Transition énergétique allemande, Energiewende Deutschland, sortie du nucléaire, énergies renouvelables, économies d´énergie, réduction des émissions de gaz à effet de serre
Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW ont été arrêtées définitivement le 15 avril 2023, 21 ans après la décision de l’Allemagne de sortir de l’électronucléaire.
Initialement, les trois derniers réacteurs devaient fermer le 31 décembre 2022, mais leur arrêt définitif a été reporté sur décision du Chancelier Olaf Scholz. Objectif : sécuriser l’approvisionnement en électricité du pays face au risque d’une pénurie de gaz l’hiver 2022/23.
L’Allemagne perd 6% de sa production d’électricité à partir des moyens pilotables et décarbonés mais la sécurité d’approvisionnement serait assurée selon les ministres de l’Environnement et de l’Économie.
En attendant la mise en service de nouvelles centrales qui fonctionneront au gaz dans un premier temps avant de passer plus tard à l´hydrogène, des centrales à charbon ont été réactivées au moins jusqu´au printemps 2024 et resteront au réseau vraisemblablement au-delà.
C’est la fin d’une ère qui a commencé en 1955 avec la levée de l’interdiction de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire en Allemagne puis l’entrée en vigueur de la Loi Atomique (Atomgesetz) au premier janvier 1960.
Les centrales nucléaires ont produit environ 4.290 TWh bruts depuis la réunification de l’Allemagne en 1990. Cela correspond à environ 7 ans de la consommation brute de l’Allemagne et a économisé environ 4.200 Mt CO2éq soit environ 900 Mt CO2éq de plus que les énergies renouvelables pendant la même période.
Poussée par des principes purement idéologiques, l’Allemagne abandonne l’électronucléaire définitivement après six décennies d’exploitation de manière efficiente et sûre sans événements majeurs.Nous verrons bien si cette décision était justifiée ou une grave erreur en se privant d’une énergie propre, fiable et d’un coût abordable, qui contribue à l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.
Selon un récent sondage de la première chaine de télévision allemande, la majorité des Allemands est contre la fermeture des dernières centrales nucléaires.
Toutefois, la Loi Atomique (Atomgesetz) n’interdit pas les activités dans d’autres domaines du nucléaire comme l’enrichissement de l’uranium et la fabrication des crayons et des assemblages de combustible. L’exploitation de réacteurs de recherche est également autorisée.
De plus, il est prévu de poursuivre les recherches dans différents domaines du nucléaire (gestion des déchets nucléaires, radiologie et sûreté nucléaire). L’Allemagne poursuivra également la recherche en matière de fusion nucléaire contrôlée. Un des plus grands stellarateurs, le Wendelstein 7-X, a été mis en service en 2015 à Greifswald (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).
Figure 1 : centrale nucléaire de Biblis : piscine d’entreposage des assemblages combustibles
Développement des réacteurs nucléaires en Allemagne depuis les années cinquante
Le premier réacteur mis en service en Allemagne fut le réacteur de recherche « München » en octobre 1957 à Garching près de Munich en Bavière, cf. figure 2. Ce réacteur qui appartenait à l’Université technique de Munich était aussi appelé « Atom-Ei von Garching (œuf atomique de Garching) » du fait de sa coupole en forme d’œuf. Sa puissance thermique a été progressivement augmentée de 1 à 4 MWth. Il a été mis hors service en 2000 /12/.
La base légale de l’utilisation de l’énergie nucléaire en Allemagne est la Loi Atomique (Atomgesetz). Elle est entrée en vigueur dans sa version initiale le 1er janvier 1960 après sa publication au Journal Officiel le 31.12.1959 /24/.
Figure 2 : réacteur de recherche « München » à Garching près de Munich, aussi appelé « Atom-Ei (œuf atomique) »
L’utilisation à échelle commerciale de l’énergie nucléaire a débuté en Allemagne avec la centrale nucléaire expérimentale de Kahl (VAK), un réacteur à eau bouillante d’une puissance électrique brute de 16 MW construit par AEG sous licence de General Electric pour le compte des énergéticiens RWE et Bayernwerk, cf. figure 3. C’est en 1961 que pour la première fois en Allemagne l’électricité produite à l’aide de l’énergie nucléaire fut injectée dans le réseau. La centrale, ayant produit environ 2,1 TWh au total, fut mise hors service en 1985 /9/, /12/, /14/.
Figure 3 : centrale nucléaire expérimentale de Kahl près de Karlstein am Main (Bavière)/Source RWE
A l’époque les réacteurs à eau bouillante (REB) ont été construits par AEG sous licence de General Electric et les réacteurs à eau pressurisée (REP) par Siemens sous licence de Westinghouse. La percée définitive de la filière des réacteurs à eau légère a eu lieu avec la mise en service des réacteurs de la génération de 250/300 MWe de Gundremmingen A (REB), Obrigheim (REP) et Lingen (REB) entre 1966 et 1968.
Figure 4 : centrale nucléaire d’Obrigheim au bord du Neckar entre Heidelberg et Heilbronn (Bade-Wurtemberg), équipée d’un réacteur à eau pressurisée. En service de 1968 à 2005, initialement avec une puissance électrique brute de 300 MW, puis 375 MW après une augmentation de puissance en 1985 /source EnBW
En 1969 les pionniers de l’industrie nucléaire allemande, Siemens et AEG, se sont associés dans la société KWU (Kraftwerk Union AG).
L’étape suivante fut la mise en service de la génération d’une puissance électrique de 600 MW en 1971/72 : Würgassen (REB) et Stade (REP).
Figure 5 : centrale nucléaire de Würgassen au bord de la Weser en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, environ 40 km nord ouest de Göttingen, équipée d’un réacteur à eau bouillante d’une puissance électrique brute de 672 MWe, en service de 1971 à 1994. Décision d’arrêt définitif en 1995 pour des raisons économiques/source PreussenElektra
La mise en service de deux réacteurs à eau pressurisée de la génération d’une puissance électrique de 1200/1300 MW à Biblis (tranche A 1974 – 2011, tranche B 1976 – 2011) et de deux réacteurs à eau bouillante d’une puissance électrique de 1300 MW à Gundremmingen (tranche B 1984 – 2017, tranche C 1984 – 2021) visait une standardisation des grands réacteurs à eau pressurisée et à eau bouillante.
Figure 6 : centrale de Biblis, environ 50 km au sud de Francfort (Hesse) sur le Rhin ; 2 réacteurs à eau pressurisée : tranche A (1225 MWe bruts) mise en service 1974 et tranche B (1300 MWe bruts) mise en service 1976/ source RWE
L’effet de réduction des coûts espéré pour des sites à deux réacteurs quasi identiques n’a cependant pas eu lieu. Les exigences sans cesse croissantes en matière de sûreté ont conduit à toujours plus de systèmes et d’équipements /11/.
Figure 7 : centrale nucléaire de Gundremmingen près de Günzburg (Bavière) sur le Danube, deux réacteurs à eau bouillante (1344 MWe bruts), tranche C à droite sur la photo, mise en service 1984/source RWE
Par la suite, dans le but de faciliter l’obtention des autorisations administratives et de réduire les délais de construction, la société KWU a développé le concept de « Konvoi » de plusieurs tranches identiques équipées de réacteurs à eau pressurisée (REP) de la génération d’une puissance électrique de 1400 MW. Cette version allemande de la notion de palier, utilisée en France /10/, comporte seulement trois centrales : Isar unité 2, Emsland et Neckarwestheim unité 2). Leur connection au réseau a eu lieu en 1988/1989.
Figure 8 : centrale nucléaire Emsland à Lingen (Basse Saxe) sur le fleuve Ems/réservoir d’eau Geeste, équipée d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance électrique brute de 1406 MWe, mise en service 1988/source RWE
La centrale nucléaire qui n’a pas été construite par KWU en Allemagne est la centrale de Mülheim-Kärlich sur le Rhin près de Coblence. Commandée par RWE, elle est équipée d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance électrique brute de 1302 MWe construit par Brown Boveri Reaktor GmbH (BBR) sous licence de Babcock & Wilcox (États-Unis). La centrale a été mise en service en mars 1986 mais arrêtée en septembre 1988 suite au jugement du Tribunal Administratif Fédéral (Bundesverwaltungsgericht) invalidant le permis de construction /1/, /3/.
Outre la filière des réacteurs à eau légère plusieurs autres filières de réacteurs électronucléaires ont été successivement développées en Allemagne. Les plus importantes sont /3/ :
Réacteurs surgénérateurs: le réacteur de recherche KNK 2 d’une puissance électrique de 21 MW, en service entre 1977 et 1991, et le réacteur SNR 300 d’une puissance électrique de 327 MW, construit à partir de 1973 et en grande partie achevé, mais abandonné en 1991 sans être connecté au réseau ;
Réacteurs à haute température (concept de réacteur à boulets) : le réacteur de recherche AVR (puissance électrique de 15 MW) mis en service en 1966 mais abandonné en 1988 suite à la décision de ne plus poursuivre cette filière en Allemagne ; le réacteur prototype THTR-300 (puissance électrique de 308 MW), mis en service en 1983 et arrêté définitivement en 1989 pour des raisons économiques, techniques et de sûreté et de la perte d´intérêt des énergéticiens d’investir dans cette technologie ;
Réacteurs à eau lourde : le réacteur de recherche à but multiple d’une puissance électrique de 57 MW, le MZFR (Mehrzweckreaktor), en service entre 1966 et 1984. Le MZFR a permis d’acquérir l’expérience dans l’exploitation de réacteurs à eau lourde ; le réacteur de recherche de Niedereichbach d’une puissance électrique de 106 MW, arrêté en 1974 après seulement deux années d’exploitation en raison de problèmes techniques. La filière des réacteurs à eau lourde n’a finalement pas été poursuivie en Allemagne, en revanche Siemens/KWU a vendu deux réacteurs à eau lourde à l’Argentine (Atucha tranche 1 et 2), qui utilisent l’uranium naturel.
Réacteurs à eau sous pression soviétiques de type VVER: de nombreuses tranches de technologie soviétique des réacteurs à eau sous pression ont été exploitées en RDA (République démocratique allemande) :
Rheinsberg (réacteur de type VVER d’une puissance électrique de 70 MW) : en service de 1966 à 1990 ;
Greifswald (8 réacteurs de type VVER 440 d’une puissance électrique unitaire de 440 MW) : mise en service de la tranche 1 en 1973, suivie de la mise en service des tranches 2 à 4 en 1974, 1977 et 1979. La tranche 5, divergée en 1989, n’a plus été connectée au réseau. Les tranches 6 à 8 étaient encore en construction en 1990 ;
Stendal (2 réacteurs de type VVER 1000 d’une puissance électrique unitaire de 1000 MW) : les autorités de sûreté de la RDA avait délivré la première autorisation de construction pour les deux tranches en 1982. Après plusieurs années de retard, les travaux de construction ont été définitivement arrêtés en 1990.
Après la réunification en 1990, tous les réacteurs de l’ex-RDA encore en service ont été arrêtés définitivement en raison de « graves risques en matière de sûreté » /3/ :
Les centrales nucléaires après la réunification de l’Allemagne
Après l’arrêt des centrales nucléaires de l’ex RDA, 20 réacteurs étaient encore en service en 1990, dont 13 réacteurs à eau pressurisée et 7 à eau bouillante, cf. tableau 1.
Tableau 1 : Centrales nucléaires en service après 1990
La centrale nucléaire de Würgassen a été déconnectée du réseau en 1994 et celle de Stade en 2003. L’exploitant E.ON/PreussenElektra avait invoqué des raisons économiques pour justifier l’arrêt définitif de ces deux centrales.
En revanche, l’arrêt définitif de la centrale d’Obrigheim en 2005 est la conséquence de l’accord en 2000 entre la coalition gouvernementale et les énergéticiens sur l’abandon de l’énergie nucléaire qui fut transcrite dans l´amendement à la Loi Atomique en 2002 /1/.
L’arrêt des 17 centrales restantes échelonné de 2011 à 2023 est dû à l’accélération de l’abandon du nucléaire décidée par le gouvernement allemand suite à l´accident de Fukushima /1/. L’arrêt des dernières trois centrales de type « Konvoi » (KKI-2, KKE et GKN-2), initialement prévu fin 2022, a été reporté sur décision du Chancelier Olaf Scholz au 15 avril 2023 face à la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine /20/.
La figure 9 montre l’évolution de la puissance électrique nette installée entre 1970 et 2023 selon World Nuclear Association /18/. En 1989, la puissance installée du nucléaire en Allemagne atteint son niveau le plus élevé avec 22,9 GW juste avant l’arrêt des centrales de l’ex RDA.
Figure 9 : Évolution de la puissance électrique nette installée entre 1970 et 2023
Pour plus d’informations voir aussi le système d’information sur les réacteurs de puissance (PRIS) de l’Agence internationale de l’énergie atomique /17/ et le site de la World Nuclear Association sur les centrales nucléaires en Allemagne /18/.
La figure 10 montre les résultats de production brute d’électricité des centrales nucléaires et leur part à la production d’électricité totale depuis la réunification de l’Allemagne en 1990.
Figure 10 : Résultats de production brute du nucléaire et pourcentage de la production totale 1990 – 2022
Dans la première décennie 1990 – 2000 les centrales nucléaires ont assuré en moyenne 30% de la production d’électricité totale de l’Allemagne, et un quart en moyenne dans la deuxième décennie 2001 – 2010. Suite à l’abandon accéléré du nucléaire décidé en 2011, leur part à la production totale baisse continuellement de 18% en 2011 à 6% en 2022.
Entre 1990 et 2022 la production cumulée s’élève à environ 4290 TWh. L’électronucléaire a donc assuré l’équivalent de 7 ans de la consommation d’électricité en Allemagne et ainsi économisé environ 4.200 Mt CO2éq, soit environ 900 Mt CO2éq de plus que les énergies renouvelables pendant la même période.
La production d’électricité d’origine décarbonée est en baisse depuis 2020
La production d´électricité en Allemagne a été assurée à seulement 51% par des sources décarbonées en 2022 contre 87% d’origine décarbonée en France /25/. Le charbon (houille et lignite) reste toujours une source importante de production d´électricité outre-Rhin malgré un recul notable au cours de la dernière décennie /2/.
L’hypothèse selon laquelle les énergies renouvelables allaient remplacer le nucléaire ne s’est pas confirmée jusqu’à présent, cf. figure 11. Depuis 2020, la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse /2/. Malgré un développement massif, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production suite à l’abandon progressif du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe en 2022 au niveau de 2017.
Figure 11 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)
L’arrêt du nucléaire ne mettrait pas en danger la sécurité d’approvisionnement
Malgré la perte de 6% de la production d’électricité à partir des moyens pilotables et décarbonés, la sécurité d’approvisionnement en électricité ne serait pas en danger selon les affirmations des ministres de l’Environnement et de l’Économie /22/.
