L’Allemagne instaure la « taxe carbone » à partir de 2021 dans les secteurs non couverts par le système européen d’échange de quotas d’émission

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Une version modifiée de la loi sur l’échange national de quotas d’émission de gaz à effet de serre (Brennstoffemissionshandelsgesetz) a été adoptée par le Parlement et le Conseil fédéral (Bundesrat) début octobre 2020 /1/. A partir de 2021, un système national de certificats d’émissions de CO2 sera instauré, c´est à dire une « taxe carbone » sur les émissions des produits combustibles non couverts par le système européen d’échange de quotas d’émission.

Cela enchérira les carburants et combustibles fossiles tels que le fioul, le gazole, l’essence et le gaz naturel. Le prix de l’électricité, en revanche, devrait baisser.

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Source : DPA

Suite au compromis entre le gouvernement et le Conseil fédéral (Bundesrat) trouvé en décembre 2019 /2/ sur le montant d´une « taxe carbone », une version modifiée de la loi sur l’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (Brennstoffemissionshandelsgesetz) a été adoptée par le Parlement et le Conseil fédéral (Bundesrat) début octobre 2020 /1/.

La taxe carbone, qui entre en vigueur le 1er janvier 2021, concerne toutes les émissions de CO2 en Allemagne générées par l’utilisation des combustibles dans les secteurs non couverts par le système européen d’échange de quotas d’émission. Le prix est fixé à 25 Euros par tonne de CO2. Le gouvernement avait initialement prévu 10 Euros par tonne.

Le prix augmentera ensuite régulièrement, incitant à réduire l’usage des énergies fossiles, de 5 Euros par an en 2022 et 2023 puis de 10 Euros par an et passera à 55 Euros en 2025. En 2026, les certificats seront mis aux enchères dans une fourchette de 55 Euros à 65 Euros par tonne de CO2.

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Tableau : Prix en Euros par tonne de CO2 de 2021 à 2026 /3/

Aucune décision n´a encore été prise sur la fixation d´une fourchette de prix après 2026 ou un  prix libre. Dans l’état actuel des connaissances, il est prévu de négocier les certificats librement sur le marché, les prix étant déterminés par l’offre et la demande. Une quantité maximale d’émissions sera fixée dans les secteurs du chauffage & refroidissement et des transports conformément aux objectifs de la loi de protection du climat /2/.

Une autre option serait, selon le gouvernement allemand, l´intégration dans le Système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) de l´Union européenne qui, lui-même, sera appelé à s’élargir à l’ensemble des secteurs de l’économie.

Les recettes de la « taxe carbone » seront réinvesties

Dans la première phase (2021, 2022) seuls les carburants énumérés à l’annexe 2 de la loi sont inclus. Il s´agit sous forme simplifiée : gaz naturel, gaz liquéfié, gaz de mine, essence, fioul domestique et gazole.

À partir de 2023, de nombreux autres combustibles seront inclus : en particulier le charbon, les déchets traités utilisés comme combustible et d´autres combustibles avec une part biogène.

Toutefois, la taxe carbone n’est pas perçue auprès des consommateurs mais à la mise sur le marché des combustibles. Elle sera payée notamment par les fournisseurs de gaz naturel, importateurs de fioul et de carburants, grossiste en carburants et fioul domestique et les raffineries, si leurs produits sont directement mis sur le marché.

L’utilisation de ces combustibles deviendra donc plus coûteuse pour tout le monde – entreprises et consommateurs finaux – car la hausse des prix sera probablement répercutée sur les consommateurs. A partir du 1er janvier 2021, fioul et gazole augmenteront de 7,9 cts/litre, l’essence de 7 cts/litre et le gaz naturel de 0,6 ct/kWh, TVA incluse.

Les recettes de la « taxe carbone » seront réinvesties dans des mesures de protection du climat ou restituées aux citoyens à titre de compensation. Le gouvernement fédéral n’est pas désireux d’obtenir des recettes supplémentaires pour l’État.

En outre, le gouvernement allemand prévoit des investissements dans les transports publics de proximité, le réseau ferroviaire et les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques. Enfin, il est prévu un soutien accru pour la rénovation thermique des bâtiments et des systèmes de chauffage respectueux du climat.

