Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022

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Selon l’Agence Fédérale des Réseaux, les mesures pour l’équilibrage du réseau de transport ont atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh). Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). Ces coûts sont supportés par le consommateur via les tarifs du réseau de transport.

La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport.  La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associé à des prix élevés de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul).

L´électricité éolienne produite dans le nord du pays doit être amenée à des centres de consommation dans le sud et dans l’ouest de l´Allemagne. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord et, conjointement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent de plus en plus souvent à une congestion du réseau entraînant une hausse des actions correctives.

Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW. C’est pour cela que le régulateur prévoit une réserve de moyens pilotables de 4.616 MW. Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

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Heyden unité 4 : centrale à houille de 875 MW nets, près de Petershagen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, réactivation en août 2022 suite à la décision du gouvernement pour baisser la consommation de gaz / source Uniper Kraftwerke GmbH

Le réseau de transport est la « colonne vertébrale » du système électrique de chaque pays. Les mesures d’équilibrage du réseau de transport ont gagné en importance suite à l’installation des éoliennes dans le nord du pays, relativement éloignées des centres de consommation du sud et de l´ouest du pays, et au manque de moyens pilotables (arrêt des centrales nucléaires et à charbon nécessaires pour redispatching ou countertrading notamment dans le sud de l´Allemagne).  Amplifiée par la lente modernisation du réseau de transport, cette situation conduit souvent à une congestion du réseau et entraîne une hausse des actions correctives.

Le volume de mesures pour l’équilibrage du réseau de transport (redispatching, countertrading, centrales de réserve et l’écrêtement de la production renouvelables) a atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh).

La cause en était une superposition de plusieurs effets /1/, comme :

  • Flux électriques nord-sud élevés au 1er trimestre 2022 suite à la situation de l’approvisionnement tendu des centrales à houille dans le sud de l’Allemagne en raison du bas niveau des eaux dû à la sécheresse.
  • Intensification des flux est-ouest suite à l’exportation élevée d’électricité vers la France en raison de la faible production nucléaire française.
  • Arrêt de la centrale nucléaire de Gundremmingen C fin 2021 ayant entraîné une forte saturation du réseau de transport dans le sens est-ouest dans le sud du Wurtemberg et de la Bavière nécessitant des interventions nombreuses de redispatching.
  • Plusieurs dépressions tempétueuses en février 2022 ainsi qu’une forte production éolienne en avril 2022 ayant entraîné une forte injection d’électricité dans le réseau de transport nécessitant des actions correctives.

Les coûts des actions d´équilibrage du réseau de transport ont atteint 4,2 Mds€ /1/ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021, une année qui était déjà en forte hausse par rapport à la période précédente /2/.

La figure 1 montre l´évolution des coûts relatifs à la stabilisation du réseau. Les coûts, supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau, sont composés de trois éléments :

  • Le redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et le countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport)
  • Les centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante
  • L’écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération à la demande du GRT pour éviter une congestion du réseau /3/.
    Fig 1 Hausse des coûts de stabilisation du réseau 2011_2021
    Figure 1 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

    Les coûts de redispatching avec des centrales conventionnelles s’élèvent à environ 1,9 Mds € en 2022 (2021 : 594,5 M€). La multiplication par plus de trois de ces coûts s’explique par l’augmentation du volume en combinaison avec la forte hausse du prix de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul). Les coûts du countertrading s’élèvent à environ 0,4 Mds. € en 2022 et se situent au niveau de l’année précédente.

    Le doublement des coûts pour les centrales en réserve par rapport à 2021 s’explique notamment par la réactivation temporaire des centrales thermiques (houille et fioul) en substitution des centrales à gaz jusqu’au 31 mars 2024 au plus tard /4/ ainsi que la forte hausse du prix de gros.

    Les coûts résultant de l’écrêtement des énergies renouvelables s’élèvent à environ 0,9 Mds€ (2021 : 0,8 Mds€). L’augmentation des coûts par rapport à 2021 s’explique essentiellement par un nouveau modèle de compensation des frais des responsables d’équilibre.