Le régulateur (Agence Fédérale des Réseaux) a publié en février 2023 un rapport monitoring sur la sécurité d´approvisionnement en électricité à l´horizon de 2030/31/23/. Même sous l’hypothèse d´une sortie du charbon et d´une augmentation significative de la consommation d´électricité à l’horizon de 2030, le critère de sécurité d’approvisionnement serait respecté avec des marges confortables, à condition qu´une série de mesures soit réalisée du côté de la capacité de production et du réseau. Outre un presque triplement (360 GW) de la capacité éolienne et photovoltaïque d’ici 2030 par rapport à 2022 (134 GW), il est entre autres prévu de construire une capacité de 17 à 21 GW de nouvelles centrales qui fonctionneront au gaz dans un premier temps avant de passer plus tard à l´hydrogène.
Dans l’intervalle, des centrales à charbon ont été réactivées au moins jusqu´au printemps 2024 et resteront au réseau vraisemblablement au-delà. L´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre les prochaines années dans le secteur de l’énergie s´amenuise.
Etat actuel des centrales nucléaires et devenir des déchets radioactifs
Le tableau 2 résume l’état actuel des centrales nucléaires en Allemagne (hors réacteurs de recherche) /3/. Depuis le 15 avril 2023 6 centrales sont à l’arrêt définitif et 27 centrales en cours de démantèlement. Pour 3 centrales le démantèlement est terminé et le déclassement des installations prononcé par les Autorités de Sûreté.
Le démantèlement des installations nucléaires durera une quinzaine d’années. Les coûts de démantèlement s’élèvent à environ un milliard d’euros par réacteur /1/. Le fait que le processus de démantèlement soit nettement plus coûteux et plus long que dans d’autres pays s’explique notamment par le fédéralisme allemand : chaque Land a sa propre autorité de sureté nucléaire et interprète différemment les réglementations internationales et nationales. Chaque démantèlement de centrale nucléaire devient ainsi un cas isolé et coûteux.
Tableau 2 : Etat actuel des centrales nucléaires
Les déchets de faible et moyenne activité et à vie courte « FMA – VC » (il s’agit majoritairement des déchets d‘exploitation et de démantèlement des centrales dégageant très peu de chaleur) seront eux stockés à l‘avenir dans l’ancienne mine de fer de Konrad, proche de Salzgitter (Basse-Saxe), pour une mise en service prévue à partir de 2027. Konrad devrait dans un premier temps accueillir environ 300.000 m³ /1/.
Au total, l’exploitation des réacteurs allemands a généré environ 27.000 m3 de déchets de haute et moyenne activité et à vie longue « HA et MA – VL » (combustibles irradiés, déchets vitrifiés de retraitement dégageant de la chaleur). En attendant la mise en service d’un site de stockage final, ces déchets sont stockés dans des conteneurs CASTOR dans des entrepôts temporaires conçus à cet effet, cf. figure 12 /1/.
Figure 12 : hall de stockage pour conteneurs CASTOR/source EnBW
Le choix d’un site de stockage définitif des déchets radioactifs de haute et moyenne activité et à vie longue accumule les retards /21/. L´objectif initial de 2031 pour la sélection d’un site de stockage définitif a été reporté à un horizon bien plus lointain, 2046 voire 2068 selon les scénarios. L’acheminement du premier colis radioactif vers le futur lieu sélectionné se décale vers un horizon de 2066 à 2088.
Des activités dans le domaine du nucléaire se poursuivent malgré l’abandon de l’électronucléaire
La Loi Atomique (Atomgesetz) n’interdit pas les activités dans d’autres domaines du nucléaire comme l’enrichissement de l’uranium et la fabrication des crayons et des assemblages de combustible. L’exploitation de réacteurs de recherche est également autorisée et la recherche en matière de nucléaire (gestion des déchets nucléaires, radiologie et sûreté nucléaire). La recherche en matière de science et technologie de la fusion nucléaire contrôlée sera également poursuivie.
Usines d’approvisionnement en combustible nucléaire
En Allemagne, les installations suivantes sont actuellement en service pour l’approvisionnement en combustible nucléaire /3/, /4/, /5/ :
Usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau
Usine de fabrication de combustibles à Lingen
Le parti « Die Linke » (en français « La Gauche ») a déposé en septembre 2022 une proposition au parlement demandant l’arrêt immédiat des deux usines /7/. Bien que les Verts dans la coalition gouvernementale souhaitent que la fabrication et l’exportation de combustible nucléaire prennent fin, aucun accord n’avait été conclu en ce sens dans le contrat de coalition.
Les usines ayant un permis d’exploitation valable, les obstacles juridiques à leur fermeture sont élevés. De plus, un accord des trois partis au gouvernement sur l’arrêt des usines d’approvisionnement en combustible nucléaire semble peu probable pour le moment à la grande déception des organisations anti-nucléaires.
Usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau
L’usine d’enrichissement d’uranium à Gronau, située au nord-ouest de l’Allemagne près de la frontière avec les Pays-Bas, est exploitée par la société Urenco Deutschland GmbH, une filiale d’Urenco Enrichement Company Limited, cf. figure 13. Urenco Limited est détenue pour un tiers par l’État britannique, un tiers par l’État néerlandais et pour un tiers par les énergéticiens allemands PreussenElektra et RWE Power.
La première usine (UTA-1) a été mise en service en 1985 et a atteint en 2005 sa pleine capacité de 1,8 millions d’UTS par an. Une deuxième usine (UTA-2) ayant reçu en 2005 l’autorisation pour une capacité de 2,7 millions d’UTS porte la capacité totale jusqu’à 4,5 millions d’UTS par an. L’usine UTA-2 a été mise en service en 2011 et est depuis en constante expansion. La technique d’ultracentrifugation est employée dans les deux usines pour une concentration maximale autorisée de 6% /3/, /4/.
La production moyenne des usines à Gronau se situerait actuellement autour de 3,7 millions d’UTS/an selon /13/.
Figure 13 : usine d’enrichissement de l’uranium à Gronau en Rhénanie-du-Nord-Westphalie/source Urenco
Usine de fabrication de combustible nucléaire à Lingen
L’usine d’Advanced Nuclear Fuels (ANF) GmbH, filiale de Framatome GmbH, située en Basse-Saxe à Lingen (Ems), fabrique des crayons et des assemblages de combustible contenant au maximum 5 % d’uranium 235, destinés à être utilisés principalement dans les réacteurs à eau légère livrés aux clients du monde entier /8/, cf. figure 14. La fabrication a débuté en 1979.
Figure 14 : Usine de fabrication de combustible nucléaire à Lingen /source Framatome
La capacité autorisée de traitement des fours de conversion est fixée à 800 Mg/a et à 650 Mg/a pour les autres sous-unités /3/, 4/.
L’usine en Allemagne fournit également les composants et les matières premières destinés aux autres usines de fabrication de combustible de Framatome implantées en Europe et aux États-Unis.
Réacteurs de recherche
L’Allemagne compte au total 46 réacteurs de recherche dont 6 sont encore en fonctionnement /3/, /5/.
Outre quatre réacteurs d’enseignement dit « de puissance nulle » (Pth ≤ 2 W), deux réacteurs de recherche d’une puissance thermique de plus de 50 kW sont encore en service :
Réacteur de recherche München à Garching (FRM-II) de l’Université technique de Munich, Pth = 20 MW, mise en service 2004 ;
Réacteur de recherche Mainz (TRIGA Mark II) de l’Université de Mainz, Pth = 100 kW en continue et Pth = 250 MW pendant 30 ms, mise en service 1965.
Recherche & Développement
Malgré l’abandon de l’électronucléaire, l’Allemagne poursuivra ses activités de Recherche & Développement non seulement dans le domaine de la gestion des déchets nucléaires et de radiologie mais aussi dans le domaine de la sûreté nucléaire /15/. Ne serait-ce que pour respecter les obligations internationales de l’Allemagne vis-à-vis de l’Union européenne (Euratom) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
L’augmentation de la demande mondiale en énergie exige, selon le gouvernement allemand, d’explorer une large palette d’options pour l’approvisionnement énergétique futur. C’est pour cela que l’Allemagne se voit dans la responsabilité de faire progresser les connaissances en matière de science et technologie de la fusion nucléaire contrôlée et la physique des plasmas.
L’Allemagne participe au projet ITER via l’Union Européenne et exploite aussi un des plus grands stellarateurs, le Wendelstein 7-X, basé à Greifswald en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Le stellarateur, exploité par l’Institut Max-Planck, apportera des éléments complémentaires avec ITER. Le premier plasma a été produit en décembre 2015 /16/.
Conclusion
Au cours des six dernières décennies, les centrales nucléaires en Allemagne ont pu être exploitées de manière efficiente et sûre sans événements majeurs.
Depuis quarante ans il y a toujours des centrales allemandes dans le top 10 mondial de la production d´électricité annuelle, ce qui prouve l´excellente qualité et la bonne disponibilité malgré un cadre politique et médiatique souvent hostile au nucléaire /1/.
Poussée par des principes purement idéologiques, l’Allemagne a abandonné l’électronucléaire définitivement le 15 avril 2023. Nous verrons bien si cette décision était justifiée ou une grave erreur en se privant des moyens pilotables, fiables et d’un coût abordable, qui ont contribué à l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.
Selon un sondage de la première chaine de télévision allemande (ARD-DeutschlandTrend), publié le 14 avril 2023, une majorité des sondés est contre la fermeture des dernières centrales nucléaires. Six personnes interrogées sur dix (59%) trouvent que la décision du gouvernement est mauvaise, alors que seul un tiers (34%) la jugent bonne /19/. Une grande partie des personnes interrogées craignent aussi que le tournant vers toujours plus d’énergies renouvelables s’accompagne d’une nouvelle hausse des prix de l’énergie.
/10/ Leclercq, Jacques (1986) L’ère nucléaire, Hachette, 1986, 414 pages, ISBN 2-85108-439-9
/11/ Michaelis, Hans et Salander, Carsten (1995) Handbuch Kernenergie, Kompendium der Energiewirtschaft und Energiepolitik, VWEW-Verlag, ISBN 3-8022-0426-3
/24/ Fischerhof, Hans (1978) Deutsches Atomgesetz und Strahlenschutzrecht, Volume I, 1069 pages, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, ISBN 3-7890-0393-X
Le bureau d´études Deutsche WindGuard a publié le bilan 2022 de l´éolien terrestre et maritime sur le territoire allemand /1/. Le texte ci-dessous résume les résultats essentiels.
Fin 2022, la puissance nette éolienne raccordée au réseau s´élève à 66,2 GW, soit 58,1 GW sur terre et 8,1 GW en mer. La production augmente de 11% par rapport à 2021 à environ 126 TWh nets dont 101 TWh produits par l´éolien terrestre et 25 TWh par l´éolien en mer. Lissée sur l´année, la production d´électricité a été fournie à environ 23% par l´énergie éolienne /2/.
La nouvelle coalition gouvernementale au pouvoir outre-Rhin a fortement rehaussé les objectifs par rapport au gouvernement sortant en matière d´énergie éolienne à l´horizon de 2030, soit 115 GW pour l´éolien terrestre et au moins 30 GW pour l´éolien en mer /3/.
Pour arriver à 115 GW, il faudrait à partir de 2023, selon l´institut EWI, mettre en service 6 éoliennes terrestres par jour d´une puissance nominale de 4,2 MW chacune /4/.
La puissance totale éolienne maritime pourrait atteindre près de 14 GW fin 2027, à condition que tous les projets ayant reçu une adjudication soient réalisés. D´ici 2030, 16 GW supplémentaires devraient être mis en service.
Parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord (puissance électrique 342 MW), mis en service 2022/source : RWE Renewables
Parc éolien terrestre
Au 31 décembre 2022, le parc éolien terrestre se compose de 28.443 éoliennes d´une puissance nette totale de 58,1 GW (cf. tableau 1).
Tableau 1 : chiffres du parc éolien terrestre allemand au 31 décembre 2022 selon /1/
Au cours de l´année, 2.403 MW ont été raccordés au réseau, soit 551 éoliennes y compris le repowering (remplacement d´anciennes machines par des turbines plus puissantes et plus productives). En tenant compte de la mise hors service définitive de 246 éoliennes (266 MW), l´ ajout net s´élève à 305 éoliennes (2.137 MW). Cela signifie une légère amélioration par rapport aux ajouts nets des années 2019 à 2021, cf. figure 1.
Figure 1 : puissance nette totale et puissance raccordée/retirée des éoliennes terrestres /1/
Déconstruction et repowering
L´âge moyen des 246 éoliennes mises hors service en 2022 était de 21 ans dont la moitié avait déjà cessé de bénéficier du mécanisme de soutien prévu pendant 20 ans. Encore 5999 éoliennes (5.447 MW) sans droit au mécanisme de soutien sont en service fin 2022, soit environ 9% de la puissance totale installée.
Tant que ces anciennes installations ne sont pas arrêtées définitivement pour des raisons techniques ou économiques ou remplacées par de nouvelles éoliennes dans le cadre d´un repowering elles peuvent poursuivre leur exploitation.
En 2022, dans le cadre du repowering, 103 éoliennes (423 MW) ont été remplacées, soit 18% de la puissance brute totale raccordée en 2022, cf. figure 2.
Figure 2 : Repowering : puissance raccordée par an (en absolu et en pourcentage de l´ajout total brut) et puissance mise hors service par an
Caractéristiques d´une éolienne terrestre en 2022
La technologie des éoliennes terrestres ne cesse d´évoluer, cf. tableau 2. En moyenne, une éolienne installée en 2022 avait une puissance nominale de 4,4 GW, soit 10% de plus qu´en 2021. La hauteur totale des éoliennes reste pratiquement inchangée par rapport à l´année précédente. Le diamètre du rotor, en moyenne 3% plus grand, est compensé par la hauteur de moyeu de 2% plus basse.
Tableau 2 : caractéristiques moyennes par rapport à 2021 d´une éolienne terrestre installée en 2022 selon /1/
En 2022, les éoliennes les plus hautes ont été construites en Sarre, en Hesse et en Thuringe. Leur diamètre moyen du rotor y est supérieur à 140 m et leur hauteur du moyeu d´environ 160 m.
Répartition régionale des éoliennes terrestres
La répartition régionale montre toujours une nette disparité nord-sud en 2022 (cf. figure 3). Les régions du nord et du centre (Basse-Saxe, Brandebourg, Schleswig-Holstein, Saxe-Anhalt et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale) représentent presque deux tiers de la puissance totale raccordée en Allemagne. La Basse-Saxe occupe la première place avec 21%.
Le Bade-Wurtemberg et la Bavière, disposant de 30% de la surface du territoire allemand, ne contribuent qu´avec une part de 7% à la puissance totale installée (gisement inferieur à 50 kW/km2).
Figure 3 : 2022 : répartition régionale des capacités et gisements par km² des éoliennes terrestres selon /1/
Production en 2022
Selon les chiffres de Deutsche WindGuard /1/, les éoliennes terrestres ont produit presque 101 TWh nets en 2022. Cela correspond à une hausse de 12 % par rapport à 2021 du fait de conditions météorologiques favorables. En particulier, les mois de janvier et février 2022 ont connu des périodes très venteuses (cf. figure 4).
