation par de nombreuses mesures, entre autres par l’accélération du développement des énergies renouvelables et l’objectif d’une production d’électricité de presque 100% à partir des énergies renouvelables à l’horizon de 2035.

Ces mesures devraient non seulement contribuer à la protection du climat, mais aussi réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles. Le gouvernement fédéral maintient la sortie anticipée de la production d’électricité à partir du charbon à l’horizon de 2030 et a fait arrêter définitivement les trois dernières centrales nucléaires en avril 2023.

La Cour Fédérale des Comptes a saisi l’occasion de ces développements pour vérifier si le gouvernement met en œuvre le tournant énergétique conformément aux objectifs de la politique énergétique. Le rapport tient compte de la prise de position commune du Ministère Fédéral de l’Économie et de la Protection du climat (BMWK) et du Ministère Fédéral de l’Environnement (BMUV).

Sécurité d’approvisionnement en électricité

La transition énergétique représente des défis tant pour la mise à disposition du besoin en électricité que pour son acheminement via les réseaux électriques.

Développement des énergies renouvelables

L’approvisionnement en énergies renouvelables variables nécessite un effort particulier, car, contrairement aux centrales conventionnelles, elles sont soumises à des variations journalières et saisonnières ainsi qu’aux conditions météorologiques. Elles ne fournissent pas de puissance garantie (photovoltaïque) ou seulement dans une faible mesure (éolien), cf. figure 2.

Fig 2 Geringe gesicherte Leistung
Figure 2 : Puissance garantie par les énergies renouvelables variables et les centrales conventionnelles

Les charges flexibles et les moyens de stockage d’électricité contribuent à la sécurité d’approvisionnement. Les moyens de stockage sont toutefois soumis à des restrictions (techniques) et ne peuvent donc pas compenser à eux seuls les périodes prolongées de faible production des énergies renouvelables variables.

Suite au constat que le développement des éoliennes était encore loin d’être suffisant pour s’aligner sur la trajectoire cible de la loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023) un deuxième paquet de mesures a été décidé /3/ qui devrait déployer ses effets à partir de 2023.

Il a toutefois été constaté que la trajectoire de développement de l´éolien terrestre, en particulier, n’est pas conforme à la Loi sur les énergies renouvelables. La Loi a stipulé pour 2023 la mise en adjudication d’un volume de 12.840 MW mais seule environ la moitié de ce volume a été attribuée.

En outre, l’objectif intermédiaire de 2023 pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables n’a pas été atteint, soit 272 TWh bruts au lieu de l’objectif de 287 TWh visés par la Loi (§4a Strommengenpfad).

Le gouvernement doit veiller à ce que les énergies renouvelables soient développées conformément aux trajectoires fixées par la loi.

Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup

La puissance installée des énergies renouvelables n’a cessé d’augmenter, tandis que la puissance des centrales conventionnelles pilotables a diminué. Toutefois, un approvisionnement sûr en électricité avec un système électrique reposant en majorité sur des énergies renouvelables variables exige en parallèle des moyens de production fournissant une puissance garantie et pilotable.

La Cour des Comptes a constaté que le calendrier de construction de moyens pilotables en backup ne pourra probablement pas être respecté. En outre, la conception d’un mécanisme de capacité, annoncé par le gouvernement, n’a pas encore eu lieu. Il n’est donc pas garanti que la capacité nécessaire de moyens pilotables en backup soit disponible à temps.

Développement du réseau de transport

L’émergence de nouveaux usages de l’électricité et notamment le fort développement des énergies renouvelables rendent aussi nécessaire le développement et la modernisation des réseaux.

Le besoin en réseau de transport (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) a été évalué à environ 14.000 km à l´horizon de 2035. À la fin du troisième trimestre 2023, 2.695 km de lignes, soit seulement 19,3%, avaient été réalisés.

Selon la Cour des Comptes, le développement du réseau de transport accuse donc un retard considérable par rapport à la planification, soit environ sept ans et presque 6.000 km de lignes, cf. figure 3.

Fig 3 Ziele Netzausbau
Figure 3 : Ecart entre le développement planifié et réalisé du réseau de transport au 3e trimestre 2023

Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité

Le régulateur (Agence Fédérale des Réseaux) doit surveiller en permanence la sécurité d’approvisionnement en électricité en accord avec le Ministère Fédéral de l’Énergie et de la Protection du Climat (BMWK).

Le dernier rapport monitoring sur la sécurité d´approvisionnement en électricité, publié en février 2023, considère les années 2025 à 2031 (voir aussi /4/ chapitre « Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité à l’horizon de 2030/31 »).

Le régulateur arrive au résultat que, sous certaines hypothèses de base, le critère de sécurité d’approvisionnement serait respecté dans la période de 2025 à 2031 avec des marges confortables.

Pourtant, la Cour des Comptes estime que les hypothèses utilisées pour évaluer la sécurité d’approvisionnement sont irréalistes car le régulateur se base sur un « best case » improbable. Les auditeurs reprochent au Ministère Fédéral de l’Économie et au régulateur (l’Agence Fédérale des Réseaux) de faire preuve d’une irresponsabilité sans précédent. Selon la Cour des Comptes, le ministère accepterait que les risques pour la sécurité d’approvisionnement ne soient pas détectés à temps et que les actions nécessaires soient identifiées trop tard. Ainsi, l’objectif du monitoring en tant que système d’alerte anticipé pour identifier des besoins d’action est actuellement de facto invalidé.

Le régulateur a rejeté les critiques de la Cour des Comptes. Mais cela ne convainc pas la Cour des Comptes : selon le Code de l’énergie, l’analyse de la sécurité d’approvisionnement doit reposer sur des scénarios de référence appropriés. Des hypothèses manifestement improbables ne remplissent pas ces exigences. Les hypothèses de base, concernant notamment le développement des énergies renouvelables et des réseaux, doivent prendre en compte plusieurs scenarios. La supposition que le développement des énergies renouvelables et des réseaux soit conforme au planning ne correspond pas à la réalité : ni le développement des énergies renouvelables ni celui des réseaux électriques ne sont actuellement sur la trajectoire cible.

Selon la Cour des Comptes, le régulateur doit envisager différents scénarios en tenant compte de différentes probabilités de concrétisation des hypothèses de base. Cela doit également inclure un scénario « worst-case ».

La Fédération Allemande de l’Industrie de l’Energie et de l’Eau (BDEW) estime que la critique des auditeurs est en partie exagérée /6/. Malgré toutes les remarques justifiées sur certains points, le BDEW ne voit pas de « déficit d’approvisionnement » dans le système électrique, comme le craint la Cour des Comptes.

Abordabilité financière (prix de l’électricité)

Un autre objectif du Code de l’énergie est d’assurer un approvisionnement en électricité abordable pour tout le monde. Des prix élevés de l’électricité constituent un risque considérable pour le site économique allemand et l’acceptation sociétale du tournant énergétique.

Aujourd’hui déjà, l’abordabilité du prix de l’électricité est remise en question, constate le rapport de la Cour des Comptes. Les prix de l’électricité en Allemagne ont continuellement augmenté au cours des dernières années et comptent aujourd’hui parmi les plus élevés de l’Union Européenne : les clients résidentiels ont payé en moyenne 45,19 ct/kWh au premier semestre 2023, cf. figure 4. Ce prix est largement supérieur à la moyenne européenne.

Fig 4 Strompreis Haushaltskunden
Figure 4 : Composants du prix de l’électricité des clients résidentiels au premier semestre 2023

La forte augmentation des prix de gros est à l’origine de la nette hausse des composants de prix induits par le marché. Ceux-ci devraient continuer à être nettement supérieurs au niveau des années 2019/2020. 

Parallèlement, les composants de prix réglementés par l’Etat représentent une part importante, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022, cf. figure 4. Contrairement aux charges et taxes, le tarif d’utilisation des réseaux et les redevances couvrent les coûts du système électrique.

De plus, d’autres coûts du système électrique sont à prendre en compte à l’avenir. Ainsi, des investissements massifs de plus de 460 Mds€ seront nécessaires d’ici 2045 pour le développement des réseaux électriques, cf. figure 5. Selon les estimations des acteurs du marché, les coûts pourraient être encore plus élevés.

Fig 5 Netrzausbaukosten
Figure 5 : Coûts de développement des réseaux à l’horizon de 2045

S’y ajoutent les coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport. En 2022 ces coûts ont dépassé les 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu’en 2021, cf. /5/. Selon la Cour des Comptes les coûts d´équilibrage du réseau de transport pourraient atteindre 6,5 Mds€/an jusqu’à 2026.

Les coûts de développement et d’exploitation des réseaux électriques terrestres (y compris les services système) et maritimes sont répercutés sur les consommateurs finaux par le biais du tarif d’utilisation des réseaux et de la redevance pour les réseaux offshore.

Le tarif d’utilisation des réseaux a considérablement augmenté entre 2013 et 2023, cf. figure 6.

Netzentgelte
Figure 6 : Evolution des tarifs d’utilisation des réseaux entre 2013 et 2023

L’industrie a été particulièrement touchée. Pour elle, les coûts ont augmenté de 84,4% depuis 2013.

Face à des prix très élevés, le gouvernement a subventionné à plusieurs reprises les coûts du système électrique. Il reconnaît ainsi que le prix de l’électricité serait trop élevé sans intervention de l’État.

Le Ministre allemand de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, a récemment affirmé que le développement de l’éolien et du solaire permettrait bientôt de faire baisser les prix de l’électricité.  Par le passé, la Cour des Comptes avait déjà critiqué le fait que le ministère ne tienne pas compte d’autres coûts considérables liés à la transition énergétique. Il s’agit par exemple des coûts de distribution de l’électricité (y compris le développement des réseaux et les services système) et la construction de moyens pilotables supplémentaires. Il en résulte, en dehors du public spécialisé, une image erronée des coûts réels de la transformation énergétique.

Selon la Cour des Comptes, le gouvernement doit, en ce qui concerne l’abordabilité financière :

  • garantir un volume d’électricité suffisant, disponible à tout moment afin d’éviter une hausse des prix de l’électricité due à une crise de l’offre ;
  • identifier clairement les coûts systémiques de la transition énergétique ;
  • développer un monitoring permettant d’évaluer le caractère abordable de l’électricité à l’aide d’indicateurs et de valeurs cibles ;
  • orienter de manière cohérente les composants du prix réglementés par l’Etat vers les objectifs de politique énergétique – notamment pour promouvoir l’électrification des autres secteurs de l’économie.

Les subventions ponctuelles de l’État sapent la transparence du système électrique et l’effet de contrôle des prix de l’électricité. Au lieu de cela, le gouvernement doit définir de manière compréhensible, sur la base d’une analyse systématique, sous quelle forme les coûts de la transformation doivent être supportés.

Respect de l’environnement

Un autre objectif du code de l’énergie est de fournir de l’électricité dans le respect de l’environnement.

Le tournant énergétique a de nombreux effets sur l’environnement et les énergies renouvelables contribuent à la protection du climat. Toutefois, le gouvernement dispose de nombreuses informations sur les effets négatifs des énergies renouvelables sur l’environnement, par exemple l’utilisation de surfaces et de ressources limitées, mais aussi les atteintes à la biodiversité.

Dans le cadre de la crise énergétique, le gouvernement avait abaissé les normes en matière de protection de l’environnement. Cela a augmenté le risque que certains biens protégés soient affectés plus que nécessaire. Pourtant, à l’exception du bien « climat », le gouvernement a jusqu’à présent omis de mettre en place des objectifs et un monitoring pour une transition énergétique respectueuse de l’environnement. Le Ministère Fédéral de l’Environnement a souligné auprès de la Cour des Comptes qu’un suivi approprié de la compatibilité environnementale échouait moins en raison de l’insuffisance des données que de « faisabilité politique ».

Néanmoins la Cour des Comptes estime que le gouvernement doit mettre en place un monitoring pour que l’on puisse identifier à temps les effets indésirables du tournant énergétique sur les différents biens à protéger et les réorienter de manière appropriée.

Pour mettre en place un tel système il faut notamment :

  • fixer des objectifs mesurables pour les différents biens à protéger ;
  • concevoir le monitoring de manière à pouvoir saisir et évaluer non seulement les changements au fil du temps, mais aussi les interactions entre les biens à protéger ;
  • combler les lacunes existantes en matière de connaissances sur l’impact environnemental de la transition énergétique et adapter le monitoring de manière systématique.

Cela ne doit pas être omis sous prétexte que cela n’est pas politiquement réalisable – au contraire, un suivi efficace doit être à la base des décisions politiques.

Conclusion

La réussite de la transition énergétique est d’une importance capitale pour l’Allemagne. Les objectifs sont ambitieux. Mais dans la mise en œuvre, l’Allemagne est nettement en retard sur ces objectifs. En matière d’approvisionnement en électricité, le gouvernement n’est pas sur le bon cap. Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement doit donc impérativement changer de cap pour que la transition soit un succès. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour des Comptes pour combler les lacunes mises en évidence pour :

  • atteindre la neutralité climatique tout en assurant un approvisionnement en électricité sûr, abordable et respectueux de l’environnement ;
  • mettre enfin en œuvre de manière ciblée la transition énergétique, ce projet de génération

Références

/1/ BRH (2024) Energiewende nicht auf Kurs: Nachsteuern dringend erforderlich, Communiqué de presse du 07.03.2024, Bundesrechnungshof, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/SharedDocs/Kurzmeldungen/DE/2024/energiewende/kurzmeldung.html

/2/ Allemagne Energies (2021) La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/06/la-cour-des-comptes-allemande-critique-a-nouveau-la-transition-energetique-du-gouvernement-federal/

/3/ Allemagne Energies (2024) Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/4/ Allemagne Energies (2024) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/5/ Allemagne Energies (2024) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2024/01/11/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2023/

/6/ BDEW (2024) BDEW zum Sonderbericht des Bundesrechnungshofs zum Stand der Energiewende, Communiqué de presse du 07.03.2024, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/bdew-zum-sonderbericht-des-bundesrechnungshofs-zum-stand-der-energiewende/

Bilan 2023 de l´éolien en Allemagne

Temps de lecture : 14 min texte complet

Le bureau d´études Deutsche WindGuard a publié le bilan 2023 de l’éolien terrestre et maritime sur le territoire allemand. Le texte ci-dessous résume les résultats essentiels.

Fin 2023, la puissance raccordée au réseau s’élève à environ 69,5 GW, soit 61 GW pour l’éolien terrestre et 8,5 GW pour l’éolien en mer. La production a augmenté d’environ 14% par rapport à 2022 (125 TWh) à environ 142 TWh dont 118,8 TWh pour l’éolien terrestre et 23,5 TWh pour l’éolien en mer. Lissée sur l’année, la part de la production éolienne à la production totale s’élève à environ 28% sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d’approvisionnement car la production est variable au cours de l’année.

La Loi sur les énergies renouvelable (EEG 2023) stipule pour l’éolien terrestre une puissance installée de 115 GW à l’horizon de 2030 avec un objectif intermédiaire de 69 GW en 2024. Compte tenu des appels d’offre sous-souscrits, des délais de réalisation observés et le démantèlement attendu des anciennes installations, un ajout net de 3,6 à 4,1 GW semble réaliste en 2024 selon Deutsche Windguard. Ce volume serait largement en-dessous des 8 GW nécessaires pour atteindre l’objectif de 69 GW fixé pour 2024.

Concernant l’éolien en mer, la loi stipule une puissance installée de 30 GW d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif il faudrait, dans les sept prochaines années, mettre en service presque 22 GW.

2023-08-30-offshore-construction-in-the-north-sea-begins-on-rwes-flagship-sofia-offshore-wind-farm
Navire câblier „Leonardo da Vinci“ pour connecter les parcs d’éoliennes en mer/source RWE

Sommaire

  • Parc éolien terrestre
    • Déconstruction et repowering
    • Configuration moyenne des éoliennes terrestres
    • Répartition régionale des éoliennes terrestres
    • Production en 2023
    • Résultats des appels d´offres 2023 et taux de réalisation des volumes adjudiqués depuis 2017
    • Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030
  • Parc éolien en mer
    • Configuration moyenne des éoliennes en mer
    • Répartition des éoliennes en Mer du Nord et Mer Baltique sur le territoire allemand
    • Production en 2023
    • Résultats des appels d´offres 2023
    • Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030, 2035 et 2045
  • Références

Parc éolien terrestre

Selon Deutsche Windguard /1/, le parc éolien terrestre en Allemagne se compose de 28.677 éoliennes d´une puissance totale de 61,01 GW au 31 décembre 2023, cf. tableau 1.

T1 Zubau 2023 Wind Land
Tableau 1 : parc éolien terrestre au 31 décembre 2023 selon /1/

Au cours de l´année, 3.567 MW ont été raccordés au réseau, soit 745 éoliennes y compris le repowering (remplacement d´anciennes machines par des turbines plus puissantes et plus productives). En tenant compte de la mise hors service définitive de 423 éoliennes (534 MW), l’ajout net s’élève à 322 éoliennes (3.033 MW). Cela signifie une augmentation de la puissance installée de 5% par rapport à 2022 (58,01 GW), cf. figure 1.

Fig 1 Zubau 2023 Wind Land
Figure 1 : puissance totale et puissance raccordée/retirée des éoliennes terrestres /1/

Déconstruction et repowering

En 2023, 423 éoliennes d’une puissance totale de 534 MW ont été mises hors service, soit 50% de plus qu’en 2022. L’âge moyen des éoliennes mises hors service en 2023 était de 22 ans dont la plupart avait déjà cessé de bénéficier du mécanisme de soutien prévu pendant 20 ans.

7.624 éoliennes (7.807 MW) sans droit au mécanisme de soutien étaient encore en service fin 2023, soit presque 13% de la puissance totale installée. A partir de 2024, une puissance totale de 2.497 MW (1.615 éoliennes) entrera en phase d’exploitation sans droit au mécanisme de soutien.

Tant que ces anciennes installations ne sont pas arrêtées définitivement pour des raisons techniques ou économiques ou remplacées par de nouvelles éoliennes dans le cadre d´un repowering elles peuvent poursuivre leur exploitation.

En 2023, dans le cadre du repowering, 225 éoliennes (1.076 MW) ont été remplacées, soit 30% de la puissance brute raccordée en 2023, cf. figure 2.

Fig 2 Repowering 2023
Figure 2 : Repowering : puissance raccordée par an (en absolu et en pourcentage de l´ajout total brut) et puissance mise hors service par an /1/

Configuration moyenne des éoliennes terrestres

La technologie des éoliennes terrestres ne cesse d’évoluer, cf. tableau 2. En moyenne, une éolienne installée en 2023 avait une puissance nominale de 4,8 MW, soit 10% de plus qu’en 2022.  La hauteur totale des éoliennes reste pratiquement inchangée par rapport à l’année précédente. Le diamètre du rotor est en moyenne 3% plus grand, en revanche la hauteur de moyeu de 1% plus basse par rapport à 2022.

T2 Characteristique 2023 Wind Land
Tableau 2 : configuration moyenne des éoliennes terrestres mises en service en 2023 et évolution par rapport à 2022 selon /1/

La configuration des éoliennes est très variable d’une région à l’autre. Des éoliennes particulièrement puissantes et hautes, d’une puissance moyenne de plus de 5 MW et d’une hauteur totale moyenne de 230 m, sont installées en Brandebourg, Thuringe et Saxe-Anhalt. À Hambourg, Brême, en Bavière et Bade-Wurtemberg, des éoliennes plus petites sont installées, d’une puissance moyenne inférieure à 4 MW. A Brême et à Hambourg, les éoliennes sont en outre très basses (178 m), de même qu’au Schleswig-Holstein où, malgré une puissance moyenne plus élevée (Ø 4,9 MW), la hauteur totale des éoliennes atteint seulement 179 m en moyenne.

