Le baromètre de McKinsey de septembre 2023 – Seuls 6 sur 15 critères de la transition énergétique allemande empruntent la bonne trajectoire  

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Depuis 2012, McKinsey publie un baromètre semestriel pour analyser la progression de la transition énergétique allemande. Le cabinet s’appuie sur trois critères : la sécurité d’approvisionnement, l’économie et la protection de l’environnement et du climat. Le cabinet évalue 15 critères au regard des objectifs fixés par l’Allemagne à l’horizon de 2030.

Le baromètre actuel (septembre 2023) de McKinsey /1/ montre que 6 des 15 critères étudiés empruntent la bonne trajectoire, pour 4 critères la réalisation semble incertaine et pour 5 critères la réalisation des objectifs est considérée comme « irréaliste ».

De plus, McKinsey consacre ce baromètre à la nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène du gouvernement allemand décidée en juillet 2023 /2/.

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Le baromètre de la transition énergétique allemande de McKinsey

Six indicateurs sont au vert

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent notamment l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité. Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est au premier semestre 2023 avec 52,3% en hausse par rapport au deuxième semestre 2022 (46%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité /3/.

L’objectif d’étape de 45,7% étant dépassé, une part de 80% dans la consommation intérieure brute d’ici 2030 semble réalisable.

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale

La part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale a atteint 20,4% au premier semestre 2023 et progresse légèrement par rapport au deuxième semestre 2022 (19,2%). Une part de 30% est actuellement visée en 2030.

Cependant les États de l´Union européenne et les eurodéputés se sont accordés en mars 2023 sur un nouvel objectif d´une part d´au moins 42,5% des énergies renouvelables dans la consommation énergétique à l´horizon de 2030 avec l’espoir de parvenir à 45 % /4/ : cela pourrait conduire à une révision à la hausse de l´objectif de l´Allemagne.

Indicateur : niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées

Le niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées (càd celles qui ne sont pas électro intensives), s’est amélioré malgré un prix moyen de gros sur le marché journalier toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.

Cela s’explique par la méthode de calcul de l’indicateur qui évalue les prix de l’électricité des industries non privilégiées par rapport à la moyenne européenne : si les prix dans les autres pays européens augmentent plus fortement qu’en Allemagne l’indicateur s’améliore. Actuellement le prix de l’électricité pour les industries non privilégiées se situe 1,4% en dessous de la moyenne européenne, alors qu’au deuxième semestre 2022 il était encore 3,5% au-dessus de la moyenne européenne.

Indicateurs : coupures de courant non prévues, capacités d’importation disponibles et nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent également : la durée moyenne en minutes d’interruption de l’approvisionnement d’électricité d’un consommateur final pendant une période considérée (SAIDI – System Average Interruption Duration Index), les capacités d’importation disponibles dans les pays voisins ainsi que le nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables de 344 100 actuellement (objectif 2030 : 322 100).

Quatre indicateurs dont la réalisation semble incertaine à l’horizon de 2030

Indicateur : le prix de l’électricité des ménages

Parmi les 4 indicateurs dont la réalisation semble incertaine figure le prix de l’électricité des ménages qui, en juin 2023, était 31% plus élevé que la moyenne européenne contre 28,5% en décembre 2022. La raison en est que la baisse des prix de gros a été répercutée souvent plus rapidement aux clients finaux à l’étranger et que le « bouclier tarifaire » mis en place en Allemagne a eu un effet moins important que prévu.

Indicateur : émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre se situeraient à 746 Mt CO2éq en 2022 soit 14 Mt CO2éq de moins qu’en 2021 /5/. Le rythme de réduction n’est pas encore suffisant pour atteindre la cible nationale de 65% de réduction d’ici 2030 (438 Mt CO2éq) par rapport à 1990. Il faudrait une réduction de 44 Mt CO2éq par an à partir de maintenant pour atteindre cet objectif.

Selon le rapport des experts sur les questions climatiques /6/, même si toutes les mesures sont mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baissent pas assez vite et environ 200 Mt CO2éq se seront accumulées en trop d’ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat. Le gouvernement doit agir pour combler l´écart restant par rapport aux objectifs.

Indicateur : consommation d’énergie primaire

La consommation d’énergie primaire s’élève à 11.769 PJ (3.269 TWh) en 2022 ce qui correspond à une réalisation de seulement 83 % de l’objectif d’étape (11.216 PJ). En anticipant la nouvelle directive européenne relative à l´efficacité énergétique, le gouvernement allemand vise maintenant une réduction d´au moins 39,3% d´ici 2030 par rapport à 2008, soit 2252 TWh /7/.

Indicateur : capacité de réserve de moyens pilotables

La capacité de réserve de moyens pilotables a baissé de 17% par rapport au deuxième semestre 2022 suite à l’arrêt des dernières centrales nucléaires en avril 2023. L’indicateur est atteint à 100 % lorsque la capacité garantie de moyens pilotables permet de couvrir la demande pendant 99,94 % du temps.

Selon la méthode de calcul employée par McKinsey, la marge de réserve de moyens pilotables a baissé à 5,0% en 2023 contre 9,2% en 2022. Suite à la fermeture attendue de centrales à charbon il faudrait s’attendre à une dégradation supplémentaire de la marge dès 2024. 

Cinq indicateurs sont au rouge

Indicateur : électromobilité dans le secteur des transports

En avril 2023, l’Allemagne comptait au total près de 2 millions de véhicules électriques, mais 4,2 millions auraient été nécessaires pour rester dans la bonne trajectoire.

A partir de maintenant il faudrait 1 million de nouvelles immatriculations de véhicules électriques par semestre pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures en 2030, or, jusqu’à présent, les nouvelles immatriculations par semestre n’atteignent même pas les 400 000.

Indicateur : coûts d’équilibrage du réseau de transport

Les coûts d’équilibrage sur le réseau de transport ont augmenté depuis le dernier baromètre de McKinsey passant de près de 22 € par MWh à plus de 24 € par MWh. On s’éloigne de plus en plus du seuil fixé par le cabinet de 1 € par MWh.

Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport. La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associée à des prix élevés de gros, cf. /8/.

Indicateur : développement du réseau de transport

L’objectif de développement du réseau (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) est évalué par McKinsey à 11.720 km à l´horizon de 2030. Fin 2022 seuls 2.458 km ont été réalisés alors que la valeur cible pour fin 2022 est avec 5553 km de plus du double.

Des progrès ont tout de même été réalisés au sujet des procédures d’autorisation : alors qu’entre 2019 et 2021, seules ~150 km de lignes ont été approuvés par semestre, en 2022 c’était près de 500 km par semestre. Bien que l’atteinte de l’objectif pour 2030 soit toujours jugée irréaliste par McKinsey on peut donc espérer une certaine accélération du développement du réseau.

Indicateur : coûts d’énergie des ménages

L’indicateur mesure la part des coûts de l’énergie (électricité, gaz, mazout, carburants et autres combustibles) dans le panier de consommation en se basant sur l’indice des prix à la consommation. L’objectif est considéré comme atteint si une part de 10,1% n’est pas dépassée.

La part des couts de l’énergie énergétique des ménages dans le panier de consommation s’élève à 12,7%. Les coûts de l’énergie pour les ménages continuent d’évoluer de manière insatisfaisante : la réalisation de l’objectif d’une part de 10,1% reste donc irréaliste.

Indicateur : chaleur et froid produits à partir d´énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables dans la consommation d´énergie finale du secteur de chaleur et de froid a été peu dynamique dans les dernières années. Leur part à la consommation finale atteint 17,4% en 2022.

Pour atteindre l’objectif d’une part de 50% en 2030, une part de 20,2% des énergies renouvelables au premier semestre 2023 aurait été nécessaire pour rester dans la bonne trajectoire.

Le recours à l’hydrogène est incontournable si l’Allemagne veut atteindre la neutralité carbone

Le gouvernement allemand a présenté en juillet 2023 sa nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène /9/, qui avait été élaborée pour la première fois trois ans plus tôt /7/.

En 2030, le besoin en hydrogène « vert » (ou au moins en hydrogène à faible teneur en carbone) est maintenant estimé à 1,2 – 2,2 millions de tonnes, outre la demande déjà existante d’hydrogène « gris » d’environ 1,6 million de tonnes.

Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement d’une capacité d’électrolyse nationale. C’est pour cela qu’il est prévu de construire une puissance de 10 GW d´électrolyseurs d’ici 2030.

Pour le transport le gouvernement prévoit de mettre en place d´ici 2027/2028 un réseau de démarrage national de l´hydrogène avec plus de 1.800 km de pipelines reconvertis et nouvellement construits.

Toutefois, les capacités nationales de production étant insuffisantes, une grande partie de la demande en hydrogène sera couverte par des importations.

Dans cadre du projet H2GLOBAL visant à positionner l’Europe comme leader mondial, technologique et industriel, sur le marché de l’hydrogène décarboné, il est prévu de conclure des contrats sur le marché mondial pour son approvisionnement. Ensuite l’hydrogène sera vendu à des prix économiquement raisonnables aux plus offrants au niveau national. La différence entre le prix d’achat et le prix de vente sera compensée par un mécanisme de soutien de l’État.

Le Ministère de l’économie et de la protection du climat prévoit actuellement un soutien de plus de 4 Mrds. €.

Retenus en tant que Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC ou IPCEI en anglais), des projets nationaux liés à la chaine de valeur de l’hydrogène pourraient également bénéficier d’aides publiques.

Grâce à ces aides publiques les décideurs politiques espèrent faire décoller le marché de l’hydrogène d’ici 2030, d’abord au niveau national et ensuite au-delà.

Un coup de pouce financier est certes une étape importante mais ne saurait suffire à faire décoller l’économie de l’hydrogène en Allemagne. Les parties prenantes – producteurs, fournisseurs et acheteurs – auront également besoin de données fiables sur les quantités d’hydrogène « vert » potentiellement disponibles et sur le prix auquel il sera négocié à l´avenir.

Bien que le prix de production d’hydrogène soit censé diminuer, les prix de production d’hydrogène « vert » en Allemagne se situeraient en 2030 entre 6,50 et 8,50 €/kg selon McKinsey.

Selon les analyses de McKinsey, l’hydrogène « vert » pourrait être importé à moindre coût d’Afrique du Nord par pipeline ou par des régions plus éloignées par bateau, car la production d’électricité à partir d’énergie éolienne ou solaire y est moins chère qu’en Allemagne.

Bien que les deux modes de transport entraînent des coûts supplémentaires, l´hydrogène « vert » importé serait avec un prix d’environ 3,50 à 5,50 €/kg toujours moins cher que celui produit au niveau national. L’hydrogène « bleu » (à base de gaz naturel avec captage de CO2) en provenance des États-Unis ou de Norvège pourrait même atteindre un prix de 2,50 à 3 €/kg selon le cabinet McKinsey.

La nouvelle stratégie du gouvernement en matière d’hydrogène présentée en juillet 2023 est une étape importante. Il s’agit maintenant de la mettre en œuvre.

Références

/1/ McKinsey (2023) Energiewende-Index, Septembre 2023, en ligne : https://www.mckinsey.de/branchen/chemie-energie-rohstoffe/energiewende-index

/2/ Vahlenkamp,T. et al. (2023) Wie Deutschland zur Wasserstoffrepublik werden kann, en ligne : ewi_september 2023

/3/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/02/allemagne-les-energies-renouvelables-sont-la-principale-source-dans-le-mix-electrique-au-premier-semestre-de-2023/

/4/ Parlement européen (2023a) Énergies renouvelables. Fiches thématiques sur l’Union européenne. Parlement européen. En ligne : https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/70/energies-renouvelables

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ Expertenrat für Klimafragen (2023) Stellungnahme zum Entwurf des Klimaschutzprogramms 2023. Gemäß § 12 Abs. 3 Nr. 3 Bundes-Klimaschutzgesetz. Expertenrat für Klimafragen. En ligne : https://expertenrat-klima.de/.

/7/ Allemagne Energies (2023) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/8/ Allemagne Energies (2023) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/

/9/ BMWK (2023) Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie, NWS 2023, 26.07.2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/fortschreibung-nationale-wasserstoffstrategie.html

/10/ H2Global Stiftung (2023) Shaping the global energy transition, en ligne : https://www.h2-global.de/

Le gouvernement allemand annonce la construction de presque 24 GW de centrales à hydrogène

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Par communiqué de presse du 1er août 2023 /1/, le Ministre de l’Énergie et la Protection du Climat, Robert Habeck, a annoncé qu’un accord de principe a été trouvé avec la Commission européenne sur les conditions-cadres relatives aux aides d’État pour la construction de centrales climatiquement neutres.

L’accord avec la Commission européenne concerne les subventions du gouvernement allemand pour une capacité de moyens pilotables de 23.800 MW. Il s’agit d’assurer l’approvisionnement en électricité lorsque la production éolienne et photovoltaïque est insuffisante. C’est pour cela que le gouvernement fédéral veut lancer des appels d’offres pour 15.000 MW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène ». Il s’agit de centrales à gaz, nouvelles ou existantes, qui fonctionneraient d’abord au gaz naturel et seraient converties à l’hydrogène au plus tard en 2035. S’y ajouteraient d’ici 2035 des centrales d’une puissance totale de 8.800 MW utilisant dès le départ l’hydrogène.

La prochaine étape sera une phase de consultation qui débutera à la fin de l’été ayant pour principal objectif de permettre aux acteurs concernés de donner leur avis notamment sur la nécessité, l’éligibilité et l’adéquation des mesures. Durant cette phase de consultation, la procédure d’aide d’État se poursuivra auprès de la Commission européenne.

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Projet d’une centrale à gaz (prête pour l´hydrogène) de 800 MW sur le site de Weisweiler en Rhénanie du Nord Westphalie / source RWE /6/

Le gouvernement allemand vise à l´horizon de 2035 une production d´électricité presque climatiquement neutre.

En plus de moyens de stockage et de flexibilité de la demande, un parc de production pilotable en support restera indispensable pour suppléer l´intermittence de la production de l´éolien et du photovoltaïque.

Après l´abandon du nucléaire mi-avril 2023 et l´intention de la coalition gouvernementale d´avancer à 2030 « dans l´idéal » la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, le parc thermique se réduirait à terme aux centrales à gaz. La capacité des centrales à gaz existantes étant insuffisante pour se substituer au nucléaire et au charbon, la construction de nouveaux moyens pilotables bas carbone est nécessaire pour garantir la sécurité d´approvisionnement.

Une stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales fonctionnant à l´hydrogène a déjà été annoncée en février 2023 /2/. Le communiqué de presse du 1er aout 2023 /1/ précise les mesures envisagées.