Leur contribution à la production nette d´électricité du pays s´élève à 18,5%. Le facteur de charge est estimé à environ 20,6% sous l´hypothèse d´une puissance moyenne de 57 GW au réseau.
Figure 4 : production mensuelle et cumulée des éoliennes terrestres en 2021 et 2022
Résultats des appels d´offres 2022 et taux de réalisation des volumes adjudiqués
Quatre appels d´offres ont été organisés en 2022 avec un volume appelé de 4.572 MW /1/. Au total, un volume de 3.225 MW a finalement été attribué, soit environ 70% du volume appelé.
Lors du premier appel d´offres en février, une légère sursouscription a encore été observée, les trois appels d´offres suivants ont été sous-souscrits. La limite maximale de la rémunération de référence pour des appels d´offres était de 58,80 €/MWh. Le montant d´adjudication moyen pondéré en fonction du volume de 58,10 €/MWh n´était que légèrement inférieur. Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre, la rémunération de référence sera à partir de 2023, pour la première fois depuis la mise en place des appels d´ offres, augmentée à 73,50 €/MWh /5/.
Depuis la mise en place des appels d´offres en 2017, un volume total de 16,2 GW a été attribué et jusqu´à fin 2022 un volume de 6,8 GW a pu être réalisé, cf. tableau 3. Avec 11%, le taux de réalisation des adjudications de l´année 2017 est particulièrement mauvais. A l´époque, de nombreuses sociétés détenues par des citoyens (Bürgerenergiegesellschaft), dispensées de l´autorisation préalable selon la loi fédérale allemande de protection contre les nuisances environnementales, avaient reçu des adjudications pour des projets dont la plus grande partie n´a finalement pas été réalisée / 6/.
Tableau 3 : taux de réalisation des volumes adjudiqués depuis 2017 /1/
Le volume attribué en 2018 a été réalisé à 80%, et même à 92% pour le volume attribué en 2019. La réalisation pour les attributions à partir de 2020 est encore en cours. En 2020, la réalisation est déjà bien avancée avec un taux de réalisation de 83%. La réalisation du volume attribué en 2021 ne fait que commencer et pratiquement aucune installation n´a encore été mise en service.
Le délai entre l´adjudication et la mise en service de l´éolienne s´élève à 22 mois en moyenne. Pour mémoire : après l´appel d´offres l´adjudicataire dispose de 24 mois pour la mise en service, entre 25 et 30 mois avec pénalité et au-delà de 30 mois l´adjudication est annulée. Une prolongation du délai peut être demandée dans des cas exceptionnels, par exemple en cas de recours au tribunal contre l´autorisation.
Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030
Le gouvernement a fixé une puissance installée de 115 GW à l´horizon de 2030 dans la loi sur les énergies renouvelables EEG 2023, entrée en vigueur début 2023 /3/. Cette Loi indique les volumes appelés pour les années 2023 à 2028 et permet ainsi de déduire la trajectoire de construction visée au niveau politique. En 2023, un volume appelé de 12,84 GW est prévu, puis entre 2024 et 2028 de 10 GW par an. Le volume appelé sera augmenté à partir de 2024 au cas où le volume attribué au cours de l´année précédente ne serait pas atteint. Les volumes appelés tiennent compte du fait que les anciennes installations qui ont cessé de bénéficier du mécanisme de soutien après 20 ans, seront déclassées au fur et à mesure dans les prochaines années /7/.
La figure 5 montre la puissance au réseau, l´ajout annuel et les prévisions à partir de 2023. L´ajout en 2023 et 2024 est estimé sur la base des appels d´offres des années précédentes et les délais de réalisation observés. Compte tenu des appels d´offre sous-souscrits dans le passé, Deutsche Windguard /1/ estime l´ajout net à 2,7 GW – 3,2 GW en 2023. Sous l´hypothèse que les volumes appelés à partir de 2023 seraient attribués à 100% et que le délai de réalisation des éoliennes serait de 24 mois maximal, l´ajout s’élèverait à 12,8 GW en 2025 et à 10 GW les années suivantes.
La Loi EEG 2023 a fixé pour 2024 un objectif intermédiaire d´une puissance nette installée de 69 GW. Pour l´atteindre, il faudrait ajouter 11 GW au cours des deux prochaines années, soit 5,5GW/an.
Figure 5 : puissance installée et ajout annuel (prévisions à partir de 2023)
Selon une évaluation d´EWI – Institut d´économie de l´énergie de l´Université de Cologne – pour le compte du journal Handelsblatt, publiée fin décembre 2022 /4/, il est de moins en moins probable que l´Allemagne atteigne ses objectifs en matière de développement éolien terrestre à l´horizon de 2030. En tenant compte d´un déclassement d´anciennes installations, il faudrait ajouter 5,8 éoliennes par jour entre début 2023 et fin 2029 d´une puissance nominale moyenne de 4,2 MW. Une comparaison historique montre l´ampleur de la tâche : entre 2010 et 2021, environ 3,5 éoliennes ont été construites par jour en moyenne, avec une puissance nominale moyenne de 2,8 MW.
Parc éolien en mer
Au 31 décembre 2022, une puissance de 8.136 MW était au réseau, soit 1539 éoliennes. Parmi elles, 38 éoliennes d´une puissance totale de 342 MW ont été connectées au réseau courant 2022, cf. tableau 4.
Tableau 4 : Parc éolien en mer au 31 décembre 2022 selon /1/
Tous les projets ayant obtenu une adjudication en 2017 et 2018 pourront être mis en service d´ici 2025. Des projets adjudiqués en 2021 et 2022 sont censés être réalisés d´ici 2027. La puissance installée pourra atteindre près de 14 GW fin 2027, cf. figure 6.
Figure 6 : évolution de la puissance des éoliennes en mer raccordées sur le territoire allemand et prévisions pour 2027 selon /1/
Caractéristiques des éoliennes en mer
Les caractéristiques des éoliennes en mer sont résumées dans le tableau 5. Les éoliennes installées jusqu´à fin 2022 ont une puissance unitaire de près de 5,3 MW en moyenne.
Avec une puissance unitaire de 9 MW, les éoliennes mises en service en 2022 sont les plus puissantes jamais installées en Allemagne. A partir de 2023 il est prévu de rehausser la puissance unitaire jusqu´à 15 MW. Les éoliennes en service à l´horizon de 2025 auront donc une puissance unitaire de plus de 11 MW en moyenne.
Fin 2022, les éoliennes en service ont en moyenne une profondeur d´eau de 30 m et une distance de la côte de 75 km. Les installations prévues jusqu´en 2025/2027 ne diffèrent guère de celles existantes, mais se trouvent un peu plus proches de la côte, cf. tableau 5. Les parcs éoliens les plus éloignés se trouvent à plus de 120 km de la côte et à des profondeurs d´eau allant jusqu´à 44 m.
Les fondations dites à « monopieu » restent la technologie la plus utilisée en Allemagne. Les éoliennes qui seront mises en service jusqu`en 2025 utiliseront majoritairement ce type de fondation.
Tableau 5 : caractéristiques des éoliennes en mer en Allemagne selon /1/
Répartition des éoliennes en Mer du Nord et Mer Baltique sur le territoire allemand
Les éoliennes en mer sont réparties sur la Mer du Nord et la Mer Baltique. Fin 2022, la Mer du Nord dispose de 7.040 MW (1307 éoliennes) et la Mer Baltique de 1.096 MW (232 éoliennes) connectées au réseau.
Dans le cadre des appels d´offres réalisés, un volume de 3.680 MW a été retenu en Mer du Nord et de 1.950 MW en Mer Baltique. La mise en service de ces projets est prévue entre 2023 et 2027.
Figure 7 : Répartition des éoliennes sur la Mer du Nord et la Mer Baltique selon /1/
Production en 2022
Selon les chiffres de Deutsche WindGuard /1/, la production nette en 2022 a, avec 25 TWh, légèrement augmenté par rapport à 2021 (24 TWh). Les mois de janvier, février et novembre ont vu la production la plus élevée en 2022, cf. figure 8.
Sous l´hypothèse d´une puissance de 8 GW en moyenne au réseau, le facteur de charge s´élève à environ à 37%.
Figure 8 : production mensuelle et cumulée des éoliennes en mer en 2021 et 2022 selon /1/
Résultat de l´appel d´offres 2022
En 2022, un appel d´offres a eu lieu. L´Agence Fédérale des Réseaux a publié en septembre 2022 le résultat /8/. Un volume de 980 MW a été appelé en Mer du Nord pour une rémunération de référence maximale de 64 €/MWh. Ce projet, attribué initialement à une filiale de RWE pour une rémunération de 0 €/MWh, a finalement été transféré à Vattenfall qui a fait usage de son droit de préemption.
L´adjudication s´accompagne du droit à un raccordement au réseau – financé via le tarif d´utilisation des réseaux – et à la possibilité d´exploiter le parc pendant au moins 25 ans.
Prévisions de développement et objectif politique à l´horizon de 2030, 2035 et 2045
A l´été 2022, la hausse des objectifs de développement de l´éolien en mer visée par la nouvelle coalition gouvernementale a fait l´objet d´un amendement à la Loi pour le Développement et la Promotion de l´Énergie éolienne en Mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG). Après le feu vert de la Commission européenne en décembre 2022, la modification de la Loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Les objectifs rehaussés prévoient que la puissance totale des éoliennes en mer soit portée à au moins 30 GW d´ici 2030, 40 GW d´ici 2035 et 70 GW d´ici 2045.
En plus des 8,1 GW en service fin 2022 et 0,2 GW en construction, un volume total de 5,4 GW a été adjudiqué par voie d´appels d´offres pour une réalisation entre 2023 et 2027 dont 1,6 GW sont en stade de planification avancée (la décision finale d´investissement a été prise). L´Office fédéral de la navigation maritime et de l´hydrographie, responsable de l´attribution des surfaces en mer du territoire allemand, a publié en octobre 2022 une mise à jour du plan de développement. Ce plan contient les dates des appels d´offres pour des parcs éoliens dont la mise en service est prévue d´ici 2032, cf. tableau 6. La mise en service de 16,8 GW est prévue d´ici 2023 et de 6 GW supplémentaires d´ici 2031/2032.
Tableau 6 : Appels d´offres prévus à l´horizon de 2027
Des mesures supplémentaires sont encore nécessaires pour l´atteinte des objectifs de développement pour 2035 et 2045, cf. figure 9.
Figure 9 : éoliennes en mer en service, volumes attribués/appelés et prévisions à l´horizon de 2035 et 2045 selon /1/
Compte tenu du fait que l´éolien maritime constitue le meilleur moyen pour la production d´hydrogène directement en mer, le régulateur prévoit un appel d´offres supplémentaire pour une surface de l´ordre de 95 km2 permettant de recourir à l´électrolyse offshore et de l´expérimenter. La date n´est pas encore connue.
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Résumé
La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP), voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.
L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite (environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité).
La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.
Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :
Les émissions de gaz à effet de serre baissent légèrement et se situeraient à 746 Mt CO2éq(2021 : 760 Mt CO2éq). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a été atteint malgré une augmentation des émissions du secteur de l´énergie de presque 11 Mt CO2éq par rapport à 2021. La raison est l´utilisation accrue de la houille et du lignite pour la production d´électricité ;
La consommation d´énergie primaire recule de 5,4% (- 4,0% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 et s´élève à 3 269 TWh (281 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) comptent pour près de 79% de la consommation d´énergie primaire (contre environ 77% en 2021) ;
La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix ;
La production brute d´électricité baisse d´environ 2% à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : La production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 80 TWh (2021 : 90 TWh), en revanche la production du couple lignite/houille augmente à 181 TWh contre 165 TWh en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 35 TWh contre 69 TWh en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,5% (2021 : 40,2%) et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,2 % contre 41,2% en 2021.
Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint seulement 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
Le solde exportateur d´électricité augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017.Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. A titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.
Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 :
Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie.La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023). Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivationtemporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.
Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a) la consommation d´énergie primaire atteint 3269 TWh (281 Mtep) en 2022, cela correspond à une baisse de 5,4 % (~ 187 TWh) par rapport à l´année précédente (2021 : 3456 TWh ou 297 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.
Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.
Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.
Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 4,0% selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a).
Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter près de 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.
La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 2,9% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,3% (2021 : 32,5%).
La consommation de gaz naturel baisse de presque 15,7% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz. La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,6% contre 26,6% en 2021.
Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% (BNetzA 2023e). Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège (environ 33%).
Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.
La consommation du lignite augmente de 3,5% en 2022. Le lignite atteint une part de 10% (2021 : 9,1%) de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.
La consommation de la houille augmente de 4% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8% (2021 : 8,9%) de la consommation d´énergie primaire.
La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2% (2021 : 6,1%) de la consommation d´énergie primaire.
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a)
La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 3,8% et atteint 17,2% (2021 : 15,7%). Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. La part de la biomasse représente 51% en 2022 (2021 : 53%) dans la consommation d´énergie primaire des énergies renouvelables.
Consommation et production d´électricité
La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine.
Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record (UBA 2023a).
Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,2%% contre 41,2% en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables. La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.
La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse (voir plus loin).
La production brute d´électricité baisse à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.
La production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 80 TWh en 2022 contre 90 TWh en 2021. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.
La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 32% contre 28% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 116 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de 5,5% par rapport à 2021 (110 TWh). Les centrales à houille ont fourni 64 TWh, soit une augmentation d´environ 18% par rapport à 2021 (55 TWh). La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve (voir plus loin).
La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,1% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 35 TWh bruts, soit presque 50% de moins qu´en 2021 (69 TWh).
Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 8,5%. Leur part dans la production brute passe à 44,5%, soit à 254 TWh, contre 40,1% en 2021 (234 TWh). Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse (voir plus loin).
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.
Bien que l´éolien et le photovoltaïque marquent une augmentation record et que la production des énergies conventionnelles baisse de presque 9%, celles-ci continuent à contribuer pour presque 56% à la production brute. Presque 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).
Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.
La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse stagne au niveau de 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.
La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 11% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.
Tableau 1 : production (hors transfert d´énergie par pompage) et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon (AGEB 2023b ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 31%. En revanche l´année 2021 marque une inversion de la tendance : le charbon (couple houille/lignite) est à nouveau en hausse, cf. figure 3.
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2023b; UBA 2023a).
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)
Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.
Parc de production
L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.
Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 236 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~150 GW d´installations renouvelables (BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2023a).
Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) est entrée en vigueur mi-2022. Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe (Allemagne Energies 2022a).
Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW (5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite) a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW (BNetzA 2022a) et environ 2 GW (gaz, fioul) sont provisoirement arrêtés.
Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie (stations de transfert d´énergie par pompage (STEP), batteries, etc.).
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation
Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
Centrales nucléaires
En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 (Allemagne Energies 2022b). Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 (Allemagne Energies 2022c).
Centrales à houille
Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.
Centrales à lignite
Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.
Centrales à gaz
Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.
Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.
Centrales au fioul et divers
Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers (déchets etc.) sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.
Stockage d´énergie
L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022).
Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries (domestiques et industrielles) s´élève à environ 3,4 GW.
Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge (Agora Energiewende 2023).
La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.
Energies renouvelables
La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 10 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 150 GW (cf. tableau 2). Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et des Libéraux (FDP), de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables intermittentes (Allemagne Energies 2021).
Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 10 GW installés en 2022, environ trois quarts sont dus au photovoltaïque. Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes (Windguard 2023). Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.
Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.
Éolien
Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW (70% du volume appelé de 4,5 GW) a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.
Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.
La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières (i.e. le cuivre, le ciment) ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)
Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement (Allemagne Energies 2022d). Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023 (Windguard 2023), bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 (69 GW).
Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau (342 MW nets). Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.
Photovoltaïque
Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc (3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture). Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc (30% du volume appelé). Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023 (88 GW en 2024) il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)
Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 (Allemagne Energies (2022f) ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.
L´électricité verte devient plus chère
Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. A partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture (BNetzA 2022b) et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol (BNetzA 2023f).
C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.
L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.
Relation entre puissance installée et production réalisée
La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 (BDEW 2022 ; AGEB 2023b; UBA 2023). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent presque 57% de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 (hors installations de stockage d´énergie)
A titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.
Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022
Grace aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 (voir tableau 1). La forte production éolienne en janvier et février 2022 (voir figure 8) et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année (voir figure 9) ont largement contribué à cette hausse (DWD 2022).
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 (1544 heures par an). Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.
En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 11% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle (UBA 2023a). L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique (DWD 2022).
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.
Échanges transfrontaliers d´électricité
Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.
Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.
Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017 (AGEB 2023b). Les importations marquent une légère baisse à 50 TWh tandis que les exportations augmentent de presque 11% à 78 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.
C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh
Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2023a).
Modernisation des réseaux de transport
Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).
Le plan actuel du réseau de transport prévoit 14.044 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes) à l´horizon de 2035, date à laquelle un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre est visé par le gouvernement. Seuls 16,3% (2.292 km) étaient réalisés à la fin du troisième trimestre 2022, 1.178 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023c).
La mise en service des tracés nord-sud en courant continu d´une capacité de 6 GW, initialement prévue en 2025/2026, a été reportée de deux ans à 2027/2028.
Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution.
Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport
L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015 en raison de la lente modernisation du réseau électrique (Allemagne Energies 1).
Les coûts des actions d´équilibrage menées par les Gestionnaires du Réseau de Transport (GRT) étaient déjà en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€, cf. figure 11. En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et l´augmentation des prix de gros au deuxième semestre 2021 (Allemagne Energies 2022e).
Figure 11 : évolution des coûts de stabilisation du réseau
Les coûts de stabilisation du réseau ont augmenté au cours du premier semestre 2022 à environ 2,2 Mds€ et atteignent presque les coûts de l´année précédente (BNetzA 2023d). Cette forte augmentation des coûts est principalement due à la hausse significative des prix de gros (voir plus loin). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.
Les prix élevés du marché de gros ont entraîné une forte hausse des coûts du redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et du countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport).
Les coûts pour des centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante, sont également en forte hausse au premier semestre 2022. En revanche, les coûts de compensation pour l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération sont en net recul. Cependant, au cours du premier semestre, environ 5,4 TWh de production renouvelable (notamment la production des éoliennes maritimes et terrestres) ont dû être écrêtés contre 3,4 TWh dans la même période de l´année précédente.
L´Agence Fédérale des Réseaux n´a pas encore publié les chiffres pour le deuxième semestre 2022 mais il n´est pas exclu que les coûts de stabilisation du réseau pour l´année 2022 dépassent les 4 Mds€.
En attendant la mise en service des tracés nord – sud en courant continu, le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaire pour redispatching ou countertrading, risque d´accroitre encore les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir. De plus, la compensation de la puissance réactive manquante, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport, doit être assurée.
Deux des trois centrales nucléaires encore au réseau jusqu`au 15 avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.
Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux a décidé la construction de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). Leur mise en service est prévue en 2023, cf. annexe 2 (Allemagne Energies 2).
Émissions de gaz à effet de serre
Sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, l´Allemagne a recouru de façon accrue au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel ce qui a entrainé une hausse des émissions dans le secteur de l´énergie. Malgré cela les émissions totales de gaz à effet de serre baissent légèrement à 746 CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq) selon le pronostic de l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023b). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a donc été atteint.
Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de 4,4% et atteint 256 Mt CO2éq (2021 : 245 Mt CO2éq). Il atteint néanmoins sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
Presque 90% des émissions du secteur de l’énergie proviennent du secteur électrique, soit 223 Mt CO2éq en 2022 (2021 : 215 Mt CO2éq) selon l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023c). L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq /kWh (2021 : 410 g CO2éq /kWh ).
En cause le recours accru aux centrales à houille et au lignite qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire (arrêt de 4 GW fin 2021) et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.
Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.
Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé de plus de 10% par rapport à l´année précédente à 164 Mt CO2éq (2021 : 183 Mt CO2éq). Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat (177 Mt CO2éq).
Dans le secteur de l´agriculture, les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué pour atteindre 62 Mt CO2éq (2021 : 63 Mt CO2éq). Le secteur reste ainsi bien en deçà de sa cible sectorielle de 2022, fixée à 67 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.
Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 112 Mt CO2éq (2021 : 118 Mt CO2éq), l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq pour 2022 a été légèrement manqué. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel à cause de la flambée du prix et n´est vraisemblablement pas durable.
L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 148 Mt CO2éq (2021 : 147 Mt CO2éq). Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.
La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : (UBA 2023b).
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030
La légère baisse des émissions en 2022 ne doit cependant pas faire oublier que ce sont les économies d´énergie consécutives à la crise énergétique et les conditions météorologiques très favorables qui ont contribué à la réalisation de l´objectif fixé par la Loi sur la Protection du Climat.
Pour atteindre l´objectif de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 41% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était d´environ 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.
Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (production d´environ 5 TWh bas carbone en 2023), l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.
Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 (BNetzA 2023a ; FFE 2023).
Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.
La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : a flambée du coût des quotas de CO2 (le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021), mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.
L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.
Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh (BNetzA 2023e), ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.
En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH). La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité (figure 13) car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande (FFE 2023).
En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. » En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque) n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.
Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz (rendement de 40 à 60%) et des centrales à houille (rendement de 35 à 45%) résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022
Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août (BNetzA 2023a). A partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.
La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2023a).
Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon (BNetzA 2023a).
En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.
Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier (day-ahead) de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » (EPEX SPOT 2022).
Episodes de prix négatifs au marché journalier
Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.
En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.
Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.
En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh (FFE 2023).
Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 (BNetzA 2023a)
Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.
La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.
Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.
Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021 (FFE 2022), soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.
Projets phares du tournant énergétique en 2022
Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2022 étaient :
Adoption d´un ensemble de mesures de presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique
La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise et fut un facteur déterminant de l´inflation, qui a dépassé temporairement les 10% en Allemagne. Le gouvernement a donc été contraint d´adopter un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises (Allemagne Energies 2022g).
Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation.
Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.
De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€.
La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.
Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.
Adoption d´un paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie
Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2023) du secteur électrique (Allemagne Energie 2022f ; Allemagne Energies 3).
Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 360 GW au total (éolien terrestre : 115 GW, éolien en mer : 30 GW, photovoltaïque : 215 GW).
Mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité
Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2022c) et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030 (Allemagne Energies 2022a).
Développement de la politique énergétique et perspectives 2023
En 2022 la gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques.
Les efforts coûteux pour réduire durablement les émissions de CO₂ piétinent actuellement. Les émissions dues à la production d´électricité à partir du charbon sont à la hausse depuis l´arrêt de livraison du gaz russe bon marché.
Le déni de réalité dans la stratégie allemande de transition énergétique a atteint des proportions inquiétantes. En réaction à l´accident de Fukushima, déclenché à la suite d´un séisme et d´un tsunami, le gouvernement allemand avait accéléré la sortie du nucléaire. Et comme le gouvernement, même après l´occupation de la péninsule de Crimée en 2014, a considéré la Russie comme un partenaire fiable, l´Allemagne est devenu fortement dépendante de son gaz.
En vue de la sortie du nucléaire et du charbon, le gouvernement avait initialement prévu, pour suppléer aux aléas des énergies renouvelables intermittentes, la construction de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030. Celles-ci seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux. Mais en absence du gaz russe bon marché, la construction de ces centrales n´est pas rentable actuellement (Allemagne Energies 2023). Jusqu´à maintenant aucune décision n´est prise ni sur leur capacité nécessaire ni sur leur financement.
Après la sortie définitive du nucléaire en avril 2023, il manquera environ 30 TWh supplémentaires de production bas-carbone dans le réseau électrique. Le développement de l´éolien et du photovoltaïque se poursuit trop lentement et n´a pas été en mesure depuis 3 ans de suppléer la perte de production du nucléaire sans parler des jours où le vent et le soleil sont faibles.
La devise du gouvernement semble être la suivante : « Il est plus important de bien choisir ses objectifs que de les atteindre ». Les 360 GW maintenant visés en 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque nécessitent un triplement de la puissance installée dans les huit prochaines années, soit un ajout annuel d´au moins 26 GW contre 6 GW/an en moyenne entre 2000 et 2022.
De plus, l´objectif pour 2035 de presque 100% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité implique, en une décennie, des paris technologiques lourds comme une bascule vers l´hydrogène et la mise à disposition de moyens suffisants de stockage d´énergie.
Avec la sortie du nucléaire, le gouvernement fait le deuxième pas avant le premier en arrêtant des centrales fiables et bas carbone. Les déclarations publiques des ministres responsables sur la garantie d´un approvisionnement énergétique sûr et abordable misent sur le principe de l´espoir. Les risques et problèmes, comme par exemple la faible résilience du système électrique à des aléas climatiques, ne sont pas pris en compte. Au pied du mur, les prochaines années détermineront si le gouvernement allemand parviendra à entamer la transition vers la neutralité climatique en 2045. Face à la crise climatique qui s´aggrave, déjà les décisions à prendre en 2023 seront d´une grande importance.
1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période
AGEB (2023b) Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2022 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand Februar 2023). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/.
BDEW (2022) Jahresbericht: Die Energieversorgung 2022. Erdgasversorgung durch Ukrainekrieg in Turbulenzen – Günstige Witterung führt zu mehr Strom aus Erneuerbaren Energien. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW). En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung-2022/.
ISEA und PSG RWTH Aachen University (2022) Battery charts. Institut für Stromrichtertechnik und Elektrische. En ligne : https://www.battery-charts.de/.
Le gouvernement vise 80% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité d´ici 2030 et presque 100% à l´horizon de 2035. Mais en l´absence de moyens suffisants de stockage d´énergie, un parc de production pilotable en support pour pallier l´intermittence restera indispensable.
Suite à l´abandon du nucléaire mi- avril 2023 et l´intention de la coalition gouvernementale d´avancer « dans l´idéal » la sortie de la production d´électricité à partir du charbon à 2030 au lieu de 2038, le parc thermique se réduirait à terme aux centrales à gaz.
La capacité des centrales à gaz existantes étant insuffisantepour se substituer au nucléaire et au charbon, la construction de nouveaux moyens pilotables est nécessaire pour garantir la sécurité d´approvisionnement au cours de cette décennie lorsque la production de l´éolien et du photovoltaïque est faible. C´est pour cela que le gouvernement avait prévu, compte tenu des objectifs climatiques ambitieux, la construction de centrales à gaz qui seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène.
Mais la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, et la flambée du prix du gaz suite aux efforts pour s´émanciper de la forte dépendance au gaz russe conduisent à une nouvelle réalité pour la transformation du système électrique. La construction de nouvelles centrales à gaz n´est pas rentable actuellement. De plus, les experts sont divisés sur la capacité supplémentaire qu´il faudrait construire en cas de sortie anticipée du charbon d´ici 2030. Les estimations varient entre 15 à 43 GW.
Selon un communiqué de presse du 1er février 2023 du Ministre de l´Economie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, l´approvisionnement en électricité de l´Allemagne serait assuré jusqu´en 2031, malgré une augmentation de la consommation d´électricité et l´abandon des centrales à charbon en 2030. C´est ce que montrerait le rapport « monitoring de la sécurité d’approvisionnement en électricité » que le régulateur (Bundesnetzagentur) a présenté au gouvernement.
Toutefois, des moyens pilotables supplémentaires doivent être construits pour pallier l´intermittence de la production éolienne et photovoltaïque. Le gouvernement prévoit au cours du premier semestre 2023 une stratégie pour la mise en place de ces moyens pilotables, afin que ces centrales soient compatibles avec un système électrique climatiquement neutre.
Figure 1 : Projet d´une centrale à gaz « prête pour l´hydrogène » / source Siemens
Les plans énergétiques de la coalition gouvernementale en fonction depuis fin 2021 mettent la sécurité d´approvisionnement en électricité de l´Allemagne à rude épreuve. Les experts et les énergéticiens avertissent que, sans construction préalable de nouveaux moyens pilotables, une pénurie d´électricité pourrait se produire si l´on sortait du charbon en 2030 « dans l´idéal » comme prévu dans l´accord de coalition / 1 / entre les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP).
Malgré un développement massif des énergies renouvelables, des moyens pilotables en support pour pallier l´intermittence restera indispensable. En conséquence, le gouvernement a pour objectif la construction de nouvelles centrales à gaz. Cependant, compte tenu des objectifs climatiques ambitieux, le passage aux centrales à gaz naturel ne peut être qu´une solution transitoire. C´est pour cela que le gouvernement mise sur des nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » convertibles à terme à une production d´énergie durable à base d´hydrogène vert /2/.
La crise énergétique conduit à une nouvelle réalité pour la transformation du système électrique
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, et la flambée du prix du gaz suite aux efforts pour s´émanciper de la forte dépendance au gaz russe conduisent à une nouvelle réalité pour la transformation du système électrique.
Compte tenu du prix élevé du gaz naturel et d´un facteur de charge probablement très insuffisant, la construction de centrales à gaz n´est pas rentable car les moyens financiers nécessaires pour la construction et l´exploitation des centrales ne peuvent pas être récupérés via le marché « energy-only » qui ne rémunère que l´électricité réellement produite.
De plus l´exigence de conversion à terme des centrales à gaz à l´hydrogène augmente le risque d´investissement dans de nouvelles installations. Il est difficile de prévoir de manière fiable quand l´hydrogène vert sera effectivement disponible en quantité suffisante et à un prix abordable.
Bien que le gouvernement veuille faciliter le déploiement de nouvelles centrales fonctionnant d´abord au gaz et à terme à l´hydrogène, il n´a pas encore présenté une stratégie pour encourager leur financement. Le Ministre Fédéral de l´Economie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, a annoncé le 1er février 2023 qu´une stratégie serait établie au cours du premier semestre 2023 /10/.
L´abandon du nucléaire et du charbon laisse un vide à combler
En 2021 la Cour Fédérale des Comptes a critiqué le suivi insuffisant de la sécurité d´approvisionnement d´électricité et préconisé d´étudier d´urgence des scénarios qui reflètent de manière fiable les évolutions actuelles et les risques affectant l´offre et la demande de l´électricité / 3/.