Pour les trajets domicile-travail un taux forfaitaire plus élevé est prévu à partir de 2021, en fonction de la distance parcourue. En outre, les personnes qui perçoivent des aides au logement bénéficieront d’une augmentation de la subvention.

Les recettes de la taxe seront notamment utilisées pour alléger la charge de soutien des énergies renouvelables (EEG-Umlage), la charge de soutien sera donc financée partiellement par l´État.

Toutefois, on ne sait pas encore dans quelle mesure le prix de l´électricité diminuera réellement dans les années à venir en raison des recettes croissantes de la taxe carbone. Cela dépend aussi de l’évolution des autres composantes du prix de l’électricité, à savoir la part « fourniture » comprenant les coûts de production et commercialisation de l’électricité, la part « acheminement » (transport et distribution) et la part « fiscalité » composée des taxes et contributions diverses, dont fait partie la charge de soutien EEG.

En 2021 la charge de soutien pourrait augmenter mécaniquement de 25% par rapport à 2020, même en incluant les allègements consécutifs aux recettes de la taxe carbone. La principale raison de l’augmentation est la baisse du prix de l’électricité sur le marché spot notamment suite à l’effondrement de la consommation d’électricité dû à la crise sanitaire du coronavirus.

C´est pourquoi le gouvernement allemand a décidé en juin 2020 de plafonner la charge de soutien EEG à 65 €/MWh en 2021 et à 60 €/MWh en 2022. Le financement de cette mesure sera assuré par une subvention de l´État d’environ 11 milliards d’Euros (plan de relance économique suite à la crise sanitaire) et les recettes de la taxe carbone.

La nouvelle loi nécessite encore des concrétisations par ordonnances

L’association des chambres allemandes de l’industrie et du commerce (en allemand : Deutscher Industrie- und Handelskammertag , DIHK ) a établi une brochure d’information au sujet de la nouvelle loi /3 /.

La taxe carbone pourrait nuire à la compétitivité internationale de certains secteurs industriels à forte intensité d’énergie s´ils ne sont pas en mesure de la répercuter sur les prix des produits. Ces effets concurrentiels non désirés pourraient également réduire l’effet de protection du climat si la taxe carbone entraîne le déplacement de la production dans d’autres pays appliquant des règles moins strictes en matière de limitation des émissions, risquant ainsi d’augmenter les émissions totales (fuite de carbone).

La loi stipule qu’il ne doit pas y avoir de double charge lors de l’utilisation de combustibles dans des installations déjà soumises au système européen d’échange de quotas d’émission. Il reste à voir si cela fonctionne dans la pratique. Dans le cas où une double charge ne peut être évitée à l’avance, une compensation financière complète doit être prévue rétroactivement. 

La loi prévoit une clause de rigueur, une disposition prévoyant le remboursement d’une double charge pour les installations déjà soumises au système européen d’échange de quotas d’émission et un traitement spécial pour soutenir la compétitivité des installations industrielles considérées comme exposées à un risque important de fuite de carbone.

Au total, 14 ordonnances doivent être mises en œuvre pour concrétiser le cadre juridique de la loi. L’industrie doute qu´elles soient mises en œuvre à temps. Cela pourrait entraîner des problèmes de liquidités pour de nombreuses entreprises, en particulier pendant la crise sanitaire du coronavirus.

Références

/1/ BMU (2020), Höherer CO2-Preis für Wärme und Verkehr kommt ab Januar 2021, communiqué de presse du 9.10.2020 du Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire, en ligne : https://www.bmu.de/pressemitteilung/hoeherer-co2-preis-fuer-waerme-und-verkehr-kommt-ab-januar-2021/

/2/ Allemagne-Energies (2019), Le parlement allemand adopte la loi de protection du climat (Bundes – Klimaschutzgesetz), en ligne : https://allemagne-energies.com/2019/12/29/le-parlement-allemand-adopte-le-programme-de-protection-du-climat-2030/

/3/ DIHK (2020), DIHK-Merkblatt zum Brennstoffemissionshandelsgesetz, Deutscher Industrie- und Handelskammertag, Mars 2020, en ligne : https://www.dihk.de/resource/blob/19512/8a03955209ed045fb4870917da6a225c/dihk-merkblatt-brennstoffemissionshandelsgesetz-data.pdf

L´Allemagne met en place un « prix carbone » et fixe les émissions annuelles de CO2 à l´horizon de 2030 (mise à jour du 23.10.2019)

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Le Conseil des ministres fédéraux a adopté le 25.9.2019 un document de 22 pages exposant les questions clés de la protection du climat à l´horizon 2030. Ce document a été présenté le 20.9.2019 par le « Cabinet Climat », un sous-comité du gouvernement fédéral (/1/, /2/).