Concrètement, il est prévu de lancer à partir de 2024 des appels d’offres pour 8,8 GW de nouvelles centrales électriques qui fonctionneraient dès le départ à l’hydrogène.

De plus il est prévu de mettre en adjudication jusqu’à 15 GW de centrales à gaz, nouvelles ou existantes, convertibles au plus tard en 2035 à une production à base d´hydrogène. Sur ces 15 GW une capacité de 10 GW fera l’objet d’appels d’offres entre 2024 et 2026. Jusqu’à 6 GW sont réservés pour des nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène », les 4 GW restants sont dédiés à la conversion à l’hydrogène (fuel switching) des centrales existantes.

Après une phase d’évaluation les 5 GW restants seront adjudiqués après 2026.

La question de la forme concrète des subventions n’a pas encore été réglée.

BDEW (Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux) fait remarquer dans son communiqué /3/ que les décisions finales d’investissement ne pourront être prises que lorsque les connexions au réseau d’hydrogène seront assurées et qu’une exploitation économique des centrales sera rendue possible par des conditions-cadres appropriées.

Les experts sont partagés sur la capacité nécessaire de nouvelles centrales

Dans le rapport « monitoring de la sécurité d´approvisionnement en électricité » du régulateur, publié en février 2023 /2/, /5/, il est prévu, selon le modèle de calcul, un ajout de nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » de l’ordre de 17 à 21 GW d’ici 2031. En outre, il est prévu de construire environ 9 GW qui fonctionneront dès le départ à l’hydrogène.

Toutefois, l´opinion des experts diverge sur la capacité de nouvelles centrales bas carbone à construire à l’horizon de 2030.

Boston Consulting Group (BCG) évalue l’ajout à 43 GW de centrales à gaz « prêtes pour l´hydrogène » d’ici 2030 pour pallier l´intermittence des énergies renouvelables et respecter les objectifs climatiques /2/.

McKinsey estime le manque de moyens pilotables à au moins 30 GW à l’horizon de 2030. De plus McKinsey /4/ met en doute le fait que les conditions pour la construction des nouvelles centrales seront remplies en temps voulu et dans leur intégralité. De plus, la bascule vers l’hydrogène vert, du fait de la disponibilité d’un hydrogène à un prix raisonnable, reste elle-même très incertaine.

L´économie de l´hydrogène vert n´en est encore qu´à ses débuts. La production, l´approvisionnement (y compris par le biais d´importations) et le transport de l´hydrogène vert sont un défi majeur pour la mise en œuvre de la transition énergétique.

Références

/1/ BMWK (2023) Rahmen für die Kraftwerksstrategie steht – wichtige Fortschritte in Gesprächen mit EU-Kommission zu Wasserstoff-kraftwerken erzielt. Konsultationsphase und förmliches Beihilfeverfahren folgen als nächste Verfahrensschritte. Communiqué de presse du 1er août 2023, Ministère de l´Economie et de la Protection du Climat, en ligne :  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/08/20230801-rahmen-fuer-die-kraftwerksstrategie-steht.html?view=renderNewsletterHtml

/2/ Allemagne Energies (2023) La sortie du charbon nécessite la construction préalable de nouvelles centrales à gaz, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/05/la-sortie-du-charbon-necessite-la-construction-prealable-de-nouvelles-centrales-a-gaz/

/3/ BDEW (2023) BDEW zu Wasserstoffkraftwerken / Gespräche BMWK mit der EU-Kommission, Communiqué de presse du 1er août 2023, Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/bdew-zu-wasserstoffkraftwerken-gespraeche-bmwk-mit-der-eu-kommission/

/4/ PNC (2023) La fin de l’électronucléaire en Allemagne, et après ? Patrimoine, Nucléaire et Climat (PNC-France). En ligne : https://www.pnc-france.org/la-fin-de-lelectronucleaire-en-allemagne-et-apres/.

/5/ BMWK (2023) Sichere Versorgung mit Strom bis Ende des Jahrzehnts gewährleistet, Communiqué de presse du 01.02.2023, Ministère de l´Economie et de la Protection du Climat,  en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/02/20230201-sichere-versorgung-mit-strom-bis-ende-des-jahrzehnts-gewahrleistet.html?view=renderNewsletterHtml

/6/ RWE (2023) RWE schafft Voraussetzungen für Errichtung eines wasserstofffähigen Gaskraftwerks in Weisweiler, ¨Communiqué de presse du 28.07.2023, en ligne : https://www.rwe.com/presse/rwe-generation/2023-07-28-rwe-schafft-voraussetzungen-fuer-errichtung-eines-wasserstofffaehigen-gaskraftwerks/

Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022

Temps de lecture : 6 minutes

Selon l’Agence Fédérale des Réseaux, les mesures pour l’équilibrage du réseau de transport ont atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh). Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). Ces coûts sont supportés par le consommateur via les tarifs du réseau de transport.

La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport.  La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associé à des prix élevés de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul).

L´électricité éolienne produite dans le nord du pays doit être amenée à des centres de consommation dans le sud et dans l’ouest de l´Allemagne. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord et, conjointement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent de plus en plus souvent à une congestion du réseau entraînant une hausse des actions correctives.

Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW. C’est pour cela que le régulateur prévoit une réserve de moyens pilotables de 4.616 MW. Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

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Heyden unité 4 : centrale à houille de 875 MW nets, près de Petershagen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, réactivation en août 2022 suite à la décision du gouvernement pour baisser la consommation de gaz / source Uniper Kraftwerke GmbH

Le réseau de transport est la « colonne vertébrale » du système électrique de chaque pays. Les mesures d’équilibrage du réseau de transport ont gagné en importance suite à l’installation des éoliennes dans le nord du pays, relativement éloignées des centres de consommation du sud et de l´ouest du pays, et au manque de moyens pilotables (arrêt des centrales nucléaires et à charbon nécessaires pour redispatching ou countertrading notamment dans le sud de l´Allemagne).  Amplifiée par la lente modernisation du réseau de transport, cette situation conduit souvent à une congestion du réseau et entraîne une hausse des actions correctives.

Le volume de mesures pour l’équilibrage du réseau de transport (redispatching, countertrading, centrales de réserve et l’écrêtement de la production renouvelables) a atteint environ 35,4 TWh en 2022, soit 29% de plus qu’en 2021 (27,5 TWh).

La cause en était une superposition de plusieurs effets /1/, comme :

  • Flux électriques nord-sud élevés au 1er trimestre 2022 suite à la situation de l’approvisionnement tendu des centrales à houille dans le sud de l’Allemagne en raison du bas niveau des eaux dû à la sécheresse.
  • Intensification des flux est-ouest suite à l’exportation élevée d’électricité vers la France en raison de la faible production nucléaire française.
  • Arrêt de la centrale nucléaire de Gundremmingen C fin 2021 ayant entraîné une forte saturation du réseau de transport dans le sens est-ouest dans le sud du Wurtemberg et de la Bavière nécessitant des interventions nombreuses de redispatching.
  • Plusieurs dépressions tempétueuses en février 2022 ainsi qu’une forte production éolienne en avril 2022 ayant entraîné une forte injection d’électricité dans le réseau de transport nécessitant des actions correctives.

Les coûts des actions d´équilibrage du réseau de transport ont atteint 4,2 Mds€ /1/ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021, une année qui était déjà en forte hausse par rapport à la période précédente /2/.

La figure 1 montre l´évolution des coûts relatifs à la stabilisation du réseau. Les coûts, supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau, sont composés de trois éléments :

  • Le redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et le countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport)
  • Les centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante
  • L’écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération à la demande du GRT pour éviter une congestion du réseau /3/.
    Fig 1 Hausse des coûts de stabilisation du réseau 2011_2021
    Figure 1 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

    Les coûts de redispatching avec des centrales conventionnelles s’élèvent à environ 1,9 Mds € en 2022 (2021 : 594,5 M€). La multiplication par plus de trois de ces coûts s’explique par l’augmentation du volume en combinaison avec la forte hausse du prix de gros (forte augmentation des coûts de combustible houille, gaz et fioul). Les coûts du countertrading s’élèvent à environ 0,4 Mds. € en 2022 et se situent au niveau de l’année précédente.

    Le doublement des coûts pour les centrales en réserve par rapport à 2021 s’explique notamment par la réactivation temporaire des centrales thermiques (houille et fioul) en substitution des centrales à gaz jusqu’au 31 mars 2024 au plus tard /4/ ainsi que la forte hausse du prix de gros.

    Les coûts résultant de l’écrêtement des énergies renouvelables s’élèvent à environ 0,9 Mds€ (2021 : 0,8 Mds€). L’augmentation des coûts par rapport à 2021 s’explique essentiellement par un nouveau modèle de compensation des frais des responsables d’équilibre.

    Besoin de centrales de réserve pour l’hiver 2023/2024

    Suite aux analyses de l’Agence Fédérale des Réseaux pour l’hiver 2023/24, le besoin en redispatching dans un scénario très critique est évalué à 19,5 GW pour éviter la congestion du réseau de transport. C’est pour cela que le régulateur prévoit une capacité de centrales de réserve de 4.616 MW. La plus grande partie du besoin de redispatching est fournie par des centrales de réserve allemandes (3.636 MW). Comme l’année précédente, une partie (1.334 MW) doit être couverte par des centrales étrangères. A ce sujet, les gestionnaires de réseau de transport sont en pourparlers avec des sites de production à l´étranger.

    Le fait que la capacité de centrales de réserve nécessaire soit inférieure à celle de l’hiver 2022/23 (8.264 MW) n’est cependant pas une réussite. C’est simplement la conséquence du fait qu’environ 6 GW /6/ centrales thermique à flamme existantes ont déjà été réactivées temporairement jusqu’à fin mars 2024 pour réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité suite à la coupure du gaz russe.

    Références

    /1/ BNetzA (2023) Netzengpassmanagement, Gesamtjahr 2022, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html

    /2/ Allemagne-Energies (2022) Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/05/15/les-couts-dinterventions-pour-eviter-la-congestion-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-23-mde-en-2021/

    /3/ OFATE (2019) Le statut prioritaire de l’électricité renouvelable en France et en Allemagne, Raccordement au réseau, priorité d’injection, écrêtement et redispatching, Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE), en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/le-statut-prioritaire-de-lelectricite-renouvelable-en-france-et-en-allemagne.html

    /4/ Allemagne Energies (2022) Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/06/11/retour-au-charbon-dans-la-production-electrique-pour-baisser-la-consommation-de-gaz/.

    /5/ BNetzA (2023) Bestätigung des Netzreservebedarfs im Strombereich, Communiqué de presse du 28.04.2023, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230428_Reservekraftwerk.html?nn=265778

    /6/ BNetzA (2023) Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz, Befristete Marktrückkehr, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Kohleausstieg/EKBG/start.html

Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022

L’édition 2023 est disponible ici

Texte mis à jour le 13.07.2023

Temps de lecture : 6 min (résumé), 35 min (article entier)

Résumé 

La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP), voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.

L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».

La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite (environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité). 

La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.

Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :

  • Les émissions de gaz à effet de serre baissent légèrement et se situeraient à 746 Mt CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a été atteint malgré une augmentation des émissions du secteur de l´énergie de presque 11 Mt CO2éq par rapport à 2021. La raison est l´utilisation accrue de la houille et du lignite pour la production d´électricité ;
  • La consommation d´énergie primaire recule de 5,4% (- 4,0% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 et s´élève à 3 269 TWh (281 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) comptent pour près de 79% de la consommation d´énergie primaire (contre environ 77% en 2021) ;
  • La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix ;
  • La production brute d´électricité baisse d´environ 2% à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : La  production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 80 TWh (2021 : 90 TWh), en revanche la production du couple lignite/houille augmente à 181 TWh contre 165 TWh en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 35 TWh contre 69 TWh en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
  • Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,5% (2021 : 40,2%) et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,2 % contre 41,2% en 2021.
  • Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint seulement 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
  • Le solde exportateur d´électricité augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. A titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
  • Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.

Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 : 

  • Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
  • Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023).
    Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport
    au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
  • Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.

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Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production installé
    • Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
    • Energies renouvelables
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Échanges transfrontaliers d´électricité

Modernisation des réseaux de transport

  • Coûts des interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Émissions de gaz à effet de serre

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

  • Episodes de prix négatifs au marché journalier

Projets phares de la transition énergétique allemande en 2022

  • Mesures de soutien de presque 300 Mds€ pour les citoyens et l´industrie
  • Paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables
  • Mesures d´urgence en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023  

Références

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Consommation énergétique

Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a) la consommation d´énergie primaire atteint 3269 TWh (281 Mtep) en 2022, cela correspond à une baisse de 5,4 % (~ 187 TWh) par rapport à l´année précédente (2021 : 3456 TWh ou 297 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.

Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.

Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.

Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 4,0% selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a).

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter près de 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.

La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 2,9% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,3% (2021 : 32,5%).

La consommation de gaz naturel baisse de presque 15,7% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz.  La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,6% contre 26,6% en 2021.

Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% (BNetzA 2023e). Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège (environ 33%).

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.

La consommation du lignite augmente de 3,5% en 2022. Le lignite atteint une part de 10% (2021 : 9,1%) de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.

La consommation de la houille augmente de 4% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8% (2021 : 8,9%) de la consommation d´énergie primaire.

La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2% (2021 : 6,1%) de la consommation d´énergie primaire.

Fig 1 Energie primaire 2022
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 3,8% et atteint 17,2% (2021 : 15,7%). Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. La part de la biomasse représente 51% en 2022 (2021 : 53%) dans la consommation d´énergie primaire des énergies renouvelables.

Consommation et production d´électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine.

Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record (UBA 2023a).

Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,2%% contre 41,2% en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse (voir plus loin).

La production brute d´électricité baisse à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.

La production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 80 TWh en 2022 contre 90 TWh en 2021. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.

La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 32% contre 28% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 116 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de 5,5% par rapport à 2021 (110 TWh).  Les centrales à houille ont fourni 64 TWh, soit une augmentation d´environ 18% par rapport à 2021 (55 TWh). La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve (voir plus loin).

La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,1% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 35 TWh bruts, soit presque 50% de moins qu´en 2021 (69 TWh).

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 8,5%. Leur part dans la production brute passe à 44,5%, soit à 254 TWh, contre 40,1% en 2021 (234 TWh). Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse (voir plus loin).

Fig 2 Stromproduktion brutto 2022
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.

Bien que l´éolien et le photovoltaïque marquent une augmentation record et que la production des énergies conventionnelles baisse de presque 9%, celles-ci continuent à contribuer pour presque 56% à la production brute. Presque 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).

Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse stagne au niveau de 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 11% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.