Répartition régionale des éoliennes terrestres

La répartition régionale montre toujours une nette disparité nord-sud en 2023 (cf. figure 3). Les régions du nord et du centre (Basse-Saxe, Brandebourg, Schleswig-Holstein, Saxe-Anhalt et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale) représentent presque deux tiers de la puissance totale raccordée en Allemagne. La Basse-Saxe occupe la première place avec 21%.

Le Bade-Wurtemberg et la Bavière, disposant de 30% de la surface du territoire allemand, ne contribuent qu’avec une part de 7% à la puissance totale installée.

Fig 3 Regionale Verteilung 2023
Figure 3 : répartition régionale des capacités et gisements par km² des éoliennes terrestres selon /1/

Production en 2023

En 2023 les éoliennes terrestres ont produit 118,8 TWh lissés sur l’année /1/, /2/. Cela correspond à une hausse d’environ 19% par rapport à 2022 (99,7 TWh) du fait de conditions météorologiques favorables notamment au quatrième trimestre 2023 (cf. figure 4).

Avec une part de 23,4% à la production brute électrique totale, l’éolien terrestre est la principale source de production en Allemagne /3/. Le facteur de charge est estimé à environ 22,8% correspondant à environ 2000 heures équivalent pleine puissance (hepp) sous l´hypothèse d´une puissance moyenne de 59,5 GW au réseau en 2023.

Fig 4 Production 2022_2023 Wind Land
Figure 4 : production mensuelle et cumulée des éoliennes terrestres en 2022 et 2023

Résultats des appels d´offres 2023 et taux de réalisation des volumes adjudiqués depuis 2017

Quatre appels d´offres ont été réalisés en 2023 avec un volume total appelé de 9.830 MW /1/, /4/. Tous les appels d’offres ont été sous-souscrits. Au total un volume de 6.376 MW a finalement été attribué, soit environ 65% du volume appelé, cf. figure 5.

Fig 5 Zuschlagsmengen onshore 2023
Figure 5 : résultats des appels d’offres 2023 de l’éolien terrestre

Le montant d’adjudication moyen pondéré en fonction du volume pour les quatre d’appels d’offres de l’année 2023 s’élève à 7,33 ct/kWh et n’est donc que légèrement inférieur au montant plafond pour 2023, cf. tableau 3.

Le régulateur a annoncé fin 2023 que le montant plafond de la rémunération de référence de 7,35 ct/kWh serait également valable pour 2024 /5/. Suite à la hausse des coûts de construction, cette valeur s’applique depuis fin 2022 dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre.

Pour mémoire : le soutien au développement des installations d´électricité verte est, depuis le 1er juillet 2022, entièrement financé par l´État. Le « Fonds pour le climat et la transformation » (Klima- und Transformationsfonds) fournit des ressources nécessaires pour promouvoir les investissements. Le Fonds est principalement financé par les recettes tirées des systèmes d´échanges de quotas d´émission européens (ETS) et de la taxe carbone nationale /6/.

Le tableau 3 montre les limites maximales (montant plafond) de la rémunération de référence pour un « site idéal » et les montants d´adjudication moyens pondérés en fonction du volume depuis 2019 /6/.

Pour mémoire : la valeur de référence est la somme de la prime de marché et de la valeur marchande moyenne pour un « site idéal », soit 6,45 m/s à 100 m de hauteur. Le montant plafond de cette valeur est fixé par le régulateur.

La valeur de référence pour un « site idéal » est multipliée par un facteur de qualité en fonction du site réel et du rendement de l’éolienne prévue. Donc pour un site réel d´une qualité supérieure, la valeur de référence est multipliée par un facteur < 1  alors que pour un site réel de moindre qualité elle est multipliée par un facteur > 1. 

Donc la rémunération payée à un soumissionnaire retenu peut en réalité être plus haute ou plus basse que le montant d’adjudication.

A titre d’exemple : en Allemagne du sud la vitesse moyenne du vent est nettement plus faible que dans le nord du pays. Pour favoriser la construction des éoliennes dans cette région, la valeur de référence est multipliée par un facteur > 1. Dans les endroits particulièrement défavorables, par exemple en Bavière, la valeur de référence est multipliée par 1,55. Un soumissionnaire ayant obtenu un montant d’adjudication de 7,35 ct/kWh en 2023 reçoit donc une rémunération réelle de 7,35 x 1,55 = 11,39 ct/kWh.

Etant donné que les soumissionnaires n’offrent pas tous le même volume, le régulateur publie également un montant d´adjudication moyen pondéré en fonction du volume. Il s’agit de la rémunération moyenne réellement payée sur 20 ans pour l’ensemble des adjudications en 2023 en tenant compte du volume offert et de la valeur de référence offerte.

T3 AO 2023 Zuschlagswert Wind Land
Tableau 3 : évolution des montants plafonds de la valeur de référence et des montants d´adjudication moyens pondérés en fonction du volume pour les éoliennes terrestres

Depuis la mise en place des appels d´offres en 2017, un volume total de 22,6 GW a été attribué et jusqu´à fin 2023 un volume de 8,8 GW a pu être réalisé, cf. tableau 4.

Avec 11%, le taux de réalisation des adjudications de l´année 2017 était particulièrement mauvais. A l´époque, de nombreuses sociétés détenues par des citoyens (Bürgerenergiegesellschaft), dispensées de l´autorisation préalable selon la loi fédérale allemande de protection contre les nuisances environnementales, avaient reçu des adjudications pour des projets dont la plus grande partie n´a finalement pas été réalisée /7/.

Depuis, le taux de réalisation a nettement augmenté, cf. tableau 4.

T4 Taux de realisation
Tableau 4 : taux de réalisation des volumes adjudiqués depuis 2017/1/

Le volume attribué en 2018 a été réalisé à 81% et en 2019 et 2020, les taux de réalisation ont atteint plus de 90%. En 2021, la réalisation est déjà bien avancée avec un taux de réalisation de 86%.

Le délai de réalisation régulier des adjudications à hauteur de 3,6 GW issues des d’appels d’offres organisées jusqu’à la mi-2021 est arrivé à échéance. Ces adjudications sont soit échues, soit font l’objet d’une prolongation du délai de réalisation.  Pour mémoire : après l’appel d’offres l’adjudicataire dispose de 24 mois pour la mise en service, entre 25 et 30 mois avec pénalité et au-delà de 30 mois l’adjudication est annulée. Une prolongation du délai peut être demandée dans des cas exceptionnels, par exemple en cas de recours au tribunal contre l’autorisation. 

Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030

La loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023) fixe la trajectoire de développement visée pour l’éolien terrestre /6/. Selon la loi, la puissance installée doit atteindre 115 GW à l’horizon de 2030 avec des objectifs intermédiaires de 69 GW en 2024.

La figure 6 montre la puissance au réseau, l’ajout annuel et les prévisions à partir de 2024.

Fig 6 Zubau 2024 bis 2030 Wind Land
Figure 6 : puissance installée et ajout annuel (prévisions à partir de 2024)

Compte tenu des appels d’offres sous-souscrits, des délais de réalisation observés et du démantèlement attendu des anciennes installations, un ajout net de 3,6 à 4,1 GW semble réaliste en 2024 selon DeutscheWindguard /1/. Ce volume serait largement en-dessous des 8 GW nécessaires pour atteindre l’objectif de 69 GW fixé par la Loi pour 2024. 

Parc éolien en mer

Selon Deutsche Windguard /1/, au 31 décembre 2023, une puissance de 8.465 MW était au réseau, soit 1566 éoliennes, cf. tableau 5.

T5 Zubau offshore_2023
Tableau 5 : Parc éolien en mer au 31 décembre 2023 selon /1/

Parmi elles, 27 éoliennes d’une puissance totale de 257 MW ont été connectées au réseau courant 2023 et des modifications de puissance apportées à 222 éoliennes existantes. En outre, 74 nouvelles fondations ont été installées. Les éoliennes correspondantes n’ont pas encore été installées à la fin de l’année 2023.

Configuration moyenne des éoliennes en mer

La configuration moyenne des éoliennes en mer en Allemagne est résumée dans le tableau ci-dessous.

T6 Offshore_Characteristiques 2023
Tableau 6 : configuration moyenne des éoliennes en mer selon /1/

Pour l’ensemble des éoliennes en mer en service à la fin de l’année 2023, la puissance moyenne s’élève à environ 5,4 MW. De nombreuses éoliennes en service ont subi des augmentations de puissance (repowering).

Avec une puissance unitaire de 9,5 MW, les éoliennes mises en service en 2023 sont les plus puissantes jamais installées en Allemagne.

A partir de 2024 il est prévu de rehausser la puissance unitaire à 11 MW puis à 15 MW à partir de 2025.

En ce qui concerne le diamètre du rotor et la hauteur du moyeu, les futurs projets à l’horizon de 2025 prévoient également des augmentations significatives par rapport aux éoliennes en service en 2023. Les diamètres des rotors devraient atteindre entre 174 et 236 mètres et la hauteur des moyeux entre 107 et 145 mètres.

Les éoliennes au large des côtes allemandes sont pour la plupart situées à au moins 40 km de la côte et à des profondeurs d’eau de 20 m et plus. Seules quelques éoliennes sont situées dans des eaux peu profondes à proximité de la côte. Les éoliennes en service sont situées en moyenne à une profondeur d´eau de 30 m et d’une distance de la côte de 75 km. Les parcs éoliens les plus éloignés se trouvent à plus de 120 km de la côte et à des profondeurs d´eau allant jusqu´à 44 m.

Les fondations dites à « monopieu » restent la technologie la plus utilisée en Allemagne. Les éoliennes mises en service en 2023 utilisent toutes ce type de fondation.

Répartition des éoliennes en Mer du Nord et Mer Baltique sur le territoire allemand

Les éoliennes en mer sont réparties sur la Mer du Nord et la Mer Baltique. Fin 2023, la Mer du Nord dispose de 7.110 MW (1307 éoliennes) et la Mer Baltique de 1.354 MW (259 éoliennes) connectées au réseau.

Fig 7 Offshore_Uebersichtskarte 2023
Figure 7 : Répartition des éoliennes sur la Mer du Nord et la Mer Baltique selon /1/

Alors qu’en 2023 la mise en service des nouvelles éoliennes a eu lieu exclusivement en Mer Baltique, le développement futur des éoliennes en mer se concentrera sur la Mer du Nord. 

Production en 2023

Selon Deutsche WindGuard /1/, la production, lissée sur l’année, s’élève à 23,5 TWh en 2023, soit une légère baisse par rapport à 2022 (25,1 TWh), cf. figure 8.

Fig 8 production Offshore_2023
Figure 8 : production mensuelle et cumulée des éoliennes en mer en 2022 et 2023 selon /1/

Le facteur de charge est estimé à environ 32,3% correspondant à 2830 heures équivalent pleine puissance (hepp) sous l´hypothèse d’une puissance moyenne de 8,3 GW au réseau. Cette performance assez médiocre s’explique notamment par le manque d’interconnexions et par des travaux de maintenance sur les parcs éoliens. A titre d’exemple, en 2020 environ 3520 hepp ont été atteint /16/.

Résultats des appels d´offres 2023

En 2023 deux appels d’offres ont eu lieu pour un volume total appelé de 8,8 GW.

L’amendement à la Loi sur l’éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG), entré en vigueur début 2023, prévoit un changement du système d’adjudication à partir de 2023 /1/.

Outre les sites qui ont déjà été soumis à une analyse préalable par l’Office Fédéral de la Navigation Maritime et de l’Hydrographie (BSH) concernant l’environnement marin /8/, le sol de construction et les conditions atmosphériques et océanographiques, des sites non préalablement analysés sont désormais mis aux enchères /9/. La procédure d’adjudication diffère selon le site concerné.

Le premier appel d’offres d’un volume de 7 GW a concerné trois sites en Mer du Nord et un site en Mer Baltique pour une mise en service prévue en 2030. Il s’agit de sites non préalablement analysés, c’est-à-dire qu’il incombe aux soumissionnaires retenus de le faire examiner eux-mêmes.

Selon la Loi sur l’éolien en mer la valeur maximale de référence (montant plafond) a été fixée à 6,2 ct/kWh pour 2023. Mais plusieurs « offres à zéro centime » avaient été reçues pour les quatre concessions, signifiant que les soumissionnaires étaient prêts à construire les installations sans garantie de l’Etat sur un prix de vente de leur production. Pour les départager, un second tour d’enchères non plafonnées et attribuées sur la base du prix uniquement a été organisé.

Les géants britannique BP et français TotalEnergies sont sortis vainqueurs du processus d’enchères en acceptant de débourser 12,6 Mrds€ pour l’attribution des concessions maritimes /10/.

TotalEnergies a été désigné attributaire de deux concessions pour 5,82 Mrds€, une en Mer du Nord de 2 GW et une autre en Mer Baltique de 1 GW /11/. Le britannique BP a obtenu deux concessions de 4 GW au total en Mer du Nord pour 6,78 Mrds€ /12/.

L’adjudication s’accompagne du droit à un raccordement au réseau – financé via le tarif d´utilisation des réseaux – et à la possibilité d’exploiter les parcs pendant 25 ans, extensible à 35 ans.

Selon le régulateur allemand 90% des recettes des enchères seront utilisées pour réduire les coûts de l’électricité, le reste étant consacré à la conservation marine et à des mesures de pêche durable. Les deux entreprises payeront à l’Etat Allemand 10% du montant total dans un délai d’un an après l’attribution de la concession soit jusqu’à juillet 2024. Les 90% restants seront versés par tranches annuelles aux gestionnaires des réseaux de transport d’électricité en charge de la connexion des éoliennes au réseau sur une période de 20 ans à partir de la mise en service des sites.

En aout 2023, un deuxième appel d´offres a eu lieu : un volume de 1.800 MW a été appelé pour quatre sites en Mer du Nord avec une mise en service prévue en 2028. Ces sites ont déjà été soumis à une analyse préalable (voir plus haut). Outre la volonté des soumissionnaires de verser une somme pour chaque concession, des critères tels que la décarbonisation du développement de l’éolien en mer et l’utilisation de technologies de fondation respectueuses de l’environnement ont été pris en compte.

L’Agence Fédérale des Réseaux a publié en août 2023 le résultat /13/. Les quatre concessions maritimes ont été attribuées à « zéro centime » c’est-à dire sans garantie de l’Etat sur un prix de vente de production et contre le payement d’une somme totale de 784 M€ pour l’attribution des concessions maritimes.

Deux concessions (900 MW) ont été attribuées à la société Nordseecluster B GmbH une filiale de RWE. RWE avait également obtenu une troisième concession maritime de 630 MW (Nordlicht II) qui par la suite a été transférée à Vattenfall qui a fait usage de son droit de préemption /1/.

La quatrième concession de 270 MW (Waterkant) a été attribuée à la société Luxcara, un gestionnaire indépendant spécialisé dans les investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures, basé à Hambourg.

Comme pour le premier appel d’offres, un acompte de 10% est payé à l’État Allemand dans un délai d’un an après l’attribution de la concession. Le solde sera versé par tranches annuelles aux gestionnaires des réseaux de transport d’électricité en charge de la connexion des éoliennes au réseau sur une période de 20 ans à partir de la mise en service des parcs éoliens.

L’adjudication s’accompagne du droit à un raccordement au réseau – financé via le tarif d´utilisation des réseaux – et à la possibilité d´exploiter les parcs pendant au moins 25 ans.

Selon le régulateur, les résultats des appels d’offres illustrent l’attractivité des concessions maritimes sur le territoire allemand.

Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030, 2035 et 2045

La prévision de développement de l’éolien en mer à l’horizon de 2030 est présentée dans la figure 9.

Fig 9 Zubau offshore 2024_2023
Figure 9 : évolution de la puissance des éoliennes en mer raccordées sur le territoire allemand et prévisions pour 2030 selon /1/

Selon l’amendement à la Loi sur l’éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG), entré en vigueur début 2023, il est prévu que la puissance totale soit portée à au moins 30 GW d´ici 2030, 40 GW d´ici 2035 et 70 GW d´ici 2045. Actuellement un objectif de 50 GW est visé d’ici 2035 soit un dépassement de l’objectif fixé par Loi.

Fig 10 objectifs Offshore_2030_2035_2045
Figure 10 : éoliennes en mer en service, prévisions à l´horizon de 2030, 2035 et 2045 selon /1/

Pour atteindre l’objectif de 2030, un volume de 8 GW doit encore être mis en adjudication et attribué en 2024, cf. figure 10.

Pour atteindre l’objectif de 2030, il faut que tous les projets attribués soient effectivement réalisés. C’est là que réside un certain risque suite à la hausse des coûts sur les différents composants de la chaîne d’approvisionnement.

Bien que l’attractivité des concessions maritimes sur le territoire allemand soit toujours élevée compte tenu des résultats d’appels d’offres, on peut toutefois observer dans d’autres pays européens des hésitations croissantes des grands développeurs à engager des projets pour lesquels ils ont été sélectionnés /14/. A titre d’exemple, on peut citer le cas au Royaume-Uni où Vattenfall avait abandonné son projet de Boreas Norfolk d’une capacité de 1,4 GW suite à la forte hausse des coûts de construction /15/.

Références

/1/ Deutsche WindGuard (2024) Windenergie-Statistik: Jahr 2023, en ligne : https://www.windguard.de/jahr-2023.html

/2/ UBA (2024) Monatsbericht zur Entwicklung der erneuerbaren Stromerzeugung und Leistung in Deutschland, Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien Statistik (AGEE Stat), Stand 12.01.2024, en ligne :01-2024_agee-stat_monatsbericht_final

/3/ Allemagne Energies (2024) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2024/01/11/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2023/

/4/ BNetzA (2024) Ausschreibungen 2023, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Ausschreibungen/start.html

/5/ BNetzA (2023) Festlegung der Höchstwerte für EE-Ausschreibungen, Communiqué de presse du 14.12.2023, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20231214_HoechstwerteEE.html?nn=659670

/6/ Allemagne Energies Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/7/ FA Wind (2023), Ausschreibungen für Windenergieanlagen, Fachagentur Windenergie an Land, en ligne : https://www.fachagentur-windenergie.de/themen/ausschreibungen/

/8/ BNetzA (2023) Ausschreibungen nach § 50 Wind­SeeG für die zentral voruntersuchten Flächen N-3.5, N-3.6, N-6.6 und N-6.7, Ausschreibungen im Jahr 2023, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Beschlusskammern/BK06/BK6_72_Offshore/Ausschr_vorunters_Flaechen/uebersicht_ausschreibungen_2023.html?nn=863118

/9/ BNetzA (2023) Ausschreibungen nach § 16 Wind­SeeG für die nicht zentral voruntersuchten Flächen N-11.1, N-12.1, N-12.2 und O-2.2, Ausschreibungen im Jahr 2023, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Beschlusskammern/BK06/BK6_72_Offshore/Ausschr_nicht_zentral_vorunters_Flaechen/ausschreibungen%20_2023.html?nn=863118

/10/ BNetzA (2023) Ergebnisse der Offshore-Ausschreibungen aus dem dynamischen Gebotsverfahren, Communiqué de presse du 12.07.2023, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230712_OffshoreErgebnisse.html?nn=659670

/11/ TotalEnergies (2023) TotalEnergies remporte deux concessions maritimes pour développer deux fermes éoliennes géantes en Allemagne, Communiqué de presse du 12.07.2023, en ligne : https://totalenergies.com/fr/medias/actualite/communiques-presse/totalenergies-remporte-deux-concessions-maritimes-developper

/12/ BP (2023), bp erhält Zuschlag für 4 GW in Auktion zum Einstieg in den deutschen Offshore-Windmarkt, Communiqué de presse du 12.07.2023, BP Europa SE, en ligne : https://www.bp.com/de_de/germany/home/presse/pressemeldungen/pm-2023-07-12-bp-einstieg-in-den-deutschen-offshore-windmarkt.html

/13/ BNetzA (2023) Ergebnisse der Offshore-Ausschreibungen für zentral voruntersuchte Flächen, Communiqué de presse du 10.08.2023, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230810_OffshoreErgebnisse.html?nn=659670

/14/ Beeker, Étienne ; Finon, Dominique (2023) L’éolien offshore européen dans un trou d’air, telos, en ligne : https://www.telos-eu.com/fr/economie/leolien-offshore-europeen-dans-un-trou-dair.html

/15/ Power Technology (2023) Vattenfall halts 1.4GW North Sea wind project amid rising costs, en ligne : https://www.power-technology.com/news/vattenfall-halts-offshore-wind-project/?cf-view&cf-closed

/16/ BDEW (2022) Jahresvolllaststunden. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft e.V. En ligne : https://www.bdew.de/service/daten-und-grafiken/jahresvolllaststunden/.