L´urgence apparait clairement dans le dernier état des lieux du régulateur /4/. Une capacité d´environ 15 GW sera mise hors service d´ici 2025 : les trois centrales nucléaires (~ 4 GW) seront déconnectées du réseau d´ici mi-avril 2023 et environ 11 GW de centrales à houille et lignite sortiront du marché d´ici 2025. Actuellement, le régulateur prévoit un ajout d´environ 3,3 GW dont 2,8 GW de centrales à gaz, cf. figure 2.
Figure 2 : déclassement et nouvelles constructions de moyens pilotables entre 2022 et 2025
Désaccord entre experts sur le besoin de nouvelles centrales à gaz (H2-ready)
L´opinion des experts diverge fortement sur la capacité de centrales à gaz à construire en cas de sortie anticipée du charbon d´ici 2030. Selon une publication du service scientifique du Parlement /5/, les estimations varient entre 15 à 43 GW d´ajout net.
La figure 3 montre l´évolution présumée des moyens pilotables entre 2019 et 2030 selon EWI – Institut d´économie de l´énergie de l´Université de Cologne /6/, /7/. Par rapport à 2019 l´Allemagne perdrait, sans la construction de nouvelles centrales, de l´ordre de 56 GW (10 GW nucléaire, 25 GW charbon et 21 GW lignite) d´ici 2030.
Figure 3 : évolution présumée des moyens pilotables entre 2019 et 2030 selon EWI
Sous l´hypothèse d´une consommation brute de 745 TWh et d´une pointe de consommation hivernale de 95 GW, EWI /6/ évalue la capacité nécessaire des moyens pilotables à 71 GW en 2030 dont 55 GW de centrales à gaz. Il faudrait donc ajouter 23 GW compatibles avec l´hydrogène (H2-ready) à la capacité existante. Le reste (~ 16 GW) serait assuré par des sources renouvelables pilotables (biomasse, hydroélectricité). Pour passer la pointe de 95 GW il faudrait en plus, selon EWI, recourir à une combinaison de la flexibilité de la demande, d´importations d´électricité et de capacités de stockage de l´électricité (stations de transfert d´énergie par pompage, batteries).
Boston Consulting Group (BCG) arrive dans son étude pour le compte de la Fédération de l´Industrie Allemande (BDI) à des résultats assez différents /8/. En 2030, la pointe de consommation hivernale est estimée à 101 GW et le besoin de moyens pilotables à 96 GW.
BCG a utilisé une approche déterministe : le besoin de moyens pilotables a été évalué hors importations, avec une disponibilité de 90% de centrales conventionnelles, 80% pour les stations de transfert d´énergie par pompage, 25% pour l´hydroélectricité au fil de l´eau, 2% pour l´éolien, 0% pour le photovoltaïque, 10 % pour le stockage en batteries et 35% pour les mesures de la flexibilité de la demande (DSM : Demande-Side-Management). En outre, une marge de sécurité de 5 % a été prise en compte.
BCG arrive à la capacité totale de centrales à gaz de 74 GW soit un ajout de 43 GW (H2-ready) au parc existant pour pallier l´intermittence et respecter les objectifs climatiques, cf. figure 4.
Figure 4 : besoins de centrales à gaz à l´horizon de 2030
Le régulateur (Bundesnetzagentur – BNetzA) prévoit actuellement un ajout d´environ 3 GW d´ici 2025, voir aussi figure 1.
Le rapport « monitoring de la sécurité d´approvisionnement en électricité », publié le 1er février 2023 par le régulateur /10/, confirme qu´il faudra construire, sous l´hypothèse de la sortie du charbon en 2030, des moyens pilotables supplémentaires pour couvrir la demande lorsque l´éolien et le photovoltaïque ne fournissent pas suffisamment d´électricité. Le rapport prévoit la construction de nouvelles centrales à gaz d´une puissance totale jusqu´à 21 GW d´ici 2031.
En outre, dans le cadre de la Loi sur les énergies renouvelables EEG 2023 /11/, il est prévu de promouvoir la construction des centrales à hydrogène qui n´ont pas encore été prises en compte dans les scénarios retenus et qui pourrait donc contribuer à augmenter la puissance installée de nouveaux moyens pilotables. Des appels d´offres d´un volume total appelé de 8,8 GW sont prévus entre 2023 et 2028. On ne peut encore dire si ces installations seront opérationnelles à temps d´ici la fin de la décennie pour pouvoir contribuer à la sécurité d´approvisionnement.
Une stratégie pour la construction de nouvelles centrales à gaz sera présentée par le gouvernement au cours du premier semestre 2023 /10 /. Ces nouvelles centrales à gaz doivent être construites « prêtes pour l´hydrogène ».
Le nombre exact de centrales à gaz qu´il faudrait ajouter pour couvrir les besoins en 2030 est actuellement difficile à évaluer. Cela dépend de la technologie, de la taille et du rendement. Sous hypothèse d´une tranche à cycle combiné gaz de 500 MW il faudrait construire 80 unités pour un besoin de 40 GW et au moins 42 unités pour un besoin de 21 GW supplémentaires par rapport au parc thermique gaz actuel /5/.
Des petites unités de cogénération décentralisés basées sur la production combinée de chaleur et d´électricité, pouvant être intégrées facilement dans des infrastructures existantes, constitueraient éventuellement une alternative. Le délai de réalisation pour les petites centrales est inférieur à un an, alors que pour les grandes il faut compter plusieurs années.
Il faudrait également tenir compte de la possibilité de reconvertir (fuel switching) des centrales à charbon existantes. Les premiers contrats de conversion des centrales au charbon en centrales au gaz et à terme à l´hydrogène ont déjà été conclus entre EnBW et Siemens Energy /9/. Siemens Energy s´engage à ce que les nouvelles turbines à gaz puissent fonctionner avec un mélange de 75% d´hydrogène dès leur installation en 2024 et que les turbines à gaz soient techniquement prévues pour fonctionner à l´hydrogène pur.
Obligation de réformer le fonctionnement du marché de l´électricité pour stimuler l´investissement dans des moyens pilotables
Selon le rapport monitoring publié début 2023 par le régulateur, l´approvisionnement en électricité serait assuré outre-Rhin jusqu´en 2031, même avec la sortie du charbon d´ici 2030 et une augmentation significative de la consommation d´électricité, à condition toutefois que tous les objectifs du gouvernement fixés à l´horizon de 2030 soient mis en œuvre /10/.
BDEW (Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux) fait remarquer dans son communiqué du 1er février 2023/12/ que le rapport « monitoring de la sécurité d´approvisionnement » du régulateur ne constitue ni un « stress-test » ni une vérification de la robustesse de la situation en matière de sécurité d´approvisionnement en 2030. Le rapport montre sur la base d´hypothèses très optimistes que la sécurité d´approvisionnement serait garantie et à condition que toutes les prémisses soient remplies en temps voulu et dans leur intégralité. Un scénario « worst case » n´a pas été étudié.
Pour parvenir à un système électrique climatiquement neutre d’ici 2035, tout en abandonnant les centrales à charbon d´ici 2030, l´Allemagne devrait produire une accélération jamais vue auparavant. Le risque que tous ces objectifs ne soient pas atteints existe bel et bien.
Selon BDEW, les hypothèses du gouvernement sur la construction de nouvelles centrales à gaz ne sont pas réalistes. Les conditions actuelles du marché ne permettent pas d´investir dans de telles capacités de production qui ne fonctionneront qu´un nombre d´heures très limitées.
Il est donc important qu´en 2023 les décisions soient prises par le gouvernement pour réformer le fonctionnement du marché de l´électricité afin que les investissements dans des moyens pilotables soient rentables.
Sans l´ajout substantiel de nouveaux moyens pilotables dans les prochaines années, les centrales à charbon continueront à fonctionner au-delà de 2030 pour garantir l´approvisionnement en électricité /7/.
De plus l´Allemagne sera vraisemblablement obligée de recourir d´avantage aux importations d´électricité en provenance des pays voisins alors qu´elle est depuis des années parmi les pays les plus exportateurs en Europe. Le rapport monitoring du régulateur montre en effet que l´Allemagne pourrait devenir un importateur net d´électricité dans les prochaines années /10/.
/2/ Deutscher Bundestag (2022) Gaskraftwerke in Deutschland – Status quo und geplanter Zubau. Antwort der Bundesregierung auf die Kleine Anfrage der Fraktion CDU/CSU – Drucksache 20/924 vom 09.03.2022. Deutscher Bundestag. En ligne : https://dserver.bundestag.de/btd/20/009/2000924.pdf.
La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise qui nécessite l´adoption d´un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises. S´il n´y est pas remédié rapidement, la situation de crise pourrait avoir des effets néfastes très graves sur l´inflation et l´économie dans son ensemble.
Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation. Une description détaillée des aides est disponible sur le site du gouvernement fédéral /1/.
Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.
De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€ /2/.
La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.
Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 /3/ et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.
Trois paquets d´allègements d´un montant total de 95 Mds€
Face à la hausse des prix de l´énergie et des denrées alimentaires, le gouvernement fédéral a, courant 2022, allégé la charge des citoyens par trois paquets d´un montant total de 95 Mds€.
Parmi les mesures d´allègements : augmentation des allocations familiales et du supplément pour enfants, réforme de l´allocation logement et aide au chauffage, prime unique pour atténuer les prix de l´énergie ainsi que la compensation de la progression à froid dans le droit fiscal qui profitera, à compter du 1er janvier 2023, à quelque 48 millions de contribuables. De plus, le taux de TVA pour le gaz et le chauffage a été réduit de 19% à 7% jusqu´à fin mars 2024 et les taxes sur l´essence et le gazole temporairement réduites entre juin et août 2022.
Autres mesure phare : le forfait mensuel temporaire à 9 € mis en place à l´été 2022 pour les transports publics dans toute l´Allemagne aura un successeur au printemps 2023. Un forfait transport à 49 € par mois sera lancé pour une « phase d´essais » de deux ans. Ce ticket ouvre, comme son prédécesseur, l´accès à l´ensemble des transports publics en Allemagne à l´exception des trains à grande vitesse. L´État fédéral et les Länder se partageront le financement /6/.
Il convient également de noter :
Suppression du prélèvement au titre de la loi sur les énergies renouvelables (EEG-Umlage) à partir de juillet 2022 dans le but de limiter la hausse des prix de l´électricité. Le soutien aux énergies renouvelables est maintenant entièrement financé par l´État /4/ ;
Report d´un an de la hausse du prix de la tonne de CO2 pour les carburants fossiles comme l´essence, le diesel, le fioul et le gaz naturel /5/. L´augmentation du prix du CO2 de 5 € par tonne, prévue pour le 1er janvier 2023, est reportée d´un an. Pour les années suivantes, 2024 et 2025, le prix de la tonne de CO2 sera réduit de 10 € par rapport au prix initialement prévu.
Bouclier défensif d´un montant de 200 Mds€
Le principal volet du bouclier de défense économique doté de 200 Mds€ est le plafonnement des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité /3/.
Le but est d´atténuer la hausse des coûts de l´énergie et donc de soulager ménages, entreprises, hôpitaux et institutions culturelles. Pour les cas difficiles des fonds sont en plus disponibles.
Le plafonnement est prévu pour toute l´année 2023. Le régime s´applique à partir de mars 2023 pour les ménages et les PME. Une prise en charge rétroactive des allègements pour les mois de janvier et février 2023 est également prévue en mars 2023. Une prolongation du plafonnement jusqu´en avril 2024 est envisagée, mais devrait faire l´objet d´une décision séparée.
Une aide d´urgence pour les ménages et PME pour le mois de décembre 2022 permet de faire le pont jusqu´à la mise en place du plafonnement des prix.
Conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022 /8/, les producteurs d´électricité et les entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage participent au financement grâce au prélèvement sur les bénéfices exceptionnels générés par la hausse des prix de l´énergie.
Plafonnement des prix du gaz et de la chaleur distribués par réseau
Selon la Loi introduisant un frein aux prix du gaz naturel et de la chaleur distribués par réseau
(Erdgas-Wärme-Preisbremsengesetz – EWPBG) les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 1,5 GWh) bénéficient pour 80% de leur consommation annuelle pronostiquée en septembre 2022 d´un plafonnement à 12 cts€/kWh (toutes taxes et prélèvements compris) pour le gaz de réseau. Les clients du chauffage urbain reçoivent également 80% de leur consommation prévisionnelle à un prix de 9,5 cts€/kWh kWh (toutes taxes et prélèvements compris). Au-delà de ce volume ils paieront le prix du marché.
Pour les industriels (consommation > 1,5 GWh) le prix du gaz a été fixé à 7 cts€/kWh (hors TVA et autres taxes et prélèvements récupérables) dans la limite de 70% de la consommation en 2021. Les utilisateurs de chaleur à distance reçoivent 70% de leur consommation, fixée sur la base de l´acompte payé en septembre 2022 à un prix de 7,5 cts€/kWh (hors TVA et autres taxes et prélèvements récupérables).
Environ 25 000 entreprises et 1 900 hôpitaux bénéficient du plafonnement du prix du gaz et de la chaleur. Les centrales de production d´électricité sont exclues de ce régime afin de ne pas subventionner la production d´électricité à partir de gaz.
Il y aura également des allègements pour les ménages qui se chauffent aux pellets, au fioul ou au gaz liquide.
Les dépenses budgétaires de l´Etat en 2023 et 2024 pour la mise en œuvre du plafonnement des prix du gaz naturel et de la chaleur chauffage sont estimées à environ 56 Mds€.
Plafonnement des prix de l´électricité
Selon la Loi introduisant un plafond au prix de l´électricité (Strompreisbremsegesetz – StromPBG), les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficieront d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80 % de leur consommation annuelle. Au-delà, ils paieront leur électricité au prix du marché.
Les clients industriels (consommation annuelle > 30 MWh) bénéficieront d´une mesure adaptée et paieront 13 cts€/kWh (hors TVA et autres taxes et prélèvements récupérables), sur un volume représentant 70% de leur consommation. Au-delà, ils paieront le prix du marché.
La consommation annuelle d´électricité est estimée soit sur la consommation pronostiquée soit sur la consommation de l´année 2021.
Les aides octroyées aux grandes entreprises aux coûts énergétiques particulièrement élevés sont conformes à la communication de la Commission Européenne « Encadrement temporaire de crise pour les mesures d´aide d´État visant à soutenir l´économie à la suite de l´agression de la Russie contre l´Ukraine – 2022/C 426/01 » adopté le 28 octobre 2022 /7/.
Les tarifs du réseau de transport en 2023 seront stabilisés au niveau de l´année 2022 grâce à une subvention de 12,84 Mds€, empêchant ainsi une augmentation significative qui se dessinait dans les prévisions de coûts des gestionnaires de réseau de transport pour l´année 2023. Cette stabilisation des tarifs du réseau de transport profiterait à tous les consommateurs d´électricité.