Par la suite, ce document a été élaboré plus en détail sur 173 pages et adopté par le Conseil des ministres fédéraux le 9.10.2019, et un projet de loi sur le climat associé à ce dossier a été mis en route (/3/, /4/, /5/).

Le gouvernement allemand a adopté le 9.10.2019 le projet de loi de protection du climat 2030 ainsi qu´un programme associé. Le projet de loi fixe des objectifs juridiquement contraignants en matière d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque année et pour chaque secteur économique entre 2020 et 2030 afin d’atteindre en toute certitude les objectifs. Pour la première fois, l’objectif de neutralité carbone de l’Allemagne d’ici 2050 sera également ancré dans cette loi. Jusqu’à présent, l’objectif était une réduction de 80 à 95 % des émissions de CO2 d´ici 2050 par rapport à 1990. La loi entre à présent en examen au Parlement.

Sur 173 pages, le programme associé énumère pour chaque domaine (énergie, chaleur, transports et industrie) les mesures concrètes par lesquelles les objectifs climatiques doivent être atteints d’ici 2030, à savoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à 1990. Il y a également des propositions visant à s’assurer que les citoyens ne soient pas surchargés par les coûts supplémentaires prévus.

L’épine dorsale du programme est l´instauration d´un système national de certificats d’émission c´est à dire un « prix carbone » pour les émissions de CO2 dans les secteurs des transports et de chauffage/refroidissement non couverts par le système européen d’échange de quotas d’émission.

Les principales mesures adoptées pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 sont les suivantes :

Prix carbone

Au cœur du programme de protection du climat 2030 se trouve la mise en place d´un prix  pour les émissions de CO2 des secteurs transports et de chaleur/refroidissement à partir de 2021. Concrètement, jusqu’à présent exemptées de ce type d’obligation, les entreprises pétrolière et pétrochimique, qui commercialisent le diesel, l’essence, le fioul, le mazout et le gaz naturel, seront dans l´avenir obligées d’acheter des droits à polluer.

Le prix des certificats peut varier au fil du temps. Afin de donner aux consommateurs le temps de s’adapter à la hausse des prix des produits pétroliers et du carburant, le nouveau système national d’échange de quotas d’émission démarrera en 2021 avec un prix fixé à l’avance pour chaque tonne de CO2. Selon le projet de loi du 23 octobre 2019 /12/, il sera initialement de 10 €/t CO2éq en 2021 et passera à 20 € en 2022, 25 € en 2023, 30 € en 2024 et 35€/t CO2éq en 2025. En 2026, les certificats seront mis aux enchères dans une fourchette de 35 € à 60 € par tonne de CO2. En 2025, il sera décidé si un corridor des prix sera également nécessaire à partir de 2027.

Le gouvernement fédéral réinvestira les recettes de la vente des certificats d´émission dans des mesures de protection du climat ou les restituera aux citoyens sous la forme d’une aide financière.

Le plan est jugé trop modeste par de nombreuses organisations face aux défis climatiques. A titre d´exemple, la Fédération allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW) juge les mesures encore mal conçues et incohérentes pour atteindre l´objectif d´une part de 65% des énergies renouvelables à la consommation d´électricité /6/. Au lieu de supprimer les obstacles, le développement des éoliennes terrestres serait encore rendu plus difficile avec l´introduction des distances minimales par rapport aux habitations. L’entrée timide dans la taxation du CO2 et la réduction insuffisante des prix de l’électricité seraient tout aussi décevantes.