Allemagne : les chiffres clés de l’énergie en 2023

Texte mis à jour le 26.04.2024

Temps de lecture : 2 min (résumé), 30 min (article entier)

Les 10 points essentiels 

  1. La consommation énergétique en Allemagne marque un recul d’environ 8% par rapport à 2022 et atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Les principales raisons sont le faible développement économique et les prix élevés de l’énergie ;
  1. Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique ;
  1. La production brute d´électricité recule d’environ 11% par rapport à 2022. Depuis mi-avril 2023 le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne ;
  1. Amplifiée par la baisse générale de la production brute d’électricité, la part des énergies renouvelables dépasse – lissée sur l´année – pour la première fois la moitié de la production d’électricité ;
  1. L’Allemagne a été en 2023 importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 20 ans ;
  1. La modernisation du réseau de transport n’avance que lentement. Seuls 20,2% des 14.000 km prévus à l´horizon de 2035 ont été réalisés mi-2023. Le développement des énergies renouvelables, associé à des retards dans la modernisation du réseau provoque depuis 2015 une forte augmentation des coûts d’actions correctives ayant pour but d’éviter la congestion du réseau de transport ;
  1. L’approvisionnement en gaz naturel a été assuré en 2023 grâce à l’augmentation des livraisons en provenance d’Europe occidentale et à l’achat de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ;
  1. Actualisation en 2023 de la stratégie nationale pour l’hydrogène, adoptée en 2020. Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert » ;
  1. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué d’environ de 10%. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie. Les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale dʼ1 kWh d’électricité restent toujours à un niveau élevé ;
  1. Le prix de gros moyen de l’électricité s’est situé en 2023 à moins de la moitié de celui de 2022 et a atteint à nouveau le niveau de 2021. En revanche, le prix d’électricité pour le consommateur résidentiel a encore augmenté en 2023. Il est supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe.
Anfang
Source : Bundesnetzagentur

Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Stockage de l’énergie

Échanges transfrontaliers d´électricité

Réseaux de transport

  • Réseaux en mer
  • Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Prix de l´électricité

  • Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
  • Episodes de prix négatifs au marché journalier
  • Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Economie de l’hydrogène en 2023

Émissions de gaz à effet de serre

  • Révision de la Loi sur la Protection du Climat        

Perspectives 2024  

Références

Consommation énergétique

La consommation énergétique en Allemagne atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a) la consommation d´énergie primaire s’élève à 2982 TWh (256 Mtep) en 2023, cela correspond à une baisse de 8,1% par rapport à l´année précédente (2022 : 3243 TWh ou 279 Mtep).

La principale raison est l’impact de la crise énergétique sur l’industrie allemande. En raison des coûts élevés de l’énergie, des charges administratives importantes et de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, de nombreuses entreprises ont fortement réduit leur production en 2022.

Les températures légèrement plus chaudes par rapport à 2022 n’ont eu qu’un faible effet. Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse de 7,4%.

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique. Le pétrole reste l’énergie fossile la plus importante en 2023, suivi par le gaz naturel.  

La consommation des produits pétroliers a connu une baisse de 6,8% par rapport à 2022 notamment à cause de la réduction de consommation du gazole, du fioul et des livraisons d’essence « brute » à l’industrie chimique.

La consommation de gaz naturel baisse de 2,4% en 2023, principalement due à des économies réalisées par les consommateurs.

Compte tenu de la baisse de la consommation énergétique, le gaz naturel et le pétrole ont enregistré malgré tout une légère augmentation de leur part, cf. figure 1.

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 17,0% de la consommation d’énergie primaire contre 19,8% en 2022, cf. figure 1

La consommation du lignite baisse de 23,4% en 2023 par rapport à 2022 notamment en raison d’un recul des livraisons vers les centrales électriques.

La consommation de la houille baisse de 18,5 % en 2023 par rapport à 2022. Alors que la baisse de la consommation dans l’industrie sidérurgique est restée relativement modérée (-1,8 %), son utilisation dans les centrales électriques a baissé d’environ un tiers. 

La part du nucléaire a baissé de près de 80% en 2023, en raison de la fermeture définitive des trois dernières centrales le 15 avril 2023. Depuis, le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne. Pour plus d’informations sur le nucléaire voir aussi (Allemagne Energies 2).

Fig 1 Energie primaire 2023
Figure 1 : consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire atteint 19,6% (2022 : 17,5%). Cause principale : une production d’électricité élevée des éoliennes terrestres, surtout au second semestre, grâce à une météo favorable.

La part « divers » a augmenté, principalement du fait que l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité en 2023.

Pour une comparaison des bilans énergétiques entre l’Allemagne et la France, voir (Allemagne Energies 4).

Consommation et production d’électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 517 TWh (2022 : 540 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une hausse des prix de l´électricité et une météo légèrement plus clémente (BDEW 2023b).

Sous l’hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute d´électricité augmente à 52% contre 47% en 2022 (BDEW 2023b). Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a enregistré un net recul d’environ 11% par rapport à 2022, cf. figure 2 et s’élève à 508 TWh (2022 : 569 TWh).

Le mix électrique en 2023 a été principalement influencé par la mise hors service des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2) et une baisse de production d´électricité du couple lignite/houille.

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de 6%. Amplifiée par la baisse générale de la production brute de 61 TWh, leur part passe – lissée sur l´année – à presque 53% (267 TWh), contre environ 44% en 2022 (252 TWh). Toutefois, la production en 2023 est inférieure de 20 TWh à l’objectif de 287 TWh fixé par la Loi. Pour plus d’informations sur les énergies renouvelables, voir aussi (Allemagne Energies 3).

Toutefois, les énergies conventionnelles continuent à contribuer pour plus de 47% à la production brute malgré une baisse de 24%. Environ 54% de la production brute ont été assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).

Fig 2 Stromproduktion brutto 2023
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2023

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2023 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective (BDEW 2023b).

Tabelle 1 evolution production electricite 2022-2023
Tableau 1 : production et consommation d’électricité 2022 et 2023 ; * production brute : la production brute est la quantité d’électricité mesurée aux bornes des alternateurs d’une centrale, elle inclut donc la consommation d’électricité par les auxiliaires de la centrale et les transformateurs ; ** production nette : la production nette d’électricité est celle mesurée/évaluée à la sortie d’une centrale, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales ; *** Consommation intérieure brute : la production brute plus le solde des échanges transfrontaliers d’électricité ; **** Consommation finale : électricité réellement consommée par les différentes typologies de consommateurs soit la consommation intérieure brute moins la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des installations de production, moins la différence entre l’électricité consommée en pompage et produite en turbinage des STEP (Stations de Transfert d’Énergie par Pompage) et moins les pertes dans les réseaux de transport et de distribution

C’est l’éolien terrestre qui a produit le plus d’électricité grâce à des conditions météorologiques favorables notamment au deuxième semestre.

En revanche, la production des éoliennes maritimes est en baisse par rapport à 2022. Cela s’explique notamment par le manque d’interconnexions et des travaux de maintenance sur les parcs éoliens. 

Le photovoltaïque a connu en 2023 une augmentation de la puissance installée de l’ordre de 20%, cf. tableau 2. Malgré cela, la production à partir du solaire n’a augmenté que d’environ 5% : le temps moins ensoleillé après l’année record de 2022 a été compensé par la forte augmentation de la puissance installée en 2023.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse recule légèrement par rapport à 2022. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour presque un cinquième à la production renouvelable en 2023.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, a augmenté en raison d’une pluviométrie plus importante qu’en 2022. La production hydroélectrique a ainsi pu se normaliser quelque peu.

La figure 3 montre l’évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2024b). La production renouvelable a augmenté d’un facteur 2,6 depuis 2010. Elle a dépassé en 2018 la production du charbon (couple houille/lignite). La production du charbon a diminué de moitié depuis 2010 et atteint en 2023 à nouveau le niveau de 2020 après une hausse en 2021 et 2022.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2023
Figure 3 : évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne saurait dissimuler que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2024b).

Fig 4 Production co2frei 2023
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Le bilan s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023. En chiffres absolus, la production d’électricité bas-carbone est retombée à son niveau de 2015, les énergies renouvelables n’ayant pas été en mesure de compenser la perte de production des centrales nucléaires.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2023 d´environ 248 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont 80,3 GW de centrales thermiques à flamme et 168 GW d´installations renouvelables, cf. tableau 2 (BDEW 2023a ; BNetzA 2023a ; UBA 2024b).

Parmi le parc thermique à flamme, environ 7 GW (gaz, fioul, houille) sont maintenus en réserve stratégique ou provisoirement arrêtés et environ 8 GW (lignite, houille, fioul) ont été temporairement réactivés sur le marché électrique suite à la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine. Il est actuellement prévu que leur présence au marché électrique se terminera fin mars 2024 (BReg 2023b).

Tabelle 2 Puissance installee 2022_2023
Tableau 2 : Puissance installée en 2022 et 2023 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation, mais hors systèmes de stockage

Le gouvernement maintient actuellement son objectif de sortie de la production d´électricité à partir de la houille et du lignite d´ici 2030 dans « l´idéal ».

Pour pallier la variabilité des énergies renouvelables la capacité des centrales à gaz existantes est insuffisante pour se substituer au charbon. C’est pour cela que le gouvernement fédéral prévoit jusqu’à 30 GW de moyens pilotables bas carbone supplémentaires à l’horizon de 2035 en incluant des centrales à biomasse et des grandes batteries de stockage d’électricité (Allemagne Energies 2023b ; BT 2023a ; EWI 2023). Les investisseurs prêts à se lancer dans de tels projets n’ont pas encore été trouvés : les risques sont trop importants. Le gouvernement voulait présenter une « stratégie » pour leur financement. Mais aucune décision n’a été prise en 2023.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 5 montre pour chaque filière la relation entre la puissance au réseau et la production réalisée en 2022 (BDEW 2023a ; BDEW 2023b ; AGEB 2024b). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent environ 63% de la puissance nette totale au réseau.

Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à 40% seulement. Cela correspond aux facteurs de charge moyen suivants : photovoltaïque  ~ 9%, éolien terrestre  ~ 22% et éolien maritime ~ 32% sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très variable au cours de l´année.

Fig 5 Capacite_production en pourcent 2023
Figure 5 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2023 (hors installations de stockage d´énergie) Le nucléaire est pris en compte au prorata temporis jusqu’au 15.04.23

A titre de comparaison, les trois dernières centrales nucléaires (puissance nette 4,055 GW) ont produit en prolongation du cycle 6,8 TWh net jusqu’au 15 avril 2023. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 66%.

Stockage d’énergie

L´Allemagne dispose fin 2023 d´une capacité de stockage totale d´environ 16,5 GW (Agora Energiewende 2024).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) en Allemagne y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,4 GW. Leur potentiel est largement exploité.

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

La capacité des batteries industrielles et domestiques s´élève à environ 7,2 GW. Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée en 2023 à environ 11 GWh par cycle de charge (Agora Energiewende 2024 ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2023).

STEP et batteries ensemble pourraient théoriquement couvrir la demande moyenne en électricité en Allemagne pendant une heure environ.

Échanges transfrontaliers d’électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l’électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

L’Allemagne a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 2002 (AGEB 2024a). Le solde des échanges s’est creusé en particulier pendant l’été.

Le régulateur allemand a souligné que le fait d’être importatrice nette d’électricité ne permet pas de conclure à un manque de capacités de production. De nombreux pays européens voisins produisent leur électricité à un prix nettement inférieur, ce qui signifie qu’il peut être plus judicieux d’importer de l’électricité non seulement en raison du manque de capacité des centrales, mais aussi pour des raisons économiques.

Néanmoins, ces données indiquent que le mix de production allemand est comparativement cher par rapport à d’autres pays européens.

Le solde de la France a été légèrement exportateur (2,4 TWh) à la frontière avec l’Allemagne et la Belgique (région Core), contrairement aux années 2021 et 2022 (RTE 2024).

Fig 6 export _ import 2023
Figure 6 : solde des échanges physiques d´électricité en TWh

Réseaux de Transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Les besoins en réseaux (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) sont évalués à environ 14.000 km à l´horizon de 2035 dont environ 5.600 km en courant continu (BMWK 2023e). Seuls 2822 km (environ 20,2%) étaient réalisés en 2023, 1.846 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023b).

Le plan de développement du réseau 2037/2045 dont la confirmation finale est prévue en 2024 décrit pour la première fois un réseau qui permet d’obtenir un système électrique climatiquement neutre d’ici 2037 et la neutralité carbone d’ici 2045. Ce plan à l’horizon de 2037/2045 nécessite un développement considérable de lignes électriques supplémentaires sur terre et en mer par rapport au plan actuel de 2035 (Allemagne Energies 1).

Réseaux en mer

Le gouvernement a fixé un objectif de développement des parcs éoliens en Mer du Nord et Mer Baltique d’ici 2050, pour atteindre 30 GW de puissance en service à l’horizon 2030, 40 GW d’ici 2035 et 70 GW à l’horizon de 2045. Les besoins en réseaux à l’horizon de 2030 sont évalués à environ 6400 km.

Coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport 

L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays.

Depuis 2015 ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une flambée des coûts des actions correctives (i.e. redispatching, countertrading, centrales de réserve et écrêtement de la production renouvelable) en raison du développement de la production d’énergie renouvelable, associé à des retards dans la modernisation du réseau de transport. L’éolien en mer est la source de production la plus écrêtée.

Fig 7 Netzengpassmassnahmen
Figure 7 : évolution des coûts de stabilisation du réseau de transport

En 2022 les coûts liés à l´équilibrage ont dépassé les 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu’en 2021. Pour plus d’informations, cf. (Allemagne Energies 2023a).

Pour 2023, selon l’estimation du régulateur (BNetzA 2023c), les coûts totaux s’élèvent à presque 3,8 Mds€ y compris l’indemnisation pour l’écrêtement de la production d’énergies renouvelables et de la cogénération. Malgré la réduction des coûts par rapport à 2022 (4,2 Mds€) – principalement en raison de la baisse du prix de gros – ils restent à un niveau élevé. Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Deux des trois centrales nucléaires arrêtées mi-avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.

Le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaires au redispatching ou au countertrading, risque d´accroitre d’avantage les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir.

Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2017) a décidé la mise en service de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). 

Prix de l’électricité

Evolution des prix sur le marché de gros de l’électricité

Suite à la crise énergétique en 2022, née de la guerre en Ukraine, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne avait plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020.

En 2023 le prix de gros moyen d’électricité s’est élevé à 95,18 €/MWh (BNetzA 2024a). Il représentait ainsi moins de la moitié de la valeur de 2022 (235,45 €/MWh) et a chuté au niveau de 2021, cf. figure 8.

La tension sur le prix de gros de l’électricité s’est résorbée en 2023 sous l’effet de deux dynamiques : d’une part le prix du gaz a sensiblement baissé avec la diversification des approvisionnements (voir figure 10) et d’autre part la réduction de la consommation d’électricité résultant des prix élevés.

Le prix reste toutefois largement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Le remplacement du gaz russe, moins onéreux, par le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), conduira vraisemblablement à un maintien des prix à des niveaux plus élevés que ceux observés avant la crise énergétique.

La figure 8 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2024a).

Fig 8 Prix spot 2019_2023
Figure 8 : moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2023, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg.

Tabelle 3 prix spot 2023
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

En 2023, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 11 septembre entre 19h et 20h avec 524,27 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables variables, rendant nécessaire une production conventionnelle accrue.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré le dimanche 2 juillet 2023 entre 14h et 15h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a été supérieure à la consommation. Le prix de gros est tombé à – 500 €/MWh, soit à la valeur la plus basse autorisée par epexspot (EPEX SPOT 2023).

Bien que le niveau de prix sur le marché spot ait diminué en 2023, le prix d’électricité pour le consommateur reste supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatif a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatif a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité. Mais en 2023 une forte hausse du nombre de pas horaires à prix négatif a été observée à nouveau et le record de 2020 a été battu.

Fig 9 Nombre heures prix negatif 2020_2023
Figure 9 : pas horaires à prix négatif par trimestre sur le marché journalier entre 2020 et 2023 (BNetzA 2024a)

Alors que les exploitants d’une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations. 

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

Au total, 260 des 301 pas horaires à prix négatif sont tombés sous la « règle de 4 heures » en 2023, c’est-à-dire aucune rémunération n’a été versée et les exploitants des installations d’énergies renouvelables ont dû prendre à charge les frais des prix négatifs pour l’injection de leur électricité au réseau (FFE 2024).

Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Malgré la baisse du prix sur le marché de gros en 2023, le prix de l’électricité pour les clients résidentiels a augmenté de 25% par rapport à 2022 (BNetzA 2024c). Il est supérieur d’environ 40% par rapport au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Les composants de prix réglementés par l’Etat (taxes, redevances et tarif d’utilisation des réseaux) représentent presque la moitié, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022.

Fig 10 Haushaltskundenpreis
Figure 10 : évolution et décomposition des prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Selon les premières données (BNetzA 2024b), la consommation de gaz naturel a diminué de 4,3% en 2023 pour atteindre 810 TWh, soit le niveau le plus bas depuis la première moitié des années 90, cf. tableau 4.

Tabelle 4 Bilanz Erdgasversorgung
Tableau 4 : Approvisionnement en gaz naturel en Allemagne en 2022 et 2023

La consommation des clients résidentiels, de l’artisanat et du secteur  tertiaires représente environ 41% et celle de l’industrie 59% en 2023.

L‘Allemagne est fortement dépendante des importations. Elle dispose seulement d’un petit nombre de gisements nationaux de gaz naturel qui ont fourni 37 TWh en 2023 (2022 : 44 TWh). A cela s’ajoute l’injection de biogaz dans le réseau.

De ce fait, l’industrie gazière a été fortement marquée par les conséquences de la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine. Cela a provoqué une importante modification dans l’origine des importations. Alors que jusqu’à 2022 plus de 60% du gaz naturel consommé en Allemagne provenaient encore de la Russie, ces importations ont fortement diminué courant 2022 (BNetzA 2023d).

Depuis septembre 2022, l’Allemagne n’importe plus de gaz naturel de la Russie. Ces livraisons ont été compensées par une augmentation des importations notamment en provenance de Norvège, des Pays-Bas et de la Belgique, cf. figure 11.

Fig 10 Gasimporte
Figure 11 : Importations annuelles et origine des importations du gaz naturel consommé en Allemagne

En outre, l’infrastructure gazière a été complétée par des terminaux méthaniers destinés à accueillir le gaz naturel liquéfié (GNL). En décembre 2023, trois terminaux étaient en service, trois autres sont en projet.

Au total, 69,7 TWh ont été importés en 2023 via les terminaux méthaniers en Allemagne. Cela correspond à une part de 7,2% des importations totales de gaz naturel.

Parmi les 6 pays d’origine du GNL, les États-Unis dominaient avec une part de 84 %. Les 5 autres pays, à savoir la Norvège, l’Angola, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et Trinité-et-Tobago, représentaient chacun entre 1 et 5 % (BDEW 2023a).

Bien que l’approvisionnement en gaz naturel ait été assuré en 2023, la situation de l’approvisionnement reste soumise à des risques (facteurs de risque : hiver froid, défaillance des importations norvégiennes ou d’une partie des importations de GNL).

