La taxe carbone dans les secteurs des transports et du chauffage-refroidissement arriverait-elle en Allemagne ? (mise à jour du 13 07 2019)

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Temps de lecture : 6 min

Le 5 juillet 2019, le ministère fédéral chargé de l’environnement (BMU) a publié trois rapports d´expertise sur la taxe carbone /1/. Les rapports soutiennent les propositions de la Ministre Fédérale de l’Environnement visant à donner progressivement un prix au carbone dans les secteurs du chauffage-refroidissement et des transports. Les rapports ont examiné comment, dans ces secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE-UE), mettre en place d’efficaces incitations à réduire les émissions de CO2. Le 12 juillet, le Conseil Général de l’Economie a présenté son concept. L’expertise avait été commandée par le gouvernement fédéral /3/. 

La raison en est que ces secteurs, non soumis à la réglementation européenne sur les émissions de CO2, risquent de ne pas atteindre leurs objectifs en matière de réduction d’émissions. L’Allemagne s’est engagée à atteindre des objectifs de réduction contraignants vis-à-vis de l’UE, soit une réduction de 55 % d´ici 2030 par rapport à 1990. Si ces objectifs ne sont pas atteints, les droits d’émission doivent être achetés à d’autres pays. Rien de moins sûr que d’autres pays soient vendeurs, et à quel prix ? Cela rend la question politiquement plus pressante.

Afin de réduire les émissions, en particulier dans les secteurs du chauffage-refroidissement et des transports, les trois rapports proposent de donner un prix du CO2 en plus des taxes énergétiques existantes. Dans un premier temps, la taxe serait de 35 Euros la tonne de CO2, mais passerait à 180 Euros la tonne en 2030. Par conséquent, essence, diesel, mazout et gaz naturel deviendraient plus chers. Cela devrait conduire à la rénovation énergétique des bâtiments et au passage des automobilistes à l´électro-mobilité.

Afin d’accroître l’acceptation de l’accroissement de la charge  des combustibles fossiles, les experts, à l’unanimité,  proposent de rembourser aux foyers modestes la taxe collectée.

Cela peut se traduire, par exemple, par un remboursement forfaitaire par habitant ou une réduction des taxes sur l’électricité. Cette réduction des taxes sur l’électricité aurait un avantage décisif par rapport au remboursement forfaitaire : un prix bas de l’électricité inciterait à acheter une voiture électrique. Une taxe  CO2 pourrait donc être plus efficace et moins onéreuse que le modèle de remboursement forfaitaire.

Les avis sont controversés entre les partis, mais aussi au sein du gouvernement. Le Ministre Fédéral de l´Économie et de l´Énergie, M. Altmaier, a critiqué ce concept et s’est référé à une expertise du Conseil Général de l’Economie qui sera publiée prochainement (N.B. :  l´expertise a été publiée le 12.07.2019, voir plus bas). La majorité des partis politiques n’est d’accord que sur le fait qu´il faudrait donner un prix au carbone dans les secteurs en dehors de SEQE-UE.

Cependant, le « comment » est en cours de discussion. Les Libéraux (FDP) et certaines fractions des Chrétiens Démocrates (CDU/CSU) sont favorables à l’intégration de tous les secteurs dans le système d’échange de quotas d’émission de l´UE, alors que les Verts proposent un prix de départ de 40 Euros par tonne de CO2, qui servirait  également de prix minimum dans le système d’échange de quotas d’émission de l´UE.

La Ministre Fédérale de l’Environnement présentera les rapports d´expertise au « Klimakabinett », où, avec d’autres avis d’experts, ils serviront de base aux discussions sur les décisions politiques à venir. Pour arriver à une réduction de 55% d´ici 2030, le gouvernement a promis une « loi climatique » d’ici fin 2019. La tâche incombe au « Klimakabinett », formation resserrée du gouvernement qui réunit tous les ministres concernés.

