Amendement à la loi EEG (Erneuerbare Energien Gesetz) – le coup de pouce espéré pour les énergies renouvelables ?

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En Allemagne, la loi sur les énergies renouvelables (EEG) est depuis plus de 20 ans la base pour le développement des énergies renouvelables dans le secteur de l’électricité.

Le 23 septembre 2020, le conseil de ministres a adopté le projet d´amendement à la loi EEG, appelé EEG 2021, une version fondamentalement modifiée de la loi sur les énergies renouvelables /1/.  

L’objectif de l’amendement est de créer les conditions juridiques permettant de garantir que toute l’électricité produite en Allemagne soit neutre en carbone à partir de 2050. L’objectif intermédiaire est une part des énergies renouvelables de 65 % à la consommation d’électricité en Allemagne en 2030. Le paragraphe 1 de la nouvelle loi stipule maintenant que la construction d’installations produisant des énergies renouvelables sert « l’intérêt et la sécurité publique ».

Dans ce contexte, la loi établit des objectifs impératifs quant à la capacité installée d´ici 2030 et fixe les volumes soumissionnés annuellement pour chaque technologie afin d’atteindre l´objectif.  La synchronisation entre le développement des énergies renouvelables et la modernisation du réseau est assurée par la mise à jour de la liste des projets prioritaires de développement des réseaux (amendement à la loi BBPIG (Bundesbedarfsplan), qui réglemente le développement des réseaux de transport).      

L’acceptation des énergies renouvelables pourrait être renforcée par une gratification financière pour les communes concernées par la construction de nouvelles éoliennes terrestres.

S’agissant des énergies renouvelables, la prochaine décennie devrait donc voir une forte augmentation des capacités de production (environ 100 GW en sus des 124 GW déjà installés fin 2019). Pour le photovoltaïque, l’objectif est de porter la capacité installée à 100 GW d´ici 2030. Cela doublerait la capacité actuellement installée. L’objectif est de 71 GW pour l’éolien terrestre, de 20 GW pour l’éolien maritime et de 8,4 de GW pour la biomasse.

Si l’Union européenne décidait de nouveaux objectifs du développement des énergies renouvelables dans le cadre du « Green Deal », la capacité prévue à l´horizon de 2030 sera adaptée.

D’ici 2027, une décision sera prise sur la suppression totale de la charge de soutien des énergies renouvelables conditionnée par un développement des énergies renouvelables aux lois du marché.

Après passage au parlement et au Conseil fédéral (Bundesrat), l’objectif est que la nouvelle loi EEG 2021 entre en vigueur dès le 1er janvier 2021.

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Ministère fédéral de l´Economie et de l´Energie à Berlin (source BMWi)

Le projet d´amendement à la loi du Ministère fédéral de l´Economie et de l´Energie comprend près de 170 pages /1/. Il est destiné à remplacer l’actuelle loi EEG 2017/, entrée en vigueur début 2017 /2/ par une version fondamentalement modifiée. Après l´adoption de l’amendement par le Conseil des ministres le 23 septembre 2020, il est prévu que la nouvelle loi EEG 2021 entre en vigueur le 1er janvier 2021 après passage au parlement et au Conseil fédéral (Bundesrat).

L´amendement EEG 2021 contient essentiellement les sujets suivants :

Sur la trajectoire de la neutralité carbone d´ici 2050

La nouvelle loi EEG 2021 impose pour  l´électricité l’objectif de la neutralité carbone d’ici 2050. Cela vaut tant pour l’électricité produite que pour l’électricité consommée en Allemagne. Les importations d’électricité doivent également être neutres en carbone si l’Union européenne dans son ensemble veut atteindre l’objectif de neutralité carbone. L’Allemagne plaidera donc en faveur d’une réglementation correspondante dans le contexte européen.

Mise en œuvre du « Programme de protection du climat 2030

Dans le programme de protection du climat 2030, un seuil de 65 % a été visé pour la part de la production des énergies renouvelables d’ici 2030. La nouvelle loi EEG 2021 fixe, de manière contraignante, la feuille de route pour y parvenir. Elle réglemente la contribution des différentes technologies à l’objectif de 65 % et les trajectoires de développement permettant d’atteindre cet objectif.

Pour atteindre l’objectif de 65 %, la consommation brute d’électricité en 2030 est estimée à 580 TWh ce qui implique une production d’énergie renouvelable de 377 TWh.

L’objectif pour l’éolien terrestre est de 71 GW de puissance installée, 100 GW pour le photovoltaïque et 8,4 GW pour la biomasse (y compris la production à partir des déchets biogènes). Pour l´éolien terrestre et la photovoltaïque les objectifs de développement sont encore plus ambitieux que ceux prévus dans le programme de protection du climat 2030, afin de créer une sécurité supplémentaire dans la réalisation de l’objectif de 65 % à la consommation brute d’électricité.

L´augmentation à 20 GW d´ici 2030 de l’objectif d´éolien offshore a été déjà fixée en juin 2020 dans l´amendement de la loi sur l’éolien maritime /2/. La capacité cible de 20 GW devrait être disponible au cours du premier trimestre 2030. L´amendement comprend aussi un objectif ambitieux d´éolien offshore de 40 GW d’ici 2040.