Economie de l’hydrogène en 2023

L’hydrogène fait l’objet d’une attention croissante ces dernières années. Conscient de l’importance de l’hydrogène, le gouvernement allemand avait adopté en 2020 la « Stratégie nationale pour l’hydrogène ». L’objectif était de faire de l’hydrogène une technologie clé dans le cadre de la transition énergétique en particulier dans les industries qui ne peuvent pas utiliser directement l´électricité.

La stratégie nationale a été actualisée en 2023 dans le but de mettre à disposition suffisamment d’hydrogène « vert » et ses dérivés à l’horizon de 2030 (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023a). Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

Jusqu’à présent, l’hydrogène « vert » ne joue pratiquement aucun rôle en Allemagne. La majeure partie des environ 57 TWh d’hydrogène actuellement produits provient de sources fossiles, principalement par le reformage du gaz naturel à la vapeur d’eau et la gazéification à partir de charbon. En outre, de l’hydrogène est généré comme sous-produit dans l’industrie chimique (actuellement 9,4% de la production totale).

Pour l’année 2030, la demande totale en hydrogène et ses dérivés est estimée à 95 – 130 TWh. Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement de la capacité d’électrolyse nationale.

La capacité d’électrolyse en Allemagne s’élève actuellement à environ 110 MW, selon les estimations de la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW 2023a). Il est prévu de mettre en place au moins 10 GW d´électrolyseurs d´ici 2030 pour la production d’hydrogène « vert ». Près de 20 % de la capacité visée de 10 GW seraient déjà en construction ou en projet, avec l’objectif d’une mise en service d’ici 2030. La production nationale de l’hydrogène « vert » pourrait se situer entre 22 et 28 TWh en 2030.

Actuellement, l’importation ou l’exportation d’hydrogène vers et depuis l’Allemagne est quasiment inexistante, notamment en raison du manque d’infrastructures nécessaires à cet effet – par exemple des canalisations ou des terminaux d’importation.  Le gouvernement prévoit la mise en place d´ici 2032 d’un premier réseau d´hydrogène d’une longueur d’environ 9.700 km. Environ 60% du réseau consisteraient en canalisations reconverties et 40% de canalisations nouvellement construites (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023c).

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique, il doit être créé. Le processus de production d´hydrogène « vert » est électro-intensif et les pertes de transformation par électrolyse sont élevées. La production nationale étant insuffisante pour couvrir la demande en 2030, il est également prévu de mettre en place une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

La question de savoir sur quelles quantités d’hydrogène « vert » les parties prenantes (producteurs, fournisseurs et acheteurs) peuvent compter et à quel prix il sera négocié à l´avenir est d´une importance fondamentale pour évaluer son rôle dans le futur mix énergétique. Selon les études actuelles, l’hydrogène serait en 2030 encore 3 à 5 fois plus cher que le gaz naturel en Allemagne (EWI 2023).

Émissions de gaz à effet de serre

Selon les premières estimations de l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA 2024c), les émissions de gaz à effet de serre ont diminué en 2023 d’environ 10% à 674 Mt CO2éq soit une réduction de l’ordre de 76 Mt CO2éq, cf. figure 12. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie.

Les secteurs de l’énergie (- 52 Mt CO2éq) et de l’industrie (- 13 Mt CO2éq) ont réalisé les réductions les plus importantes.

Les secteurs du bâtiment (- 8 Mt CO2éq) et des transports (- 2 Mt CO2éq) n’atteignent pas les objectifs 2023 de la Loi de Protection du Climat. La raison principale est la lenteur de l’électrification de ces secteurs : les voitures électriques représentent à peine 20% des nouvelles immatriculations, comme c’était déjà le cas en 2022. Pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures électriques en 2030, la part des nouvelles immatriculations devrait passer à 90 % dans les années à venir. 2023 a été une année record pour l’installation des pompes à chaleur, mais aussi pour les chauffages au gaz : les chauffages fossiles se sont vendus environ 2,5 fois plus que les systèmes de chauffage climatiquement neutre.

Les émissions du secteur électrique, soit les émissions de l’ensemble des installations de production d’électricité en Allemagne y compris les installations dans l’industrie, ont diminué d’environ 21% et atteignent 177 Mt CO2éq en 2023 (2022 : 224 Mt CO2éq) selon les calculs provisoires (BDEW  2023a, Agora Energiewende 2024). En cause, notamment la baisse de plus d’un quart de la production électrique du couple lignite/houille. Le recul de la production brute d’électricité de 11% et de la consommation nationale d’environ 4% (voir plus haut) a renforcé cette évolution.  

Les émissions pour la production d’électricité représentent actuellement autour de 26% des émissions territoriales en Allemagne contre environ 5% en France (RTE 2023).

Fig 11 emission 2023
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030 (UBA 2024a ; UBA 2024c)

En raison de la forte baisse de production du couple lignite/houille les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale d’électricité dʼ1 kWh ont légèrement baissé pour s’établir à environ 370 g CO2/kWh (2022 : 434 g CO2/kWh), cf. figure 13 (BDEW 2023a ; UBA 2023).

Fig 12 Emissionen Strommix
Figure 13 : Émissions de CO2 de la production d’électricité

Malgré le développement massif des énergies renouvelables, l’intensité carbone de la production d’électricité est toujours élevée et largement supérieure au niveau européen : 0,26 kg CO2/kWh en 2021 selon (MTE 2023). Bien que très variable en termes de production d’électricité et de CO2 par heure, la moyenne allemande est environ 7 fois supérieure à la moyenne française.

Révision de la Loi sur la Protection du Climat

La loi en vigueur depuis 2021 avait fixé des objectifs annuels en matière d´émissions de gaz à effet de serre pour chaque secteur entre 2020 et 2030. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 65% d’ici 2030 par rapport à 1990. Si les objectifs ne sont pas atteints dans certains secteurs, les ministères compétents doivent présenter des mesures immédiates pour y remédier.

En juin 2023 le gouvernement a adopté une révision de la Loi sur la Protection du Climat (BReg 2023a). Les objectifs sectoriels ont été supprimés et remplacés par le bilan global couvrant tous les secteurs. Cela signifie qu’il sera possible de compenser entre les secteurs. Si, par exemple, le secteur des transports n’atteint pas ses objectifs, cela peut être compensé par d’autres secteurs ayant dépassé leurs objectifs. L’essentiel est que l’objectif global de réduction annuelle des émissions de gaz à effet de serre soit atteint.

La révision de la loi est critiquée par des associations de protection du climat craignant une érosion des objectifs climatiques de l’Allemagne. Le parlement a finalement donné son feu vert en avril 2024. 

En lien avec la révision de la Loi sur la Protection du Climat, un programme de protection du climat (Klimaschutzprogramm 2023) a été adopté par le gouvernement en octobre 2023 (BMWK 2023b) pour se rapprocher de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce programme regroupe de nombreuses nouvelles mesures notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports. En revanche, même si toutes les mesures étaient mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baisseraient pas assez vite et occasionneraient un gap d’environ 200 Mt CO2éq d´ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat (Allemagne Energies 1).

Perspectives 2024

En tant qu’instrument de financement, le Fonds pour le Climat et la Transformation (Klima- und Transformationsfonds) apporte une contribution essentielle à la réalisation des objectifs de l’Allemagne en matière de politique énergétique et climatique. Un total environ 212 Mds€ a été prévu entre 2024 et 2027 pour promouvoir le tournant énergétique et la protection du climat (BReg 2023c). Après la suppression, le 1er juillet 2022, de la « EEG-Umlage » payée jusqu’à cette date par le consommateur, le Fonds permet entre autres de refinancer le soutien aux énergies renouvelables (Allemagne Energies 3), ainsi que le programme fédéral pour la rénovation énergétique du bâtiment. Il est principalement alimenté par les recettes tirées des systèmes d´échanges de quotas d´émission européens (ETS) et de la taxe carbone nationale (Allemagne Energies 1).

Dans le but de soutenir les entreprises lors de la pandémie de coronavirus le Fonds de Stabilisation Economique (Wirtschaftsstabilisierungsfonds) a été créé en 2020. Ce Fonds a été réorienté en 2022 afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique née de la guerre en Ukraine. Il a été doté d’un nouveau crédit de 200 Mds€ notamment pour financer les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz dans le but d´atténuer la hausse des coûts de l´énergie et donc de soulager les clients résidentiels et les entreprises (Allemagne Energies 2022).

Suite au jugement de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de novembre 2023, la réaffectation de 60 Mds€, initialement destinés à la lutte contre la pandémie de coronavirus, au Fonds Climat et Transformation est considérée comme incompatible avec la Loi Fondamentale de l’Allemagne (BVerfG 2023).

Avec le verdict de Karlsruhe, qui supprime purement et simplement une partie du budget prévu, le financement en matière d’investissements verts devient un casse tête pour 2024. Le gouvernement doit maintenant, tout en respectant l’obligation de « frein à l’endettement » inscrite dans la Constitution, faire des économies ailleurs pour trouver cette somme supplémentaire.

Etant donné que le jugement pourrait mettre en péril d’autres fonds, les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz, financés par le Fonds de Stabilisation Economique, ont expiré à la fin de 2023. Initialement une prolongation a été prévue jusqu’à fin mars 2024 (BT 2023b). Dans le même contexte, la subvention de 5,5 Mds€, prévue pour la stabilisation des tarifs du réseau de transport en 2024, a été supprimée (Agora Energiewende 2024) ce qui conduit à une hausse des tarifs du réseau de transport à partir de 2024 pour les consommateurs. L’État a également décidé de mettre fin aux aides à l’achat d’une voiture électrique à partir de mi-décembre 2023.

De plus la taxe carbone nationale a été augmentée à 45 € par tonne de CO2 en 2024 ce qui renchérit pour le consommateur final les prix des produits énergétiques tels que l’essence, le gazole, le fioul et le gaz naturel (Allemagne Energies 1). Le gouvernement fédéral revient ainsi sur sa décision de 2022 de n’augmenter que modérément les prix de la tonne de CO2 à 35 € en 2024 pour atténuer les effets de la crise énergétique (BMWK 2022).

L’année 2023 a été marquée par certains progrès en matière de politique climatique, notamment dans les secteurs du bâtiment (BMWK 2023d ; Missions allemandes en France 2023) et de l’électricité.

Toutefois, le débat sur la nouvelle Loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments a laissé des traces au sein de la population en ce qui concerne la confiance dans la mise en œuvre pratique et l’équilibre social des mesures climatiques. Le chauffage aux énergies renouvelables étant un pilier majeur de la protection du climat, le gouvernement doit donc assurer durablement le financement des mesures adoptées.

Un autre dossier brûlant est la construction de nouveaux moyens pilotables bas carbone annoncée par le gouvernement en 2023 (voir plus haut). Compte tenu du fait que ces nouvelles centrales ne fonctionneront que lors d’épisodes de production d’origine renouvelable insuffisante, leur rentabilité est loin d’être acquise. À cela s’ajoutent les incertitudes sur la disponibilité suffisante de l’hydrogène « vert » à un prix raisonnable. Pour l’instant, les investisseurs potentiels attendent que le gouvernement présente sa stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales

Le temps presse. La stratégie pour leur financement doit être établie au plus tard au premier semestre 2024 afin de garantir la mise en place d’une capacité suffisante de moyens pilotables supplémentaires à la fin de la décennie.

Références

AGEB (2024a) Energieverbrauch fällt kräftig / Weiterer Ausbau der Erneuerbaren. Communiqué de presse du 03.04.2024. AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/energieverbrauch-faellt-kraeftig-weiterer-ausbau-der-erneuerbaren/.

AGEB (2024b) Strommix. Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2023 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand April 2024). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/wp-content/uploads/2023/12/STRERZ_Abgabe-02-2024.pdf.

Agora Energiewende (2024) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2023. Rückblick auf die wesentlichen Entwicklungen sowie Ausblick auf 2024. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/publikationen/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2023.

Allemagne Energies (1) Le tournant énergétique allemand. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/.

 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (4) Bilans énergétiques : Comparaison Allemagne et France. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/bilans-energetiques/.

Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/.

Allemagne Energies (2023b) Le gouvernement allemand annonce la construction de presque 24 GW de centrales à hydrogène. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/08/02/le-gouvernement-allemand-annonce-la-construction-de-presque-24-gw-de-centrales-a-hydrogene/.

BDEW (2023a) Die Energieversorgung 2023 – Jahresbericht des BDEW. BDEW Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft. En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung/.

BDEW (2023b) Stromerzeugung und -verbrauch in Deutschland. BDEW Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft. En ligne : https://www.bdew.de/energie/stromerzeugung-und-verbrauch-deutschland/.

BMWK (2022) Habeck: „Wir gehen beim CO2-Preis bedachter vor und entlasten private Haushalte und Unternehmen“ – Erhöhung des CO2-Preises wird 2023 ausgesetzt. Communiqué de Presse du 28.10. 2022. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/10/20221028-habeck-wir-gehen-beim-co2-preis-bedachter-vor-und-entlasten-private-haushalte-und-unternehmen.html.

BMWK (2023a) Markthochlauf für Wasserstoff beschleunigen – Bundeskabinett beschließt Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie. Communiqué de presse du 26.07.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/07/20230726-markthochlauf-fuer-wasserstoff-beschleunigen.html?view=renderNewsletterHtml.

BMWK (2023b) Bundeskabinett verabschiedet umfassendes Klimaschutzprogramm 2023. Communiqué de presse du 04.10.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/10/20231004-bundeskabinett-verabschiedet-umfassendes-klimaschutzprogramm-2023.html.

BMWK (2023c) Gesetz zur Wasserstoff-Netzplanung und Kernnetz- Finanzierung beschlossen. Communiqué de presse du 15.11.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/11/20231115-gesetz-zur-wasserstoff-netzplanung-und-kernnetz-finanzierung-beschlossen.html.

BMWK (2023d) Weg frei für eine klimafreundliche und bezahlbare Wärmeversorgung. Communiqué de presse du 17.11.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/11/20231117-klimafreundliche-und-bezahlbare-waermeversorgung.html?view=renderNewsletterHtml.

BMWK (2023e) Aktueller Stand des Netzausbaus (Übertragungsnetz). Septembre 2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/netzausbau-schreitet-voran.pdf?__blob=publicationFile&v=8.

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BVerfG (2023) Zweites Nachtragshaushaltsgesetz 2021 ist nichtig. Communiqué de presse nr. 101/2023 du 15.11.2023. Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle). En ligne : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/bvg23-101.html.

EPEX SPOT (2023) Trading at EPEX SPOT 2023. Trading Brochure. European Power Exchange EPEX SPOT SE. En ligne : https://www.epexspot.com/en/downloads#trading-products.

EWI (2023) Finanzierungsbedarfe in der Stromerzeugung bis 2030. Energiewirtschaftliches Institut an der Universität zu Köln (EWI) gGmbH. En ligne : https://www.ewi.uni-koeln.de/de/publikationen/finanzierungsbedarfe-in-der-stromerzeugung-bis-2030/.

FFE (2024) Deutsche Strompreise an der Börse EPEX Spot im Jahr 2023. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-im-jahr-2023/

ISEA und PSG RWTH Aachen University (2023) Battery charts. The development of battery storage systems in Germany: A market review. ISEA – Institut für Stromrichtertechnik und elektrische Antriebe. En ligne : https://www.battery-charts.de.

Missions allemandes en France (2023) Se chauffer sans nuire au climat : mise en place d’une nouvelle loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments. Missions allemandes en France. En ligne : https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/03-Economie/-/2594522.

MTE (2023) Chiffres clés du climat France, Europe et Monde. Édition 2023. Ministère de la Transition Énergétique. En ligne : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2023/avant-propos.

RTE (2024) Bilan électrique 2023. Réseau de Transport d’Électricité. En ligne : https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/synthese.

UBA (2024a) Detaillierte Treibhausgas-Emissionsbilanz 2022: Emissionen sanken um 40 Prozent gegenüber 1990 – EU-Klimaschutzvorgaben werden eingehalten. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/detaillierte-treibhausgas-emissionsbilanz-2022.

UBA (2024b) Erneuerbare Energien in Zahlen. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/themen/klima-energie/erneuerbare-energien/erneuerbare-energien-in-zahlen.

UBA (2024c) Klimaemissionen sinken 2023 um 10,1 Prozent – größter Rückgang seit 1990. Communiqué de presse du 15.03.2024. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/klimaemissionen-sinken-2023-um-101-prozent.






Première centrale « prête pour l´hydrogène » inaugurée à Leipzig (Saxe)

Temps de lecture 5 minutes

Le fournisseur communal d’électricité « Leipziger Stadtwerke » a procédé le 23 octobre 2023 à la mise en service officielle d’une centrale à cogénération par cycle combiné pouvant produire  – électricité et chaleur – tant au gaz naturel qu’à l’hydrogène.

Dotée d’une puissance électrique de 125 MW et d’une puissance thermique de 163 MW la centrale atteint un rendement global de plus de 93%.

C’est un pas important pour la transition énergétique en Allemagne. En même temps, le projet révèle deux grandes questions non encore résolues :

  • Le « réseau de démarrage » de pipelines d’hydrogène prévu par le gouvernement fédéral ne sera pas disponible avant 2027/2028 et la disponibilité suffisante de l’hydrogène « vert » à un prix raisonnable, reste elle-même très incertaine ;
  • Selon l’Agence Fédérale des Réseaux, il faudrait ajouter jusqu’à 21 GW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » d’ici 2031. Or, le gouvernement n’a pas encore présenté sa stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales.

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    Centrale à cogénération Leipzig-Süd / Source : Leipziger Stadtwerke

    La mise en service de « Leipzig-Süd », centrale à cogénération par cycle combiné qui peut produire  – électricité et chaleur – tant au gaz naturel qu’à l’hydrogène est un pas important pour la transition énergétique allemande /1/.

    Cette centrale /2/, dotée d’une puissance électrique de 125 MW et d’une puissance thermique de 163 MW, se compose du hall de turbines à gaz (1), du bâtiment utilitaire (2) et de la station de pompage (3), complétée par un accumulateur d’eau chaude (4), comme indiqué sur la figure 1.

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    Figure 1 : Plan d’un ensemble d’édifices de la centrale « Leipzig Süd »

    Deux turbines à gaz de type SGT-800 d’une puissance électrique unitaire de 62,5 MW constituent le cœur de l’installation. Siemens Energy les a fait fabriquer dans son usine suédoise.

    La véritable nouveauté est qu’elles sont capables de fonctionner à 100% d’hydrogène. Pour Siemens Energy c’était jusqu’à présent le plus grand défi compte tenu du fait que l’hydrogène est, en raison de ses caractéristiques, plus difficile à manipuler que le gaz naturel.

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    Figure 2 : deux turbines à gaz de type SGT-800 d’une puissance électrique unitaire de 62,5 MW

    Le gaz d’échappement généré lors de la combustion permet la production d’eau chaude grâce aux échangeurs de chaleur d’une puissance thermique de 81,5 MW chacun, couplés en aval de chaque turbine. Le rendement global de la centrale atteint ainsi plus de 93%

    Un accumulateur d’une capacité d’environ 43.000 m3 (contenu énergétique environ 1800 MWh) permet le stockage de l’eau chaude non utilisée dans l’immédiat. L’eau chaude peut être injectée ultérieurement dans le réseau de chauffage urbain selon le besoin.

    La construction a débuté mi-2020 et la centrale a été raccordée au réseau pour la première fois en 2022.

    Bien que la mise en service de cette centrale « prête pour l´hydrogène » soit un pas important pour la transition énergétique allemande, le projet révèle en même temps deux grandes questions non résolues.

    Le « réseau de démarrage » de pipelines d’hydrogène disponible seulement à partir de 2027

    L’alimentation de la centrale nécessite une connexion au réseau d’hydrogène toujours en cours de planification. Le gouvernement prévoit la mise en place d’un « réseau de démarrage » de l´hydrogène avec plus de 1.800 km de pipelines reconvertis et nouvellement construits d´ici 2027/2028 /3/.