L´expertise du Conseil Général de l’Economie

Le 12.07.2017, les cinq experts en économie ont présenté leur expertise « Vers une nouvelle politique climatique » /3/. Ils plaident en faveur d’un prix du CO2 en tant qu’instrument central de la politique climatique. Un prix uniforme pour les émissions du CO2 garantirait un évitement des émissions dans la mesure où il serait moins onéreux que le prix du CO2.

Les experts recommandent d’étendre le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE aux secteurs des transports et du chauffage-refroidissement d’ici 2030 au plus tard dans tous les Etats membres, établissant ainsi un prix du CO2 uniforme dans tous les secteurs. Toutefois, cela nécessite l’accord des autres États membres et le gouvernement allemand devrait exposer ce point de vue au niveau de l’UE.

Comme solution transitoire, un prix pour le CO2 doit être établi  pour  les secteurs en dehors de SEQE-UE, sous la forme d’un système distinct d’échange de quotas d’émission ou d’une taxe carbone. Un système distinct d’échange de droits d’émission serait plus simple à communiquer et plus facile à transférer par la suite à un système intégré d’échange de quotas d’émission, une taxe carbone serait plus rapide à mettre en place.

Les experts estiment qu’il n’est pas raisonnable de fixer un prix séparé pour la taxe carbone. Il serait judicieux de s’orienter dans un premier temps sur le prix actuel du CO2 du SEQE-UE et de commencer avec un prix entre 25 et 50 Euros par tonne de CO2. La taxe devrait alors être régulièrement adaptée à l’évolution de la situation. Plus la taxe carbone d´entrée sera faible, plus les hausses futures de la taxe devront être importantes. Le Conseil Général de l’Economie laisse aux responsables politiques le soin de décider de l’instrument à adopter et le montant de la taxe sur le CO2 qu’il conviendrait d’appliquer.

Les experts sont également favorables à d’autres mesures visant à favoriser la réduction des émissions de CO2. Des subventions à l’investissement pour l’équipement et les infrastructures à faibles émissions, ainsi que des incitations fiscales pour la réduction des émissions de CO2 sont envisageables.

Le seul objectif de la taxe sur le CO2 en Allemagne devrait être de réduire efficacement les émissions et non de générer des recettes fiscales supplémentaires. Selon les experts, une taxe carbone ne serait probablement acceptée par la population que si l’on peut exclure que la taxe soit utilisée à des fins autres que la politique climatique. Il convient donc de redistribuer les recettes de l’État, par exemple par une rémunération forfaitaire par habitant ou une réduction de la taxe sur l’électricité.

Les experts en économie soulignent que la lutte contre le changement climatique est un défi mondial qui ne peut être relevé que par une action coordonnée au niveau international. « Les objectifs de l´accord de Paris sur le climat doivent être mis en œuvre de manière efficace grâce à une taxe mondiale des émissions de gaz à effet de serre », a déclaré le Conseil Général de l’Economie. Une action isolée de l´UE affaiblirait sa position dans les négociations internationales sur la protection du climat :  Au lieu de fixer des objectifs de protection du climat toujours plus stricts, l´UE aurait intérêt à montrer que cet objectif peut être réalisé sans distorsions sociétales majeures.

Dans l’ensemble, les propositions du Conseil mettent fortement l’accent sur la coordination mondiale et les instruments de marché, pour limiter au mieux les baisses de prospérité de la population de l’UE.

Références

/1/ BMU (2019), communiqué de presse du 5.7.2019 : « Schulze: CO2-Preis kann sozial gerecht gestaltet werden », https://www.bmu.de/pressemitteilung/schulze-co2-preis-kann-sozial-gerecht-gestaltet-werden/

/2/ RWE (2019),  Information interne

/3/ Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung (2019) : Sondergutachten 2019: Aufbruch zu einer neuen Klimapolitik, https://www.sachverstaendigenrat-wirtschaft.de/sondergutachten-2019.html

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