Pour le plafonnement du prix de l’électricité y compris la subvention pour la stabilisation du tarif du réseau de transport en 2023, 43 Mds€ sont prévus dans le budget prévisionnel de l´État. Les moyens financiers nécessaires pour les allègements en 2024 seront générés grâce au prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs et fournisseurs d´électricité.
Prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité
Les entreprises qui produisent de l´électricité à partir de sources d´énergies renouvelables, du nucléaire et du lignite aux coûts marginaux plus faibles (dénommés « producteurs inframarginaux ») enregistrent actuellement des bénéfices exceptionnels très élevés sur le marché de l´électricité.
En principe, on considère qu´il y a des bénéfices exceptionnels lorsque les recettes sur le marché de l´ électricité sont supérieures à une valeur de référence spécifique à la technologie, qui reflète les coûts variables et fixes typiques de la production d´électricité. Des marges de sécurité suffisantes garantissent que seuls les bénéfices exceptionnels sont ponctionnés, et non les « bénéfices standard » auxquels on pourrait s´attendre en temps normal.
Le mécanisme de prélèvement, qui fait partie de la Loi introduisant un plafond au prix de l´électricité, vise à récupérer les recettes excédentaires des producteurs d´électricité inframarginaux. Les technologies concernées sont entre autres l´éolien, le photovoltaïque et l´hydraulique, l´incinération des déchets, la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse) à l´exclusion du biométhane, le nucléaire et le lignite.
Avec le refinancement partiel du bouclier tarifaire du prix de l´électricité par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels, le gouvernement fédéral met ainsi en œuvre le règlement de l´Union Européenne (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022 sur une intervention d´urgence pour faire face aux prix élevés de l´énergie. Ce règlement prévoit entre autres de mettre en place des mesures communes, limitées dans le temps, visant à collecter et redistribuer au client final les bénéfices exceptionnels des producteurs et des fournisseurs d´électricité ainsi que des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage /8/.
Ce règlement permet également, au choix, de fixer un plafond spécifique pour les recettes issues du marché provenant de la vente d´électricité produite à partir de houille. Le gouvernement allemand ne compte pas appliquer le mécanisme de prélèvement à la houille pour des raisons de sécurité d’approvisionnement car la part de la production d´électricité à partir de gaz pourrait ainsi augmenter. Si les bénéfices excédentaires des centrales à houille étaient prélevés, leur coût marginal augmenterait et elles sortiraient du marché avant les centrales à gaz par mécanisme du « merit order ». Compte tenu des problèmes d´approvisionnement du gaz naturel il faut absolument éviter cela.
Seules les installations dont la puissance installée est supérieure à 1 MW sont concernées. Les petites installations sont exclues.
Le prélèvement sur les recettes excédentaires des producteurs d´électricité est prévu entre le 1er décembre 2022 et le 30 juin 2023. Sur la base d´un réexamen de la Commission Européenne la période d´application peut être prolongée au maximum jusqu´au 30 avril 2024.
Pour déterminer le montant des bénéfices exceptionnels issus de la production d´électricité des différentes centrales, il faut disposer d’informations sur les quantités produites, les coûts de production et les prix obtenus sur le marché. La charge administrative pour les exploitants et les gestionnaires des réseaux est par conséquent élevée.
Le secteur de l´énergie critique le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels
Selon l´Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux (BDEW) /9/, le plafonnement des prix de l´électricité et le modèle de prélèvement sur les bénéfices exceptionnels proposés par le gouvernement allemand sont si complexes que leur mise en œuvre pratique sera une tâche titanesque pour le secteur de l´énergie. Même si le secteur est prêt à apporter sa contribution solidaire, la portée des interventions sur le marché serait inquiétante.
Le gouvernement vise avec 360 GW d´ici 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque un triplement de la puissance installée en 2021 /4/. Plusieurs associations ont publié des prises de position très critiques craignant que le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels empêche les investissements nécessaires dans de nouvelles capacités d´énergies renouvelables pour atteindre les objectifs de 2030.
Le mécanisme de prélèvement complexe et disproportionné aurait provoqué une énorme incertitude dans le secteur, a déclaré la présidente de l´Association Allemande des Énergies Renouvelables. Elle a également exigé l´arrêt des prélèvements en juin 2023. « La possibilité d´une prolongation jusqu´à fin 2024, voire au-delà, risque de devenir une épée de Damoclès pour les nouveaux investissements » /10/.
Selon le gouvernement fédéral le mécanisme de prélèvement n´y conduirait pas. Le mécanisme serait conçu de manière à ce que les entreprises productrices d´électricité puissent continuer à réaliser des bénéfices. Seuls les bénéfices exceptionnels sont visés que personne n´avait prévus. De plus le prélèvement ne s´applique qu´à 90 % des bénéfices exceptionnels. Les exploitants conservent 10% des recettes excédentaires afin de les inciter à utiliser leurs centrales aux heures où elles sont particulièrement nécessaires et où les prix sont donc particulièrement élevés. Tous les bénéfices exceptionnels réalisés avant le 1er décembre 2022 restent intégralement aux mains des entreprises. Or, les prix de l´électricité avaient déjà augmenté à l´automne 2021 et une augmentation extrême et durable des prix est observée depuis février 2022.
/7/ CE (2022) Communication de la Commission « Encadrement temporaire de crise pour les mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine 2022/C 426/01 », Commission Européenne, JO C 426 du 9.11.2022, p. 1–34, en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2022.426.01.0001.01.FRA
/8 / UE (2022) Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d´urgence pour faire face aux prix élevés de l´énergie. Conseil de l’Union Européenne. En ligne : https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2022/1854.
L´Office Fédéral pour la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (Bundesamt für die Sicherheit der nuklearen Entsorgung – BASE) a annoncé le 14 novembre 2022 /1/ que l´objectif de 2031, fixé par la Loi pour la sélection du site de stockage définitif des déchets radioactifs de haute et moyenne activité et à vie longue, sera reporté à 2046 – 2068.
Après la sélection du site de stockage, BASE estime que, compte tenu du temps nécessaire (de l´ordre de 20 ans) pour la construction et la réalisation des essais de démarrage, l´autorisation de mise en service et donc la descente du premier colis se décale vers un horizon de 2066 à 2088.
Laboratoire souterrain de recherche dans le dôme de sel de Gorleben/source dpa
Pour les déchets radioactifs dépassant le seuil de libération le concept allemand repose sur des lieux différents de stockage final /2/ :
Plusieurs sites pour le stockage de déchets de faible et moyenne activité et à vie courte « FMA – VC » (déchets d‘exploitation et de démantèlement des centrales dégageant très peu de chaleur)
Un site pour le stockage de déchets de haute et moyenne activité et à vie longue « HA et MA – VL » (combustibles irradiés, déchets vitrifiés de retraitement dégageant de la chaleur)
Les deux sites existants de stockage de déchets de faible et moyenne activité et à vie courte, les anciennes mines de sel d´Asse et de Morsleben, sont clos et n´accueillent plus de déchets.
Dans l´avenir ces déchets seront stockés définitivement dans l´ancienne mine de fer de Konrad, proche de Salzgitter (Basse-Saxe). La mise en service est prévue en 2027. Konrad devrait dans un premier temps accueillir environ 303 000 m³ de déchets de faible et moyenne activité et à vie courte /3/.
Concernant le stockage définitif des déchets de haute et moyenne activité et à vie longue, la situation reste en attente de la sélection d´un nouveau site de stockage.
Le site de référence était initialement le dôme de sel de Gorleben, situé au nord-est de la Basse-Saxe, en exploration depuis 1979. Cependant, le gouvernement a décidé en 2011 de reprendre à zéro la recherche d´un site en raison des critiques sur le processus de sélection de Gorleben. Le laboratoire souterrain de recherche de Gorleben sera fermé définitivement.
L´Office Fédéral pour la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (BASE) a annoncé le 14 novembre 2022 /1/ que l´objectif de 2031, fixé par la Loi pour la sélection du site de stockage définitif des déchets radioactifs de haute et moyenne activité et à vie longue, sera reporté vers 2046 à 2068. La raison énoncée : la procédure ne pourra pas être achevée d´ici 2031, compte tenu des exigences élevées liées au choix du site offrant la meilleure sûreté possible.
Après la sélection du site de stockage, BASE estime que, compte tenu du temps nécessaire (de l´ordre de 20 ans) pour la construction et la réalisation des essais de démarrage, l´autorisation de mise en service, et donc la descente du premier colis, se décale vers un horizon 2066 à 2088.
En attendant la mise à disposition d´un site de stockage définitif, les assemblages usés sont stockés à sec dans des conteneurs CASTOR dans des halls de stockage (voir figure) construits sur des sites nucléaires et les centres de stockage provisoire de Gorleben et Ahaus.
Ils ont une autorisation d´exploitation de 40 ans, c´est-à dire généralement jusqu´au milieu des années 2040.
Figure : hall de stockage pour conteneurs CASTOR
Conclusion : la date de mise en service finale d´un site de stockage pour les déchets de haute et moyenne activité et à vie longue est donc renvoyée aux calendes grecques et devenue une tâche de générations.
Le Ministère Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat (BMWK) a publié fin octobre le rapport 2022 du Comité de Coopération entre l´État fédéral et les régions (Länder) sur le développement des énergies renouvelables /1/. Ce rapport met en évidence des problèmes flagrants notamment pour le développement de l´éolien terrestre.
Le gouvernement veut doubler la puissance actuellement installée pour atteindre 115 GW à l´horizon de 2030. Mais malgré la crise énergétique, le développement ne décolle pas. Compte tenu de la lourdeur des démarches administratives et de la détérioration des conditions financières,due à la flambée des prix des matières premières et la hausse des taux d´intérêt, de nombreux investisseurs hésitent à s´engager sur la construction d´un parc éolien.
Selon le président de la Fédération de l´Énergie Éolienne (BWE) /2/, le rapport devrait servir de rappel à l´ordre. Les résultats sont inquiétants : le développement avance si lentement que les objectifs fixés par le gouvernement sont en danger.
Les trois premiers trimestres ont vu l´installation d´environ 1,4 GW. L´ajout net devrait atteindre 2 GW en 2022. Mais le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. De plus, l´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte en 2022, trois des quatre appels d´offres ont été sous-souscrits. La nervosité s´est installée au sein du gouvernement fédéral, qui voulait pourtant accélérer le développement de l´éolien terrestre.
C´est pour cela que le gouvernement a fait passer au Parlement mi-décembre 2022 une augmentation de la rémunération de l´électricité verte dans le sillage de la loi sur le plafonnement du prix de l´électricité. Résultat : la rémunération de référence pour l´éolien terrestre, qui n´avait cessé de baisser jusqu´à présent, sera augmentée de 25% à 73,50 €/MWh à partir de 2023.
Malgré cela il est de moins en moins probable que le gouvernement atteigne ses objectifs en matière de développement éolien terrestre à l´horizon de 2030. L´Allemagne devrait désormais construire six éoliennes par jour jusqu´en 2029.
Parc éolien de Krusemark-Ellingen en Saxe-Anhalt : mis en service en avril 2022 après remplacement de 15 éoliennes (puissance totale 15,7 MW) par 6 éoliennes (puissance totale 19,8 MW) dans le cadre du repowering /source RWE
Le développement des énergies renouvelables présente des dynamiques différentes. Alors que jusqu´à maintenant le développement du photovoltaïque suit à peu près le rythme voulu /3/, le développement des éoliennes terrestres reste à un niveau toujours faible.
Le parc éolien terrestre s´élève à environ 56,1 GW fin 2021. Pour atteindre l´objectif du gouvernement de 115 GW d´ici 2030 il faudrait, après une phase de démarrage, un ajout annuel de 10 GW à partir de 2025, cf. figure 1.
Figure 1 : développement de la puissance nette installée de l´éolien terrestre depuis 2015 et ajout annuel moyen entre 2022 et 2030 (scénario pour 600 TWh d´électricité produite à partir des énergies renouvelables en 2030)
Fin 2024, une puissance installée de 69 GW est visée selon la dernière modification de la Loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023). Cela signifie, en partant du parc installé fin 2021, un ajout moyen net entre 2022 et 2024 de près de 4 GW par an.
Au cours des trois premiers trimestres 1 430 MW ont été installés /4/. L´ajout net devrait atteindre environ 2 GW en 2022, soit une légère augmentation par rapport à 2021, où le volume ajouté avait également été faible.
Au premier octobre 2022, le parc éolien terrestre comptait une puissance totale installée de 57,5 GW. L´objectif de 69 GW fin 2024 nécessiterait un ajout net d´au moins 5 GW en 2023, un objectif qui ne sera vraisemblablement pas atteint car plusieurs séries d´appels d´offres ont été sous-souscrites dans le passé.
Seulement environ 70% du volume mis aux enchères ont été attribués en 2022
L´Agence Fédérale des Réseaux a effectué quatre appels d´offres d´éolien terrestre en 2022 /5/. Les résultats confirment le développement préoccupant concernant les volumes offerts et attribués. En effet, l´attribution du volume mis aux enchères est loin d´être atteinte. Trois des quatre appels d´offres ont été sous-souscrits (voir figure 2).
Comme il fallait s´attendre à une sous-souscription lors du 4e d´appel d´offres en décembre 2022, l´Agence Fédérale des Réseaux avait préalablement réduit le volume appelé de 1 190 MW à 604 MW /6/.
Au total 16 offres ont été soumises pour un volume d´environ 203 MW soit un tiers du volume appelé. Seuls 189 MW ont finalement pu être adjudiqués.
En conclusion, en 2022, faute de soumissionnaires seuls 3 225 MW des 4 572 MW mis aux enchères, soit 70,5% ont été attribués. En outre l´écart entre le nord et le sud de l´Allemagne s´accentue de plus en plus. La Bavière et le Bade-Wurtemberg sont aux derniers rangs quant au développement de l´éolien terrestre.
Figure 2 : volumes (en MW) des appels d´offres d´éolien terrestre en 2022
C´est un coup dur pour les objectifs de la transition énergétique du gouvernement. Dans la crise énergétique actuelle, où « chaque kilowattheure compte » selon le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, le développement de l´éolien terrestre ne décolle pas.
Il est de moins en moins probable que l´Allemagne atteigne ses objectifs en matière de développement éolien terrestre à l´horizon de 2030. Selon une évaluation d´EWI – Institut d´économie de l´énergie de l´Université de Cologne – pour le compte du journal Handelsblatt, publiée fin décembre 2022 /9/, il faudrait ajouter 5,8 éoliennes par jour entre début 2023 et fin 2029 d´une puissance nominale moyenne de 4,2 MW. L´éventuel déclassement d´anciennes installations est pris en compte. Une comparaison historique montre l´ampleur de la tâche : en moyenne, entre 2010 et 2021, environ 3,5 éoliennes ont été construites par jour, avec une puissance nominale moyenne de 2,8 MW.
Raisons du manque de dynamisme
Inquiétude des investisseurs
La flambée des prix des matières premières suite à la guerre en Ukraine ainsi que l´ augmentation des coûts de financement due à la hausse des taux d´intérêt ont un impact sensible sur le développement des énergies renouvelables.