    Besoin de centrales de réserve pour l’hiver 2023/2024

    Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW pour éviter la congestion du réseau de transport. C’est pour cela que le régulateur prévoit une capacité de centrales de réserve de 4.616 MW. La plus grande partie du besoin de redispatching est fournie par des centrales de réserve allemandes (3.636 MW). Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

    Le fait que la capacité de centrales de réserve nécessaire soit inférieure à celle de l’hiver 2022/23 (8.264 MW) n’est cependant pas une réussite. C’est simplement la conséquence du fait qu’environ 6 GW /6/ centrales thermique à flamme existantes ont déjà été réactivées temporairement jusqu’à fin mars 2024 pour réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité suite à la coupure du gaz russe.

    Références

    /1/ BNetzA (2023) Netzengpassmanagement, Gesamtjahr 2022, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html

    /2/ Allemagne-Energies (2022) Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/05/15/les-couts-dinterventions-pour-eviter-la-congestion-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-23-mde-en-2021/

    /3/ OFATE (2019) Le statut prioritaire de l’électricité renouvelable en France et en Allemagne, Raccordement au réseau, priorité d’injection, écrêtement et redispatching, Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE), en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/le-statut-prioritaire-de-lelectricite-renouvelable-en-france-et-en-allemagne.html

    /4/ Allemagne Energies (2022) Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/06/11/retour-au-charbon-dans-la-production-electrique-pour-baisser-la-consommation-de-gaz/.

    /5/ BNetzA (2023) Bestätigung des Netzreservebedarfs im Strombereich, Communiqué de presse du 28.04.2023, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230428_Reservekraftwerk.html?nn=265778

    /6/ BNetzA (2023) Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz, Befristete Marktrückkehr, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Kohleausstieg/EKBG/start.html

Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport

Temps de lecture : 7 minutes

Texte mis à jour le 23.07.2022

Les coûts des actions d´équilibrage menées par les gestionnaires du réseau de transport (GRT) ont été en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€ (2020 : 1,4 Md€). En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et la lente modernisation du réseau électrique.

Le déclassement progressif des centrales conventionnelles réduit la capacité de compensation de la puissance réactive, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport. En absence d´ autres solutions techniques permettant de maintenir la stabilité du système électrique avec une capacité réduite de centrales conventionnelles, l´Agence Fédérale des Réseaux doit s´appuyer sur des centrales en réserve stratégique et des centrales déclassées converties en déphaseur rotatif.

Pour pallier la congestion du réseau suite au déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays, les besoins de centrales de réserve ont été évalués à 8264 MW pour l´hiver 2022/2023 et à 5361 MW pour l´ hiver 2023/2024.

Pour l´hiver 2022/2023, les besoins en réserve de réseau ne pourront pas être couverts exclusivement par des centrales de réserve allemandes. L’acquisition de puissance de réserve supplémentaire à l´étranger sera donc nécessaire.

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Westfalen unité E (à droite) : centrale à houille de 765 MW nets, près de la ville de Hamm en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, mise en service 2014, arrêt de l´exploitation commerciale début 2021, classement en « importance systémique » par l´Agence Fédérale des Réseaux, la centrale sera convertie en déphaseur rotatif courant 2022 pour contribuer à la stabilité du réseau par la fourniture/absorption de puissance réactive jusqu´au moins 2027, source RWE

Le réseau de transport est la « colonne vertébrale » du système électrique de chaque pays. Le réseau de transport en Allemagne se compose de quatre régions. Leur gestion est confiée à quatre gestionnaires du réseau de transport (les GRT) qui assurent l´acheminement de l´électricité et la sécurité du système, chacun dans une partie du territoire allemand : TenneT, Amprion, 50Hertz et TransnetBW .

Amprion a la fonction de leader de l´équilibrage du réseau du pays entier et assure la coordination non seulement entre les trois autres GRT allemands mais aussi avec les GRT d´autres pays européens (entre autres RTE).

La sortie du nucléaire et l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente notamment dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays.

Des forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité d´éolien dans le nord de l’Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et ont entraîné une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015.