Tabelle 1 evolution production electricite 2021-2022
Tableau 1 : production (hors transfert d´énergie par pompage) et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon (AGEB 2023b ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 31%. En revanche l´année 2021 marque une inversion de la tendance : le charbon (couple houille/lignite) est à nouveau en hausse, cf. figure 3.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2022
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2023b ; UBA 2023a).

Fig 4 Production co2frei 2022
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 236 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~150 GW d´installations renouvelables (BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2023a).

Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) est entrée en vigueur mi-2022.  Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe (Allemagne Energies 2022a).

Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW (5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite) a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW (BNetzA 2022a) et environ 2 GW (gaz, fioul) sont provisoirement arrêtés.

Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie (stations de transfert d´énergie par pompage (STEP), batteries, etc.).

Tabelle 2 Puissance installee 2021_2022
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation

Centrales conventionnelles et stockage d´énergie

Centrales nucléaires

En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 (Allemagne Energies 2022b). Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 (Allemagne Energies 2022c).

Centrales à houille

Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.

Centrales à lignite

Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.

Centrales à gaz

Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.

Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.

Centrales au fioul et divers

Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers (déchets etc.) sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.

Stockage d´énergie

L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries (domestiques et industrielles) s´élève à environ 3,4 GW.

Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge (Agora Energiewende 2023).

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

Energies renouvelables

La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 10 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 150 GW (cf. tableau 2).  Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et des Libéraux (FDP), de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables intermittentes (Allemagne Energies 2021).

Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 10 GW installés en 2022, environ trois quarts sont dus au photovoltaïque. Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes (Windguard 2023).  Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.

Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.

Éolien

Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW (70% du volume appelé de 4,5 GW) a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.

Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.

La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières (i.e. le cuivre, le ciment) ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.

Fig 5 Auschreibungen Wind Land 2019_2022
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement (Allemagne Energies 2022d). Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023 (Windguard 2023), bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 (69 GW).

Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau (342 MW nets).  Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.

Photovoltaïque

Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc (3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture). Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc (30% du volume appelé). Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023 (88 GW en 2024) il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.

Fig 6 Ausschreibungen solar 2019_2022
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 (Allemagne Energies (2022f) ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.

L´électricité verte devient plus chère

Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. A partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture (BNetzA 2022b) et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol (BNetzA 2023f).

C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.

L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 (BDEW 2022 ; AGEB 2023b; UBA 2023). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent presque 57% de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.

Fig 7 Capacite_production en pourcent 2022
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 (hors installations de stockage d´énergie)

A titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.

Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Grace aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 (voir tableau 1).  La forte production éolienne en janvier et février 2022 (voir figure 8) et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année (voir figure 9) ont largement contribué à cette hausse (DWD 2022).

Fig 8 Jahresverlauf Wind_2022
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 (1544 heures par an). Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.

En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 11% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle (UBA 2023a). L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique (DWD 2022).

Fig 9 Jahresverlauf Solar_hydro 2022
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.

Échanges transfrontaliers d´électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017 (AGEB 2023b). Les importations marquent une légère baisse à 50 TWh tandis que les exportations augmentent de presque 11% à 78 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.

C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.

Fig 10 export _ import 2022
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh

Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2023a).

Modernisation des réseaux de transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Le plan actuel du réseau de transport prévoit 14.044 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes) à l´horizon de 2035, date à laquelle un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre est visé par le gouvernement. Seuls 16,3% (2.292 km) étaient réalisés à la fin du troisième trimestre 2022, 1.178 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023c).

La mise en service des tracés nord-sud en courant continu d´une capacité de 6 GW, initialement prévue en 2025/2026, a été reportée de deux ans à 2027/2028.

Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution. 

Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015 en raison de la lente modernisation du réseau électrique (Allemagne Energies 1).

Les coûts des actions d´équilibrage menées par les Gestionnaires du Réseau de Transport (GRT) étaient déjà en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€, cf. figure 11. En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et l´augmentation des prix de gros au deuxième semestre 2021 (Allemagne Energies 2022e).

Fig 11 Netzengpassmassnahmen
Figure 11 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

Les coûts de stabilisation du réseau ont augmenté au cours du premier semestre 2022 à environ 2,2 Mds€ et atteignent presque les coûts de l´année précédente (BNetzA 2023d). Cette forte augmentation des coûts est principalement due à la hausse significative des prix de gros (voir plus loin). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Les prix élevés du marché de gros ont entraîné une forte hausse des coûts du redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et du countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport).

Les coûts pour des centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante, sont également en forte hausse au premier semestre 2022. En revanche, les coûts de compensation pour l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération sont en net recul. Cependant, au cours du premier semestre, environ 5,4 TWh de production renouvelable (notamment la production des éoliennes maritimes et terrestres) ont dû être écrêtés contre 3,4 TWh dans la même période de l´année précédente.

L´Agence Fédérale des Réseaux a publié début juillet 2023 les chiffres pour l´année 2022. Les coûts liés à l´équilibrage s´élèvent à 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu´en 2021 (Allemagne Energies 2023b).

En attendant la mise en service des tracés nord – sud en courant continu, le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaire pour redispatching ou countertrading, risque d´accroitre encore les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir. De plus, la compensation de la puissance réactive manquante, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport, doit être assurée.

Deux des trois centrales nucléaires encore au réseau jusqu`au 15 avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.

Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux a décidé la construction de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). Leur mise en service est prévue en 2023, cf. annexe 2 (Allemagne Energies 2). 

Émissions de gaz à effet de serre

Sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, l´Allemagne a recouru de façon accrue au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel ce qui a entrainé une hausse des émissions dans le secteur de l´énergie. Malgré cela les émissions totales de gaz à effet de serre baissent légèrement à 746 CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq) selon le pronostic de l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023b). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a donc été atteint.

Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de 4,4% et atteint 256 Mt CO2éq (2021 : 245 Mt CO2éq). Il atteint néanmoins sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

Presque 90% des émissions du secteur de l’énergie proviennent du secteur électrique, soit 223 Mt CO2éq en 2022 (2021 : 215 Mt CO2éq) selon l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023c). L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq /kWh (2021 : 410 g CO2éq /kWh ).

En cause le recours accru aux centrales à houille et au lignite qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire (arrêt de 4 GW fin 2021) et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.

Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.

Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé de plus de 10% par rapport à l´année précédente à 164 Mt CO2éq (2021 : 183 Mt CO2éq). Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat (177 Mt CO2éq).

Dans le secteur de l´agriculture, les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué pour atteindre 62 Mt CO2éq (2021 : 63 Mt CO2éq). Le secteur reste ainsi bien en deçà de sa cible sectorielle de 2022, fixée à 67 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.

Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 112 Mt CO2éq (2021 : 118 Mt CO2éq), l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq  pour 2022 a été légèrement manqué. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel à cause de la flambée du prix et n´est vraisemblablement pas durable.

L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 148 Mt CO2éq (2021 : 147 Mt CO2éq). Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.

La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : (UBA 2023b).

Fig 12 emission 2022
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030

La légère baisse des émissions en 2022 ne doit cependant pas faire oublier que ce sont les économies d´énergie consécutives à la crise énergétique et les conditions météorologiques très favorables qui ont contribué à la réalisation de l´objectif fixé par la Loi sur la Protection du Climat.

Pour atteindre l´objectif de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 41% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était d´environ 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.

Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (production d´environ 5 TWh bas carbone en 2023), l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 (BNetzA 2023a ; FFE 2023).

Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.

La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : a flambée du coût des quotas de CO2 (le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021), mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.

L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.

Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh (BNetzA 2023e), ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.

En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH). La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité (figure 13) car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande (FFE 2023).

En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. »  En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque) n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.

Fig 13 GasPreis 2022
Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz (rendement de 40 à 60%) et des centrales à houille (rendement de 35 à 45%) résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022

Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août (BNetzA 2023a). A partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.

La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2023a).

Fig 14 Prix spot 2019_2022
Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon (BNetzA 2023a).

En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.

Tabelle 3 prix spot 2022
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier (day-ahead) de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » (EPEX SPOT 2022). 

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.

En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh (FFE 2023).

Fig 15 Nombre heures prix negatif 2019_2022
Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 (BNetzA 2023a)

Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.

La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021 (FFE 2022), soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.   

Projets phares du tournant énergétique en 2022 

Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2022 étaient :

Adoption d´un ensemble de mesures de presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique

La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise et fut un facteur déterminant de l´inflation, qui a dépassé temporairement les 10% en Allemagne. Le gouvernement a donc été contraint d´adopter un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises (Allemagne Energies 2022g).

Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation.

Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.

De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€.

La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.

Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.

Adoption d´un paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie

Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2023) du secteur électrique (Allemagne Energie 2022f ; Allemagne Energies 3).

Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 360 GW au total (éolien terrestre : 115 GW, éolien en mer : 30 GW, photovoltaïque : 215 GW).

Mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2022c) et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030 (Allemagne Energies 2022a).

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023

En 2022 la gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques.

Les efforts coûteux pour réduire durablement les émissions de CO₂ piétinent actuellement. Les émissions dues à la production d´électricité à partir du charbon sont à la hausse depuis l´arrêt de livraison du gaz russe bon marché.

Le déni de réalité dans la stratégie allemande de transition énergétique a atteint des proportions inquiétantes. En réaction à l´accident de Fukushima, déclenché à la suite d´un séisme et d´un tsunami, le gouvernement allemand avait accéléré la sortie du nucléaire. Et comme le gouvernement, même après l´occupation de la péninsule de Crimée en 2014, a considéré la Russie comme un partenaire fiable, l´Allemagne est devenu fortement dépendante de son gaz.

En vue de la sortie du nucléaire et du charbon, le gouvernement avait initialement prévu, pour suppléer aux aléas des énergies renouvelables intermittentes, la construction de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030. Celles-ci seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux. Mais en absence du gaz russe bon marché, la construction de ces centrales n´est pas rentable actuellement (Allemagne Energies 2023a). Jusqu´à maintenant aucune décision n´est prise ni sur leur capacité nécessaire ni sur leur financement.

Après la sortie définitive du nucléaire en avril 2023, il manquera environ 30 TWh supplémentaires de production bas-carbone dans le réseau électrique. Le développement de l´éolien et du photovoltaïque se poursuit trop lentement et n´a pas été en mesure depuis 3 ans de suppléer la perte de production du nucléaire sans parler des jours où le vent et le soleil sont faibles.

La devise du gouvernement semble être la suivante : « Il est plus important de bien choisir ses objectifs que de les atteindre ». Les 360 GW maintenant visés en 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque nécessitent un triplement de la puissance installée dans les huit prochaines années, soit un ajout annuel d´au moins 26 GW contre 6 GW/an en moyenne entre 2000 et 2022.

De plus, l´objectif pour 2035 de presque 100% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité implique, en une décennie, des paris technologiques lourds comme une bascule vers l´hydrogène et la mise à disposition de moyens suffisants de stockage d´énergie.

Avec la sortie du nucléaire, le gouvernement fait le deuxième pas avant le premier en arrêtant des centrales fiables et bas carbone. Les déclarations publiques des ministres responsables sur la garantie d´un approvisionnement énergétique sûr et abordable misent sur le principe de l´espoir. Les risques et problèmes, comme par exemple la faible résilience du système électrique à des aléas climatiques, ne sont pas pris en compte. Au pied du mur, les prochaines années détermineront si le gouvernement allemand parviendra à entamer la transition vers la neutralité climatique en 2045. Face à la crise climatique qui s´aggrave, déjà les décisions à prendre en 2023 seront d´une grande importance.


1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période 

Références 

AGEB (2023a) AG Energiebilanzen legt Bericht für 2022 vor Kräftiger Rückgang beim Energieverbrauch/Einsparziel bei Erdgas erreicht. Communiqué de Presse du 17.04.2023. AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/ag-energiebilanzen-legt-bericht-fuer-2022-vor/.

AGEB (2023b) Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2022 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand Februar 2023). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/.

Agora Energiewende (2023) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2022. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/projekte/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2022/.

Allemagne Energies (1) Le tournant énergétique allemand. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/.

 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (2021) Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2021/12/08/le-nouveau-gouvernement-allemand-veut-accelerer-la-transition-energetique/.

Allemagne Energies (2022a) Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/06/11/retour-au-charbon-dans-la-production-electrique-pour-baisser-la-consommation-de-gaz/.

Allemagne Energies (2022b) Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 2021. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/01/02/allemagne-arret-definitif-de-trois-centrales-nucleaires-le-31-decembre-2021/.

Allemagne Energies (2022c) Prolongation des trois dernières centrales nucléaires allemandes sur décision du Chancelier – Modification de la Loi Atomique adoptée par le conseil des ministres. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/10/20/prolongation-des-trois-dernieres-centrales-nucleaires-allemandes-sur-decision-du-chancelier-modification-de-la-loi-atomique-adoptee-par-le-conseil-des-ministres/.

Allemagne Energies (2022d) Le développement de l´éolien terrestre ne décolle pas. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/11/03/le-developpement-de-leolien-terrestre-ne-decolle-pas/.

Allemagne Energies (2022e) Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/05/15/les-couts-dinterventions-pour-eviter-la-congestion-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-23-mde-en-2021/.

Allemagne Energies (2022f) L´Allemagne vise un approvisionnement en électricité presque 100% renouvelable d´ici 2035. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/03/07/lallemagne-vise-un-approvisionnement-en-electricite-presque-100-renouvelable-dici-2035/.

Allemagne Energies (2022g) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) La sortie du charbon nécessite la construction préalable de nouvelles centrales à gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/05/la-sortie-du-charbon-necessite-la-construction-prealable-de-nouvelles-centrales-a-gaz/.

Allemagne Energies (2023b) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/.

BDEW (2022) Jahresbericht: Die Energieversorgung 2022. Erdgasversorgung durch Ukrainekrieg in Turbulenzen – Günstige Witterung führt zu mehr Strom aus Erneuerbaren Energien. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW). En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung-2022/.

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BNetzA (2022b) Festlegung der Höchstwerte für Ausschreibungen für Wind an Land und Aufdach-Solaranlagen für 2023. Communiqué de presse du 27.12.2022. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2022/20221227_Hoechstwerte.html.

BNetzA (2023a) Bundesnetzagentur veröffentlicht Daten zum Strommarkt 2022. Communiqué de Presse du 04.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230104_smard.html;jsessionid=9504403AB813CD304304C885735DD056.

BNetzA (2023b) Ausschreibungen für EE- und KWK-Anlagen. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Ausschreibungen/start.html.

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BNetzA (2023d) Netzengpassmanagement. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html.

BNetzA (2023e) Bundesnetzagentur veröffentlicht Zahlen zur Gasversorgung 2022. Communiqué de presse du 06.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230106_RueckblickGasversorgung.html?nn=265778.

BNetzA (2023f) Festlegung der Höchstwerte für Freiflächen-Solaranlagen für 2023. Communiqué de presse du 23.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230123_SolarEEG.html?nn=265778.