Les investisseurs sont si peu rassurés qu´ils ne s´inscrivent même pas aux procédures d´enchères. La raison de cette réticence : celui qui obtient une adjudication doit mettre le parc éolien en service dans un délai de 2 ans. Une pénalité est due en cas de dépassement.
Comme il s´écoule souvent plus de 2 ans entre l´attribution du marché par l´Agence Fédérale des Réseaux et la mise en service du parc éolien, les investisseurs craignent que les coûts de construction explosent entre-temps et qu´ils ne soient plus couverts par la rémunération attribuée. Ils risquent alors de réaliser une opération déficitaire.
Pour la Fédération de l´Énergie Éolienne (BWE) les modalités de l´appel d´offres sont responsables de cette situation insatisfaisante. En effet, les soumissionnaires aux appels d´offres doivent respecter la limite maximale de la rémunération de référence de 58,80 €/MWh actuellement imposée par l´Agence Fédérale des Réseaux. Cette limite date toutefois d´une époque où les prix des matières premières étaient encore relativement stables.
C´est pour cela que le gouvernement fédéral a fait passer au Parlement mi-décembre 2022 une augmentation de la rémunération de l´électricité verte dans le sillage de la loi sur le plafonnement du prix de l´électricité /7/. Résultat : la limite maximale de la rémunération de référence pour l´éolien terrestre pourra être augmentée jusqu`à 25% l´année prochaine.
En conséquence, l´Agence Fédérale des Réseaux a fixé, à partir de 2023, la rémunération de référence à 73,50 €/MWh au lieu de 58,80 €/MWh dans le but de renforcer la participation des investisseurs aux enchères /8/.
Pendant les derniers 20 ans la rémunération pour la production de l´électricité verte a été en baisse. Elle augmentera pour la première fois en 2023, c´est une sorte de revirement pour l´histoire de la transition énergétique.
Lourdeur des procédures administratives
Depuis 2017, environ 15,2 GW ont été attribués dans le cadre des appels d´offres. A la fin du premier semestre 2022, environ un tiers (5,4 GW) a pu être réalisé /4/.
Si l´on définit la durée de la procédure d´autorisation à partir du dépôt initial de la demande auprès de l´organisme chargé de délivrer les autorisations, la durée moyenne de la procédure est supérieure à deux ans /1/. En Hesse, les procédures atteignent même une moyenne de presque 57 mois. Environ 17 % des installations autorisées ont fait l´objet d´une plainte, et même 48 % en Mecklembourg-Poméranie occidentale et en Hesse.
La nouvelle législation adoptée mi-2022 intervient trop tard
Le paquet législatif final visant à accélérer le développement des énergies renouvelables a été adopté mi-2022 /3/. La mesure phare est la modification de la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023), validant un approvisionnement en électricité de 80% en énergies renouvelables en 2030 et quasi climatiquement neutre en 2035. Comme étape intermédiaire une puissance totale installée de 360 GW (éolien et photovoltaïque) est prévue d´ici 2030.
Pour y arriver une simplification des démarches administratives et l´attribution de superficies supplémentaires pour le développement éolien ont été nécessaires. C´est pour cela qu´un paquet de mesures a été adopté /3/. Dans ce cadre, la loi sur l´Éolien Terrestre (Wind-an-Land-Gesetz, WaLG) et des modifications de la Loi Fédérale sur la Protection de la Nature ont été adoptées.
Le développement des énergies renouvelables est maintenant « d´intérêt public prépondérant et sert la sécurité publique ». Des dérogations relatives à la protection de la biodiversité et aux espèces protégées ont été adoptées. A l´avenir, la construction des éoliennes sera aussi autorisée dans des zones protégées. Seuls les territoires bénéficiant du plus haut niveau de protection ne pourront pas être aménagés.
Actuellement une superficie du territoire d´environ 0,8% est réservée aux éoliennes terrestres. Pour pouvoir installer une puissance de 160 GW (objectif 2040), la superficie réservée sera augmentée à 2% du territoire allemand à l´horizon de fin 2032 avec un objectif intermédiaire de 1,4% fin 2027.
Selon l´Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux (BDEW) /6/ les lois adoptées l´été 2022 doivent être révisées, afin de parvenir à une réelle accélération des procédures administratives et une attribution plus rapide des superficies supplémentaires.
Cela concerne notamment la Loi sur l´Éolien Terrestre /3/. Le premier objectif contraignant de l´augmentation de la superficie du territoire à 1,4% d´ici fin 2027 intervient beaucoup trop tard pour soutenir l´objectif de développement de 2030.
/4/ UBA (2022) Monatsbericht PLUS mit Informationen zur quartalsweisen Entwicklung der erneuerbaren Energien in den Sektoren Strom, Wärme und Verkehr, Umweltbundesamt – Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien Statistik (AGEE Stat), 4. Quartal 2022, en ligne :agee-stat_monatsbericht_plus_2022-q4_final
Après des semaines de polémique, le Chancelier Olaf Scholz a fait entendre sa voix : il a ordonné le 17 octobre 2022 aux ministres compétents de présenter les bases légales permettant la prolongation des trois centrales nucléaires encore en service au-delà du 31 décembre 2022, mais au plus tard jusqu´au 15 avril 2023.
Fin septembre 2022, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, s´était mis d´accord avec les exploitants sur le concept de la poursuite éventuelle du fonctionnement de deux de leurs trois centrales nucléaires soit Isar 2 et Neckarwestheim 2 après fin 2022. Une prolongation de la centrale d´Emsland au-delà du 31 décembre 2022 n´a pas été prévue.
Afin de mettre en œuvre la directive du Chancelier et rendre juridiquement possible un fonctionnement des trois centrales au-delà de 2022, le cabinet des ministres a adopté le 19 octobre 2022 une modification de la Loi Atomique (Atomgesetz). Le parlement (Bundestag) a donné son feu vert le 11 novembre 2022.
Face à la pénurie de gaz, l´hiver 2023/24 sera probablement encore difficile en termes d´approvisionnement en électricité, mais la position profondément anti-nucléaire des Verts, qui font partie de la coalition gouvernementale, rendra un nouveau débat sur la prolongation des centrales au-delà du 15 avril 2023 peu probable.
Centrale nucléaire d´Emsland (au premier plan) près de Lingen en Basse Saxe, réacteur à eau pressurisée, puissance électrique nette 1335 MW, mise en service 1988 / source RWE
En vertu de sa compétence en matière de directives, le Chancelier Olaf Scholz a ordonné le 17 octobre 2022 de créer la base légale permettant la prolongation non pas de deux centrales comme annoncé en septembre par Robert Habeck, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat /2/, mais des trois dernières centrales nucléaires (Isar 2 en Bavière, Neckarwestheim 2 en Bade-Wurtemberg et Emsland en Basse Saxe) au-delà du 31 décembre 2022. Elles ne seront plus mises en « réserve ultime » début 2023 en attendant une réactivation en cas de demande, comme initialement prévu par le Ministre Habeck, mais fonctionneront en continu en régime de prolongation de cycle jusqu´à épuisement du combustible et ce jusqu´au 15 avril 2023 au plus tard.
Il a adressé une lettre dans ce sens au Ministre de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck (les Verts), à la Ministre de l´Environnement, Steffi Lemke (les Verts), et au Ministre des Finances Christian Lindner (les Libéraux) qui font tous partie de la coalition gouvernementale /1/.
La décision du Chancelier social-démocrate met fin au bras de fer entre les Verts et les Libéraux sur la question du maintien au réseau des centrales nucléaires /2/.
Projet de modification de la loi Atomique adopté par le conseil des ministres
Afin de rendre juridiquement possible une prolongation des trois centrales nucléaires au-delà de 2022 et jusqu´au 15 avril 2023, le cabinet des ministres a adopté le 19 octobre 2022 le projet de modification de la Loi Atomique (Atomgesetz) laquelle prévoit dans sa version actuelle la sortie définitive du nucléaire fin 2022 /3/.
Les raisons évoquées pour la prolongation sont la pénurie actuelle de gaz, un développement insuffisant des éoliennes et du réseau électrique dans le sud de l´Allemagne, la sécheresse, l´étiage et surtout la disponibilité réduite du parc nucléaire français l´hiver prochain.
Le projet de modification de la Loi stipule que seuls les assemblages combustibles encore disponibles dans chaque centrale seront utilisés pour la poursuite de l´exploitation. Un rechargement de combustibles neufs n´est pas autorisé. Selon le projet de modification de la Loi Atomique, les trois centrales cesseront leur fonctionnement au 15 avril 2023 au plus tard.
L´État ne prendra pas en charge les coûts liés à la prolongation de fonctionnement des centrales. En raison de la brièveté de la période de fonctionnement supplémentaire, une nouvelle étude probabiliste de sûreté (en anglais : Probabilistic Safety Assessment ou PSA) ne serait pas nécessaire. La surveillance des centrales est assurée en permanence par les autorités de sûreté étatiques sur la base de la législation en vigueur.
Sans rechargement de combustibles neufs, les trois centrales pourront fournir environ 5 TWh d´électricité d´ici mi-avril 2023. Ceci permettra de réduire la production d´électricité à partir du gaz l´hiver 2022/23.
L´usure des cœurs des réacteurs étant optimisée pour l´objectif fin 2022, les exploitants doivent prendre des mesures supplémentaires afin de conserver une réactivité suffisante pour un fonctionnement en stretch-out (pilotage en prolongation de cycle) jusqu´à mi-avril 2023.
La centrale d´Isar 2 pourrait continuer à fonctionner avec son cœur actuel jusqu´à début mars 2023. La puissance de la centrale passerait de 95% à 50% de la puissance nominale et produirait environ 2 TWh d´électricité. Pour éviter en 2023 une interruption éventuelle du fonctionnement du réacteur avec faible réactivité du cœur, la centrale a été arrêtée environ une semaine en octobre 2022 pour l´élimination des fuites internes des soupapes du pressuriseur. L´exploitation se poursuit à nouveau jusqu´à épuisement du combustible, probablement en mars 2023.
La centrale de Neckarwestheim 2 sera arrêtée le 31 décembre 2022 pour un rechargement partiel du cœur avec du combustible provenant de la piscine de stockage du combustible usagé (durée de l´arrêt environ deux à trois semaines). A l´issue de cet arrêt, la centrale pourra fonctionner jusqu´au 15 avril 2023. La puissance diminuerait d´initialement 70% à 55% de la puissance nominale et la centrale produirait environ 1,7 TWh d´électricité.
La centrale d´Emsland sera, selon l´information actuelle, arrêtée deux semaines en janvier 2023 afin de reconfigurer le cœur avec des combustibles provenant de la piscine de stockage du combustible usagé. Ensuite la centrale pourra poursuivre son exploitation jusqu’au 15 avril 2023. La production totale d´électricité pourrait atteindre environ 1,7 TWh en 2023.
Le parlement (Bundestag) a donné son approbation au projet de modification de la Loi Atomique le 11 novembre 2022 /6/. Un projet de Loi de l´opposition (Union des chrétiens démocrates/Union des chrétiens sociaux) a été rejeté. Ce projet aurait prévu la prolongation des centrales nucléaires au moins jusqu´à fin 2024 et l´acquisition de combustible neuf, avec une clause de révision pour une poursuite éventuelle d´une exploitation au-delà de fin 2024.
Une prolongation du nucléaire au-delà de mi-avril 2023 actuellement exclue
Le projet de Loi voté par le parlement le 11 novembre 2022 exclut une prolongation au-delà de mi-avril 2023 et l´approvisionnement de combustible neuf.
Le Ministre de l´Économie, Robert Habeck (les Verts), estime que la situation d´approvisionnement d´énergie de l´Allemagne sera meilleure l´hiver 2023/24. Il place son espoir sur la mise en service des terminaux d´importation de gaz naturel liquéfié, le renforcement du réseau électrique et l´augmentation de la capacité de production d´électricité grâce à l´accélération du développement des énergies renouvelables.
En revanche, en l´absence de fourniture de gaz russe, la situation d´approvisionnement en électricité devrait encore être tendue l´hiver 2023/24. C´est pour cela que le gouvernement avait déjà décidé la prolongation ou la réactivation des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´au printemps 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon d´ici 2030 /4/.
D´autres moyens pilotables de production d´électricité, disponibles à court terme, et pouvant remplacer les trois centrales nucléaires existantes, ne sont pas en vue.
La Fédération de l´Industrie Allemande (BDI) avait salué dans son communiqué de presse du 18 octobre 2022 /5/ la prolongation des trois centrales nucléaires : il s´agit d´une « décision juste et attendue » du Chancelier.
Selon le BDI, dans la situation actuelle, chaque kilowattheure compte. Le pragmatisme plutôt que l´idéologie est le mot d´ordre du moment pour permettre à l´Allemagne de traverser cette crise énergétique en toute sécurité, sans bouleversements sociaux ni dommages graves sur l´économie. La nécessité de poursuivre le fonctionnement des centrales nucléaires au-delà du mois d´avril doit être discutée ouvertement et objectivement en fonction de la situation de l´approvisionnement énergétique et des prix de l´énergie au printemps 2023.
Mais du point de vue actuel, un nouveau débat sur la prolongation des centrales nucléaires après le 15 avril 2023 semble peu probable compte tenu de la position profondément anti-nucléaire des Verts, qui font partie de la coalition gouvernementale et en l´absence d´approvisionnement de combustible neuf.
Le Chancelier Olaf Scholz a annoncé le 17 octobre 2022 la prolongation non pas de deux réacteurs comme annoncé fin septembre 2022 mais des trois dernières centrales jusqu´au printemps 2023. La version révisée du texte se trouve ici.
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Texte mis à jour le 30.09.2022
Suite au résultat du deuxième test de résistance /1/ il a été prévu que deux des trois tranches nucléaires encore en service en Allemagne, Isar 2 en Bavière et Neckarwestheim 2 en Bade-Wurtemberg serait maintenues en veille comme « réserve ultime » jusqu´à mi-avril 2023. La centrale nucléaire d´Emsland sera arrêtée définitivement le 31 décembre 2022.
La faisabilité technique et organisationnelle du concept de la « réserve ultime » a été remise en question par les exploitants. Les centrales nucléaires ne sont pas conçues comme « centrales de réserve » pouvant être activées et désactivées de manière rapide.
Selon le communiqué de presse du 27 septembre 2022 /7/, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, s´est mis d´accord avec les exploitants sur le concept de la poursuite éventuelle du fonctionnement des deux centrales. Les exploitants vont dès à présent mettre en place tout ce qui est nécessaire pour que les centrales puissent continuer à être exploitées jusqu´au 15 avril 2023 au plus tard même si une décision finale sur leur fonctionnement au-delà de 2022 ne sera prise que début décembre.