    La centrale de Leipzig brûlera donc dans un premier temps du gaz naturel, jusqu’à ce que le raccordement au réseau d’hydrogène soit achevé.

    La disponibilité suffisante de l’hydrogène « vert » à un prix raisonnable est également très incertaine. Même si des projets pilotes ont été lancés, l´hydrogène « vert » est pour l´instant quasiment absent du marché allemand. La majeure partie de l´hydrogène dit « gris » est actuellement produite à partir de sources fossiles (gaz naturel, charbon, pétrole).

    Pour l’année 2030, la demande totale est estimée à 95 – 130 TWh, soit 1,8 à 3,8 millions de tonnes d´hydrogène. La capacité nationale de production ne suffira pas à satisfaire la demande du pays, une grande partie de l’hydrogène devra donc être importée /3/.

    La stratégie du gouvernement sur la capacité de moyens pilotables en back-up et leur financement toujours en attente

    Suite à l’arrêt du nucléaire en 2023 et des centrales à charbon à partir de 2030, la capacité des centrales à gaz existantes est insuffisante pour pallier l´intermittence des énergies renouvelables (éolien, solaire).

    Selon l’Agence Fédérale des Réseaux, il faudrait ajouter 17 à 21 GW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » d’ici 2031 /4/, en plus des centrales à gaz et turbines à combustion déjà existantes. Le gouvernement a déjà répété à plusieurs reprises qu’il annoncerait en automne 2023 une stratégie sur la capacité de moyens pilotables en back-up et leur financement. Le Ministre fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat a déjà diffusé des chiffres en août 2023 /5/.

    Pour l’instant, les investisseurs potentiels attendent que le gouvernement présente sa stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales.

    La centrale à cogénération « Leipzig-Süd » a coûté environ 188 M€ /6/. Compte tenu des incertitudes concernant la disponibilité et du coût de l’hydrogène « vert », on peut supposer que le gouvernement devra assurer une grande partie des investissements de ces futures centrales.

    De plus, la mise en service d’une capacité de 21 GW (une centaine de centrales) d’ici 2030 est un défi.

    Références

    /1/ BMBF (2023) Erstes wasserstofffähiges Heizkraftwerk eröffnet, Communiqué de presse du 23.10.2023, Bundesministerium für Bildung und Forschung, en ligne : https://www.bmbf.de/bmbf/shareddocs/kurzmeldungen/de/2023/10/231023-wasserstoffkraftwerk.html

    /2/ Leipziger Stadtwerke (2023) Das neue Heizkraftwerk Leipzig Süd, en ligne : https://zukunft-fernwaerme.de/heizkraftwerk-leipzig-sued/

    /3/ Allemagne Energies (2023) Le tournant énergétique allemand, chapitre « réseaux d’énergies », en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

    /4/ Deutscher Bundestag (2023) Handlungsempfehlungen der Bundesregierung zur Gewährleistung der Versorgungssicherheit mit Elektrizität. Drucksache 20/5555 vom 3.2.2023. Deutscher Bundestag. En ligne : https://dserver.bundestag.de/btd/20/055/2005555.pdf.

    /5/ Allemagne Energies (2023) Le gouvernement allemand annonce la construction de presque 24 GW de centrales à hydrogène, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/08/02/le-gouvernement-allemand-annonce-la-construction-de-presque-24-gw-de-centrales-a-hydrogene/

    /6/ Die Welt (2023) „Wasserstoff-ready“ – Dieses Leipziger Kraftwerk läutet eine neue Ära ein, en ligne : https://www.welt.de/wirtschaft/energie/plus248154178/Wasserstoff-Dieses-Leipziger-Kraftwerk-laeutet-eine-neue-Aera-ein.html

Allemagne : Les énergies renouvelables couvrent environ 52% de la consommation nationale d’électricité au cours des trois premiers trimestres 2023

Texte mis à jour le 03.11.2023

Temps de lecture : 7 min

Au cours des trois premiers trimestres 2023, la production brute d’électricité s’est élevée à environ 373 TWh et la production nette (mesurée à la sortie des centrales) à 357 TWh, en baisse de 13% par rapport à la même période de l´année précédente.  

La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 199,4 TWh en hausse de 3,6% par rapport à la même période de l´année précédente (192,5TWh).  

Le parc thermique à flamme a produit 166,5 TWh bruts en baisse de presque 21% par rapport à la même période de l´année précédente (210,5 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué pour 7,2 TWh en 2023 avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023. 

La consommation nationale brute d’électricité marque avec 383 TWh un net recul de 6,2% par rapport à la même période de l´année précédente (408 TWh). 

Les énergies renouvelables ont couvert environ 52% de la consommation d’électricité (lissage sur des trois premiers trimestres 2023). Entre mars et septembre, leur part s’élevait chaque mois à environ 50% ou plus et a été particulièrement forte en mai et juillet avec 57% et 59%.

Comme la part des énergies renouvelables est calculée en pourcentage de la consommation d’électricité, la consommation nationale plus faible en 2023 a eu un effet positif sur leur part. De plus le score de 52% ne tient pas compte de la variabilité des renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque). 

Au cours des trois premiers trimestres 2023 le solde des échanges allemand a été importateur, avec un solde net de 9,8 TWh, ce qui représente environ 2,5% de la consommation nationale d’électricité. Sur la même période de l’année précédente, le solde a été encore exportateur (20,8 TWh).

Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente mais reste toujours plus élevé qu’avant la crise énergétique.  

L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh. Combinées avec la baisse de consommation, c’est notamment la baisse de production du parc thermique à flamme et l’accroissement des importations d’électricité qui ont conduit au recul de la moyenne mobile de l’intensité carbone en 2023.

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Source : Bundesnetzagentur/SMARD

Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires des trois premiers trimestres 2023 /1/. 

La figure 1 montre la production brute d´électricité des trois premiers trimestres 2023. Elle est en baisse de 13% par rapport à la même période de l´année précédente.

Fig 1 Bruttostromerzeugung 1_3 trim 2022_2023
Figure 1 : production brute d´électricité des trois premiers trimestres 2022 et 2023

Lissée sur les trois premiers trimestres 2023, la part des énergies renouvelables à la production brute atteint 53,4% contre 44,9% à la même période de l´année précédente.

La figure 2 montre la consommation nationale brute d´électricité qui marque un net recul de plus de 6% par rapport à la même période de l´année précédente /1/.

Fig 2 Bruttostromverbrauch 2022_2023 1_3 trim
Figure 2 : consommation nationale brute d´électricité aux trois premiers trimestres 2022 et 2023

Comme la part des énergies renouvelables est calculée en pourcentage de la consommation d’électricité, la consommation nationale plus faible en 2023 a eu un effet positif sur leur part. De plus le score de 52% ne tient pas compte de la variabilité des renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque).

Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation nationale brute est avec 52% en hausse par rapport au à la même période de l´année précédente (47%). Entre mars et septembre 2023, leur part s’élevait chaque mois à environ 50% ou plus et a été particulièrement forte en mai et juillet avec respectivement 57% et 59%.

Le tableau résume les principaux résultats /1/.

Tableau Production_consommation elec 1_3 trim 2023
Tableau : production et consommation d’électricité en Allemagne

Le parc thermique à flamme a produit 166,5 TWh bruts en baisse de presque 21% par rapport à la même période de l´année précédente (210,5 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué pour 7,2 TWh en 2023 avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023 /2/.

La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 199,4 TWh en hausse de 3,6% par rapport à la même période de l´année précédente (192,5 TWh). Sur ce total, 77,5 TWh provenaient de l’éolien terrestre, 55,7 TWh du photovoltaïque, 32,5 TWh de la biomasse, près de 16 TWh de l’éolien en mer et près de 14 TWh de l’hydroélectricité. 

Développement des énergies renouvelables

La figure 3 montre le développement de l’éolien terrestre et du photovoltaïque à la fin du 3e trimestre 2023 par rapport aux objectifs de fin 2024 fixés par la loi sur les énergies renouvelables /3/.

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Figure 3 : Développement de l’éolien et du photovoltaïque à la fin du 3e trimestre 2023

Le développement de l’éolien et du photovoltaïque se fait à des rythmes différents.

En 2023 le développement de l’éolien terrestre se situe au-dessus du niveau de l’année précédente, mais reste inférieur au niveau des années records 2015 à 2017.  Au cours des trois premiers trimestres de 2023, environ 2,1 GW ont été ajoutés. Le parc a ainsi augmenté de près de 4% par rapport à la fin de 2022 et atteint 60,2 GW fin septembre 2023.

La puissance moyenne d’une nouvelle éolienne installée au cours de 2023 s’élève à environ 4,7 MW /4/. L´objectif intermédiaire de 69 GW d´ici fin 2024 nécessiterait donc la mise en service d’environ 4 éoliennes de cette puissance par jour à partir d’octobre 2023 : alors que pour les 9 premiers mois de l’année, la moyenne journalière n’a été que de 1,6 éolienne.

Une accélération du rythme d’installation reste nécessaire pour atteindre l’objectif intermédiaire de fin 2024 fixé par l’État, soit encore 8,8 GW à installer. 

Concernant l’éolien en mer, de nouvelles installations d’une puissance totale de 229 MW ont été raccordées au réseau électrique au premier semestre 2023 /10/. Aucun ajout n’a été enregistré au 3e trimestre /3/. Ainsi, avec une puissance installée de presque 8,4 GW, l’objectif de 2023 est pratiquement atteint. Toutefois, dans l’avenir une accélération demeure indispensable pour atteindre l’objectif de 30 GW en 2030 (soit 21,6 GW à installer).

En revanche le développement du parc photovoltaïque s’est maintenu à un rythme soutenu. Au cours des 3 premiers trimestres un volume record d’installations a été mis en service (près de 10 GW), soit plus que lors des années record de 2010 à 2012. Le parc a ainsi augmenté de près de 15% par rapport à la fin de 2022 et atteint 77,4 GW fin septembre 2023.

Si ce rythme est maintenu malgré les tensions sur les approvisionnements et la hausse du coût de certains composants de panneaux solaires, on est en bonne voie vers l’objectif de fin 2024 fixé par la loi sur les énergies renouvelables à 88 GW (soit 10,6 GW à installer).

Evolution du prix du marché de gros de l´électricité

L’année 2022 a connu une augmentation inédite des prix de l’électricité en Europe, sous l’effet des menaces sur l’approvisionnement de l’Europe résultant de la guerre menée par la Russie en Ukraine.

En 2023, le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente /5/ mais se situe toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise énergétique, voir figure 4.

Au 3e trimestre le prix moyen de gros s’est établi à 90,78 €/MWh /11/.

Compte tenu de la forte injection d’électricité renouvelable lors des périodes de faible demande, l’Allemagne a été confrontée à 101 heures de prix négatifs au cours du seul 3e trimestre 2023. Depuis début 2023, cela fait 186 heures. En 2022 au total 69 heures à prix négatifs ont été enregistrées /8/.

Avec – 500,00 €/MWh, le prix le plus bas est survenu le dimanche 2 juillet 2023 entre 14h et 15h. Le prix plancher de – 500 €/MWh est le prix minimum autorisé sur le marché Day-Ahead.

Le prix le plus élevé au cours des trois premiers trimestres de 524,27 €/MWh s’est produit le lundi 11 septembre 2023 entre 19h et 20h : les énergies renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque) ont contribué pour seulement 6,7% à la consommation de 58 GW /11/.

Fig 4 Strompreis day ahead Stand 12 10 2023
Figure 4 : Evolution du prix de gros constaté sur le marché journalier (day-ahead) en Allemagne

En 2023, le prix moyen de l’électricité pour les ménages est, en moyenne annuelle, 15% plus élevé qu’au deuxième semestre 2022 /6/. Malgré  cela, les prix de l’électricité pour les ménages ont tendance à baisser depuis le 2e trimestre 2023.

En 2023 les ménages et les entreprises sont toutefois en large partie protégés des augmentations de prix grâce au « bouclier tarifaire ».

A titre d’exemple, les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficient d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80% de leur consommation annuelle. Au-delà, ils payent leur électricité au prix du marché.

Echanges commerciaux d’électricité

Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins.

À partir d’avril 2023, l’Allemagne a importé plus d’électricité qu’elle n’en a exporté, cf. figure 5.

Fig 5 Echanges
Figure 5 : Solde des échanges commerciaux d’électricité /7/

Au cours des trois premiers trimestres 2023 le solde des échanges allemand a été donc importateur, avec un solde net de 9,8 TWh, ce qui représente environ 2,5% de la consommation nationale d’électricité /1/.

Dans la même période de l’année précédente, le solde des échanges a été encore exportateur (20,8 TWh). 

Intensité carbone du mix électrique allemand

L’intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh /8/.

En 2023, notamment la baisse de production du parc thermique à flamme et l’accroissement des importations d’électricité, combinées avec la baisse de consommation, ont conduit au recul de la moyenne mobile de l’intensité carbone, exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit /9/. Toutefois, une hausse est à nouveau enregistrée à partir de septembre 2023.

Fig 6 Intensite carbone 10_2023
Figure 6 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produits au cours des trois premiers trimestres 2023

Références

 /1/ BDEW (2023) Aktuelle Berechnungen von ZSW und BDEW: Erneuerbare Energien decken in den ersten drei Quartalen 52 Prozent des Stromverbrauchs, Communiqué de presse du 29.09.2023, Zentrum für Sonnenenergie- und Wasserstoff-Forschung Baden-Württemberg (ZSW) und Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/erneuerbare-energien-decken-in-den-ersten-drei-quartalen-52-prozent-des-stromverbrauchs/

/2/ Allemagne Energies (2023) Clap de fin pour l’électronucléaire en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/04/16/clap-de-fin-pour-lelectronucleaire-en-allemagne/

/3/ UBA (2023) Monats- und Quartalsdaten der AGEE-Stat, Monatsbericht 13.10.2023, Umweltbundesamt, en ligne : pdf

/4/ Deutsche Windguard (2023) Windenergie-Statistik: 1. Halbjahr 2023, en ligne : https://www.windguard.de/id-1-halbjahr-2023.html

/5/ Dashboard Deutschland (2023), Strompreis, en ligne : https://www.dashboard-deutschland.de/indicator/data_preise_strom

/6/ BDEW (2023) BDEW-Strompreisanalyse Juli 2023, Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/service/daten-und-grafiken/bdew-strompreisanalyse/

/7/ BNetzA/SMARD (2023) Strommarktdaten, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/home

/8/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/9/ Stromdaten.info (2023), Stromdatenanalyse, en ligne :  https://www.stromdaten.info/co2-analysetool/

/10/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/02/allemagne-les-energies-renouvelables-sont-la-principale-source-dans-le-mix-electrique-au-premier-semestre-de-2023/

/11/ Bundesnetzagentur (2023), SMARD Strommarktdaten, en ligne : https://www.smard.de/home

Le baromètre de McKinsey de septembre 2023 – Seuls 6 sur 15 critères de la transition énergétique allemande empruntent la bonne trajectoire  

Temps de lecture : 10 minutes

Depuis 2012, McKinsey publie un baromètre semestriel pour analyser la progression de la transition énergétique allemande. Le cabinet s’appuie sur trois critères : la sécurité d’approvisionnement, l’économie et la protection de l’environnement et du climat. Le cabinet évalue 15 critères au regard des objectifs fixés par l’Allemagne à l’horizon de 2030.

Le baromètre actuel (septembre 2023) de McKinsey /1/ montre que 6 des 15 critères étudiés empruntent la bonne trajectoire, pour 4 critères la réalisation semble incertaine et pour 5 critères la réalisation des objectifs est considérée comme « irréaliste ».

De plus, McKinsey consacre ce baromètre à la nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène du gouvernement allemand décidée en juillet 2023 /2/.

Screenshot_2020-10-31 Energiewende-Index Deutschland
Le baromètre de la transition énergétique allemande de McKinsey

Six indicateurs sont au vert

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent notamment l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité. Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est au premier semestre 2023 avec 52,3% en hausse par rapport au deuxième semestre 2022 (46%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité /3/.

L’objectif d’étape de 45,7% étant dépassé, une part de 80% dans la consommation intérieure brute d’ici 2030 semble réalisable.

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale

La part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale a atteint 20,4% au premier semestre 2023 et progresse légèrement par rapport au deuxième semestre 2022 (19,2%). Une part de 30% est actuellement visée en 2030.

Cependant les États de l´Union européenne et les eurodéputés se sont accordés en mars 2023 sur un nouvel objectif d´une part d´au moins 42,5% des énergies renouvelables dans la consommation énergétique à l´horizon de 2030 avec l’espoir de parvenir à 45 % /4/ : cela pourrait conduire à une révision à la hausse de l´objectif de l´Allemagne.

Indicateur : niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées

Le niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées (càd celles qui ne sont pas électro intensives), s’est amélioré malgré un prix moyen de gros sur le marché journalier toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.

Cela s’explique par la méthode de calcul de l’indicateur qui évalue les prix de l’électricité des industries non privilégiées par rapport à la moyenne européenne : si les prix dans les autres pays européens augmentent plus fortement qu’en Allemagne l’indicateur s’améliore. Actuellement le prix de l’électricité pour les industries non privilégiées se situe 1,4% en dessous de la moyenne européenne, alors qu’au deuxième semestre 2022 il était encore 3,5% au-dessus de la moyenne européenne.

Indicateurs : coupures de courant non prévues, capacités d’importation disponibles et nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent également : la durée moyenne en minutes d’interruption de l’approvisionnement d’électricité d’un consommateur final pendant une période considérée (SAIDI – System Average Interruption Duration Index), les capacités d’importation disponibles dans les pays voisins ainsi que le nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables de 344 100 actuellement (objectif 2030 : 322 100).

Quatre indicateurs dont la réalisation semble incertaine à l’horizon de 2030

Indicateur : le prix de l’électricité des ménages

Parmi les 4 indicateurs dont la réalisation semble incertaine figure le prix de l’électricité des ménages qui, en juin 2023, était 31% plus élevé que la moyenne européenne contre 28,5% en décembre 2022. La raison en est que la baisse des prix de gros a été répercutée souvent plus rapidement aux clients finaux à l’étranger et que le « bouclier tarifaire » mis en place en Allemagne a eu un effet moins important que prévu.

Indicateur : émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre se situeraient à 746 Mt CO2éq en 2022 soit 14 Mt CO2éq de moins qu’en 2021 /5/. Le rythme de réduction n’est pas encore suffisant pour atteindre la cible nationale de 65% de réduction d’ici 2030 (438 Mt CO2éq) par rapport à 1990. Il faudrait une réduction de 44 Mt CO2éq par an à partir de maintenant pour atteindre cet objectif.

Selon le rapport des experts sur les questions climatiques /6/, même si toutes les mesures sont mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baissent pas assez vite et environ 200 Mt CO2éq se seront accumulées en trop d’ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat. Le gouvernement doit agir pour combler l´écart restant par rapport aux objectifs.

Indicateur : consommation d’énergie primaire

La consommation d’énergie primaire s’élève à 11.769 PJ (3.269 TWh) en 2022 ce qui correspond à une réalisation de seulement 83 % de l’objectif d’étape (11.216 PJ). En anticipant la nouvelle directive européenne relative à l´efficacité énergétique, le gouvernement allemand vise maintenant une réduction d´au moins 39,3% d´ici 2030 par rapport à 2008, soit 2252 TWh /7/.

Indicateur : capacité de réserve de moyens pilotables

La capacité de réserve de moyens pilotables a baissé de 17% par rapport au deuxième semestre 2022 suite à l’arrêt des dernières centrales nucléaires en avril 2023. L’indicateur est atteint à 100 % lorsque la capacité garantie de moyens pilotables permet de couvrir la demande pendant 99,94 % du temps.

Selon la méthode de calcul employée par McKinsey, la marge de réserve de moyens pilotables a baissé à 5,0% en 2023 contre 9,2% en 2022. Suite à la fermeture attendue de centrales à charbon il faudrait s’attendre à une dégradation supplémentaire de la marge dès 2024. 