Les mesures à disposition des GRT pour assurer l´équilibrage du réseau dans leur périmètre de responsabilité comprennent /2/ :

  • Redispatching : réduction ou augmentation de la production d’électricité à partir de centrales conventionnelles (> 10 MW) avec remboursement des coûts. Le but est de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport.
  • Countertrading (échanges de contrepartie) : mesure commerciale consistant en la modification du plan de production/charge de deux actifs de façon symétrique (augmentation pour l’un de ses actifs et diminution pour l’autre), permettant de modifier les flux physiques sur le réseau de transport
  • Centrales de réserve : utilisation des centrales électriques de réserve pour se procurer l’électricité de redispatching manquante, avec remboursement des coûts.
  • Feed-in management (EinsMan) : si les mesures ci-dessus sont insuffisantes, écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération à la demande du GRT avec compensation pour éviter une congestion du réseau

Si ces mesures ne suffisent plus pour réduire les congestions du réseau, les GRT peuvent procéder à des mesures d´adaptation : ajustement des injections d´électricité et/ou des approvisionnements en électricité, sans compensation.

En 2021, les coûts des actions d´équilibrage ont atteint presque 2,3 Md€ soit une augmentation de 60 % par rapport à l´année précédente. Notamment les coûts de mesures de Redispatching ont presque doublé. De plus, en hiver 2020/2021, le plus grand nombre d´interventions des centrales de réserve stratégique a été enregistré depuis la création de cette réserve. La forte hausse du prix de gros au second semestre 2021 a également eu un impact sur les coûts notamment du Countertrading et du Redispatching.

La figure 1 montre l´évolution des coûts relatifs à la stabilisation du réseau. Les coûts sont composés de trois éléments : les coûts pour la mise à disposition et le fonctionnement des centrales conventionnelles de réserve stratégique (~ 492,1 M€ en 2021), le Redispatching & Countertrading (~ 986,4 M€ en 2021) et l´indemnisation des producteurs d´énergies renouvelables pour l´écrêtement de leur production (~ 807,1 M€ en 2021). L´écrêtement concerne principalement l´éolien terrestre suivi par l´éolien en mer.

fig 1 Hausse des coûts de stabilisation du réseau 2011_2021
Figure 1 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

Toutefois, comme les exploitants peuvent faire valoir leurs droits dans un délai de trois ans, les chiffres de 2019 à 2021 sont provisoires.

Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

La stabilité du système électrique repose actuellement sur les grandes masses tournantes, les alternateurs des centrales conventionnelles, qui assurent entre autres la compensation de la puissance réactive, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport.

Suite à l´abandon progressif des moyens pilotables conventionnels et en absence d´autres solutions techniques permettant de maintenir la stabilité du système électrique, l´Agence Fédérale des Réseaux doit s’appuyer sur des centrales en réserve stratégique et des centrales déclassées converties en déphaseur rotatif.

A titre d´exemple, les deux centrales déclassées Heyden 4 et Westfalen E seront converties en déphaseur rotatif et pourront ainsi contribuer à la stabilité du réseau par la fourniture ou absorption de puissance réactive /3/. Le fonctionnement en tant que déphaseur ne nécessite plus de bruler du charbon dans les centrales.

Pour éviter la congestion du réseau suite au déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays, les besoins en centrales de réserve pour l´hiver 2022/2023 ont été évalués à 8264 MW et à 5361 MW pour l´hiver 2023/2024 /1/.

Pour l´hiver 2022/2023, les besoins en réserve de réseau ne pourront pas être couverts exclusivement par des centrales de réserve allemandes. L´acquisition de puissance de réserve supplémentaire à l´étranger sera donc nécessaire.

Le besoin en centrale de réserve pour l´hiver 2023/2024 est plus bas par rapport à l´hiver précédant car l´évaluation tient compte des progrès dans la modernisation du réseau de transport et des dispositifs supplémentaires de compensation de puissance réactive.

Le besoin en centrale de réserve pour l´hiver 2023/2024 sera à nouveau évalué dans la prochaine analyse de système et éventuellement adapté.

Références

/1/ BNetzA (2022) Netzengpassmanagement, gesamtes Jahr 2021, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html

/2/ Allemagne-Energies (2021) Hausse des coûts pour le maintien de la stabilité du réseau de transport en 2020, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/05/05/hausse-des-couts-pour-le-maintien-de-la-stabilite-du-reseau-de-transport-en-2020/

/3/ Allemagne-Energies (2021) Évolutions récentes de la sortie progressive du charbon en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/17/evolutions-recentes-de-la-sortie-progressive-du-charbon-en-allemagne/