Le tableau ci-dessous montre l’augmentation annuelle des capacités des énergies renouvelables pour les années 2021 à 2029 et une estimation pour 2020 :

Tableau_1

En conclusion, la prochaine décennie devrait donc voir une forte augmentation des capacités de production des énergies renouvelables, soit environ 100 GW en sus des 124 GW déjà installés fin 2019. La capacité prévue à l´horizon de 2030 sera adaptée, si l’Union européenne décidait de nouveaux objectifs du développement des énergies renouvelables dans le cadre du « Green Deal ».

Sur la base de ce tableau, les volumes soumissionnés annuellement pour chaque technologie sont fixés, soit 2,9 à 5,8 GW par an pour l´éolien terrestre, 1,9 à 2 GW par an pour le photovoltaïque et  500 MW pas an pour la biomasse. En plus il y aura des petites installations de photovoltaïque et de biomasse rémunérées aux tarifs d’achat fixes.

Amélioration de l’acceptabilité des énergies renouvelables

Le développement de l´éolien terrestre s’est enlisé ces dernières années /3/. Les procédures d´autorisation sont de plus en plus longues, ce qui ralentit le rythme de mise en service des nouvelles installations.  De plus, la construction des nouvelles éoliennes se heurte aux refus des riverains et des organisations de protection de la nature et des oiseaux.

Afin d’améliorer l’acceptabilité des éoliennes terrestres, la nouvelle loi prévoit une gratification financière pour les communes concernées jusqu´à 0,2 ct/kWh. Ce montant peut être réduit si l’exploitant du parc éolien offre des contrats de fourniture d’électricité à prix réduit aux riverains.

Le gouvernement veut également  encourager le « programme d’électricité pour les locataires » (Mieterstrom) permettant aux locataires de profiter d’une autoconsommation à l´aide des panneaux solaires.  Une prime est destinée à améliorer l’attractivité de ce programme.

Une rentabilité et une force d’innovation accrues

La nouvelle loi contient diverses mesures visant à réduire davantage les coûts des charges de soutien pour les nouvelles installations d’énergie renouvelable comme :

  • l´ajustement de la limite maximale du prix de soumission dans les appels d’offres pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque,
  • l´augmentation de la concurrence pour les appels d’offres du photovoltaïque. La surface mise à disposition pour le photovoltaïque au sol sera agrandie et la puissance maximale dans les appels d’offres portée de 10 à 20 MW par enchère soumise. Des appels d’offres distincts pour les installations photovoltaïques sur toiture supérieures à 500 kWp sont introduits. Jusqu’à présent, seules les installations en toiture et au sol à partir d´une capacité de 750 kWp ont été soumises à l´appel d´offre.
  • Renforcement (augmentation du volume à 500 – 850 MW par an) des appels d´offres d´innovation multi-technologiques.  Ces appels d´offres ne sont pas limités sur une technologie spécifique d´énergies renouvelables mais l´idée est d´inciter des projets combinant plusieurs technologies capables d´apporter une amélioration à la stabilité du système électrique ou du réseau.  Les appels d’offres bi-technologiques combinant solaire et éolien terrestre sont intégrés aux appels d´offres d´innovation multi-technologiques.
  • Suppression de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 100 kW si le prix au marché spot affiche une valeur négative pendant au moins une heure. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation actuelle qui reste en vigueur pour les installations existantes : suspension de la rémunération si le prix de l’électricité au marché spot affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour des éoliennes > 3 MW et d´autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016.

A l´avenir la charge de soutien des énergies renouvelables (EEG-Umlage) sera en partie financée par l´État. Il a été décidé d’utiliser les recettes supplémentaires provenant de la « taxe carbone » pour les émissions de CO2 dans les secteurs des transports et de chauffage/refroidissement pour l´allègement de cette charge /3/. De plus le gouvernement allemand a décidé en juin 2020 de plafonner la charge de soutien en 2021 et 2022 afin de stabiliser le prix de l’électricité /2/. Pour l´État cet allègement entraînerait des coûts supplémentaires d’environ 11 milliards d’euros au cours des deux prochaines années.

D’ici 2027, une décision sera prise sur la suppression totale de la charge de soutien des énergies renouvelables conditionnée par un développement des énergies renouvelables aux lois du marché.

Maintien de la compétitivité de l´industrie électro-intensive

Les effets spéciaux de la crise sanitaire  pourraient entraîner des effets contradictoires pour les entreprises électro-intensives. Les entreprises qui ont jusqu’à présent bénéficié d´un dégrèvement partiel du soutien aux énergies renouvelables ayant pour but de préserver la compétitivité internationale pourraient être menacées en n’atteignant plus les seuils pour bénéficier du régime spécial. Afin de tenir compte des incertitudes qui en résultent et de ne pas imposer de nouvelles charges aux entreprises dans la situation économique difficile, le seuil sera abaissé.