Cinq indicateurs sont au rouge

Indicateur : électromobilité dans le secteur des transports

En avril 2023, l’Allemagne comptait au total près de 2 millions de véhicules électriques, mais 4,2 millions auraient été nécessaires pour rester dans la bonne trajectoire.

A partir de maintenant il faudrait 1 million de nouvelles immatriculations de véhicules électriques par semestre pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures en 2030, or, jusqu’à présent, les nouvelles immatriculations par semestre n’atteignent même pas les 400 000.

Indicateur : coûts d’équilibrage du réseau de transport

Les coûts d’équilibrage sur le réseau de transport ont augmenté depuis le dernier baromètre de McKinsey passant de près de 22 € par MWh à plus de 24 € par MWh. On s’éloigne de plus en plus du seuil fixé par le cabinet de 1 € par MWh.

Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport. La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associée à des prix élevés de gros, cf. /8/.

Indicateur : développement du réseau de transport

L’objectif de développement du réseau (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) est évalué par McKinsey à 11.720 km à l´horizon de 2030. Fin 2022 seuls 2.458 km ont été réalisés alors que la valeur cible pour fin 2022 est avec 5553 km de plus du double.

Des progrès ont tout de même été réalisés au sujet des procédures d’autorisation : alors qu’entre 2019 et 2021, seules ~150 km de lignes ont été approuvés par semestre, en 2022 c’était près de 500 km par semestre. Bien que l’atteinte de l’objectif pour 2030 soit toujours jugée irréaliste par McKinsey on peut donc espérer une certaine accélération du développement du réseau.

Indicateur : coûts d’énergie des ménages

L’indicateur mesure la part des coûts de l’énergie (électricité, gaz, mazout, carburants et autres combustibles) dans le panier de consommation en se basant sur l’indice des prix à la consommation. L’objectif est considéré comme atteint si une part de 10,1% n’est pas dépassée.

La part des couts de l’énergie énergétique des ménages dans le panier de consommation s’élève à 12,7%. Les coûts de l’énergie pour les ménages continuent d’évoluer de manière insatisfaisante : la réalisation de l’objectif d’une part de 10,1% reste donc irréaliste.

Indicateur : chaleur et froid produits à partir d´énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables dans la consommation d´énergie finale du secteur de chaleur et de froid a été peu dynamique dans les dernières années. Leur part à la consommation finale atteint 17,4% en 2022.

Pour atteindre l’objectif d’une part de 50% en 2030, une part de 20,2% des énergies renouvelables au premier semestre 2023 aurait été nécessaire pour rester dans la bonne trajectoire.

Le recours à l’hydrogène est incontournable si l’Allemagne veut atteindre la neutralité carbone

Le gouvernement allemand a présenté en juillet 2023 sa nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène /9/, qui avait été élaborée pour la première fois trois ans plus tôt /7/.

En 2030, le besoin en hydrogène « vert » (ou au moins en hydrogène à faible teneur en carbone) est maintenant estimé à 1,2 – 2,2 millions de tonnes, outre la demande déjà existante d’hydrogène « gris » d’environ 1,6 million de tonnes.

Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement d’une capacité d’électrolyse nationale. C’est pour cela qu’il est prévu de construire une puissance de 10 GW d´électrolyseurs d’ici 2030.

Pour le transport le gouvernement prévoit de mettre en place d´ici 2027/2028 un réseau de démarrage national de l´hydrogène avec plus de 1.800 km de pipelines reconvertis et nouvellement construits.

Toutefois, les capacités nationales de production étant insuffisantes, une grande partie de la demande en hydrogène sera couverte par des importations.

Dans cadre du projet H2GLOBAL visant à positionner l’Europe comme leader mondial, technologique et industriel, sur le marché de l’hydrogène décarboné, il est prévu de conclure des contrats sur le marché mondial pour son approvisionnement. Ensuite l’hydrogène sera vendu à des prix économiquement raisonnables aux plus offrants au niveau national. La différence entre le prix d’achat et le prix de vente sera compensée par un mécanisme de soutien de l’État.

Le Ministère de l’économie et de la protection du climat prévoit actuellement un soutien de plus de 4 Mrds. €.

Retenus en tant que Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC ou IPCEI en anglais), des projets nationaux liés à la chaine de valeur de l’hydrogène pourraient également bénéficier d’aides publiques.

Grâce à ces aides publiques les décideurs politiques espèrent faire décoller le marché de l’hydrogène d’ici 2030, d’abord au niveau national et ensuite au-delà.

Un coup de pouce financier est certes une étape importante mais ne saurait suffire à faire décoller l’économie de l’hydrogène en Allemagne. Les parties prenantes – producteurs, fournisseurs et acheteurs – auront également besoin de données fiables sur les quantités d’hydrogène « vert » potentiellement disponibles et sur le prix auquel il sera négocié à l´avenir.

Bien que le prix de production d’hydrogène soit censé diminuer, les prix de production d’hydrogène « vert » en Allemagne se situeraient en 2030 entre 6,50 et 8,50 €/kg selon McKinsey.

Selon les analyses de McKinsey, l’hydrogène « vert » pourrait être importé à moindre coût d’Afrique du Nord par pipeline ou par des régions plus éloignées par bateau, car la production d’électricité à partir d’énergie éolienne ou solaire y est moins chère qu’en Allemagne.

Bien que les deux modes de transport entraînent des coûts supplémentaires, l´hydrogène « vert » importé serait avec un prix d’environ 3,50 à 5,50 €/kg toujours moins cher que celui produit au niveau national. L’hydrogène « bleu » (à base de gaz naturel avec captage de CO2) en provenance des États-Unis ou de Norvège pourrait même atteindre un prix de 2,50 à 3 €/kg selon le cabinet McKinsey.

La nouvelle stratégie du gouvernement en matière d’hydrogène présentée en juillet 2023 est une étape importante. Il s’agit maintenant de la mettre en œuvre.

Références

/1/ McKinsey (2023) Energiewende-Index, Septembre 2023, en ligne : https://www.mckinsey.de/branchen/chemie-energie-rohstoffe/energiewende-index

/2/ Vahlenkamp,T. et al. (2023) Wie Deutschland zur Wasserstoffrepublik werden kann, en ligne : ewi_september 2023

/3/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/02/allemagne-les-energies-renouvelables-sont-la-principale-source-dans-le-mix-electrique-au-premier-semestre-de-2023/

/4/ Parlement européen (2023a) Énergies renouvelables. Fiches thématiques sur l’Union européenne. Parlement européen. En ligne : https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/70/energies-renouvelables

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ Expertenrat für Klimafragen (2023) Stellungnahme zum Entwurf des Klimaschutzprogramms 2023. Gemäß § 12 Abs. 3 Nr. 3 Bundes-Klimaschutzgesetz. Expertenrat für Klimafragen. En ligne : https://expertenrat-klima.de/.

/7/ Allemagne Energies (2023) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/8/ Allemagne Energies (2023) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/

/9/ BMWK (2023) Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie, NWS 2023, 26.07.2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/fortschreibung-nationale-wasserstoffstrategie.html

/10/ H2Global Stiftung (2023) Shaping the global energy transition, en ligne : https://www.h2-global.de/

Le gouvernement allemand annonce la construction de presque 24 GW de centrales à hydrogène

Temps de lecture : 4 minutes

Par communiqué de presse du 1er août 2023 /1/, le Ministre de l’Énergie et la Protection du Climat, Robert Habeck, a annoncé qu’un accord de principe a été trouvé avec la Commission européenne sur les conditions-cadres relatives aux aides d’État pour la construction de centrales climatiquement neutres.

L’accord avec la Commission européenne concerne les subventions du gouvernement allemand pour une capacité de moyens pilotables de 23.800 MW. Il s’agit d’assurer l’approvisionnement en électricité lorsque la production éolienne et photovoltaïque est insuffisante. C’est pour cela que le gouvernement fédéral veut lancer des appels d’offres pour 15.000 MW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène ». Il s’agit de centrales à gaz, nouvelles ou existantes, qui fonctionneraient d’abord au gaz naturel et seraient converties à l’hydrogène au plus tard en 2035. S’y ajouteraient d’ici 2035 des centrales d’une puissance totale de 8.800 MW utilisant dès le départ l’hydrogène.

La prochaine étape sera une phase de consultation qui débutera à la fin de l’été ayant pour principal objectif de permettre aux acteurs concernés de donner leur avis notamment sur la nécessité, l’éligibilité et l’adéquation des mesures. Durant cette phase de consultation, la procédure d’aide d’État se poursuivra auprès de la Commission européenne.

2023-07-28-rwe-schafft-voraussetzungen-fuer-errichtung-eines-wasserstofffaehigen-gaskraftwerks
Projet d’une centrale à gaz (prête pour l´hydrogène) de 800 MW sur le site de Weisweiler en Rhénanie du Nord Westphalie / source RWE /6/

Le gouvernement allemand vise à l´horizon de 2035 une production d´électricité presque climatiquement neutre.

En plus de moyens de stockage et de flexibilité de la demande, un parc de production pilotable en support restera indispensable pour suppléer l´intermittence de la production de l´éolien et du photovoltaïque.

Après l´abandon du nucléaire mi-avril 2023 et l´intention de la coalition gouvernementale d´avancer à 2030 « dans l´idéal » la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, le parc thermique se réduirait à terme aux centrales à gaz. La capacité des centrales à gaz existantes étant insuffisante pour se substituer au nucléaire et au charbon, la construction de nouveaux moyens pilotables bas carbone est nécessaire pour garantir la sécurité d´approvisionnement.

Une stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales fonctionnant à l´hydrogène a déjà été annoncée en février 2023 /2/. Le communiqué de presse du 1er aout 2023 /1/ précise les mesures envisagées.

Concrètement, il est prévu de lancer à partir de 2024 des appels d’offres pour 8,8 GW de nouvelles centrales électriques qui fonctionneraient dès le départ à l’hydrogène.

De plus il est prévu de mettre en adjudication jusqu’à 15 GW de centrales à gaz, nouvelles ou existantes, convertibles au plus tard en 2035 à une production à base d´hydrogène. Sur ces 15 GW une capacité de 10 GW fera l’objet d’appels d’offres entre 2024 et 2026. Jusqu’à 6 GW sont réservés pour des nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène », les 4 GW restants sont dédiés à la conversion à l’hydrogène (fuel switching) des centrales existantes.

Après une phase d’évaluation les 5 GW restants seront adjudiqués après 2026.

La question de la forme concrète des subventions n’a pas encore été réglée.

BDEW (Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux) fait remarquer dans son communiqué /3/ que les décisions finales d’investissement ne pourront être prises que lorsque les connexions au réseau d’hydrogène seront assurées et qu’une exploitation économique des centrales sera rendue possible par des conditions-cadres appropriées.

Les experts sont partagés sur la capacité nécessaire de nouvelles centrales

Dans le rapport « monitoring de la sécurité d´approvisionnement en électricité » du régulateur, publié en février 2023 /2/, /5/, il est prévu, selon le modèle de calcul, un ajout de nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » de l’ordre de 17 à 21 GW d’ici 2031. En outre, il est prévu de construire environ 9 GW qui fonctionneront dès le départ à l’hydrogène.

Toutefois, l´opinion des experts diverge sur la capacité de nouvelles centrales bas carbone à construire à l’horizon de 2030.

Boston Consulting Group (BCG) évalue l’ajout à 43 GW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » d’ici 2030 pour pallier l´intermittence des énergies renouvelables et respecter les objectifs climatiques /2/.

McKinsey estime le manque de moyens pilotables à au moins 30 GW à l’horizon de 2030. De plus McKinsey /4/ met en doute le fait que les conditions pour la construction des nouvelles centrales seront remplies en temps voulu et dans leur intégralité. De plus, la bascule vers l’hydrogène vert, du fait de la disponibilité d’un hydrogène à un prix raisonnable, reste elle-même très incertaine.

L´économie de l´hydrogène vert n´en est encore qu´à ses débuts. La production, l´approvisionnement (y compris par le biais d´importations) et le transport de l´hydrogène vert sont un défi majeur pour la mise en œuvre de la transition énergétique.

Références

/1/ BMWK (2023) Rahmen für die Kraftwerksstrategie steht – wichtige Fortschritte in Gesprächen mit EU-Kommission zu Wasserstoff-kraftwerken erzielt. Konsultationsphase und förmliches Beihilfeverfahren folgen als nächste Verfahrensschritte. Communiqué de presse du 1er août 2023, Ministère de l´Economie et de la Protection du Climat, en ligne :  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/08/20230801-rahmen-fuer-die-kraftwerksstrategie-steht.html?view=renderNewsletterHtml

/2/ Allemagne Energies (2023) La sortie du charbon nécessite la construction préalable de nouvelles centrales à gaz, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/05/la-sortie-du-charbon-necessite-la-construction-prealable-de-nouvelles-centrales-a-gaz/

/3/ BDEW (2023) BDEW zu Wasserstoffkraftwerken / Gespräche BMWK mit der EU-Kommission, Communiqué de presse du 1er août 2023, Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/bdew-zu-wasserstoffkraftwerken-gespraeche-bmwk-mit-der-eu-kommission/

/4/ PNC (2023) La fin de l’électronucléaire en Allemagne, et après ? Patrimoine, Nucléaire et Climat (PNC-France). En ligne : https://www.pnc-france.org/la-fin-de-lelectronucleaire-en-allemagne-et-apres/.

/5/ BMWK (2023) Sichere Versorgung mit Strom bis Ende des Jahrzehnts gewährleistet, Communiqué de presse du 01.02.2023, Ministère de l´Economie et de la Protection du Climat,  en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/02/20230201-sichere-versorgung-mit-strom-bis-ende-des-jahrzehnts-gewahrleistet.html?view=renderNewsletterHtml

/6/ RWE (2023) RWE schafft Voraussetzungen für Errichtung eines wasserstofffähigen Gaskraftwerks in Weisweiler, ¨Communiqué de presse du 28.07.2023, en ligne : https://www.rwe.com/presse/rwe-generation/2023-07-28-rwe-schafft-voraussetzungen-fuer-errichtung-eines-wasserstofffaehigen-gaskraftwerks/

Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022

Temps de lecture : 6 minutes

Selon l’Agence Fédérale des Réseaux, les mesures pour l’équilibrage du réseau de transport ont atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh). Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). Ces coûts sont supportés par le consommateur via les tarifs du réseau de transport.

La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport.  La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associé à des prix élevés de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul).

L´électricité éolienne produite dans le nord du pays doit être amenée à des centres de consommation dans le sud et dans l’ouest de l´Allemagne. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord et, conjointement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent de plus en plus souvent à une congestion du réseau entraînant une hausse des actions correctives.

Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW. C’est pour cela que le régulateur prévoit une réserve de moyens pilotables de 4.616 MW. Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

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Heyden unité 4 : centrale à houille de 875 MW nets, près de Petershagen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, réactivation en août 2022 suite à la décision du gouvernement pour baisser la consommation de gaz / source Uniper Kraftwerke GmbH

Le réseau de transport est la « colonne vertébrale » du système électrique de chaque pays. Les mesures d’équilibrage du réseau de transport ont gagné en importance suite à l’installation des éoliennes dans le nord du pays, relativement éloignées des centres de consommation du sud et de l´ouest du pays, et au manque de moyens pilotables (arrêt des centrales nucléaires et à charbon nécessaires pour redispatching ou countertrading notamment dans le sud de l´Allemagne).  Amplifiée par la lente modernisation du réseau de transport, cette situation conduit souvent à une congestion du réseau et entraîne une hausse des actions correctives.

Le volume de mesures pour l’équilibrage du réseau de transport (redispatching, countertrading, centrales de réserve et l’écrêtement de la production renouvelables) a atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh).

La cause en était une superposition de plusieurs effets /1/, comme :

  • Flux électriques nord-sud élevés au 1er trimestre 2022 suite à la situation de l’approvisionnement tendu des centrales à houille dans le sud de l’Allemagne en raison du bas niveau des eaux dû à la sécheresse.
  • Intensification des flux est-ouest suite à l’exportation élevée d’électricité vers la France en raison de la faible production nucléaire française.
  • Arrêt de la centrale nucléaire de Gundremmingen C fin 2021 ayant entraîné une forte saturation du réseau de transport dans le sens est-ouest dans le sud du Wurtemberg et de la Bavière nécessitant des interventions nombreuses de redispatching.
  • Plusieurs dépressions tempétueuses en février 2022 ainsi qu’une forte production éolienne en avril 2022 ayant entraîné une forte injection d’électricité dans le réseau de transport nécessitant des actions correctives.

Les coûts des actions d´équilibrage du réseau de transport ont atteint 4,2 Mds€ /1/ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021, une année qui était déjà en forte hausse par rapport à la période précédente /2/.

La figure 1 montre l´évolution des coûts relatifs à la stabilisation du réseau. Les coûts, supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau, sont composés de trois éléments :

  • Le redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et le countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport)
  • Les centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante
  • L’écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération à la demande du GRT pour éviter une congestion du réseau /3/.
    Fig 1 Hausse des coûts de stabilisation du réseau 2011_2021
    Figure 1 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

    Les coûts de redispatching avec des centrales conventionnelles s’élèvent à environ 1,9 Mds € en 2022 (2021 : 594,5 M€). La multiplication par plus de trois de ces coûts s’explique par l’augmentation du volume en combinaison avec la forte hausse du prix de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul). Les coûts du countertrading s’élèvent à environ 0,4 Mds. € en 2022 et se situent au niveau de l’année précédente.

    Le doublement des coûts pour les centrales en réserve par rapport à 2021 s’explique notamment par la réactivation temporaire des centrales thermiques (houille et fioul) en substitution des centrales à gaz jusqu’au 31 mars 2024 au plus tard /4/ ainsi que la forte hausse du prix de gros.

    Les coûts résultant de l’écrêtement des énergies renouvelables s’élèvent à environ 0,9 Mds€ (2021 : 0,8 Mds€). L’augmentation des coûts par rapport à 2021 s’explique essentiellement par un nouveau modèle de compensation des frais des responsables d’équilibre.

    Besoin de centrales de réserve pour l’hiver 2023/2024

    Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW pour éviter la congestion du réseau de transport. C’est pour cela que le régulateur prévoit une capacité de centrales de réserve de 4.616 MW. La plus grande partie du besoin de redispatching est fournie par des centrales de réserve allemandes (3.636 MW). Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

    Le fait que la capacité de centrales de réserve nécessaire soit inférieure à celle de l’hiver 2022/23 (8.264 MW) n’est cependant pas une réussite. C’est simplement la conséquence du fait qu’environ 6 GW /6/ centrales thermique à flamme existantes ont déjà été réactivées temporairement jusqu’à fin mars 2024 pour réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité suite à la coupure du gaz russe.

    Références

    /1/ BNetzA (2023) Netzengpassmanagement, Gesamtjahr 2022, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html

    /2/ Allemagne-Energies (2022) Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/05/15/les-couts-dinterventions-pour-eviter-la-congestion-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-23-mde-en-2021/

    /3/ OFATE (2019) Le statut prioritaire de l’électricité renouvelable en France et en Allemagne, Raccordement au réseau, priorité d’injection, écrêtement et redispatching, Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE), en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/le-statut-prioritaire-de-lelectricite-renouvelable-en-france-et-en-allemagne.html

    /4/ Allemagne Energies (2022) Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/06/11/retour-au-charbon-dans-la-production-electrique-pour-baisser-la-consommation-de-gaz/.

    /5/ BNetzA (2023) Bestätigung des Netzreservebedarfs im Strombereich, Communiqué de presse du 28.04.2023, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230428_Reservekraftwerk.html?nn=265778

    /6/ BNetzA (2023) Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz, Befristete Marktrückkehr, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Kohleausstieg/EKBG/start.html

Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023

Texte mis à jour : 15.08.2023

Temps de lecture : 5 min

Au cours du 1er semestre 2023, la production brute d’électricité s’est élevée à environ 266 TWh et la production nette (mesurée à la sortie des centrales) à 254 TWh, en baisse de presque 11% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298 TWh bruts et 285 TWh nets).