Centrale nucléaire de Neckarwestheim dans l´arrondissement d´Heilbronn (Bade-Wurtemberg), tranche 2 au premier plan. Source : EnBW Kernkraft GmbH (EnKK)
Compte tenu de la réduction de l´approvisionnement en gaz russe, les inquiétudes grandissent quant au passage de l´hiver 2022/23. Le Ministère de l´Économie et de la Protection du Climat a fait réaliser un « nouveau test de résistance » pour la sécurité de l´approvisionnement en électricité dans des conditions plus difficiles entraînant un cumul des risques. La question de la poursuite éventuelle de l´exploitation des centrales nucléaires a été également réévaluée à la lumière des résultats. Un examen antérieur, réalisé en mars 2022, avait exclu la prolongation de leur durée de fonctionnement /2/.
Résultat du deuxième test de résistance
Les quatre gestionnaires de réseau de transport allemands ont présenté le 5 septembre 2022 les résultats du deuxième test de résistance /1/. Par rapport au premier test de mai 2022, les hypothèses pour les trois scénarios étudiés ont été considérablement durcies.
Il s´agit entre autres d´hypothèses sur :
l´étiage des cours d´eau qui alimentent les centrales à charbon, suite à la sècheresse estivale
la disponibilité du parc nucléaire français l´hiver prochain
la situation globalement tendue sur les marchés de l´énergie depuis la guerre en Ukraine
Le but était de répondre à deux questions essentielles : la quantité d´électricité disponible en Allemagne et dans les pays européens voisins est-elle suffisante pour répondre aux besoins ? Le réseau électrique reste-t-il stable dans ces conditions ?
Le test de résistance conclut qu´il est très improbable que le système électrique connaisse des situations de crise pendant plusieurs heures au cours de l´hiver 2022/23, sans toutefois exclure des situations difficiles. C´est pourquoi une série de mesures supplémentaires ont été recommandées afin d´éviter, même dans ces scénarios très improbables, des coupures du réseau. Certaines des mesures recommandées ont été déjà mises en œuvre ou sont en cours de mise en œuvre, par exemple le retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz /2/.
Dans le but de sécuriser la production d´électricité dans le sud de l´Allemagne pendant l´hiver 2022/23, si nécessaire, deux des trois tranches nucléaires encore en service en Allemagne, Isar 2 en Bavière près de Munich et Neckarwestheim 2 près de Heilbronn en Bade-Wurtemberg resteront en « réserve ultime » jusqu´au 15 avril 2023 après cessation de leur exploitation régulière le 31 décembre 2022 /3/.
La centrale nucléaire d´Emsland sera arrêtée définitivement le 31 décembre 2022. Pour la région du nord de l´Allemagne d´autres instruments pourraient être utilisés, comme par exemple des centrales au fioul supplémentaires sous forme de centrales électriques flottantes appelées « Power-Barges ».
La recharge de combustibles neufs ne sera pas admise. Les centrales fonctionneront en stretch-out (pilotage en prolongation de cycle). Selon le ministère, les centrales nucléaires ne peuvent apporter qu´une contribution limitée dans des situations critiques. Si les trois centrales nucléaires usaient complètement leurs combustibles actuels, cela ne réduirait que très légèrement la production d´électricité dans les centrales à gaz en Allemagne, soit d´environ 0,9 TWh /1/.
Au premier semestre 2022, les trois dernières centrales nucléaires encore en service ont produit presque 7% de la production brute de l´électricité du pays, soit environ 17 TWh /4/.
Une prolongation au-delà de la mi-avril 2023 ou une réactivation de la réserve au cours de l´hiver 2023/2024 sont exclues « en raison de l´état de sûreté des centrales nucléaires et des considérations fondamentales sur les hauts risques du nucléaire » selon le Ministre Fédéral de l’Economie et de la Protection du climat, Robert Habeck.
Les annonces du Ministre et membre des Verts ont été accueillies diversement en Allemagne : approbation des Verts, prudence des Sociaux-Démocrates (SPD), critique des Libéraux (FDP) et de l´opposition Chrétienne-démocrate (CDU) et indignation des organisations environnementales.
Le FDP, qui fait partie de la coalition gouvernementale, avait auparavant demandé le maintien des centrales nucléaires au réseau.
Les Chrétiens-démocrates (CDU) auraient préféré une prolongation du nucléaire à pleine puissance d´au moins trois à quatre ans jusqu´à ce l´Allemagne sorte de la crise actuelle. Il ne faut toutefois pas oublier que c´est le gouvernement de Mme Merkel (CDU) qui avait décidé en 2011 la sortie accélérée du nucléaire d´ici 2022, suite à la frénésie médiatique provoquée par l´accident de Fukushima.
Critiques des exploitants nucléaires
La faisabilité technique et organisationnelle du concept de la « réserve ultime » a été remise en question par les exploitants. Le personnel nécessaire à une éventuelle remise en service devra être tenu à disposition. De plus les centrales nucléaires ne sont pas conçues comme « centrales de réserve » pouvant être activées et désactivées de manière rapide notamment en fin de cycle de fonctionnement.
Explication : Le projet du ministre prévoyait que les deux centrales seraient déconnectées du réseau fin 2022 et les réacteurs mis en « arrêt à froid » en attente d´une demande éventuelle de redémarrage. Selon les règles générales d´exploitation, le circuit primaire d´un réacteur en état « arrêt à froid » est plein d´eau borée. Mais un réacteur en fin de cycle (régime « stretch-out ») a besoin d´une concentration en bore proche de zéro pour le fonctionnement en puissance. De plus la manœuvrabilité du réacteur est très réduite. Pour un démarrage en fin de cycle il faut donc diluer la concentration en bore du circuit primaire par ajout d´eau déminéralisée. Avec un volume d´eau de plus de 300 m³ dans le circuit primaire, d´importantes quantités d´eau doivent être transformées et retraitées. Il faut au moins une semaine pour coupler la centrale nucléaire au réseau après demande.
Si l´on ajoute à cela les obstacles bureaucratiques prévus par le ministre Robert Habeck avant le feu vert pour le démarrage, deux semaines ou plus pourraient s´écouler. Il n´est donc guère possible de réagir à court terme à des situations critiques du réseau, comme par exemple des conditions météorologiques défavorables pour les énergies renouvelables intermittentes.
Mettre les centrales nucléaires en réserve ultime au lieu de les utiliser pour la production et ainsi atténuer l´explosion du prix de l´électricité et contribuer à la sécurité d´approvisionnement… Le sens de ce compromis de Robert Habeck a été difficile à comprendre. De là à supposer que les conditions de leur utilisation comme « réserve ultime » sont conçues de telle sorte que leur fonctionnement au-delà de 2022 soit peu probable…
Selon les experts de l´association nucléaire allemande, KernD (Kerntechnik Deutschland e.V.), la proposition de M. Habeck sur l´exploitation des centrales nucléaires ne conduit pas à la détente du marché de l´électricité et la faisabilité est douteuse. Des améliorations seraient nécessaires /6/.
Accord sur une éventuelle poursuite de l´exploitation de deux centrales nucléaires
Un accord avec les exploitants sur une éventuelle poursuite de l´exploitation des deux centrales a été trouvé selon le communiqué de presse du 27 septembre 2022 /7/ du Ministère Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, mais l´incertitude demeure sur les modalités de la « réserve ultime ».
Les exploitants vont dès à présent mettre en place tout ce qui est nécessaire pour que les centrales puissent continuer à être exploitées jusqu´au 15 avril 2023 au plus tard.
Dans le communiqué de presse du 27 septembre 2022 le ministre Habeck s´est fortement appuyé sur la question de la disponibilité des centrales nucléaires françaises, qui pourrait s´avérer moins favorable qu´initialement prévu. Si la situation du nucléaire français évolue mal l´hiver prochain, la situation du système électrique allemand s´aggraverait.
Centrale Isar 2 en Bavière
Il est prévu que la centrale Isar 2 soit arrêtée en octobre 2022 pour la maintenance de la soupape du pressuriseur, pour fonctionner selon le régime initial prévu jusqu´à la fin de l´année, et ensuite, en cas de demande, en régime de « prolongation de cycle » jusqu´à épuisement du combustible. La puissance de la centrale passerait de 95 à 55% de la puissance nominale et produirait environ 2 TWh d´électricité. Un arrêt de tranche avec rechargement en combustible pour permettre un fonctionnement jusqu´au 15 avril n´est pas prévu en raison de sa durée (quatre à six semaines). La décision pour un fonctionnement de la centrale au-delà de fin décembre 2022 sera prise début décembre.
Centrale de Neckarwestheim 2 en Bade-Wurtemberg
La centrale de Neckarwestheim 2 sera déjà en phase de pilotage « prolongation de cycle » avant la fin de l’année. Un rechargement partiel du cœur avec du combustible provenant de la piscine de stockage du combustible usagé sera prévu début 2023. Un arrêt de tranche complet pour maintenance n´est pas nécessaire, car un arrêt pour maintenance sans rechargement de combustibles a déjà été effectué en 2022. La centrale serait ensuite exploitée jusqu´au 15 avril 2023. La puissance diminuerait alors de 70 à 55% de la puissance nominale et produirait environ 1,7 TWh d’électricité. Une décision pour un fonctionnement de la centrale au-delà de fin décembre 2022 sera prise début décembre, mais devrait être réexaminée début janvier 2023.
Actions ultérieures
Afin de rendre juridiquement possible un fonctionnement au-delà de 2022, la Loi Atomique (Atomgesetz) et la Loi sur l´Énergie (Energiewirtschaftsgesetz) doivent être modifiées. Le cabinet des ministres doit adopter les projets de loi début octobre et le parlement (Bundestag) d´ici fin octobre 2022. Les exploitants mettent en œuvre toutes les mesures nécessaires pour permettre le fonctionnement de leurs centrales, même si une décision finale ne sera prise qu´en décembre. Les coûts d´une réserve ultime seront remboursés aux exploitants. En cas d´un fonctionnement en 2023, les recettes du marché de l´électricité seraient plafonnées selon les règles applicables aux producteurs d´électricité « inframarginaux » selon la décision adoptée par l´Union Européenne. Un contrat de droit public sera conclu avec les exploitants nucléaires.
L´accord ne prévoit pas un fonctionnement prolongé des centrales nucléaires au-delà d´avril 2023 en combinaison avec un rechargement de combustible neuf bien que le gouvernement fédéral estime qu´une situation critique d´approvisionnement en électricité serait encore à prévoir l´hiver 2023/24. L´effet bénéfique d´un fonctionnement prolongé des centrales nucléaires sur le prix du marché de l´électricité n´a pas non plus été abordé par le ministre Habeck lors de sa conférence de presse.
Au cours du 1er semestre 2022, la production brute d´électricité s´est élevée à environ 299 TWh, en hausse de 2% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2021 : 293 TWh). Environ 139 TWh ont été produits à partir des énergies renouvelables, soit presque 14% de plus qu´au premier semestre 2021 (122 TWh). Les centrales nucléaires et thermiques à flamme ont produit 160 TWh en baisse de 6,4% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2021 : 171 TWh.)
La consommation brute d´électricité est en légère baisse et s´élève à 281 TWh au 1er semestre 2022 (1er semestre 2021 : 283 TWh). La part des énergies renouvelables à la consommation brute est avec 49% en hausse par rapport au premier semestre 2021 (43 %) grâce à des conditions météorologiques très favorables.
Le prix moyen du marché de gros a plus que triplé par rapport à celui du premier semestre 2021.L´Allemagne a enregistré un solde positif d´exportation d´électricité au cours du premier semestre 2022.
Source : Bundesnetzagentur/SMARD
Le Centre de Recherche sur l´Énergie solaire et l´Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et de la Fédération des Industries de l´Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié en juillet 2022 les résultats préliminaires du premier semestre 2022 /1/, /2/.
Grâce aux conditions météorologiques très favorables, à savoir un premier trimestre très venteux et un deuxième trimestre ensoleillé, l´éolien terrestre et le photovoltaïque ont connu une nette progression. Ils ont produit environ un cinquième d´électricité de plus que dans la même période de l´année précédente. L´éolien maritime et la biomasse ont également enregistré de légères augmentations, cf. figure 1.
Figure 1 : production brute d´électricité aux premiers semestres 2021 et 2022 /1/
La production renouvelable s´est élevée à 139 TWh, en hausse de presque 14 % par rapport au premier semestre 2021 (122 TWh), dont 59 TWh pour l´éolien terrestre, 33 TWh pour le photovoltaïque, 24 TWh pour la biomasse, 12 TWh pour l´éolien maritime et 9 TWh pour l´hydraulique. Le reste a été produit par les déchets biogènes et l´énergie géothermique.
Les centrales thermiques à flamme et le nucléaire ont produit 160 TWh contre 171 TWh au cours de la même période de l´année dernière /1/. La baisse de production conventionnelle de 6,4% s´explique notamment par l´arrêt fin 2021 de 3 centrales nucléaires (4,1 GW) d´où un recul de la production à 16,8 TWh (1er semestre 2021 : 34 TWh) et par la baisse de production des centrales à gaz au premier semestre 2022. En revanche la production brute des centrales à charbon (lignite, houille) est passée de 75 TWh au premier semestre 2021 à presque 88 TWh, soit une augmentation de 17%.
Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est avec 49% en hausse par rapport au premier semestre 2021 (43 %).
La figure 2 montre la part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité aux premiers semestres 2021 et 2022. La consommation d´électricité a légèrement baissé au premier semestre 2022 pour atteindre 281 TWh.
Figure 2 : part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité aux premiers semestres 2021 et 2022 /2/
Evolution du prix du marché de gros de l´électricité
La baisse des flux de gaz en provenance de Russie a placé l´approvisionnement énergétique de l´Allemagne dans une situation exceptionnelle.
Selon la publication de l´Agence Fédérale des Réseaux du 11 juillet 2020 /3/, le prix moyen du marché de gros constaté sur le marché journalier au cours du premier semestre 2022 a plus que triplé (185,90 €/MWh) par rapport à celui de l´année précédente (54,93 €/MWh). La hausse des prix s´explique principalement par le prix élevé du gaz naturel.
Le prix le plus élevé négocié était 700 €/MWh le mardi 8 mars 2022 entre 19h00 und 20h00 heures. Durant cette période, la production renouvelable a seulement couvert un tiers de la consommation d´électricité.
Le prix le plus bas, -19,04 €/MWh, a été enregistré lors d´une tempête le dimanche 20 mars entre 13h00 et 14h00. Durant cette heure, la production d´énergie renouvelable a dépassé la consommation nationale d´électricité.
En revanche, le nombre de pas horaires avec des prix négatifs a fortement baissé au premier semestre 2022 (38 heures) par rapport au premier semestre 2021 (78 heures).
La comparaison du prix moyen allemand avec ceux des pays voisins montre une tendance similaire dans l´évolution des prix spot.
Echanges commerciaux
L´Allemagne a enregistré un solde positif d´exportation d´électricité au cours du premier semestre 2022. Le solde net a atteint 15,7 TWh contre 8,2 TWh au premier semestre 2021/3/. Le moment où l´électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l´offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l´électricité des pays voisins.
Les exportations nettes vers la France ont augmenté au premier semestre 2022. Ceci s´explique notamment par l´indisponibilité de centrales nucléaires dans l´hexagone. De nombreuses centrales nucléaires ont été en arrêt pour rechargement de combustible et/ou pour maintenance.