A titre de comparaison, selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) un prix carbone de 75 $ la tonne de CO2 est préconisé d’ici 2030 /7/. La taxe carbone française s´élève  actuellement à 44,60 € /t CO2éq (environ 50 $). La loi de la transition énergétique française de 2015 fixait pour sa part une cible de 100 €/t CO2 en 2030 /8/.

Plafonnement des volumes annuels autorisés d’émissions

Afin d’atteindre effectivement les objectifs nationaux de protection du climat pour 2030, des objectifs annuels de réduction (quantités annuelles d’émissions) sont fixés pour les différents secteurs (voir aussi annexe 2 du projet de loi /5/) :

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Figure 1 : Objectifs annuels de réduction des émissions en Mt CO2éq (quantités annuelles d’émissions) pour les différents secteurs

Les mesures de protection du climat dans les secteurs mentionnés ci-dessus, y compris leur transposition juridique dans la législation, sont élaborées et présentées par les ministères fédéraux compétents. Ces ministères doivent également veiller à ce que les objectifs soient atteints. Le gouvernement déterminera chaque année les progrès réalisés en matière de protection du climat.  Un conseil d’experts suivra la mise en œuvre. Le Cabinet Climat du gouvernement examinera annuellement l’efficacité et le bien-fondé des mesures. Si un secteur n’atteint pas ses objectifs, le ministère responsable soumettra immédiatement un programme de suivi dans les trois mois. Sur cette base, le Cabinet Climat adaptera le programme de manière à ce que les objectifs soient atteints.

Le Bâtiment

Le secteur du bâtiment représente environ 14% des émissions nationales, soit 118 Mt CO2éq en 2020.

En 2030, au maximum 70 à 72 Mt CO2éq pourront être émis par an dans ce secteur. Le gouvernement veut rendre la construction et le logement en Allemagne plus respectueux de l’environnement avec un mix de subventions, de prix carbone et de mesures réglementaires.

Des mesures de rénovation énergétique telles que le remplacement des systèmes de chauffage, l’installation de nouvelles fenêtres et l’isolation des toitures et des murs extérieurs devraient bénéficier d’incitations fiscales à partir de 2020. Les taux de soutien actuels de la banque fédérale de développement seront augmentés de 10%.

Pour le passage d’anciens systèmes de chauffage au mazout et au gaz à des systèmes plus respectueux de l’environnement ou directement à la chaleur renouvelable, il y aura une « prime d’échange » avec une subvention de 40 % afin d’augmenter le taux de change des systèmes de chauffage au mazout.

A partir de 2026, l’installation de systèmes de chauffage au mazout ne sera plus autorisée dans les bâtiments où la production de chaleur écologique est possible.

Transports

Par rapport à 1990, les émissions dues aux transports doivent être réduites de 40 à 42 % d’ici 2030 et émettre entre 95 et 98 Mt CO2éq au maximum par an en 2030.

Cet objectif doit être atteint grâce à un ensemble de mesures visant à promouvoir l’électromobilité et le transport ferroviaire ainsi que par l´introduction du prix carbone.

D’ici 2030, 7 à 10 millions de véhicules électriques et un million de points de charge sont prévus en Allemagne.

Le réseau de transport local sera développé. Par exemple, il est prévu de promouvoir les parcs d’autobus à propulsion électrique, à hydrogène ou au biogaz.

Environ 86 milliards d’euros seront investis dans le réseau ferroviaire d’ici 2030. La TVA sur les billets de train pour les voyages à longue distance sera ramenée au taux réduit de 7 %. Le gouvernement fédéral augmentera la taxe sur le trafic aérien à partir du 01.01.2020 et empêchera le dumping des prix.

La taxe sur les véhicules à moteur thermique sera plus étroitement alignée sur leurs émissions de CO2. Pour les nouvelles immatriculations à partir du 1.1.2021, l´impôt sera principalement basé sur les émissions de CO2 par km et augmentera progressivement au-delà de 95 gCO2/km (barème du malus écologique).

Agriculture

Le secteur agricole doit émettre au maximum entre  58 et  61  Mt CO2éq par an en 2030. Les instruments existants réduiront les émissions à seulement 67 Mt CO2éq par an d’ici 2030. Le delta d’environ 6 à 9 Mt CO2éq par an sera bouclé grâce à une combinaison de mesures telles que moins d’excédents d’azote, plus d’agriculture biologique, moins d’émissions provenant de l’élevage, une gestion durable des forêts et l’utilisation du bois, et moins de déchets alimentaires.