La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport au 1er semestre 2022 (138,4 TWh) malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW au 2e semestre 2022. Les énergies renouvelables sont toutefois la principale source dans le mix électrique au 1er semestre 2023 en raison de la forte baisse de production conventionnelle, soit environ 128 TWh bruts contre 160 TWh à la même période de l´année précédente. 

Le parc thermique a produit 121 TWh bruts en baisse de plus de 15% (1er semestre 2022 : 143 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué avec 7,2 TWh bruts (1er semestre 2022 : 16,8 TWh) avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023.  

La consommation brute intérieure d’électricité marque un recul à environ 262 TWh au 1er semestre 2023 (1er semestre 2022 : 281 TWh), soit une diminution de 6,5 % du fait des températures clémentes et d’une demande plus faible en raison des prix de l’électricité toujours assez élevés malgré le bouclier tarifaire et une baisse conjoncturelle. 

La part de 52% des énergies renouvelables à la consommation brute est en hausse par rapport au 1er semestre 2022 (49 %)… en raison de la baisse de la consommation d’électricité. 

L’ajout réalisé de l’éolien terrestre est, contrairement au photovoltaïque, encore nettement insuffisant pour atteindre les objectifs de développement fixés par la loi sur les énergies renouvelables.

Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier est globalement inférieur à celui du 1er semestre 2022. Etant donné que le prix dépend encore fortement des prix du gaz, les prix de l’électricité seront, dans les prochaines années, nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique.

L´Allemagne a été avec 3,1 TWh exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023. Toutefois le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l´année précédente (17,3 TWh).

L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone, elle est en baisse au premier semestre 2023.

Eingangsbild
Source : Bundesnetzagentur/SMARD

Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires du premier semestre 2023 /1/.

La figure 1 montre la production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/.

Avec 265,9 TWh, l’Allemagne a enregistré une baisse de 10,8% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298,3 TWh). La production nette s’est élevée à 253,9 TWh contre 284,5 TWh au 1er semestre 2022. La production nette d’électricité est celle mesurée à la sortie des centrales, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales.

Malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW, soit environ 1,3 GW d’éolien terrestre et 3,6 GW de photovoltaïque au 2e semestre 2022, la production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 138,4 TWh).

Sur ce total, 58 TWh provenaient de l’éolien terrestre, 33 TWh du photovoltaïque, 22 TWh de la biomasse, près de 12 TWh de l’éolien en mer et près de 10 TWh de l’hydroélectricité.

Fig 1 Bruttostromerzeugung sem 1 2022_2023
Figure 1 : production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/

Le parc thermique et le nucléaire ont produit 128,4 TWh bruts contre 160 TWh au cours de la même période de l´année dernière /1/.

La baisse de production conventionnelle de presque 20% s´explique notamment par la réduction de la production du parc thermique de 15,4 %.  Sa production brute est passée de 143,2 TWh au 1er semestre 2022 à 121,2 TWh.

La production d’électricité d’origine nucléaire a également diminué suite à la fermeture des trois dernières centrales nucléaires (4,055 GW) mi-avril 2023 /2/. Elles ont produit 7,2 TWh bruts au premier semestre 2023 (1er semestre 2022 : 16,8 TWh).

Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est avec 52,3% en hausse par rapport au premier semestre 2022 (49,2%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité.

La figure 2 montre la part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité. La consommation brute d’électricité marque un recul de 6,5% au premier semestre 2023 pour atteindre 262,8 TWh (1er semestre 2022 : 281,0 TWh). Cette réduction est attribuée à des températures plus clémentes et à une demande plus faible en raison des prix élevés de l’électricité et de la baisse conjoncturelle.

Fig 2 Bruttostromverbrauch 2022_2023
Figure 2 : part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/

Développement des énergies renouvelables

La figure 3 montre le développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023 par rapport aux objectifs.

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Figure 3 : Développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023

Au premier semestre une capacité photovoltaïque de 6.262 MW a été installée portant la capacité cumulée à 73,7 GW.  Si ce rythme est maintenu, environ 12.500 MW seront installés en 2023, dépassant l’objectif de 2023 et en bonne voie vers l’objectif de fin 2024 fixé par la loi sur les énergies renouvelables à 88 GW /8/.

Concernant l’éolien en mer, 24 installations d’une puissance totale de 229 MW ont été injectées pour la première fois dans le réseau électrique au cours du premier semestre 2023. En outre, l’ajout d’une puissance de 20 MW a été apporté aux installations existantes /9/. Avec une capacité cumulée de 8,4 GW, l’objectif de 2023 est pratiquement atteint. Il est prévu de porter la puissance totale à au moins 30 GW d’ici 2030.

En ce qui concerne l’éolien terrestre, 331 nouvelles éoliennes d’une puissance de 1 565 MW ont été installées et 198 éoliennes d’une puissance de 239 MW démantelées. L’ajout net s’élève donc à 1.325 MW au cours du premier semestre 2023 /9/.

Bien que cela représente une nette accélération par rapport à la même période de l’année précédente, l’ajout réalisé est nettement insuffisant pour atteindre l’objectif intermédiaire de développement fixé par la loi sur les énergies renouvelables, soit 69 GW fin 2024 (capacité totale installée à la fin du premier semestre 2023 : 59,3 GW).

Evolution du prix du marché de gros de l´électricité

La crise énergétique liée à la situation internationale et à l’augmentation des prix des combustibles a conduit à une augmentation sans précédent des prix de l’électricité en Europe, en particulier entre le printemps et l’été 2022.

Au 1er semestre 2023, le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente /3/ mais se situe toujours à un niveau plus élevé qu’en 2020 et début 2021, voir figure 4.

Fig 3 Strompreis day ahead
Figure 4 : Evolution du prix de gros constaté sur le marché journalier (day-ahead) en Allemagne

Selon une récente analyse du bureau d´études PROGNOS pour le compte de l´Union Economique Bavaroise, les prix moyens de l’électricité seront dans les prochaines années nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique /10/. Ceci s’explique par les prix plus élevés du gaz dont le prix du mix électrique en Allemagne dépend encore fortement et l’augmentation des prix des certificats d’échange de quotas d’émission.

En 2023 les ménages et les entreprises ont été en large partie protégés des augmentations de prix grâce au « bouclier tarifaire » /4/.

A titre d’exemple, les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficient d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80% de leur consommation annuelle. Au-delà, ils payent leur électricité au prix du marché.

Echanges commerciaux

L’Allemagne a été exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023, mais le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l’année précédente. Le solde net a atteint 3,1 TWh contre 17,3 TWh au 1er semestre 2022 /1/.

Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins. À partir de mai 2023, l’Allemagne a importé plus d’électricité de France qu’elle n’en a exporté en raison d’un prix plus bas : l’électricité nucléaire française était visiblement moins chère que le mix de production allemand /6/.

Intensité carbone du mix électrique

L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh /5/. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone notamment en provenance de la France et du Danemark /6/, la moyenne mobile de l’intensité carbone, exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit, est en baisse au premier semestre 2023 /7/.

Fig 4 Intensite carbone
Figure 4 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit au 1er semestre 2023

Références

/1/ BDEW (2023) Aktuelle Berechnungen von ZSW und BDEW: Erneuerbare Energien haben im ersten Halbjahr mehr als die Hälfte des Stromverbrauchs gedeckt, Communiqué de presse du 27.06.2023, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/erneuerbare-energien-haben-im-ersten-halbjahr-mehr-als-die-haelfte-des-stromverbrauchs-gedeckt/

/ 2/ Allemagne Energies (2023) Clap de fin pour l’électronucléaire en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/04/16/clap-de-fin-pour-lelectronucleaire-en-allemagne/

/ 3/ Dashboard Deutschland (2023), Strompreis, en ligne : https://www.dashboard-deutschland.de/indicator/data_preise_strom

/4/ Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ SMARD (2023) Strommarkdaten, Echanges commerciaux, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/page/home/marktdaten/78?marketDataAttributes=%7B%22resolution%22:%22month%22,%22from%22:1672527600000,%22to%22:1688162399999,%22moduleIds%22:%5B22004629,22004406,22004548,22004410,22004552,22004403,22004545,22004412,22004553,22004405,22004547,22004409,22004551,22004407,22004549,22004404,22004546,22004408,22004550,22004722,22004724,22004998,22004712%5D,%22selectedCategory%22:null,%22activeChart%22:true,%22style%22:%22color%22,%22region%22:%22DE%22,%22categoriesModuleOrder%22:%7B%7D%7D

/7/ Stromdaten.info (2023), Stromdatenanalyse, en ligne : https://www.stromdaten.info/

/8/ UBA (2023) Monats- und Quartalsdaten der AGEE-Stat, Monatsbericht 15.08.2023, Umweltbundesamt, en ligne : 08-2023_agee-stat_monatsbericht_final(1)

/9/ Deutsche Windguard (2023) Windenergie-Statistik: 1. Halbjahr 2023, en ligne : https://www.windguard.de/id-1-halbjahr-2023.html

/10/ VBW (2023), Strompreisprognose Juillet 2023, vbw – Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft, en ligne : https://www.vbw-bayern.de/vbw/Themen-und-Services/Energie-Klima/Energie/Neue-Strompreisprognose-bis-2040.jsp?shortcut

Clap de fin pour l’électronucléaire en Allemagne

Temps de lecture : 20 minutes

Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW ont été arrêtées définitivement le 15 avril 2023, 21 ans après la décision de l’Allemagne de sortir de l’électronucléaire.

Initialement, les trois derniers réacteurs devaient fermer le 31 décembre 2022, mais leur arrêt définitif a été reporté sur décision du Chancelier Olaf Scholz. Objectif : sécuriser l’approvisionnement en électricité du pays face au risque d’une pénurie de gaz l’hiver 2022/23.

L’Allemagne perd 6% de sa production d’électricité à partir des moyens pilotables et décarbonés mais la sécurité d’approvisionnement serait assurée selon les ministres de l’Environnement et de l’Économie.

En attendant la mise en service de nouvelles centrales qui fonctionneront au gaz dans un premier temps avant de passer plus tard à l´hydrogène, des centrales à charbon ont été réactivées au moins jusqu´au printemps 2024 et resteront au réseau vraisemblablement au-delà.

C’est la fin d’une ère qui a commencé en 1955 avec la levée de l’interdiction de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire en Allemagne puis l’entrée en vigueur de la Loi Atomique (Atomgesetz) au premier janvier 1960.

Les centrales nucléaires ont produit environ 4.290 TWh bruts depuis la réunification de l’Allemagne en 1990. Cela correspond à environ 7 ans de la consommation brute de l’Allemagne et a économisé environ 4.200 Mt CO2éq soit environ 900 Mt CO2éq de plus que les énergies renouvelables pendant la même période.

Poussée par des principes purement idéologiques, l’Allemagne abandonne l’électronucléaire définitivement après six décennies d’exploitation de manière efficiente et sûre sans événements majeurs. Nous verrons bien si cette décision était justifiée ou une grave erreur en se privant d’une énergie propre, fiable et d’un coût abordable, qui contribue à l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.

Selon un récent sondage de la première chaine de télévision allemande, la majorité des Allemands est contre la fermeture des dernières centrales nucléaires.

Toutefois, la Loi Atomique (Atomgesetz) n’interdit pas les activités dans d’autres domaines du nucléaire comme l’enrichissement de l’uranium et la fabrication des crayons et des assemblages de combustible. L’exploitation de réacteurs de recherche est également autorisée.

De plus, il est prévu de poursuivre les recherches dans différents domaines du nucléaire (gestion des déchets nucléaires, radiologie et sûreté nucléaire). L’Allemagne poursuivra également la recherche en matière de fusion nucléaire contrôlée. Un des plus grands stellarateurs, le Wendelstein 7-X, a été mis en service en 2015 à Greifswald (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).

Fig 1 Biblis Reaktorgebäude
Figure 1 : centrale nucléaire de Biblis : piscine d’entreposage des assemblages combustibles

Développement des réacteurs nucléaires en Allemagne depuis les années cinquante

Le premier réacteur mis en service en Allemagne fut le réacteur de recherche « München » en octobre 1957 à Garching près de Munich en Bavière, cf. figure 2. Ce réacteur qui appartenait à l’Université technique de Munich était aussi appelé « Atom-Ei von Garching (œuf atomique de Garching) » du fait de sa coupole en forme d’œuf. Sa puissance thermique a été progressivement augmentée de 1 à 4 MWth. Il a été mis hors service en 2000 /12/.

La base légale de l’utilisation de l’énergie nucléaire en Allemagne est la Loi Atomique (Atomgesetz). Elle est entrée en vigueur dans sa version initiale le 1er janvier 1960 après sa publication au Journal Officiel le 31.12.1959 /24/.

Fig 2 Atom_Ei1
Figure 2 : réacteur de recherche « München » à Garching près de Munich, aussi appelé « Atom-Ei (œuf atomique) »

L’utilisation à échelle commerciale de l’énergie nucléaire a débuté en Allemagne avec la centrale nucléaire expérimentale de Kahl (VAK), un réacteur à eau bouillante d’une puissance électrique brute de 16 MW construit par AEG sous licence de General Electric pour le compte des énergéticiens RWE et Bayernwerk, cf. figure 3. C’est en 1961 que pour la première fois en Allemagne l’électricité produite à l’aide de l’énergie nucléaire fut injectée dans le réseau. La centrale, ayant produit environ 2,1 TWh au total, fut mise hors service en 1985 /9/, /12/, /14/.

Fig 3 versuchsatomkraftwerk-kahl-1961
Figure 3 : centrale nucléaire expérimentale de Kahl près de Karlstein am Main (Bavière)/Source RWE

A l’époque les réacteurs à eau bouillante (REB) ont été construits par AEG sous licence de General Electric et les réacteurs à eau pressurisée (REP) par Siemens sous licence de Westinghouse. La percée définitive de la filière des réacteurs à eau légère a eu lieu avec la mise en service des réacteurs de la génération de 250/300 MWe de Gundremmingen A (REB), Obrigheim (REP) et Lingen (REB) entre 1966 et 1968.

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Figure 4 : centrale nucléaire d’Obrigheim au bord du Neckar entre Heidelberg et Heilbronn (Bade-Wurtemberg), équipée d’un réacteur à eau pressurisée. En service de 1968 à 2005, initialement avec une puissance électrique brute de 300 MW, puis 375 MW après une augmentation de puissance en 1985 /source EnBW

En 1969 les pionniers de l’industrie nucléaire allemande, Siemens et AEG, se sont associés dans la société KWU (Kraftwerk Union AG).

L’étape suivante fut la mise en service de la génération d’une puissance électrique de 600 MW en 1971/72 : Würgassen (REB) et Stade (REP).

Fig 5 KKW Würgassen
Figure 5 : centrale nucléaire de Würgassen au bord de la Weser en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, environ 40 km nord ouest de Göttingen, équipée d’un réacteur à eau bouillante d’une puissance électrique brute de 672 MWe, en service de 1971 à 1994. Décision d’arrêt définitif en 1995 pour des raisons économiques/source PreussenElektra

La mise en service de deux réacteurs à eau pressurisée de la génération d’une puissance électrique de 1200/1300 MW à Biblis (tranche A 1974 – 2011, tranche B 1976 – 2011) et de deux réacteurs à eau bouillante d’une puissance électrique de 1300 MW à Gundremmingen (tranche B 1984 – 2017, tranche C 1984 – 2021) visait une standardisation des grands réacteurs à eau pressurisée et à eau bouillante.

Fig 6 Biblis_1
Figure 6 : centrale de Biblis, environ 50 km au sud de Francfort (Hesse) sur le Rhin ; 2 réacteurs à eau pressurisée : tranche A (1225 MWe bruts) mise en service 1974 et tranche B (1300 MWe bruts) mise en service 1976/ source RWE

L’effet de réduction des coûts espéré pour des sites à deux réacteurs quasi identiques n’a cependant pas eu lieu. Les exigences sans cesse croissantes en matière de sûreté ont conduit à toujours plus de systèmes et d’équipements /11/.

Fig 7 Photo 1-kernkraftwerk-gundremmingen
Figure 7 : centrale nucléaire de Gundremmingen près de Günzburg (Bavière) sur le Danube, deux réacteurs à eau bouillante (1344 MWe bruts), tranche C à droite sur la photo, mise en service 1984/source RWE

Par la suite, dans le but de faciliter l’obtention des autorisations administratives et de réduire les délais de construction, la société KWU a développé le concept de « Konvoi » de plusieurs tranches identiques équipées de réacteurs à eau pressurisée (REP) de la génération d’une puissance électrique de 1400 MW. Cette version allemande de la notion de palier, utilisée en France /10/, comporte seulement trois centrales : Isar unité 2, Emsland et Neckarwestheim unité 2). Leur connection au réseau a eu lieu en 1988/1989.

Luftbild
Figure 8 : centrale nucléaire Emsland à Lingen (Basse Saxe) sur le fleuve Ems/réservoir d’eau Geeste, équipée d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance électrique brute de 1406 MWe, mise en service 1988/source RWE

La centrale nucléaire qui n’a pas été construite par KWU en Allemagne est la centrale de Mülheim-Kärlich sur le Rhin près de Coblence. Commandée par RWE, elle est équipée d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance électrique brute de 1302 MWe construit par Brown Boveri Reaktor GmbH (BBR) sous licence de Babcock & Wilcox (États-Unis). La centrale a été mise en service en mars 1986 mais arrêtée en septembre 1988 suite au jugement du Tribunal Administratif Fédéral (Bundesverwaltungsgericht) invalidant le permis de construction /1/, /3/.

Outre la filière des réacteurs à eau légère plusieurs autres filières de réacteurs électronucléaires ont été successivement développées en Allemagne. Les plus importantes sont /3/ :

  • Réacteurs surgénérateurs: le réacteur de recherche KNK 2 d’une puissance électrique de 21 MW, en service entre 1977 et 1991, et le réacteur SNR 300 d’une puissance électrique de 327 MW, construit à partir de 1973 et en grande partie achevé, mais abandonné en 1991 sans être connecté au réseau ;
  • Réacteurs à haute température (concept de réacteur à boulets) : le réacteur de recherche AVR (puissance électrique de 15 MW) mis en service en 1966 mais abandonné en 1988 suite à la décision de ne plus poursuivre cette filière en Allemagne ; le réacteur prototype THTR-300 (puissance électrique de 308 MW), mis en service en 1983 et arrêté définitivement en 1989 pour des raisons économiques, techniques et de sûreté et de la perte d´intérêt des énergéticiens d’investir dans cette technologie ;
  • Réacteurs à eau lourde : le réacteur de recherche à but multiple d’une puissance électrique de 57 MW, le MZFR (Mehrzweckreaktor), en service entre 1966 et 1984. Le MZFR a permis d’acquérir l’expérience dans l’exploitation de réacteurs à eau lourde ; le réacteur de recherche de Niedereichbach d’une puissance électrique de 106 MW, arrêté en 1974 après seulement deux années d’exploitation en raison de problèmes techniques. La filière des réacteurs à eau lourde n’a finalement pas été poursuivie en Allemagne, en revanche Siemens/KWU a vendu deux réacteurs à eau lourde à l’Argentine (Atucha tranche 1 et 2), qui utilisent l’uranium naturel.
  • Réacteurs à eau sous pression soviétiques de type VVER: de nombreuses tranches de technologie soviétique des réacteurs à eau sous pression ont été exploitées en RDA (République démocratique allemande) :
    • Rheinsberg (réacteur de type VVER d’une puissance électrique de 70 MW) : en service de 1966 à 1990 ;
    • Greifswald (8 réacteurs de type VVER 440 d’une puissance électrique unitaire de 440 MW) : mise en service de la tranche 1 en 1973, suivie de la mise en service des tranches 2 à 4 en 1974, 1977 et 1979. La tranche 5, divergée en 1989, n’a plus été connectée au réseau. Les tranches 6 à 8 étaient encore en construction en 1990 ;
    • Stendal (2 réacteurs de type VVER 1000 d’une puissance électrique unitaire de 1000 MW) : les autorités de sûreté de la RDA avait délivré la première autorisation de construction pour les deux tranches en 1982. Après plusieurs années de retard, les travaux de construction ont été définitivement arrêtés en 1990.