Intégration des énergies renouvelables dans le système électrique

Des incitations sont prévues en matière de pilotabilité des installations d’énergie renouvelable.  La mise en place de compteurs intelligents (smart-meter) est poursuivie à partir des installations d’une puissance installée égale ou supérieure à 1 kW.

Il est prévu de promouvoir la gestion régionale et d’encourager l’implantation d’installations de production dans le sud du pays (Südbonus) dans le cadre des appels d’offres pour l’éolien terrestre et pour la biomasse. Pour l´éolien terrestre un volume de 15% sera octroyé entre 2021 et 2023, puis de 20% à partir de 2024 à des projets au sud de l’Allemagne. Pour la biomasse le volume octroyé sera de 50%.

Cela augmentera la puissance installée dans une région où réside une partie importante de l’industrie et donc de la consommation électrique et réduira par conséquence les coûts relatifs à la stabilisation du réseau.

Encouragement du couplage sectoriel

Le « couplage sectoriel » répond à ces enjeux en permettant de relier le secteur de l’électricité décarbonée à ceux des transports, chauffage & refroidissement.  L´hydrogène servira de « vecteur énergétique.

Le Conseil des ministres a adopté en juin 2020 le plan de déploiement de l´hydrogène pour la transition énergétique /3/. Il est prévu d´exempter la production d’hydrogène vert de la charge de soutien EEG. Les conditions-cadres nécessaires seront élaborées par les parties prenantes et intégrées dans la nouvelle loi EEG ultérieurement.

Préparation de l´ère post-subventions

Les tarifs d’achat étant valables vingt ans, les premières installations arriveront à échéance fin 2020. Le cadre juridique sera adapté pour les installations d’énergie renouvelable qui sortiront du mécanisme de soutien. Le droit à l´injection prioritaire au réseau restera en vigueur après la fin de la période de soutien. Les exploitants d´installations d´énergies renouvelables seront ainsi en mesure de commercialiser directement leur électricité et donc de générer des revenus.

Un régime transitoire sera établi pour les installations d’une puissance ≤ 100 kW. Jusqu’en 2027 les exploitants de ces installations peuvent mettre leur électricité à disposition du gestionnaire de réseau contre une rémunération au prix du marché moins les coûts de commercialisation. Les coûts de commercialisation sont réduits si les installations sont équipées d’une technologie de mesure intelligente.

Cette règle s’applique en particulier aux premières installations photovoltaïques qui sortiront du mécanisme de soutien.

Les anciennes éoliennes terrestres – environ 16 GW /3/ – qui pourraient être mises hors service d’ici fin 2025, ne bénéficieront pas de cette règle car même les plus anciennes et les plus petites installations ont rarement une capacité inférieure à 100 kW.

Critique de l’amendement

Certaines des nouvelles réglementations de la loi ont fait l’objet de critiques de la part des parties prenantes. En particulier, les points suivant sont critiqués :

  • La consommation d’électricité en 2030 sera vraisemblablement bien plus élevée que celle prévue par le gouvernement fédéral car la consommation augmentera en raison de l´utilisation croissante de l´électricité dans les autres secteurs malgré l´augmentation significative de l´efficacité énergétique. L’objectif d’une part de 65 % à la consommation brute de l´électricité  ne pourrait donc être atteint que par un développement plus ambitieux des énergies renouvelables.
  • L´abaissement du seuil à 500 kWp pour l´obligation d´appels d´offre des installations photovoltaïques en toiture pourrait entraîner un déclin de la croissance du photovoltaïque
  • Le durcissement des règles applicables aux énergies renouvelables en période de prix de l’électricité négatifs constitue une menace pour le financement de nouveaux projets éoliens car les banques n’aiment pas ces incertitudes concernant les bénéfices futurs des centrales
  • La nouvelle affirmation selon laquelle les énergies renouvelables servent « l’intérêt et la sécurité publique » se heurte également à des critiques. Il est à craindre que les projets d’énergies renouvelables controversés puissent à l’avenir être simplement imposés devant les tribunaux, en référence aux intérêts de la sécurité nationale.

En conclusion il ne peut être exclu que certains changements soient encore apportés à l’amendement dans le cadre de la procédure parlementaire.

Références

/1/ BMWi (2020), Altmaier: „EEG Novelle 2021 klares Zukunftssignal für mehr Klimaschutz und mehr Erneuerbare“, EEG Novelle 2021 im Kabinett verabschiedet, Communiqué de presse du 23.09.2020, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2020/09/20200923-altmaier-eeg-novelle-2021-klares-zukunftssignal-fuer-mehr-klimaschutz-und-mehr-erneuerbare.html

/2/ Allemagne-Energies (2020) Énergies renouvelables : de nombreux défis. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

/3/ Allemagne-Energies (2020) Le tournant énergétique allemand. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique.

/4/ Allemagne-Energies (2020) Allemagne – l´essentiel des résultats énergétiques 2019. En ligne : https://allemagne-energies.com/2020/01/12/allemagne-lessentiel-des-resultats-energetiques-2019/

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