Industrie

L’industrie doit réduire ses émissions à 140 -143 Mt CO2éq par an d’ici 2030, c´est-à-dire à environ la moitié par rapport à 1990. Elle a déjà réalisé une réduction substantielle. Sur cette base, un déficit de 43 à 48 Mt CO2éq par an doit être comblé, soit environ 25 %.

Des mesures de soutien en faveur de l’efficacité énergétique et de l’utilisation rationnelle des ressources ainsi que de l’expansion des énergies renouvelables devaient  permettre de réaliser les réductions de CO2 envisagées.

Secteur énergétique

Les émissions devaient se situer entre 175 et 183 Mt CO2éq par an d’ici 2030 dans le secteur énergétique. Des réductions considérables ont déjà été réalisées dans ce secteur. Cette évolution positive se poursuivra avec l’abandon progressif du charbon, le développement des énergies renouvelables et l’augmentation de l’efficacité énergétique.

Sortie progressive des centrales au charbon et lignite d´ici 2038

Selon les recommandations de la « Commission Croissance, Changement structurel et Emploi », également appelée « Commission Charbon », la sortie du charbon et du lignite pour produire de l’électricité est prévue au plus tard d´ici 2038. A partir de 2030, seule une capacité de 17 GW restera au réseau / 9/.  Le gouvernement fédéral a présenté fin août 2019 un projet de loi sur le renforcement structurel des régions lignitifères /10/ et décidera avant fin 2019 la sortie progressive la production d’électricité au charbon et lignite conformément aux recommandations de la Commission Charbon.

Augmentation de la part des énergies renouvelables

La poursuite d’un développement ambitieux et synchrone au développement des réseaux des énergies renouvelables est un élément décisif pour atteindre les objectifs climatiques. Le gouvernement allemand s’est fixé comme objectif d’atteindre une part de 65% d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité d’ici 2030 notamment par le développement de l´éolien (67-71 GW d´éolien terrestre, 20 GW d´éolien en mer) et du photovoltaïque (98 GW) soit une augmentation de la capacité installée de plus de 80% par rapport à fin 2018 /11/.

De nouvelles réglementations en matière d´éloignement entre éoliennes terrestres et habitations ainsi que de nouveaux avantages financiers pour les municipalités dans lesquelles les éoliennes sont construites devraient accroître leur acceptation.

L’objectif de développement d´éoliennes en mer sera porté de 15 à 20 GW en 2030 et le plafond actuel du photovoltaïque de 52 GW sera supprimé.

De plus le gouvernement reconnaît le rôle important des technologies de stockage pour la réussite de la transition énergétique, et elles devraient donc être exemptées des impositions en vigueur.

Recherche et développement

L’hydrogène « vert » est considéré comme jouant un rôle central dans la restructuration de l’économie. Le gouvernement présentera une stratégie « hydrogène »  d’ici fin 2019.

Le gouvernement soutiendra l’implantation d’une filière batterie en Allemagne à hauteur d’environ un milliard d’euros.

Le gouvernement encouragera aussi la recherche et le développement dans le domaine du stockage et de l’utilisation du CO2. Il peut s’agir d’une solution pour des émissions qui ne peuvent être évitées autrement.

Programme de soutien des citoyens

Des programmes de financement permettront à chacun de faire face aux nouvelles exigences de l’environnement.

Cela inclut, par exemple, la possibilité de déduction fiscale des rénovations énergétiques des bâtiments et une aide de financement pour le remplacement des systèmes de chauffage au mazout par de nouveaux systèmes de chauffage plus respectueux du climat. La prime pour l´achat d´un véhicule électrique sera reconduite.

Le gouvernement  réduira à  moyen terme les coûts de l’électricité afin de contrebalancer le nouveau prix carbone. Le principe : si les recettes provenant du prix carbone augmentent, le prix de l’électricité sera davantage réduit.

Les trajets domicile-travail bénéficieront d’un taux forfaitaire plus élevé à partir de 2021, en fonction de la distance parcourue.