Après la réunification en 1990, tous les réacteurs de l’ex-RDA encore en service ont été arrêtés définitivement en raison de « graves risques en matière de sûreté »  /3/ :

Les centrales nucléaires après la réunification de l’Allemagne

Après l’arrêt des centrales nucléaires de l’ex RDA, 20 réacteurs étaient encore en service en 1990, dont 13 réacteurs à eau pressurisée et 7 à eau bouillante, cf. tableau 1.

Tableau 1 Status KKW ab 1990
Tableau 1 : Centrales nucléaires en service après 1990

La centrale nucléaire de Würgassen a été déconnectée du réseau en 1994 et celle de Stade en 2003. L’exploitant E.ON/PreussenElektra avait invoqué des raisons économiques pour justifier l’arrêt définitif de ces deux centrales.

En revanche, l’arrêt définitif de la centrale d’Obrigheim en 2005 est la conséquence de l’accord en 2000 entre la coalition gouvernementale et les énergéticiens sur l’abandon de l’énergie nucléaire qui fut transcrite dans l´amendement à la Loi Atomique en 2002 /1/.

L’arrêt des 17 centrales restantes échelonné de 2011 à 2023 est dû à l’accélération de l’abandon du nucléaire décidée par le gouvernement allemand suite à l´accident de Fukushima /1/. L’arrêt des dernières trois centrales de type « Konvoi » (KKI-2, KKE et GKN-2), initialement prévu fin 2022, a été reporté sur décision du Chancelier Olaf Scholz au 15 avril 2023 face à la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine /20/.

La figure 9 montre l’évolution de la puissance électrique nette installée entre 1970 et 2023 selon World Nuclear Association /18/. En 1989, la puissance installée du nucléaire en Allemagne atteint son niveau le plus élevé avec 22,9 GW juste avant l’arrêt des centrales de l’ex RDA.

Fig 9 Puissance nette installee 1970 _ 2022
Figure 9 : Évolution de la puissance électrique nette installée entre 1970 et 2023

Pour plus d’informations voir aussi le système d’information sur les réacteurs de puissance (PRIS) de l’Agence internationale de l’énergie atomique /17/ et le site de la World Nuclear Association sur les centrales nucléaires en Allemagne /18/.

La figure 10 montre les résultats de production brute d’électricité des centrales nucléaires et leur part à la production d’électricité totale depuis la réunification de l’Allemagne en 1990.

Fig 10 Production_pourcentage nucleaire
Figure 10 : Résultats de production brute du nucléaire et pourcentage de la production totale 1990 – 2022

Dans la première décennie 1990 – 2000 les centrales nucléaires ont assuré en moyenne 30% de la production d’électricité totale de l’Allemagne, et un quart en moyenne dans la deuxième décennie 2001 – 2010. Suite à l’abandon accéléré du nucléaire décidé en 2011, leur part à la production totale baisse continuellement de 18% en 2011 à 6% en 2022.

Entre 1990 et 2022 la production cumulée s’élève à environ 4290 TWh. L’électronucléaire a donc assuré l’équivalent de 7 ans de la consommation d’électricité en Allemagne et ainsi économisé environ 4.200 Mt CO2éq, soit environ 900 Mt CO2éq de plus que les énergies renouvelables pendant la même période.

La production d’électricité d’origine décarbonée est en baisse depuis 2020

La production d´électricité en Allemagne a été assurée à seulement 51% par des sources décarbonées en 2022 contre 87% d’origine décarbonée en France /25/. Le charbon (houille et lignite) reste toujours une source importante de production d´électricité outre-Rhin malgré un recul notable au cours de la dernière décennie /2/.

L’hypothèse selon laquelle les énergies renouvelables allaient remplacer le nucléaire ne s’est pas confirmée jusqu’à présent, cf. figure 11. Depuis 2020, la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse /2/. Malgré un développement massif, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production suite à l’abandon progressif du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe en 2022 au niveau de 2017.

Fig 11 Production co2frei 2022
Figure 11 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

L’arrêt du nucléaire ne mettrait pas en danger la sécurité d’approvisionnement

Malgré la perte de 6% de la production d’électricité à partir des moyens pilotables et décarbonés, la sécurité d’approvisionnement en électricité ne serait pas en danger selon les affirmations des ministres de l’Environnement et de l’Économie /22/.

Le régulateur (Agence Fédérale des Réseaux) a publié en février 2023 un rapport monitoring sur la sécurité d´approvisionnement en électricité à l´horizon de 2030/31/23/. Même sous l’hypothèse d´une sortie du charbon et d´une augmentation significative de la consommation d´électricité à l’horizon de 2030, le critère de sécurité d’approvisionnement serait respecté avec des marges confortables, à condition qu´une série de mesures soit réalisée du côté de la capacité de production et du réseau. Outre un presque triplement (360 GW) de la capacité éolienne et photovoltaïque d’ici 2030 par rapport à 2022 (134 GW), il est entre autres prévu de construire une capacité de 17 à 21 GW de nouvelles centrales qui fonctionneront au gaz dans un premier temps avant de passer plus tard à l´hydrogène.

Dans l’intervalle, des centrales à charbon ont été réactivées au moins jusqu´au printemps 2024 et resteront au réseau vraisemblablement au-delà. L´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre les prochaines années dans le secteur de l’énergie s´amenuise. 

Etat actuel des centrales nucléaires et devenir des déchets radioactifs

Le tableau 2 résume l’état actuel des centrales nucléaires en Allemagne (hors réacteurs de recherche) /3/. Depuis le 15 avril 2023 6 centrales sont à l’arrêt définitif et 27 centrales en cours de démantèlement. Pour 3 centrales le démantèlement est terminé et le déclassement des installations prononcé par les Autorités de Sûreté.  

Le démantèlement des installations nucléaires durera une quinzaine d’années. Les coûts de démantèlement s’élèvent à environ un milliard d’euros par réacteur /1/. Le fait que le processus de démantèlement soit nettement plus coûteux et plus long que dans d’autres pays s’explique notamment par le fédéralisme allemand : chaque Land a sa propre autorité de sureté nucléaire et interprète différemment les réglementations internationales et nationales. Chaque démantèlement de centrale nucléaire devient ainsi un cas isolé et coûteux.

Tableau 2 Status Rueckbau 06 2022
Tableau 2 : Etat actuel des centrales nucléaires

Les déchets de faible et moyenne activité et à vie courte « FMA – VC » (il s’agit majoritairement des déchets d‘exploitation et de démantèlement des centrales dégageant très peu de chaleur) seront eux stockés à l‘avenir dans l’ancienne mine de fer de Konrad, proche de Salzgitter (Basse-Saxe), pour une mise en service prévue à partir de 2027. Konrad devrait dans un premier temps accueillir environ 300.000 m³ /1/.

Au total, l’exploitation des réacteurs allemands a généré environ 27.000 m3 de déchets de haute et moyenne activité et à vie longue « HA et MA – VL » (combustibles irradiés, déchets vitrifiés de retraitement dégageant de la chaleur). En attendant la mise en service d’un site de stockage final, ces déchets sont stockés dans des conteneurs CASTOR dans des entrepôts temporaires conçus à cet effet, cf. figure 12 /1/.

Fig 12 Hall Castor
Figure 12 : hall de stockage pour conteneurs CASTOR/source EnBW

Le choix d’un site de stockage définitif des déchets radioactifs de haute et moyenne activité et à vie longue accumule les retards /21/. L´objectif initial de 2031 pour la sélection d’un site de stockage définitif a été reporté à un horizon bien plus lointain, 2046 voire 2068 selon les scénarios. L’acheminement du premier colis radioactif vers le futur lieu sélectionné se décale vers un horizon de 2066 à 2088.

Des activités dans le domaine du nucléaire se poursuivent malgré l’abandon de l’électronucléaire

La Loi Atomique (Atomgesetz) n’interdit pas les activités dans d’autres domaines du nucléaire comme l’enrichissement de l’uranium et la fabrication des crayons et des assemblages de combustible. L’exploitation de réacteurs de recherche est également autorisée et la recherche en matière de nucléaire (gestion des déchets nucléaires, radiologie et sûreté nucléaire). La recherche en matière de science et technologie de la fusion nucléaire contrôlée sera également poursuivie.

Usines d’approvisionnement en combustible nucléaire

En Allemagne, les installations suivantes sont actuellement en service pour l’approvisionnement en combustible nucléaire /3/, /4/, /5/ :

  • Usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau
  • Usine de fabrication de combustibles à Lingen

Le parti « Die Linke » (en français « La Gauche ») a déposé en septembre 2022 une proposition au parlement demandant l’arrêt immédiat des deux usines /7/.  Bien que les Verts dans la coalition gouvernementale souhaitent que la fabrication et l’exportation de combustible nucléaire prennent fin, aucun accord n’avait été conclu en ce sens dans le contrat de coalition.

Les usines ayant un permis d’exploitation valable, les obstacles juridiques à leur fermeture sont élevés. De plus, un accord des trois partis au gouvernement sur l’arrêt des usines d’approvisionnement en combustible nucléaire semble peu probable pour le moment à la grande déception des organisations anti-nucléaires.

Usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau

L’usine d’enrichissement d’uranium à Gronau, située au nord-ouest de l’Allemagne près de la frontière avec les Pays-Bas, est exploitée par la société Urenco Deutschland GmbH, une filiale d’Urenco Enrichement Company Limited, cf. figure 13. Urenco Limited est détenue pour un tiers par l’État britannique, un tiers par l’État néerlandais et pour un tiers par les énergéticiens allemands PreussenElektra et RWE Power.

La première usine (UTA-1) a été mise en service en 1985 et a atteint en 2005 sa pleine capacité de 1,8 millions d’UTS par an. Une deuxième usine (UTA-2) ayant reçu en 2005 l’autorisation pour une capacité de 2,7 millions d’UTS porte la capacité totale jusqu’à 4,5 millions d’UTS par an. L’usine UTA-2 a été mise en service en 2011 et est depuis en constante expansion. La technique d’ultracentrifugation est employée dans les deux usines pour une concentration maximale autorisée de 6% /3/, /4/.

La production moyenne des usines à Gronau se situerait actuellement autour de 3,7 millions d’UTS/an selon /13/.

Fig 13 Urenco Gronau 2015_39
Figure 13 : usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau en Rhénanie-du-Nord-Westphalie/source Urenco

Usine de fabrication de combustible nucléaire à Lingen

L’usine d’Advanced Nuclear Fuels (ANF) GmbH, filiale de Framatome GmbH, située en Basse-Saxe à Lingen (Ems), fabrique des crayons et des assemblages de combustible contenant au maximum 5 % d’uranium 235, destinés à être utilisés principalement dans les réacteurs à eau légère livrés aux clients du monde entier /8/, cf. figure 14. La fabrication a débuté en 1979.

Framatome - Advanced Nuclear Fuels GmbH
Figure 14 : Usine de fabrication de combustible nucléaire à Lingen /source Framatome

La capacité autorisée de traitement des fours de conversion est fixée à 800 Mg/a et à 650 Mg/a pour les autres sous-unités /3/, 4/.

L’usine en Allemagne fournit également les composants et les matières premières destinés aux autres usines de fabrication de combustible de Framatome implantées en Europe et aux États-Unis.

Réacteurs de recherche

L’Allemagne compte au total 46 réacteurs de recherche dont 6 sont encore en fonctionnement /3/, /5/.

Outre quatre réacteurs d’enseignement dit « de puissance nulle » (Pth ≤ 2 W), deux réacteurs de recherche d’une puissance thermique de plus de 50 kW sont encore en service :

  • Réacteur de recherche München à Garching (FRM-II) de l’Université technique de Munich, Pth = 20 MW, mise en service 2004 ;
  • Réacteur de recherche Mainz (TRIGA Mark II) de l’Université de Mainz, Pth = 100 kW en continue et Pth = 250 MW pendant 30 ms, mise en service 1965.

Recherche & Développement

Malgré l’abandon de l’électronucléaire, l’Allemagne poursuivra ses activités de Recherche & Développement non seulement dans le domaine de la gestion des déchets nucléaires et de radiologie mais aussi dans le domaine de la sûreté nucléaire /15/. Ne serait-ce que pour respecter les obligations internationales de l’Allemagne vis-à-vis de l’Union européenne (Euratom) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

L’augmentation de la demande mondiale en énergie exige, selon le gouvernement allemand, d’explorer une large palette d’options pour l’approvisionnement énergétique futur. C’est pour cela que l’Allemagne se voit dans la responsabilité de faire progresser les connaissances en matière de science et technologie de la fusion nucléaire contrôlée et la physique des plasmas.

L’Allemagne participe au projet ITER via l’Union Européenne et exploite aussi un des plus grands stellarateurs, le Wendelstein 7-X, basé à Greifswald en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Le stellarateur, exploité par l’Institut Max-Planck, apportera des éléments complémentaires avec ITER. Le premier plasma a été produit en décembre 2015 /16/.

Conclusion

Au cours des six dernières décennies, les centrales nucléaires en Allemagne ont pu être exploitées de manière efficiente et sûre sans événements majeurs.

Depuis quarante ans il y a toujours des centrales allemandes dans le top 10 mondial de la production d´électricité annuelle, ce qui prouve l´excellente qualité et la bonne disponibilité malgré un cadre politique et médiatique souvent hostile au nucléaire /1/.

Poussée par des principes purement idéologiques, l’Allemagne a abandonné l’électronucléaire définitivement le 15 avril 2023. Nous verrons bien si cette décision était justifiée ou une grave erreur en se privant des moyens pilotables, fiables et d’un coût abordable, qui ont contribué à l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.

Selon un sondage de la première chaine de télévision allemande (ARD-DeutschlandTrend), publié le 14 avril 2023, une majorité des sondés est contre la fermeture des dernières centrales nucléaires. Six personnes interrogées sur dix (59%) trouvent que la décision du gouvernement est mauvaise, alors que seul un tiers (34%) la jugent bonne /19/. Une grande partie des personnes interrogées craignent aussi que le tournant vers toujours plus d’énergies renouvelables s’accompagne d’une nouvelle hausse des prix de l’énergie.

Références

/1/ Allemagne Energies (1) Historique de la sortie du nucléaire. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/

/2/Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/3/ BASE (2022) Statusbericht zur Kernenergienutzung in der Bundesrepublik Deutschland 2021, BASE-N-01/22, URN 0221-2022090934227, Bundesamt für die Sicherheit der nuklearen Entsorgung (BASE) , en ligne : https://www.base.bund.de/SharedDocs/Kurzmeldungen/BASE/DE/2022/statusbericht-kernenergienutzung-2021.html

/4/ BASE (2022) Anlagen der Kernbrennstoffversorgung und -entsorgung, Bundesamt für die Sicherheit der nuklearen Entsorgung (BASE), en ligne : https://www.base.bund.de/DE/themen/kt/kta-deutschland/kta-uebersicht/versorgung-entsorgung/versorgung-entsorgung.html;jsessionid=A0173D01BF26042923AB903459F79F34.internet011

/5/ BASE (2022) Forschungsreaktoren, Bundesamt für die Sicherheit der nuklearen Entsorgung (BASE), en ligne : https://www.base.bund.de/DE/themen/kt/kta-deutschland/kta-uebersicht/forschungsreaktoren/forschungsreaktoren.html;jsessionid=A0173D01BF26042923AB903459F79F34.internet011

/6/ BMWi (2022) Zahlen und Fakten: Energiedaten, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Energie/energiedaten-gesamtausgabe.html

/7/ Deutscher Bundestag (2022), Antrag auf Stilllegung der Uranfabriken Gronau und Lingen – Exportverbot für Kernbrennstoffe (Fraktion die Linke), Drucksache 20/3616 du 22.09.2022, en ligne : https://dip.bundestag.de/vorgang/stilllegung-der-uranfabriken-gronau-und-lingen-exportverbot-f%C3%BCr-kernbrennstoffe/291534?f.wahlperiode=20&rows=25&pos=2

/8/ Framatome Lingen, ANF, en ligne : https://www.framatome.com/fr/implantations/lingen/

(9/ KernD (2023) Geschichte der Kernenergie, Kerntechnik Deutschland e.V., en ligne : https://www.kernd.de/kernd/Politik-und-Gesellschaft/Geschichte-der-Kernenergie/

/10/ Leclercq, Jacques (1986) L’ère nucléaire, Hachette, 1986, 414 pages, ISBN 2-85108-439-9

/11/ Michaelis, Hans et Salander, Carsten (1995) Handbuch Kernenergie, Kompendium der Energiewirtschaft und Energiepolitik, VWEW-Verlag, ISBN 3-8022-0426-3

/12/ TUM (2014) Atom-Ei wird entkernt, Technische Universität München, en ligne : https://www.frm2.tum.de/frm2/aktuelles-medien/presse/newsarchiv/news-single-view/article/atom-ei-wird-entkernt/

/13/ URENCO Deutschland, en ligne : https://www.urenco.com/global-operations/urenco-deutschland

/14/ VDE (2020) Versuchsatomkraftwerk Kahl GmbH, Verband der Elektrotechnik Elektronik und Informationstechnik e.V., en ligne : https://www.vde.com/de/geschichte/karte/bayern/versuchsatomkraftwerk-kahl

/15/ BMWi (2018) 7. Energieforschungsprogramm der Bundesregierung, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/7-energieforschungsprogramm-der-bundesregierung.html

/16/ Max-Planck-Institut Wendelstein 7-X, en ligne : https://www.ipp.mpg.de/wendelstein7x

/17/ IAEA (2023) Power Reactor Information System (PRIS), Allemagne, International Atomic Energy Agency, en ligne : https://pris.iaea.org/pris/CountryStatistics/CountryDetails.aspx?current=DE

/18/ WNA (2022) Nuclear Power in Germany, World Nuclear Association, en ligne : https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-g-n/germany.aspx

/19/ Tagesschau (2023) Mehrheit ist gegen Atomausstieg, ARD, DeutschlandTrend14.04.2023, en ligne : https://www.tagesschau.de/inland/deutschlandtrend/deutschlandtrend-3357.html

/20/ Allemagne Energies 2022 Prolongation des trois dernières centrales nucléaires allemandes sur décision du Chancelier – Modification de la Loi Atomique adoptée par le conseil des ministres, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/10/20/prolongation-des-trois-dernieres-centrales-nucleaires-allemandes-sur-decision-du-chancelier-modification-de-la-loi-atomique-adoptee-par-le-conseil-des-ministres/

/21/ Allemagne Energies (2022)  Allemagne : la sélection d´un site de stockage définitif des déchets radioactifs de haute et moyenne activité et à vie longue renvoyée aux calendes grecques, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/11/17/allemagne-la-selection-dun-site-de-stockage-definitif-des-dechets-radioactifs-de-haute-et-moyenne-activite-et-a-vie-longue-renvoyee-aux-calendes-grecques/

/22/ BMWK/BMU (2023) Deutschland beendet das Zeitalter der Atomkraft, Communiqué de presse commun du 13.04.2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, Bundesministerium für Umwelt, Naturschutz, nukleare Sicherheit und Verbraucherschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/04/20230413-deutschland-beendet-das-zeitalter-der-atomkraft.html

/23/ Allemagne Energies Le tournant énergétique allemand, en ligne :  Sécurité d´approvisionnement

/24/ Fischerhof, Hans (1978) Deutsches Atomgesetz und Strahlenschutzrecht, Volume I, 1069 pages, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, ISBN 3-7890-0393-X

/25/ RTE (2023) Bilan électrique 2022, RTE – Réseau de transport d´électricité. En ligne : https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilans-electriques-nationaux-et-regionaux