DWD (2022) Deutschlandwetter im Jahr 2022. Communiqué de presse du 30.12.2022. Deutscher Wetterdienst. En ligne: https://www.dwd.de/DE/presse/pressemitteilungen/DE/2022/20221230_deutschlandwetter_jahr2022_news.html?nn=495078.

EPEX SPOT (2022) Trading Brochure. EPEX SPOT. En ligne : https://www.epexspot.com/en/downloads#trading-products.

FFE (2022) Deutsche Strompreise an der Börse EPEX Spot in 2021. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-in-2021/.

FFE (2023) Deutsche Strompreise im Jahr 2022 an der Börse EPEX Spot. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-im-jahr-2022/.

ISEA und PSG RWTH Aachen University (2022) Battery charts. Institut für Stromrichtertechnik und Elektrische. En ligne : https://www.battery-charts.de/.

UBA (2023a) Erneuerbare Energien in Deutschland 2022. Daten zur Entwicklung im Jahr 2022. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/erneuerbare-energien-in-deutschland-2022.

UBA (2023b) UBA-Prognose: Treibhausgasemissionen sanken 2022 um 1,9 Prozent. Communiqué de presse N° 11/2023 du 15.03.2023. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/uba-prognose-treibhausgasemissionen-sanken-2022-um.

UBA (2023c) Entwicklung der spezifischen Treibhausgas-Emissionen des deutschen Strommix in den Jahren 1990 – 2022. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/entwicklung-der-spezifischen-treibhausgas-9.

Windguard (2023) Windenergie-Statistik: Jahr 2022. Deutsche Windguard. En ligne : https://www.windguard.de/jahr-2022.html.

Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz

Texte mis à jour le 18.07.2022

Temps de lecture : 7 minutes

Le cabinet fédéral des ministres a adopté le 8 juin 2022 un projet de loi visant à réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité en cas de pénurie ou de menace de pénurie de gaz. Pour cela il est prévu de réactiver temporairement des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), actuellement situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe. Au total, l´Allemagne disposerait alors d´une capacité supplémentaire pouvant atteindre 10 GW dans une situation critique d´approvisionnement des centrales à gaz.

La sortie du charbon sera temporairement suspendue, peut-on lire dans l´exposé des motifs pour la Loi portant le nom « Loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand). La fin justifie les moyens : en réactivant des centrales thermiques à flamme, le gouvernement allemand se tient prêt à préserver les réserves de gaz en cas d´urgence. L´objectif de sortir du charbon d´ici 2030 « dans l´idéal » et les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre resteraient quand même inchangés.

En revanche la prolongation pour des raisons de sécurité d´approvisionnement ou d´économie de gaz des trois dernières centrales nucléaires ne serait toujours pas prévue, même au vu de la situation actuelle tendue.

Selon le député chrétien-démocrate de l´opposition au parlement fédéral Christian Hirte, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, codirigeant du parti des Verts et vice-chancelier, préfère pour des raisons idéologiques donner la préférence à des centrales fortes émettrices de CO2 plutôt que de miser – du moins temporairement – sur l´énergie nucléaire, bas carbone et bon marché.

Mise à jour : Face aux baisses de livraison de Gazprom, l´réactivation des centrales de réserve sera effectuée le plus rapidement possible selon un communiqué de presse du Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat du 19 juin 2022.

Le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat a annoncé le 17 juillet 2022 un « nouveau test de résistance » pour la sécurité de l´approvisionnement en électricité. La question de la poursuite éventuelle de l´exploitation des centrales nucléaires serait également réévaluée à la lumière des résultats de cette étude.

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Centrale au lignite Neurath, Grevenbroich en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 3×300 MWe et 2×600 MWe, tranche A à E (à gauche). La centrale fera éventuellement partie de l´augmentation de la réserve stratégique, source RWE

Le 8 juin 2022, le cabinet des ministres a adopté un projet de loi visant à réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité en cas de pénurie ou de menace de pénurie de gaz /1/. Ces mesures doivent désormais être examinées et discutées au Bundestag allemand.

Le projet de loi vise à sécuriser la production d´électricité dans le cas d´une éventuelle pénurie de gaz résultant d´un arrêt des livraisons de gaz par la Russie. Dans une telle situation, l´Allemagne doit être en mesure de réduire considérablement sa consommation de gaz.

Actuellement, une capacité d´environ 27 GW de centrales à gaz est disponible sur le marché de l´électricité selon l´Agence Fédérale des Réseaux /2/. Le gaz naturel a contribué à environ 12% de la production d´électricité et à presque 7% de la production de chaleur à distance en 2021 selon la Fédération Allemande de l´Industrie de l´Énergie et de l´Eau (BDEW) /8/.

La « Loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) prévoit la réactivation temporaire des centrales thermiques (houille, lignite et fioul), actuellement situées dans la réserve stratégique, en substitution des centrales à gaz en cas de besoin.

Le projet de loi prévoit que les centrales à houille, lignite et fioul situées dans la réserve stratégique seront activées rapidement sur demande pour suppléer les centrales à gaz. Les centrales de réserve sont prêtes à fonctionner, mais sont en marge du marché de l´électricité, de sorte qu´il n´y a pas d´émissions de CO2 supplémentaires sauf en cas de besoin. La réactivation de la réserve, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, n´aurait lieu que si une pénurie de gaz se présente ou menace de se présenter.

Pour cela une ordonnance sera émise afin de pouvoir réduire très rapidement l´utilisation des centrales à gaz en cas de crise et ce, pour une durée maximale de six mois. L´ordonnance tient compte du fait que certaines centrales à gaz fournissent non seulement de l´électricité, mais aussi du chauffage urbain. Les centrales à cogénération faisant intervenir le gaz naturel ne peuvent produire de l´électricité que s´il n’existe pas d´alternative pour le chauffage urbain.

Ainsi, les centrales à houille dont la fermeture définitive a été prévue en 2022 et 2023 (2,1 GW en 2022 et 0,5 GW en 2023) resteront en réserve stratégique jusqu’au 31 mars 2024. A cela s´ajoutent les centrales qui sont déjà en réserve et qui ne fonctionnent pas au gaz naturel. Il s´agit d´une dizaine de centrales à houille (4,3 GW au total) et de six centrales au fioul (1,6 GW au total)

Les 5 centrales à lignite (1,9 GW au total), qui se trouvent actuellement encore dans la réserve ultime, feront également partie de l´augmentation de la réserve stratégique et pourraient être réactivées à court terme sur ordonnance ministérielle en cas de besoin.

Au total, l´Allemagne disposerait alors d´une capacité supplémentaire pouvant atteindre 10 GW, dans une situation critique d´approvisionnement en gaz pour la production d´électricité.

Selon le gouvernement, l´objectif de sortir du charbon d´ici 2030 « dans l´idéal » et les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre restent inchangés.

Réactivation immédiate des centrales de réserve face aux baisses de livraison de Gazprom

En réaction aux annonces récentes de plusieurs baisses de livraison de gaz par Gazprom, l´réactivation de la réserve stratégique sera effectuée immédiatement après le feu vert des instances législatives au projet de loi prévu le 8 juillet 2022, cf. communiqué de presse du 19.06.2022 /7/. Selon le Ministre de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck : « la sécurité de l´approvisionnement en gaz est garantie mais la situation est sérieuse. La consommation de gaz doit baisser, sinon ce sera vraiment juste en hiver ».

La situation actuelle nécessite des mesures d´urgence. Les exploitants des centrales de réserve doivent se préparer à démarrer leurs installations « de sorte que tout soit opérationnel le plus rapidement possible », selon Habeck. Cela permettra de réduire substantiellement la consommation de gaz pour la production d´électricité.

Clap de fin pour le nucléaire malgré la menace d´une pénurie de gaz ?

Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW encore en service seront arrêtées définitivement fin 2022.

Une évaluation menée par le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat et le ministère de l´Environnement en mars 2022 a conclu que le maintien en activité du parc nucléaire restant ne seraitpas recommandé à ce stade et qu´il serait trop tard pour réactiver les centrales nucléaires déjà fermées fin 2021 (/3/, /4/).

Dans l´exposé des motifs du projet de loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement, adopté le 8 juin 2022, le refus de prolongation du nucléaire est confirmé : suite à une évaluation des avantages et des risques, la prolongation des trois dernières centrales nucléaires encore en service n´est pas recommandée pour des raisons de sécurité d´approvisionnement ou d´économie de gaz, même au vu de la situation actuelle tendue.

Selon Christian Hirte, député chrétien-démocrate de Thuringe de l´opposition au parlement fédéral, « en cas de pénurie de gaz, la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires encore en service est nécessaire et dans l´intérêt national » /5/. Malgré l´avis favorable manifeste des citoyens pour une prolongation du nucléaire, le Ministre de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, maintient son refus, sans doute uniquement pour ne pas trop froisser les fondamentalistes de son propre parti des Verts. Il donne la préférence à des centrales fortes émettrices de CO2 plutôt que de miser – du moins temporairement – sur l´énergie nucléaire, bas carbone et bon marché.

Le chef des Libéraux Christian Lindner souhaite lui aussi un débat « sans préjugés » sur le nucléaire. Ses partenaires de la coalition « feu tricolore » voient les choses différemment.  Selon son collègue Robert Habeck, « il n’y a plus grand-chose à dire sur l´énergie nucléaire. Ce n´est pas une voie que l´Allemagne continuera à poursuivre ». Le chancelier Olaf Scholz (Sociaux-démocrates) lui aussi s´est prononcé contre la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires /6/.

Compte tenu de la réduction de l´approvisionnement en gaz russe, les inquiétudes grandissent quant au passage de l´hiver 2022/23. Le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat a annoncé le 17.07.2022 un « nouveau test de résistance » pour la sécurité de l´approvisionnement en électricité /9/. La question de la poursuite éventuelle de l´exploitation des centrales nucléaires serait également réévaluée à la lumière des résultats de cette étude. Le débat sur la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires devrait se poursuivre encore plusieurs semaines.

Références

/1/ BMWi (2022), Weitere Schritte auf dem Weg zur Unabhängigkeit von russischen Gasimporten – Bundeskabinett beschließt Vorsorgemaßnahmen im Fall einer drohenden Gasmangellage, Communiqué de presse du 8 juin 2022, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/06/20220608-bundeskabinett-beschliesst-vorsorgemassnahmen-im-fall-einer-drohenden-gasmangellage.html

/2/ BNetzA (2022), Kraftwerkeliste, 31 mai 2022, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html

/3/ BMWi (2022) Bundeswirtschaftsministerium und Bundesumweltministerium legen Prüfung zur Debatte um Laufzeiten von Atomkraftwerken vor. Communiqué de presse du 8 mars 2022. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/03/20220308-bundeswirtschaftsministerium-und-bundesumweltministerium-legen-prufung-zur-debatte-um-laufzeiten-von-atomkraftwerken-vor.html

/4/ Allemagne-Energies (2022), Historique de la sortie du nucléaire, en ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/

/5/ Hirte (2022), Hirte für Weiterbetrieb verbliebener Kernkraftwerke, Communiqué de presse du 3 juin 2022, en ligne : https://www.christian-hirte.de/aktuelles/2022/energiekrise

/6/ Tagesschau (2022) Lindner will Diskussion über Atomkraft, 9 juin 2022, en ligne : https://www.tagesschau.de/wirtschaft/lindner-atomkraft-103.html

/7/  BMWi (2022), Habeck: „Wir stärken die Vorsorge weiter und ergreifen zusätzliche Maßnahmen für weniger Gasverbrauch“, Communiqué de presse du 19.06.2022, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/06/20220619-habeck-wir-starken-die-vorsorge-weiter.html

/8/ BDEW (2022) Die Energieversorgung 2021 – aktualisierter Jahresbericht, 14.06.2022, Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/service/anwendungshilfen/die-energieversorgung-2021/

/9/ Bundesregierung (2022) Regierungspressekonferenz vom 18. Juli 2022, en ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/suche/regierungspressekonferenz-vom-18-juli-2022-2063078

 

Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 2021

Temps de lecture : 8 minutes

Conformément à la loi de sortie du nucléaire de 2011 trois centrales nucléaires ont été arrêtées définitivement le 31 décembre 2021. Il s´agit des centrales de Gundremmingen unité C, Grohnde et Brokdorf. D´un point de vue technique, ces centrales nucléaires auraient pu être exploitées plus longtemps. Mais le nouveau gouvernement, en fonction depuis le 8 décembre 2021, poursuit, comme on pouvait s´y attendre, la politique hostile au nucléaire du gouvernement sortant.

L´Allemagne perd ainsi 4058 MW nets de moyens pilotables bas carbone dans le sillage des revers de la politique climatique. Mi-décembre, l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA) a annoncé que la production d´électricité à partir des renouvelables accuse en 2021 une baisse d´environ 5% par rapport à 2020 /1/ malgré une augmentation de la puissance installée. En outre, les émissions de CO2 liées à l´énergie ont augmenté d´au moins 4 % par rapport à 2020, selon les premières estimations d´AG Energiebilanzen /2/ dont celles du secteur électrique de 13% /3/.

Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW seront arrêtées fin 2022. Sans qu´une seule tonne de CO2 supplémentaire soit économisée, une augmentation d´au moins un quart de la production renouvelable serait nécessaire d´ici fin 2022 pour pallier les 65 TWh nets produits par le nucléaire en 2021.

Fig 1Geo KKWs
Figure 1 : Situation géographique des sites nucléaires allemands y compris les dates butoirs de fonctionnement (les centrales en rouge ont été définitivement arrêtées en 2011), source BDEW

Néanmoins, Steffi Lemke, la nouvelle Ministre Fédérale de l´Environnement, de la Protection de la nature, de la Sûreté nucléaire et de la protection des consommateurs, se réjouit dans le communiqué de presse du 28 décembre 2021 /4/ de l´arrêt définitif des trois centrales nucléaires. « La sortie du nucléaire rend notre pays plus sûr et permet d´éviter des déchets radioactifs ». Elle remercie les employés des centrales nucléaires pour leur « comportement responsable lors de l´exploitation et du démantèlement » mais félicite principalement « les milliers de personnes qui se sont mobilisées sans relâche pour la sortie du nucléaire et le tournant énergétique ».

Selon les Verts Steffi Lemke et Robert Habeck, codirigeant du parti des Verts et vice-chancelier en charge du nouveau super ministère de l´Economie, de l´Energie et du Climat, la sécurité de l´approvisionnement en électricité en Allemagne ne serait pas en danger.

Ils s´appuient sur la faible valeur de l´indice SAIDI (System Average Interruption Duration Index) qui donne la durée moyenne d´interruption de l´approvisionnement d´un consommateur final et sur le rapport publié sur la sécurité d´approvisionnement par le gouvernement sortant /5/ lequel arrive au résultat que les consommateurs peuvent être approvisionnés de manière fiable à tout moment à l´horizon de 2030.