En outre, les personnes qui perçoivent des aides au logement ne doivent pas subir la hausse des prix de l’énergie. Le gouvernement fédéral augmentera la subvention au logement de 10%.

Il y aura également un allègement pour les transports publics : pour les parcours à longue distance en train la TVA sera réduite de 19% à 7%.

Financement du programme

Tous les revenus supplémentaires provenant du programme de protection du climat seront réinvestis dans des mesures de protection du climat ou restitués aux citoyens à titre de compensation. Le gouvernement fédéral n’est pas désireux d’obtenir des recettes supplémentaires pour l’État.

Au total, environ 100 milliards d’Euros seront prévus d’ici à 2030, dont plus de 54 milliards d´Euros dans les quatre prochaines années.

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Figure 2 : Volume total du programme entre 2020 et 2023 (en millions d’Euros)

Le Fonds pour l’énergie et le climat reste  l’instrument de financement central pour la transition énergétique et la protection du climat en Allemagne.

Mise en œuvre du programme de protection du climat 2030

Le Cabinet des ministres a l´intention adopter avant fin 2019 les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre du programme de protection du climat pour 2030.

Bon nombre de ces mesures exigent des modifications du budget fédéral, de la législation ou de la réglementation. Comme toujours, la décision appartiendra au parlement (Bundestag) et à la chambre haute (Bundesrat).

Bibliographie

/1/ Bundesregierung (2019)

Eckpunkte für das Klimaschutzprogramm 2030, Fassung nach Klimakabinett

https://www.bundesregierung.de/resource/blob/975226/1673502/855f58eed07bcbbd697820b4644e83a7/2019-09-20-klimaschutzprogramm-data.pdf?download=1

/2/ Bundesregierung (2019)

Überblick Klimaschutzprogramm 2030

https://www.bundesregierung.de/breg-de/themen/klimaschutz/klimaschutzprogramm-2030-1673578

/3/ BMU (2019)

Communiqué de presse N° 173/19 du 09.10.2019 : „Schulze: Klimaschutz wird Gesetz!“, https://www.bmu.de/pressemitteilung/schulze-klimaschutz-wird-gesetz/

/4/ BMU (2019)

Klimaschutzprogramm 2030 der Bundesregierung zur Umsetzung des Klimaschutzplans 2050

Cliquer pour accéder à klimaschutzprogramm_2030_umsetzung_klimaschutzplan.pdf

/5/ BMU (2019)

Entwurf eines Gesetzes zur Einführung eines Bundes-Klimaschutzgesetzes und zur Änderung weiterer Vorschriften

https://www.bmu.de/fileadmin/Daten_BMU/Download_PDF/Gesetze/gesetzesentwurf_bundesklimaschutzgesetz_bf.pdf

/6/ BDEW (2019)

Stefan Kapferer zu den Klimabeschlüssen des Bundeskabinetts,

https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/stefan-kapferer-zu-den-klimabeschluessen-des-bundeskabinetts/

/7/ CDE – Connaissance des Energies (2019) 

Quel est le montant de la « taxe carbone » en France ?,  https://www.connaissancedesenergies.org/il-ny-pas-de-taxe-carbone-en-france-170601

/8/ CDE – Connaissance des Energies (2019)

Le juste prix d’une taxe carbone ? 75 dollars la tonne selon un rapport du FMI, https://www.connaissancedesenergies.org/afp/le-juste-prix-dune-taxe-carbone-75-dollars-la-tonne-selon-un-rapport-du-fmi-191010?utm_source=newsletter&utm_medium=fil-info-energies&utm_campaign=/newsletter/le-fil-info-energies-10-oct-2019

/9/ Allemagne Energies (2019)

Allemagne : Une sortie du charbon préconisée d’ici 2038, https://allemagne-energies.com/2019/01/27/allemagne-une-sortie-du-charbon-preconisee-dici-2038/.