Il convient toutefois de noter que l´indice SAIDI ne peut être déterminé que rétrospectivement et ne permet pas de se prononcer sur la sécurité de l´approvisionnement dans le futur /6/ et que la Cour des Comptes avait critiqué le rapport du gouvernement sortant compte tenu des hypothèses trop optimistes et peu plausibles /7/ . Ce rapport part notamment d´une consommation d´électricité de 630 TWh en 2030 soit environ 100 TWh en dessous de la nouvelle estimation d´une consommation brute allant jusqu´à 750 TWh d´ici 2030 /8/ .

Centrales nucléaires arrêtées définitivement fin 2021

Gundremmingen unité C

Trois réacteurs nucléaires ont été construits dans la commune de Gundremmingen située au bord du Danube en Bavière à 40 km au nord-ouest d´Augsbourg.

La centrale Gundremmingen appartient depuis octobre 2019 à RWE Nuclear GmbH. Dans le cadre de l´échange d´actifs avec RWE, E.ON a concédé sa part de la centrale de Gundremmingen dont il détenait 25% via sa filiale PreussenElektra GmbH /9/.

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Photo 1 : Site nucléaire Gundremmingen (Bavière), source RWE Power

L´unité A (à gauche sur la photo 1), un réacteur à eau bouillante d´une puissance électrique nette de 237 MW a été arrêtée en 1977. Le démantèlement du réacteur est bien avancé. En 2006, l´unité A a été transformée en centre de technologie utilisé notamment pour le démantèlement des unités B et C.

L´unité B, un réacteur à eau bouillante d´une puissance électrique nette de 1288 MW, a été arrêtée définitivement fin 2017 /10/ .

L´unité C (à droite sur la photo) est dotée d´un réacteur à eau bouillante d´une puissance électrique nette de 1288 MW et de construction identique à l´unité B. C´était le dernier réacteur à eau bouillante encore en service en Allemagne. L´unité C a été raccordée au réseau en novembre 1984, la mise en service industrielle a eu lieu en janvier 1985.

Au cours des 37 années de fonctionnement, l´unité C a produit presque 362 TWh (bruts) et a affiché un coefficient de disponibilité moyen d´environ 90%. Avec une disponibilité de près de 100 % et une production d´électricité d´environ 11,4 TWh, 2021 a été l´année la plus performante de la centrale /11/.

Au niveau de la production annuelle, elle était aussi dans le Top Ten mondial. En outre, la centrale a économisé au total environ 360 millions de tonnes de CO2 par rapport à une centrale à charbon1).

Les trois réacteurs du site de Gundremmingen ont produit ensemble environ 709 TWh. Cela permettrait de couvrir largement la consommation annuelle d´électricité en Allemagne (inférieure à 600 TWh/an).

Brokdorf

La centrale appartenant à PreussenElektra GmbH (83,3%) et à Stadtwerke Bielefeld (16,7%) est située au bord de l´Elbe dans le Schleswig-Holstein près de la commune du même nom, à environ 60 km au nord-ouest de Hambourg.

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Photo 2 : Centrale nucléaire Brokdorf (Schleswig-Holstein), source PreussenElektra GmbH

La centrale dotée d´un réacteur à eau pressurisée d´une puissance électrique nette de 1410 MW a été raccordée au réseau en octobre 1986. La mise en service industrielle a eu lieu en décembre 1986.

Au cours des 35 années de fonctionnement, la centrale a produit plus de 380 TWh (bruts) et a affiché un coefficient de disponibilité moyen d´environ 90%. Au niveau de la production annuelle elle a été 21 fois au Top Ten mondial dont deux fois sur la première position /12/.

En outre, la centrale nucléaire de Brokdorf a permis d´économiser au total environ 380 millions de tonnes de CO2 /13/ par rapport à une centrale à charbon1).

Grohnde

La centrale appartenant à PreussenElektra GmbH (80%) et Vattenfall Europe Nuclear Energy GmbH (20%) est située au bord de la Visurge (Weser en allemand) dans la commune d´Emmerthal en Basse-Saxe environ 40 km au sud-ouest de Hanovre.

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Photo 3 : Centrale nucléaire Grohnde (Basse-Saxe), source PreussenElektra GmbH

La centrale dotée d´un réacteur à eau pressurisée d´une puissance électrique nette de 1360 MW a été raccordée au réseau en septembre 1984. La mise en service industrielle a eu lieu en février 1985.

Pendant presque 37 années la centrale a produit environ 410 TWh (bruts) et a affiché un coefficient de disponibilité moyen proche de 92% ce qui constitue une valeur record en comparaison internationale /12/. Au niveau de la production annuelle elle a été huit fois sur la première position des Top Ten et a établi deux records du monde en termes de quantité annuelle d´électricité produite. Un autre record a été établi le 7 février 2021 avec l´atteinte d´une production totale brute de 400 TWh /14/. A ce jour, il n´existe aucune autre centrale nucléaire au monde qui ait produit autant d´électricité.

La centrale a permis d´économiser au total plus de 400 millions de tonnes de CO2 par rapport à une centrale à charbon1).

1) Émissions moyennes d´environ 1000g CO2/kWh

Références

/1/ UBA (2021) Deutlich weniger erneuerbarer Strom im Jahr 2021, Communiqué de presse n° 50/21 du 15 décembre 2021, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/deutlich-weniger-erneuerbarer-strom-im-jahr-2021

/2/ AGEB (2021) Energieverbrauch zieht wieder an, Communiqué de presse du 21 décembre 2021, en ligne :  https://ag-energiebilanzen.de/energieverbrauch-zieht-wieder-an/

/3/ BDEW (2021) Die Energieversorgung 2021 – die Zahlen des Jahres 2021, Communiqué de presse du 21 décembre 2021, en ligne : https://www.bdew.de/service/anwendungshilfen/die-energieversorgung-2021/

/4/ BMU (2021), Lemke und Habeck: Atomausstieg macht unser Land sicherer, AKW Brokdorf, Grohnde und Gundremmingen C gehen vom Netz, Communiqué de presse N° 296/21 du 28 décembre 2021, en ligne : https://www.bmu.de/pressemitteilung/lemke-und-habeck-atomausstieg-macht-unser-land-sicherer

/5/ BMWi (2021) Monitoring der Angemessenheit der Ressourcen an den europäischen Strommärkten, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Publikationen/Studien/angemessenheit-der-ressourcen-an-den-europaeischen-strommaerkten.html

/6/ Allemagne-Energies (2021) Gestion d´une pénurie d´électricité en perspective à l´horizon de 2023 ? En ligne : https://allemagne-energies.com/2021/09/05/gestion-dune-penurie-delectricite-en-perspective-a-lhorizon-de-2023/

/7/ Allemagne-Energies (2021) La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/06/la-cour-des-comptes-allemande-critique-a-nouveau-la-transition-energetique-du-gouvernement-federal/

/8/ Allemagne-Energies (2021) Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/12/08/le-nouveau-gouvernement-allemand-veut-accelerer-la-transition-energetique/

/9/ Sénat (2021) Étude de législation comparée n° 292 – novembre 2020 – Recueil des notes de synthèse de mars à octobre 2020. Les entreprises du secteur de l´énergie en Europe, en ligne : http://www.senat.fr/lc/lc292/lc2927.html

/10/ Allemagne-Energies (2018) Arrêt définitif de la tranche B de la centrale nucléaire de Gundremmingen après 33 ans, en ligne : https://allemagne-energies.com/2018/01/08/arret-definitif-de-la-tranche-b-de-la-centrale-nucleaire-de-gundremmingen-apres-33-ans/

/11/ RWE Nuclear GmbH (2021) Ende einer Ära: Kernkraftwerk Gundremmingen beendet nach 37 Jahren Stromerzeugung, Communiqué de presse du 31 décembre 2021, en ligne : https://www.rwe.com/presse/rwe-nuclear/2021-12-31-kernkraftwerk-gundremmingen-beendet-nach-37-jahren-stromerzeugung

/12/ PreussenElektra (2021) Kernkraftwerke Brokdorf und Grohnde haben Leistungsbetrieb beendet, Communiqué de presse du 1er janvier 2022, en ligne : https://www.preussenelektra.de/de/unser-unternehmen/newsroom/pressemitteilungen/2021/pel-ende-leistungsbetrieb-kbr-und-kwg.html

/13/ PreussenElektra (2021) Kurz vor endgültiger Abschaltung: Kernkraftwerk Brokdorf verabschiedet sich als bedeutender Stromerzeuger Communiqué de presse du 20 décembre 2021, en ligne : https://www.preussenelektra.de/de/unser-unternehmen/newsroom/pressemitteilungen/2021/kbr-kurz-vor-abschaltung.html

/14/ PreussenElektra (2021) Kernkraftwerk Grohnde liefert neuen Rekord in der Stromerzeugung, Communiqué de presse du 8 février 2021, en ligne : https://www.preussenelektra.de/de/unser-unternehmen/newsroom/pressemitteilungen/2021/kwg-liefert-neuen-rekord-in-stromerzeugung.html

Gestion d´une pénurie d´électricité en perspective à l´horizon de 2023 ?

A l´horizon 2023, environ 22 GW de moyens pilotables (centrales nucléaires et à charbon) seront retirés du réseau. Si les politiciens continuent à adhérer à ce plan, d´ici deux ans l´Allemagne pourrait ne plus être en mesure d´assurer la sécurité de l´approvisionnement en électricité sans apport des pays voisins, une circonstance n´étant pas sans incidence sur la situation électrique du couple franco – allemand.

2-format2020

L´Agence Fédérale des Réseaux (Bundesnetzagentur) a publié fin aout 2021 /1/  l´indice SAIDI (System Average Interruption Duration Index) pour l´année 2020. Cet indice donne la durée moyenne d´interruption de l´approvisionnement d´un consommateur final moyen.

La durée moyenne d´interruption en Allemagne a diminué de 1,47 minute par rapport à l´année précédente pour atteindre 10,73 minutes.

Le président de l´Agence Fédérale des Réseaux, Jochen Homann, se réjouit : « La fiabilité de l´approvisionnement en électricité en Allemagne a été une fois de plus très bonne en 2020. La durée moyenne d´interruption en 2019, la plus faible jamais enregistrée, a été à nouveau abaissée en 2020. La transition énergétique et la part croissante des capacités de production décentralisées continuent à n´avoir aucun impact négatif sur la qualité de l´approvisionnement. »

Oui, mais l´indice SAIDI ne peut être déterminé que rétrospectivement et ne permet pas de se prononcer sur la sécurité de l´approvisionnement du réseau dans le futur.

Dans son rapport publié en mars 2021 /2/ la Cour des Comptes allemande a déjà mis en garde contre de potentielles pénuries dans l´offre d´électricité à l´horizon de 2023. D´ici deux ans l´Allemagne pourrait ne plus être en mesure d´assurer la sécurité de l´approvisionnement en électricité sans apport des pays voisins.

Déclassements et centrales en construction entre 2021 et 2023

Entre autres causes le calendrier de sortie du charbon et notamment la fermeture anticipée des centrales à houille et petites centrales à lignite inférieures à 150 MW, déterminée par des appels d´offres. Les résultats des deux premiers appels d´offres (septembre 2020 et janvier 2021) ont été publiés en /3/. Depuis, l´Agence Fédérale des Réseaux a publié les résultats du troisième appel d´offres /4/ et fixé le volume appelé pour le quatrième appel d´offres /5/, pour lequel la date limite de candidature est fixée au 1er octobre 2021.

Le tableau montre les résultats et les années de fermetures prévues (interdiction de brûler de la houille ou du lignite) entre 2021 et 2023 /6/.

Tableau Résultat des appels d´offres sur la sortie des
Tableau : Résultat des appels d´offres sur la sortie des centrales à houille et petites centrales à lignite inférieures à 150 MW

Sous réserve de la vérification de l´importance systémique par les gestionnaires de réseau de transport, laquelle pourrait éventuellement retarder l´arrêt définitif de l´une ou l´autre des centrales ou une reconversion éventuelle de certaines centrales à d´autres combustibles, une capacité de 8868 MW sera déclassée à l´horizon de 2023.

De plus, le déclassement de 4913 MW de centrales à lignite et de 8107 MW de centrales nucléaires est inscrit dans la Loi /7/. Il se rajoute le déclassement de 373 MW pour diverses raisons (centrales au gaz et à fioul).

La figure montre le déclassement prévu de moyens pilotables et les nouvelles centrales actuellement en construction entre 2021 et 2023.

Fig zu und Ruckbau
Figure : Déclassements et centrales en construction entre 2021 et 2023

Sous l’hypothèse que les centrales actuellement en construction seront connectées au réseau à temps, l´Allemagne perdrait donc environ 20 GW à l´horizon de 2023.

L´Allemagne pourrait même perdre progressivement plus de 50 GW de moyens pilotables à l´horizon 2030, si la sortie définitive du charbon, toujours officiellement prévue pour 2038, devait être avancée à 2030 comme le laissent penser certaines déclarations politiques.

Jusqu´à une date récente, le Ministère de l´Économie et de l´Énergie partait du principe que la consommation d´électricité n´augmenterait guère à l´horizon de 2030. Après que cette hypothèse a été fortement remise en question par la Cour des Comptes et par l´industrie, le Ministère a révisé son calcul. Selon une première estimation de mi-juillet 2021, la consommation d´électricité augmenterait jusqu´à 100 TWh d´ici 2030 (~ 665 TWh) par rapport à 2019 (~ 568 TWh) en raison de nouveaux consommateurs (pompes à chaleur, véhicules électriques, production de l´hydrogène par électrolyse). Une analyse détaillée suivra à l´automne 2021. C´est un facteur supplémentaire pour un impact sur la sécurité d´approvisionnement.

La pratique de l´Agence Fédérale des Réseaux de maintenir temporairement en réserve stratégique les centrales à charbon destinées au déclassement est, d´une part, très coûteuse et d´autre part contrecarre les efforts de réduction des émissions de CO2.

La Fédération Allemande des Entreprises de l´Énergie et de l´Eau (BDEW) réclame la construction d´au moins 15 GW de centrales à cogénération au gaz d´ici 2030 pour garantir la sécurité d´approvisionnement /9/. Or, de nouvelles centrales ne sont pas rentables actuellement et le gouvernement n´offre pas les incitations nécessaires au remplacement des centrales à charbon par des centrales à gaz.

Le nouveau gouvernement, à mettre en place après les élections fédérales de fin septembre 2021, devra donc rapidement prendre des décisions.

Références

/1/ Bundesnetzagentur (2021), Versorgungsunterbrechungen Strom 2020, Communiqué de presse du 23.08.2021, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Presse/Pressemitteilungen/2021/20210823_SAIDI-Strom.pdf?__blob=publicationFile&v=2

/2/ Allemagne-Energies (2021), La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral. En ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/06/la-cour-des-comptes-allemande-critique-a-nouveau-la-transition-energetique-du-gouvernement-federal/

/3/ Allemagne-Energies (2021), Évolutions récentes de la sortie progressive du charbon en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/17/evolutions-recentes-de-la-sortie-progressive-du-charbon-en-allemagne/

/4/ Bundesnetzagentur (2021), Ergebnisse der dritten Ausschreibung zum Kohleausstieg, Communiqué de presse du 14.07 2021, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Presse/Pressemitteilungen/2021/20210714_Kohle.pdf?__blob=publicationFile&v=3

/5/ Bundesnetzagentur (2021) Informationen zur Ermittlung des Ausschreibungsvolumens für die vierte Ausschreibungsrunde (Gebotstermin: 01.10.2021), en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Sachgebiete/Energie/Unternehmen_Institutionen/Kohleausstieg/Okt2021/Hintergrund_Volumen.pdf?__blob=publicationFile&v=2

/6/ Bundesnetzagentur (2021), Kohleausstieg, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Kohleausstieg/start.html

/7/ Bundesnetzagentur (2021), Kraftwerksliste, Zu- und Rückbau von Kraftwerken, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html

/8/ BMWi (2021) Altmaier legt erste Abschätzung des Stromverbrauchs 2030 vor. Communiqué de presse du 13.07.2021. Bundesministerium für Wirtschaft und Energie. En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2021/07/20210713-erste-abschaetzungen-stromverbrauch-2030.html

/9/ BDEW (2021), BDEW-Positionspapier: Energiewende ermöglichen! 25 konkrete Vorschläge für mehr Tempo bei Planung und Genehmigung, Communiqué de presse du 01.09.2021, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/25-konkrete-vorschlaege-fuer-mehr-tempo-bei-planung-und-genehmigung/

La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral

Temps de lecture : 10 à 15 minutes

Selon la Cour des Comptes allemande, le Ministère fédéral de l´Économie et de l´Énergie (BMWi) continue, malgré des avertissements répétés, de gérer la transition énergétique de manière insatisfaisante /1/. Un approvisionnement en électricité fiable et abordable pour les ménages et les PME serait de plus en plus remis en question.

La sécurité d´approvisionnement serait soumise à des risques dont le BMWi n´a pas pleinement pris conscience. Le monitoring de la sécurité de l´approvisionnement serait lacunaire. Le BMWi aurait adopté des hypothèses sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité qui sont soit trop optimistes, soit peu plausibles. Il doit rapidement compléter son monitoring et étudier d´urgence des scénarios qui reflètent de manière fiable les évolutions actuelles et les risques existants affectant l´offre et la demande d´électricité.

En outre, le BMWi n´a toujours pas défini jusqu´à quel niveau de prix l´électricité peut encore être considérée comme « abordable ». Les prix de l´électricité pour les ménages et les PME se situent en tête du classement européen. Une grande partie de la tarification de l´électricité est constituée des composants réglementés par l´État, comme par exemple la charge de soutien des énergies renouvelables et le tarif d´utilisation des réseaux.  Ces composants réglementés du prix de l´électricité, jugés trop élevés, mettraient en danger la transition énergétique, son acceptation sociétale et la place économique de l´Allemagne. Pour cela, la Cour des Comptes considère nécessaire une réforme fondamentale de la tarification de l´électricité réglementée par l´État.

Le BMWi conteste les allégations  de la Cour des Comptes /2/ en affirmant que la sécurité de l´approvisionnement en Allemagne est, en comparaison internationale, « entièrement garantie » et « très élevée ».  En outre, le gouvernement fédéral s´efforce de rendre la transition énergétique « aussi économiquement rentable que possible ». C´est aussi le « moyen le plus durable » contre la hausse des prix de l´électricité et des coûts énergétiques.

Mais dans l´ensemble, le ministère ne parvient pas à convaincre les auditeurs de la Cour des Comptes.

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Bundesrechnungshof à Bonn/Allemagne, source Bilderservice Bundesrechnungshof

Lorsque la Cour fédérale des Comptes se penche sur la transition énergétique, elle donne de mauvaises notes au gouvernement fédéral. C´était le cas en 2016, en 2018 et c´est encore le cas cette année.

Déjà dans son rapport spécial, publié en 2018, la Cour des Comptes allemande a critiqué vigoureusement la coordination et le pilotage de la transition énergétique par le Ministère fédéral de l´Economie et de l´Energie (BMWi). L´effort énorme et les lourdes charges pour les citoyens et l´industrie seraient disproportionnés par rapport au maigre résultat obtenu/3/.

« Trop peu de choses se sont passées depuis 2018 » a résumé Kay Scheller, le président de la Cour des Comptes allemande lors de la présentation de son dernier rapport spécial d´environ 50 pages /4/ le 30 mars 2021.

La Cour des Comptes allemande traite dans ce rapport la mise en œuvre de la transition énergétique dans le secteur électrique sous l´aspect de la sécurité d´approvisionnement et du caractère abordable de l´électricité.

Sécurité d´approvisionnement en électricité

La Cour des Comptes critique le rapport de 2019 du BMWi sur la sécurité d´approvisionnement /5/ lequel arrive au résultat que « les consommateurs peuvent être approvisionnés de manière fiable à tout moment et que la demande d´électricité en Allemagne peut être satisfaite à quasi 100 % à l´horizon de 2035 ».

La Cour des Comptes estime que les hypothèses sur la sécurité de l´approvisionnement en électricité adoptées dans ce rapport sont soit trop optimistes, soit peu plausibles.

En particulier, le rapport n´indique pas clairement :

  • l´impact du retard de la modernisation du réseau de transport sur la sécurité d´approvisionnement (le développement du réseau de transport accuse en 2020 un retard d´environ 5 ans par rapport au planning initial de 2010);
  • dans quelle mesure les investissements réalisés par les gestionnaires de réseau sont suffisants pour maintenir le niveau de sécurité d´approvisionnement;
  • si les mesures à disposition des GRT pour assurer l´équilibrage du réseau dans leur périmètre de responsabilité (Redispatching, centrales de réserve, Feed-in management des énergies renouvelables) sont suffisantes pour garantir la sécurité de l´approvisionnement, même dans les conditions d´un développement retardé du réseau de transport et d´une sortie progressive du charbon;
  • quelles seront les capacités de stockage d´énergie requises et dans quelle mesure elles sont disponibles ou le seront à l´avenir.

Pour d´autres critères, l´évaluation de la sécurité d´approvisionnement repose sur des hypothèses irréalistes ou obsolètes selon la Cour des Comptes. Par exemple, le rapport du BMWi n´a pas suffisamment pris en compte :

  • le calendrier de sortie du charbon : selon la Cour des Comptes un déficit de capacité allant jusqu´à 4,5 GW serait possible à l´horizon de 2023/2024. De plus, le besoin de capacités de réserve nécessaire pour l´hiver 2022/2023 a été déterminé sans tenir compte du calendrier de sortie du charbon ;
  • la lente modernisation du réseau de transport et les capacités limitées des interconnexions transfrontalières ayant un impact important sur la sécurité d´approvisionnement ;
  • le nouveau plan de déploiement national de l´hydrogène et l´électrification accrue des secteurs de la chaleur et des transports entraînant une augmentation considérable de la consommation d´électricité ;
  • les années avec des conditions météorologiques extrêmes provoquant une faible production d´énergies renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque).

Mais surtout, le BMWi n´a pas examiné de scénario conjuguant plusieurs facteurs déjà prévisibles et susceptibles d´avoir un impact négatif sur la sécurité d´approvisionnement. Il manque un scénario « worst case » comme stress-test.

Selon la Cour des Comptes, le BMWi doit rapidement compléter et adapter son monitoring de la sécurité de l´approvisionnement en électricité. Sinon, il ne sera pas en mesure de contrer efficacement les menaces réelles qui pèsent sur la sécurité de l’approvisionnement.

Réponse du Ministère fédéral de l´Economie et de l´Energie (BMWi)

Le BMWi utiliserait des indicateurs généralement acceptés au sujet de la sécurité d´approvisionnement en électricité. De plus l´Allemagne fait partie du groupe de tête en matière de sécurité d´approvisionnement. L´indice SAIDI (System Average Interruption Duration Index) – durée moyenne d´interruption de l´approvisionnement d´un consommateur final moyen pendant la période considérée – serait parmi les plus faibles en Europe.

Selon le BMWi, l´Allemagne disposerait d´un système cohérent pour évaluer la sécurité d´approvisionnement, mais le ministère aurait l´intention d´intensifier son monitoring.

Suite à la modification du Code de l´énergie, l´Agence fédérale des réseaux effectue à partir de 2021, en concertation avec le BMWi, un suivi permanent de la sécurité d’approvisionnement dans le domaine de l´approvisionnement en gaz naturel et en électricité. L´Agence fédérale des réseaux effectuera ses propres analyses et publiera un rapport actualisé sur la sécurité d´approvisionnement fin octobre 2021.

Appréciation finale de la Cour des Comptes

Le BMWi doit compléter son monitoring de la sécurité de l’approvisionnement en électricité et étudier de toute urgence des scénarios reflétant de manière fiable les évolutions actuelles et les risques existants qui affectent l´offre et la demande d´électricité.

Abordabilité financière (prix de l´électricité)

La Cour des Comptes mentionne une étude de l´Institut de Düsseldorf (DICE), selon laquelle les coûts cumulés pour 2000 à 2025 de la transition énergétique pour le seul secteur électrique sont estimés à 520 milliards d´Euros cf. chapitre « Contraintes économiques » dans le texte « Énergies renouvelables : de nombreux défis »  /6/.

Dès 2018, la Cour des Comptes a recommandé au BMWi de rendre transparent ce qu´il entend par l´abordabilité de la transition énergétique.

Aujourd’hui, le bilan est maigre : le BMWi n´a toujours pas déterminé à quel niveau de prix l´électricité peut encore être considérée comme « abordable ». Les prix de l´électricité élevés pour les ménages et les PME sont préoccupants. Ils sont jusqu´à 43% supérieurs à la moyenne de l’UE et se situent en tête du classement européen.

Seul le prix de l´électricité de l´industrie électro-intensive est au milieu de la fourchette de l´UE. Elle est protégée sous la forme d´un dégrèvement total ou partiel de la charge de soutien aux énergies renouvelables. 

Le système actuel de la tarification de l´électricité (taxes et contributions, tarifs d´utilisation des réseaux) risque de faire augmenter sans cesse les prix. Les composants de la tarification réglementés par l´État représentent aujourd´hui environ 75 % du prix de l´électricité. Tous les efforts déployés par le gouvernement fédéral jusqu´à présent n´ont pas permis d´arrêter cette évolution.

Au contraire : la poursuite du développement massif des énergies renouvelables, la modernisation du réseau électrique et la taxe sur le CO2 risquent d´entrainer la poursuite de l´augmentation du prix. De plus il faut compter sur une augmentation de la demande d´électricité, notamment par la mise en œuvre de la stratégie de l´hydrogène et l´électrification accrue des secteurs de la chaleur et des transports (promotion de l´électromobilité et de la chaleur renouvelable, par exemple au moyen de pompes à chaleur). Cela majore le risque d´une augmentation significative du prix de l´électricité.

La Cour fédérale des Comptes estime que la poursuite de la transition énergétique sous cette forme risque de dépasser la capacité financière des consommateurs finaux et par conséquent de compromettre la place économique allemande et l´acceptation sociétale de la transition énergétique.

La Cour des Comptes considère qu´il est nécessaire de réformer fondamentalement les composants réglementés de la tarification de l´électricité afin de faire peser à l´avenir une charge financière raisonnable sur les consommateurs finaux. Une condition préalable est la détermination du niveau de prix auquel l´électricité peut encore être considérée comme « abordable ». Le BMWi doit enfin aborder le sujet.

Réponse du Ministère fédéral de l´Economie et de l´Energie (BMWi)

Le BMWi estime que l´abordabilité financière de la transition énergétique ne peut être représentée par un seul indicateur (par exemple le prix de l´électricité).

Le rapport « monitoring » de la transition énergétique du BMWi s´intéresse à la fois à la vue d´ensemble des dépenses énergétiques et aux aspects individuels de l´abordabilité financière.

Une approche macroéconomique, c´est-à-dire une évaluation des coûts énergétiques sur la base de chiffres agrégés pour l´ensemble des secteurs concernés, est mieux adaptée qu´une évaluation sur la base des prix sectoriels. 

Une « vue d´ensemble » montre que pendant plusieurs années il n’y a pas eu d´augmentation des coûts énergétiques des secteurs concernés (chaleur et froid, transports et électricité).  Selon le BMWi, le pourcentage des coûts énergétiques pour tous les secteurs concernés par rapport au produit intérieur brut (PIB) est relativement stable autour de 7% (voir figure 1, gauche). Les dépenses ont donc tendance à évoluer en proportion du PIB et ont même baissé ces dernières années par rapport au PIB /7/.

Depense Energie PIB beide
Figure 1 : extrait du rapport monitoring du BMWi /7/ – coûts de la transition énergétique

Bien que le prix de l´électricité en Allemagne ait augmenté plus vite que la moyenne européenne, la part des dépenses de consommation finale en électricité s´est stabilisée à un niveau autour de 2,4% du PIB depuis 2016 en Allemagne (voir figure 1 droite)

Pour le gouvernement allemand, le caractère abordable est l´un des critères directeurs pour une mise en œuvre de la transition énergétique. Le BMWi s´efforce donc de ralentir la dynamique de la charge de soutien des énergies renouvelables.

Selon le BMWi, les nombreuses révisions de la loi sur les énergies renouvelables (EEG) et notamment la mise en place des appels d´offres depuis 2017 ont contribué à limiter la tendance haussière de la charge de soutien. Les tarifs d´achat étant garantis vingt ans, à compter de 2021 les anciennes installations, càd les plus coûteuses, sortiront progressivement du soutien.

A l´avenir, la charge de soutien des énergies renouvelables sera partiellement financée par l´État. Pour l´allègement de cette charge il a été décidé d´utiliser une partie des recettes supplémentaires provenant de la « taxe carbone » sur les émissions des produits combustibles non couverts par le système européen d´échange de quotas d’émissions.

À partir du milieu des années 2020, le BMWi s´attend à ce que la charge de soutien des énergies renouvelable diminue sensiblement.

Selon le BMWi, les indicateurs utilisés permettent d´évaluer l´abordabilité financière de la transition énergétique.