/10/ Allemagne Energies (2019)

Le Conseil des ministres allemand approuve le projet de loi sur les aides fédérales pour accompagner la sortie du charbon, https://allemagne-energies.com/2019/09/01/le-conseil-des-ministres-allemand-approuve-le-projet-de-loi-sur-les-aides-federales-pour-accompagner-la-sortie-du-charbon/

/11/ Allemagne Energies (2019)

Le paysage énergétique allemand en 2018 , https://allemagne-energies.com/2019/01/07/le-paysage-energetique-allemand-en-2018/

/12/ BMU (2019)

Communiqué de presse du N° 186/19 du 23.10.2019 : „Bundeskabinett bringt nationalen Kohlenstoffdioxid-Emissionshandel auf den Weg“, https://www.bmu.de/pressemitteilung/bundeskabinett-bringt-nationalen-kohlenstoffdioxid-emissionshandel-auf-den-weg/

La taxe carbone dans les secteurs des transports et du chauffage-refroidissement arriverait-elle en Allemagne ? (mise à jour du 13 07 2019)

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Temps de lecture : 6 min

Le 5 juillet 2019, le ministère fédéral chargé de l’environnement (BMU) a publié trois rapports d´expertise sur la taxe carbone /1/. Les rapports soutiennent les propositions de la Ministre Fédérale de l’Environnement visant à donner progressivement un prix au carbone dans les secteurs du chauffage-refroidissement et des transports. Les rapports ont examiné comment, dans ces secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE-UE), mettre en place d’efficaces incitations à réduire les émissions de CO2. Le 12 juillet, le Conseil Général de l’Economie a présenté son concept. L’expertise avait été commandée par le gouvernement fédéral /3/. 

La raison en est que ces secteurs, non soumis à la réglementation européenne sur les émissions de CO2, risquent de ne pas atteindre leurs objectifs en matière de réduction d’émissions. L’Allemagne s’est engagée à atteindre des objectifs de réduction contraignants vis-à-vis de l’UE, soit une réduction de 55 % d´ici 2030 par rapport à 1990. Si ces objectifs ne sont pas atteints, les droits d’émission doivent être achetés à d’autres pays. Rien de moins sûr que d’autres pays soient vendeurs, et à quel prix ? Cela rend la question politiquement plus pressante.

Afin de réduire les émissions, en particulier dans les secteurs du chauffage-refroidissement et des transports, les trois rapports proposent de donner un prix du CO2 en plus des taxes énergétiques existantes. Dans un premier temps, la taxe serait de 35 Euros la tonne de CO2, mais passerait à 180 Euros la tonne en 2030. Par conséquent, essence, diesel, mazout et gaz naturel deviendraient plus chers. Cela devrait conduire à la rénovation énergétique des bâtiments et au passage des automobilistes à l´électro-mobilité.

Afin d’accroître l’acceptation de l’accroissement de la charge  des combustibles fossiles, les experts, à l’unanimité,  proposent de rembourser aux foyers modestes la taxe collectée.

Cela peut se traduire, par exemple, par un remboursement forfaitaire par habitant ou une réduction des taxes sur l’électricité. Cette réduction des taxes sur l’électricité aurait un avantage décisif par rapport au remboursement forfaitaire : un prix bas de l’électricité inciterait à acheter une voiture électrique. Une taxe  CO2 pourrait donc être plus efficace et moins onéreuse que le modèle de remboursement forfaitaire.

Les avis sont controversés entre les partis, mais aussi au sein du gouvernement. Le Ministre Fédéral de l´Économie et de l´Énergie, M. Altmaier, a critiqué ce concept et s’est référé à une expertise du Conseil Général de l’Economie qui sera publiée prochainement (N.B. :  l´expertise a été publiée le 12.07.2019, voir plus bas). La majorité des partis politiques n’est d’accord que sur le fait qu´il faudrait donner un prix au carbone dans les secteurs en dehors de SEQE-UE.

Cependant, le « comment » est en cours de discussion. Les Libéraux (FDP) et certaines fractions des Chrétiens Démocrates (CDU/CSU) sont favorables à l’intégration de tous les secteurs dans le système d’échange de quotas d’émission de l´UE, alors que les Verts proposent un prix de départ de 40 Euros par tonne de CO2, qui servirait  également de prix minimum dans le système d’échange de quotas d’émission de l´UE.