Appréciation finale de la Cour des Comptes

La Cour fédérale des Comptes partage la position du BMWi selon laquelle il n´est pas possible de répondre à la question de l´abordabilité financière sur la base d´un seul indicateur (prix de l´électricité). Elle maintient toutefois sa position : le ministère doit déterminer le niveau de prix auquel l´électricité peut encore être considérée comme  « abordable » et réformer fondamentalement les composants de la tarification réglementés par l´État.

Références

/1/ BRH (2021) Bund steuert Energiewende weiterhin unzureichend, Erfolg der Energiewende nicht gefährden: BMWi muss umfassend steuern, Communiqué de presse du 30.3.2021, Bundesrechnungshof, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/de/veroeffentlichungen/produkte/sonderberichte/2021/bund-steuert-energiewende-weiterhin-unzureichend/bund-steuert-energiewende-weiterhin-unzureichend

/2/ Tagesschau (2021) Rechnungshof zu Energiepolitik: Scharfe Kritik an Altmaier, en ligne : https://www.tagesschau.de/wirtschaft/technologie/energie-altmaier-bundesrechnungshof-101.html

/3/ Allemagne-Energies (2018), Selon la Cour des comptes allemande la transition énergétique est au bord de l´échec, en ligne : https://allemagne-energies.com/2018/09/28/selon-la-cour-des-comptes-allemande-la-transition-energetique-est-au-bord-de-lechec/

/4/ BRH (2021) Bericht nach § 99 BHO zur Umsetzung der Energiewende im Hinblick auf die Versorgungssicherheit und Bezahlbarkeit bei Elektrizität, Bundesrechnungshof, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/de/veroeffentlichungen/produkte/sonderberichte/2021/bund-steuert-energiewende-weiterhin-unzureichend

/5/ BMWi (2019) Definition and monitoring of security of supply on the European electricity markets. Project No. 047/16. Bundesministerium für Wirtschaft und Energie, éd. En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/EN/Publikationen/Studien/definition-and-monitoring-of-security-of-supply-on-the-european-electricity-markets-from-2017-to-2019.html

/6/ Allemagne-Energies (2021) Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/7/ BMWi (2021) Achter Monitoring-Bericht « Energie der Zukunft ». Bundesministerium für Wirtschaft und Energie, éd. En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/achter-monitoring-bericht-energie-der-zukunft.html

Le tournant énergétique en Allemagne fait du surplace selon le dernier rapport de l´Union Economique Bavaroise

Temps de lecture : 5 min

Le tournant énergétique en Allemagne fait du surplace. L’approvisionnement en électricité est assuré pour les prochaines années, mais seulement de justesse dans le sud de l’Allemagne. Presque tous les indicateurs de progrès sont au rouge, la plupart des objectifs principaux à l´horizon 2020 ne seront pas atteints. C’est le résultat du 8e rapport annuel publié par l´ Union Economique Bavaroise sur l’évolution du tournant énergétique en Allemagne et en Bavière.

Pour la 8e fois consécutive, le bureau d´étude Prognos a établi pour le compte de l´ Union Economique Bavaroise (vbw – Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft), un bilan d´étape sur le tournant énergétique en Allemagne et en Bavière /1/, /2/. Le bilan, publié début février 2020 sur la base des dernières données validées de l’année 2018, prend en compte quatre catégories pour l’évaluation des progrès réalisés : la sécurité d’approvisionnement, le prix abordable (coûts d´électricité), l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables ainsi que l´impact environnemental.

Le résultat est plutôt décevant. Sur la base des données de 2018, la plupart des objectifs principaux à l´horizon 2020 ne seront pas atteints (voir figure).

Bilan TE vbw
Figure : Bilan d´étape du Tournant Energétique – Écarts par rapport aux objectifs pour 2020

Sécurité d´approvisionnement  

L’approvisionnement en électricité est actuellement assuré. Cependant, le développement du réseau est en retard par rapport au planning /3/. Les tracés nord – sud en courant continu ne seront pas disponibles avant 2025. Le retard pris dans le développement du réseau, lequel n’arrive pas à suivre le rythme auquel se développent les éoliennes et le photovoltaïque, a provoqué  une hausse importante des interventions des gestionnaires des réseaux allemands pour stabiliser le réseau et éviter des coupures de courant. Ces mesures coûteuses (environ 1,44 Mrds d´€ en 2018) pèsent sur le prix de l’électricité par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Le retard sur le développement du réseau de transport nord-sud pourrait, à partir de 2022 (arrêt du nucléaire), entraîner des goulets d’étranglement en matière d´approvisionnement en électricité en Allemagne du sud où réside une partie importante de l’industrie et donc de la consommation électrique.

Prix abordable (Coûts d‘électricité)

Le prix de l’électricité pour les ménages allemands continue d´être parmi les plus chers en Europe/4/. Son évolution depuis 2010 est nettement supérieure à l’indice des prix à la consommation.

Comme les prix évoluent différemment selon les catégories de consommation, une image différenciée se dégage pour le prix du kWh de l´industrie non privilégiée. Dans l’ensemble, cet indicateur fait cependant l’objet d’une évaluation critique. Il est donc impératif que la taxe sur l’électricité soit ramenée au minimum européen afin de maintenir la compétitivité des entreprises. De plus il faudrait des allègements supplémentaires dans le cadre de la sortie progressive des centrales à charbon/lignite.

L´industrie électro – intensive est protégée sous la forme d´un dégrèvement partiel du soutien aux énergies renouvelables et conserve un tarif compétitif ayant pour but de préserver sa compétitivité internationale.

Efficacité énergétique et énergies renouvelables

L´évolution de la consommation brute d´électricité (-10% d´ici 2020 par rapport à 2008) et de la consommation énergétique primaire (- 20% d´ici 2020 par rapport à 2008) est loin derrière les objectifs. Cela est aussi valable pour la productivité énergétique (ratio « PIB /consommation finale d´énergie »  en M€/tep). Selon le concept énergétique du gouvernement fédéral /5/, une augmentation annuelle de 2,1% a été prévue. En 2018, le niveau correspondant était inférieur de plus de 14 % à la trajectoire cible.

Seul le rythme de développement des énergies renouvelables dans le secteur électrique est élevé et a déjà dépassé l´objectif de 2020.

Impact environnemental

Bien que les émissions de gaz à effet de serre en Allemagne aient diminué de 4,5 % en 2018 par rapport à l’année précédente, les émissions ont été bien supérieures à la trajectoire cible et ce pour la neuvième année consécutive.

Dans l’ensemble, le développement en matière environnementale est négatif. Au cours des cinq dernières années, les émissions de gaz à effet de serre se sont de plus en plus éloignées de la trajectoire visée. Bien que la réduction des émissions dans l’industrie énergétique soit disproportionnément élevée par rapport à d’autres secteurs, elle est plus que compensée par de faibles réductions dans l’industrie, l’agriculture et les transports.

L´objectif national d´une réduction de 40% des gaz à effet de serre par rapport à 1990 est actuellement hors de portée.

Conclusion

Ces dernières années, les progrès du tournant énergétique ont été beaucoup plus lents que ne l’exigent les objectifs à l´horizon 2020. En particulier, le développement du réseau, absolument nécessaire pour garantir l’approvisionnement en électricité et la distribution économiquement rentable des énergies renouvelables, a été fortement retardé. Dans l’industrie, les secteurs du bâtiment et des transports, la mise en œuvre de l’efficacité énergétique et l’introduction de moyens de production de chaleur et de systèmes de propulsion alternative à faible ou à zéro émission progresse plus lentement que nécessaire pour atteindre les objectifs 2020.

Références

/1/ vbw (2020) Energie und Klima. 8. Monitoring der Energiewende. Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft e.V. En ligne : https://www.vbw-bayern.de/Redaktion/Frei-zugaengliche-Medien/Abteilungen-GS/Wirtschaftspolitik/2020/Downloads/vbw_8._Monitoring_der_Energiewende_Januar_2020.pdf.

/2/ Prognos (2020) 8. Monitoring der Energiewende, https://www.prognos.com/presse/news/detailansicht/1898/b497e09364ad812178da45ba6bc364f2/

/3/ Allemagne-Energies (2020), Énergies renouvelables : de nombreux défis. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/4/ Allemagne-Energies (2020) Bilans énergétiques : Comparaison Allemagne et France. En ligne : https://allemagne-energies.com/bilans-energetiques.

/5/ Allemagne-Energies (2020),  Le tournant énergétique allemand. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique.

 

 

 

La sortie du charbon coûtera 50 Mrds d´Euros – le Conseil des ministres allemand approuve le projet de loi (Kohleausstiegsgesetz) le 29 janvier 2020

(Texte mis à jour le 01.12.2020)

Temps de lecture : 15 min

Suite aux recommandations de la « Commission Charbon » de janvier 2019 /1/, le Conseil des ministres a adopté le 29 janvier 2020 le projet de loi de sortie progressive des centrales à houille et à lignite et la modification d´autres lois associées /2/, /3/.

L’Allemagne vise un abandon de ces centrales au plus tard en 2038 avec deux étapes intermédiaires : réduction d´ici fin 2022 de la puissance nette des centrales au réseau à 30 GW (15 GW de lignite et 15 GW de houille) et à 17 GW au 1er avril 2030 (9 GW de lignite et 8 GW de houille).

Pour les centrales à lignite figurant au calendrier de fermeture annexé à la loi (voir plus loin), les exploitants reçoivent une indemnité fixe de 4,35 milliards d’Euros pour les centrales mises hors service avant 2030.

Pour les centrales à houille et les centrales à lignite inférieures à 150 MW ne figurant pas dans le calendrier de fermeture cité ci-dessus, la loi prévoit que la réduction de capacité sera mise en œuvre à l’aide d’enchères. Le montant maximal de l´indemnité par MW est plafonné et dégressif pour inciter la soumission précoce des offres.

Au total, sept appels d’offres sont prévus par l´Agence fédérale des réseaux entre 2020 et 2023, qui concerneront la fermeture de ces centrales, tous les ans jusqu’en 2026.

Les centrales à charbon restantes après le dernier appel d’offres feront l’objet d’une fermeture par l´ordonnance sans compensation. Il n´existe donc pas un calendrier de fermeture précis mais on vise une réduction linéaire de la puissance installée des centrales à houille entre 2022 (max 15 GW), 2030 (max. 8 GW) et 2038 (0 GW).

Les quotas d’émission disponibles suite à la sortie de la production à base de houille/lignite seront retirés du marché pour empêcher l´achat des quotas libérés par d´autres entités.

Selon le gouvernement allemand, les centrales de cogénération au gaz, moins émettrices en CO2, constitueront un élément important dans le secteur de l’électricité et de la chaleur (chauffage urbain et industriel). Pour cette raison, la loi sur la sortie du charbon prévoit une modernisation du soutien accordé à la cogénération de chaleur et d’électricité afin que leur contribution à la transition énergétique soit assurée et renforcée /17/.

Pour les régions touchées par la fermeture des centrales et mines de lignite, le gouvernement  prévoit l’instauration d’un fonds d’indemnités pour les employés âgés d’au moins 58 ans qui perdent leur emploi. Les coûts de ce fond sont estimés à environ 5 milliards d´Euros.

Le Conseil des ministres avait déjà adopté fin août 2019 le projet de loi concernant les aides fédérales de 40 milliards d’Euros jusqu’en 2038 pour le soutien structurel des régions lignitifères /4/.

A quatre reprises  (2022 – 2026 – 2029 et 2032), le gouvernement fédéral examinera les effets de la fermeture des centrales à houille/lignite sur la sécurité d’approvisionnement et les prix de l’électricité. En 2026, 2029 et 2032, il sera également examiné si l´échéance pour la sortie finale pourrait être avancée de trois ans à fin 2035.

L’Agence fédérale des réseaux sera chargée de surveiller en continu à partir de 2021 que la sécurité de l’approvisionnement soit garantie.

Le Parlement (Bundestag) et le Conseil fédéral (Bundesrat) ont voté la loi le 3 juillet 2020 /14/. Cette loi ainsi que la loi de soutien structurel des régions lignitifères est entrée en vigueur le 14 août 2020 /15/, /16/, /17/.

Mise en œuvre de la sortie progressive du charbon/lignite

Conformément aux préconisations de la commission charbon de janvier 2019, la loi prévoit une sortie progressive des centrales à houille et à lignite d´ici 2038, avec deux étapes intermédiaires : réduction d´ici fin 2022 de la puissance nette des centrales au réseau à 30 GW (15 GW de lignite et 15 GW de houille), à 17 GW au 1er avril 2030 (9 GW de lignite et 8 GW de houille) et à zéro GW au plus tard à la fin 2038 (voir figure 1). La puissance diminue de façon linéaire chaque année entre 2022 et 2030 et entre 2030 et 2038.

Fig 1 Abschaltungszeitplan 10082020
Figure 1 Sortie progressive des centrales à houille et à lignite

Cela correspond au déclassement de 13,5 GW d´ici fin 2022 par rapport à 2019. Il faut toutefois noter que seulement 37,8 GW (y compris Datteln 4) opèrent actuellement activement sur le marché de l’électricité /5/. Environ 5 GW constituent une réserve, utilisée exceptionnellement, et 1,7 GW (houille) sont provisoirement fermés. Donc la baisse de puissance nette du couple houille/lignite sur le marché de l’électricité serait en réalité de l´ordre de 8 GW d´ici fin 2022.

Centrales à lignite

La base du calendrier de fermeture des centrales à lignite est un accord politique trouvé le 14 janvier 2020 avec les Länder les plus concernés (Brandebourg, Saxe, Saxe Anhalt et Rhénanie du Nord – Westphalie) et les principaux acteurs du secteur /6/.

Pour les centrales à lignite figurant au calendrier détaillé annexé à la loi (voir figure 2), les exploitants reçoivent une indemnité fixe de 4,35 milliards d’Euros pour les centrales mises hors service avant 2030.

Fig 2 Tabelle Stillegungspfad BK_1
Figure 2 : calendrier de fermeture des centrales à lignite

Plus précisément, le calendrier prévoit dans un premier temps exclusivement l´arrêt des centrales à lignite de RWE en Rhénanie du Nord – Westphalie. La tranche Niederaußem D (~ 300 MWe) à proximité de la mine de lignite de Garzweiler sera arrêtée fin 2020 suivie de l´arrêt d´une puissance d´environ 2500 MW à l´horizon de fin 2022. Les premières tranches en Allemagne de l’Est seront fermées définitivement fin 2028.