La Ministre Fédérale de l’Environnement présentera les rapports d´expertise au « Klimakabinett », où, avec d’autres avis d’experts, ils serviront de base aux discussions sur les décisions politiques à venir. Pour arriver à une réduction de 55% d´ici 2030, le gouvernement a promis une « loi climatique » d’ici fin 2019. La tâche incombe au « Klimakabinett », formation resserrée du gouvernement qui réunit tous les ministres concernés.

L´expertise du Conseil Général de l’Economie

Le 12.07.2017, les cinq experts en économie ont présenté leur expertise « Vers une nouvelle politique climatique » /3/. Ils plaident en faveur d’un prix du CO2 en tant qu’instrument central de la politique climatique. Un prix uniforme pour les émissions du CO2 garantirait un évitement des émissions dans la mesure où il serait moins onéreux que le prix du CO2.

Les experts recommandent d’étendre le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE aux secteurs des transports et du chauffage-refroidissement d’ici 2030 au plus tard dans tous les Etats membres, établissant ainsi un prix du CO2 uniforme dans tous les secteurs. Toutefois, cela nécessite l’accord des autres États membres et le gouvernement allemand devrait exposer ce point de vue au niveau de l’UE.

Comme solution transitoire, un prix pour le CO2 doit être établi  pour  les secteurs en dehors de SEQE-UE, sous la forme d’un système distinct d’échange de quotas d’émission ou d’une taxe carbone. Un système distinct d’échange de droits d’émission serait plus simple à communiquer et plus facile à transférer par la suite à un système intégré d’échange de quotas d’émission, une taxe carbone serait plus rapide à mettre en place.

Les experts estiment qu’il n’est pas raisonnable de fixer un prix séparé pour la taxe carbone. Il serait judicieux de s’orienter dans un premier temps sur le prix actuel du CO2 du SEQE-UE et de commencer avec un prix entre 25 et 50 Euros par tonne de CO2. La taxe devrait alors être régulièrement adaptée à l’évolution de la situation. Plus la taxe carbone d´entrée sera faible, plus les hausses futures de la taxe devront être importantes. Le Conseil Général de l’Economie laisse aux responsables politiques le soin de décider de l’instrument à adopter et le montant de la taxe sur le CO2 qu’il conviendrait d’appliquer.

Les experts sont également favorables à d’autres mesures visant à favoriser la réduction des émissions de CO2. Des subventions à l’investissement pour l’équipement et les infrastructures à faibles émissions, ainsi que des incitations fiscales pour la réduction des émissions de CO2 sont envisageables.

Le seul objectif de la taxe sur le CO2 en Allemagne devrait être de réduire efficacement les émissions et non de générer des recettes fiscales supplémentaires. Selon les experts, une taxe carbone ne serait probablement acceptée par la population que si l’on peut exclure que la taxe soit utilisée à des fins autres que la politique climatique. Il convient donc de redistribuer les recettes de l’État, par exemple par une rémunération forfaitaire par habitant ou une réduction de la taxe sur l’électricité.

Les experts en économie soulignent que la lutte contre le changement climatique est un défi mondial qui ne peut être relevé que par une action coordonnée au niveau international. « Les objectifs de l´accord de Paris sur le climat doivent être mis en œuvre de manière efficace grâce à une taxe mondiale des émissions de gaz à effet de serre », a déclaré le Conseil Général de l’Economie. Une action isolée de l´UE affaiblirait sa position dans les négociations internationales sur la protection du climat :  Au lieu de fixer des objectifs de protection du climat toujours plus stricts, l´UE aurait intérêt à montrer que cet objectif peut être réalisé sans distorsions sociétales majeures.

Dans l’ensemble, les propositions du Conseil mettent fortement l’accent sur la coordination mondiale et les instruments de marché, pour limiter au mieux les baisses de prospérité de la population de l’UE.

Références

/1/ BMU (2019), communiqué de presse du 5.7.2019 : « Schulze: CO2-Preis kann sozial gerecht gestaltet werden », https://www.bmu.de/pressemitteilung/schulze-co2-preis-kann-sozial-gerecht-gestaltet-werden/

/2/ RWE (2019),  Information interne

/3/ Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung (2019) : Sondergutachten 2019: Aufbruch zu einer neuen Klimapolitik, https://www.sachverstaendigenrat-wirtschaft.de/sondergutachten-2019.html