Centrales à houille

Pour les centrales à houille et les centrales à lignite inférieures à 150 MW ne figurant pas dans le calendrier de fermeture cité ci-dessus, la loi prévoit que la réduction de capacité sera mise en œuvre à l’aide d’enchères. Le mécanisme d’appels d’offres est conçu de telle sorte que l’Allemagne devrait pouvoir éliminer du marché le volume d’émissions de CO2 le plus important au coût le plus bas, tout en évitant la fermeture des centrales qui sont essentielles pour la stabilité du réseau.

Au total, sept appels d’offres sont prévus par l´Agence fédérale des réseaux entre 2020 et 2023, qui concerneront la fermeture de ces centrales, tous les ans jusqu’en 2026. Le huitième appel d’offres initialement prévu en 2027 est abandonné /18/. Les premier et deuxième appels d’offres se déroulant selon une procédure dite abrégée, c’est-à-dire que le volume est fixé par avance par la loi, soit 4 GW de puissance nominale pour 2020 et 1,5 GW pour 2021. À partir du troisième appel d’offres, la puissance nominale nette à réduire annuellement (volume de l’appel d’offres) est calculée à partir de la différence entre la puissance nette activement au réseau et la puissance cible définie pour chaque année. En l´absence d´un calendrier de fermeture précis, le but est une réduction linéaire de la puissance installée des centrales à houille entre 2022 (max 15 GW), 2030 (max. 8 GW) et 2038 (0 GW).

En contrepartie du déclassement, les exploitants recevront une compensation, laquelle sera dégressive. Pour l’appel d’offres de 2020, le montant de soumission maximum est fixé à 165 k€ par MW puissance nette et à 155 k€/MW en 2021 et 2022. Lors du dernier appel d´offres pour la date-objectif de 2026, le montant maximum tombera à 89 k€/MW. Avec un montant de compensation dégressif le gouvernement veut ainsi augmenter la pression sur les exploitants pour participer aux premiers tours.

Le mécanisme d’appels d’offres est conçu de telle sorte que l’Allemagne devrait pouvoir éliminer du marché le volume d’émissions de CO2 le plus important au coût le plus bas, tout en évitant la fermeture des centrales qui sont essentielles pour la stabilité du réseau.

En cas de sursouscription, les exploitants qui ont soumis le montant de soumission le plus bas par tonne de réduction de CO2 se verront généralement attribuer le contrat en premier.

À cette fin, on détermine un indice qui est calculé en divisant le montant de soumission offert par l´exploitant par les émissions historiques annuelles de CO2 de la centrale à houille. Les offres sont classées de manière à ce que l´indice le plus bas soit placé en première position et l’indice le plus élevé en dernière position. Les offres sont attribuées dans l’ordre de ce classement jusqu’à ce que le volume offert pour le déclassement soit atteint.

Tout exploitant d’une centrale qui a obtenu une adjudication a droit au paiement de la compensation à compter de la date d’entrée en vigueur de l’interdiction de brûler de la houille/lignite dans sa centrale.

Afin de garantir la sécurité du réseau, les gestionnaires de réseau de transport examinent quelles centrales ayant reçu une adjudication présentent une importance systémique. Si nécessaire, la centrale sera mise en réserve stratégique. Les centrales en réserve stratégique sont pénalisées d´un « facteur de réseau » lors des appels d’offres.

Les centrales à houille dans le Sud de l´Allemagne (au sud du Main) sont exclues de la participation au premier appel d’offres. Compte tenu du retard sur le développement du réseau de transport, l´arrêt des centrales à houille dans cette région présenterait un risque pour la sécurité du réseau du Sud de l´Allemagne, où réside une partie importante de l’industrie et donc de la consommation électrique.

Les centrales à charbon restantes après le dernier appel d’offres feront l’objet d’une fermeture par ordonnance sans compensation. Ces arrêts réglementaires sont prévus à partir de 2031 en fonction de l’âge : les centrales largement modernisées seront arrêtées plus tardivement ; les petites centrales jusqu’à 150 MW (souvent des centrales en autoconsommation dans l’industrie) seront arrêtées au plus tôt en 2030.

Le règlement n’exclut pas que l’exploitant d´une centrale à houille utilise à l’avenir l’installation ou des parties de l’installation pour produire de l’électricité et/ou de la chaleur à partir d’autres sources d’énergie telles que la biomasse ou le gaz.

Malgré la gageure en termes de communication, la centrale à houille Datteln 4 (1100 MWe) au nord de Dortmund en Rhénanie du Nord-Westphalie a été mise en service /7/.

La  « Commission charbon » avait préconisé qu’une solution soit trouvée avec les exploitants afin que les centrales à houille en construction et n´étant pas encore en service ne puissent plus être raccordées au réseau.

Étant donné que l’autorisation de mise en service de Datteln 4 était déjà accordée en 2017 une décision contraire n’aurait été possible que moyennant le paiement d’énormes indemnités par l´État. Environ 1,5 milliards d’Euros ont été déjà investis par Uniper dans cette centrale.

Selon le ministère fédéral de l’économie et de l´énergie il semble donc plus logique de mettre d’abord hors service des centrales à houille plus anciennes et plus polluantes au lieu de la centrale de Datteln 4, une de centrales à houille les plus modernes et les plus efficaces en Europe.  Aucune émission supplémentaire de CO2 ne serait à prévoir selon le ministère fédéral. Pour compenser les émissions de Datteln 4, le volume offert lors des appels d’offres pour des dates-objectifs de 2023, 2024 et 2025 est augmenté d´un GW par rapport au volume initialement prévu de déclassement de centrales à houille.

Financement de la sortie des centrales à houille/lignite

La sortie du charbon coûtera environ 50 milliards d´Euros mais la facture pourrait encore gonfler.

Aides fédérales des régions touchées par la fermeture des centrales et mines de lignite

Selon /8/ l´emploi direct et indirect dans le secteur du lignite s’élève à 56 000 personnes dans toute l’Allemagne, dont près de 32 000 travaillent dans les régions lignifères.

Selon /8 / l´emploi direct et indirect dans le secteur du lignite s’élève à 56 000 personnes dans toute l’Allemagne, dont près de 32 000 travaillent dans les régions lignitifères.

Adopté par le Conseil des ministres fin août 2019/ 4 , le projet de loi sur les aides fédérales vise un soutien structurel (Strukturstärkungsgesetz) de 40 milliards d’Euros jusqu’en 2038 aux régions lignitifères de la Rhénanie du Nord -Westphalie, du Brandebourg, de la Saxe et de la Saxe-Anhalt en vue de la fermeture de leurs centrales et mines au lignite. La loi est entrée en vigueur le 14 août 2020 /16/.

Le soutien se répartit entre 14 milliards d’Euros d’investissements directs par des régions et 26 milliards d’Euros complémentaires afin de renforcer les économies locales par d’autres mesures, par exemple en développant des programmes de recherche et de financement, en élargissant les projets d’infrastructures de transport ou en implantant des institutions fédérales.

Les régions où les centrales à houille représentent un intérêt économique considérable et qui sont structurellement faibles recevront une aide structurelle pouvant atteindre un milliard d’Euros. Les anciens bassins charbonniers de Helmstedt et d’Altenburger Land recevront chacun jusqu’à 90 millions d’Euros.

Instauration d’un fond d’indemnités par l´État pour les employés du secteur

Les employés âgés d’au moins 58 ans perdant leur emploi dans une centrale ou une mine à ciel ouvert à la suite de la fermeture peuvent recevoir une indemnité d’adaptation. Elle est versée à titre d’allocation de transition pendant cinq ans au maximum jusqu’à la retraite. Sous l´hypothèse d´une utilisation maximale, le coût ainsi que les prestations de retraite complémentaire pourraient s’élever jusqu’à 5 milliards d’Euros sur la période de 2020 à 2048.

Indemnités aux exploitants de centrales à houille/lignite

Pour la fermeture définitive avant 2030 des centrales au lignite de la figure 2, et après la conclusion d’un contrat de droit public ou la prise d’un décret, les exploitants percevraient une indemnité de 4,35 milliards d’Euros. Pour les centrales du bassin rhénan, une indemnité de 2,6 milliards d´Euros serait attribuée à RWE, exploitant de ces centrales. Une indemnité de 1,75 milliard d’Euros reviendrait aux centrales à lignite de Lusace (Allemagne de l’est). Ces centrales sont opérées par LEAG (Lausitz Energie AG) avec siège à Prague.

Les indemnités seraient payées sur 15 ans, à montant constant à compter de la date de la mise hors service ou fermeture définitive de la première tranche de l´exploitant.

Comme déjà mentionné plus haut les centrales à lignite inférieures à 150 MW ne figurant pas dans la liste (figure 2) sont exclues de l´indemnité de fermeture.

Les exploitants des petites centrales de lignite ont une possibilité de recevoir une compensation pour la fermeture définitive de leurs installations s’ils participent aux enchères organisées pour les centrales à houille.

Divers allègements financiers

La loi veut garantir que les prix de l’électricité restent abordables, même dans le contexte de l’abandon progressif de la production d’électricité à partir de houille et lignite. C’est pourquoi l´approvisionnement en électricité à un prix raisonnable est régulièrement contrôlé au moyen d’indicateurs.

Le cas échéant, des mesures appropriées seront prises et, si nécessaire, les appels d’offres pour la mise hors service des centrales à houille seront suspendus.

Une subvention des consommateurs au tarif d´utilisation du réseau serait possible à partir de 2023.

Les entreprises électro-intensives qui sont dans une situation de concurrence internationale peuvent recevoir une subvention annuelle appropriée à partir de 2023 pour les soulager de l’accroissement des coûts.

De plus le gouvernement avait déjà promis dans le cadre du programme de protection du climat 2030 / 9/ une baisse de la taxe de soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) payée par les consommateurs. Le principe : si les recettes provenant du prix carbone augmentent, le prix de l’électricité sera davantage réduit.

Impact sur le climat

Pour que la mesure de sortie prématurée de la production à base de houille/lignite en Allemagne ait également un effet positif sur l’Europe, la loi contient une disposition qui permet de retirer les quotas d’émission « libérés » du marché.  En effet, pour obtenir une réduction des émissions de CO2 en Europe il faudrait empêcher l´achat des quotas libérés par d´autres entités. La décision sur la suppression des certificats sera prise dès que possible après l´arrêt définitif de chaque centrale.

Quid de la sécurité d´approvisionnement ?

Deux piliers de la production d’électricité conventionnelle seront supprimés dans les années à venir avec l’abandon progressif de la production d’électricité à base de houille/lignite et du nucléaire.

D´ici fin 2022, la sortie du nucléaire et le plafonnement prévu à 30 GW de la capacité des centrales à houille et lignite feront perdre à l´Allemagne environ 15 GW de moyens pilotables par rapport à début 2020. A l´horizon 2038, donc en moins de 20 ans, plus de la moitié (environ 45 GW) de la capacité conventionnelle actuellement sur le marché de l’électricité sera arrêtée.

Au cours de cette transformation, des défis majeurs se manifesteront pour le maintien de la sécurité d’approvisionnement en Allemagne et en Europe. La question est de savoir si l’Allemagne doit être en mesure de satisfaire ses besoins d´électricité dans toutes les situations qui se présentent et dans quelle mesure les importations en provenance de l’étranger peuvent être considérées comme sûres dans des situations critiques (par exemple, un épisode prolongé de production éolienne et solaire quasi nulle, combinée à une demande d´électricité accrue de fin d´automne ou en hiver).

L’Agence fédérale des réseaux sera chargée de surveiller en continu à partir de 2021 que la sécurité de l’approvisionnement soit garantie.

Si lors des 4 examens prévus par le gouvernement la réduction des capacités démontrait une incidence sur la sécurité d’approvisionnement, des mesures appropriées seraient immédiatement prises.

Une mesure pourrait, par exemple, être l’accroissement de la capacité de « réserve de sécurité » ou de « réserve de soutien du réseau » qui pourrait être mobilisée en cas de besoin. Cela serait vraisemblablement nécessaire pour que les gestionnaires de réseau disposent d´une capacité suffisante de centrales capables de démarrer en autonome (black start) dans le but de reconstituer le réseau après un effondrement total (black-out).

En outre, avant chaque appel d´offres, un contrôle sera effectué pour déterminer si le volume d´appel d’offres destiné à la fermeture est compatible avec la sécurité d’approvisionnement.

En dernier recours, la fermeture de centrales à houille pourrait être suspendue et partiellement ou totalement reportée.

Environ trois quarts des centrales à houille produisent non seulement de l´électricité mais aussi de l´énergie pour le chauffage urbain des zones résidentielles avoisinantes. C´est pourquoi la loi sur la cogénération sera modifiée parallèlement à la loi de sortie du charbon afin que sa contribution soit assurée et renforcée dans le secteur de l’électricité et de la chaleur.  L’objectif de cette modification est d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix et de convertir les centrales de cogénération à charbon vers d’autres sources d’énergie.

La fédération allemande du secteur de l’énergie et de l’eau (BDEW) attire l´attention sur le fait qu´il faudrait construire environ 17 GW de centrales à cogénération au gaz d´ici 2030 pour garantir la sécurité d´approvisionnement dans le secteur de l’électricité et de la chaleur /10/.

Dans le projet révisé du plan de développement des réseaux de transport à l´horizon de 2030,  /11/, les gestionnaires des réseaux de transport (GRT) partent de l’hypothèse que la consommation d’électricité pourrait augmenter d’environ 100 TWh par rapport à 2019 et que la puissance de pointe pourrait passer de 82 actuellement à environ 100 GW en raison de nouveaux consommateurs tels que les véhicules électriques, les pompes à chaleur ou des installations « power-to-gas ».

Les GRT ont également identifié, suite à l´arrêt prévu des grandes unités de centrales conventionnelles, une demande de puissance réactive de 38 à 74 GVar d’ici 2030 /12/. Selon les  GRT il faudrait couvrir cette demande en construisant de nouveaux équipements tels que des condensateurs,  des FACTS et des compensateurs synchrones.

Selon le dernier rapport de 2019 du ministère de l´économie et de l´énergie  /13/, la sécurité d´approvisionnement ne serait pas en péril à l´horizon 2030.  L´Allemagne continuerait de bénéficier d’un très haut niveau de sécurité d’approvisionnement au niveau international. L´expertise tient compte de divers scénarios, tels que les différentes conditions météorologiques ou les effets des arrêts imprévus de centrales électriques, y compris la sortie progressive des centrales à charbon/lignite.

Malgré une réduction significative des moyens pilotables conventionnels (environ 80 à 90 GW) dans les pays voisins, le marché européen de l’électricité continuerait à garantir jusqu´à 2030 un degré élevé de sécurité d’approvisionnement et les consommateurs allemands seraient approvisionnés de manière fiable à tout moment.

Références

/1/ Allemagne-Energies (2019) : Allemagne : Une sortie du charbon préconisée d’ici 2038, En ligne : https://allemagne-energies.com/2019/01/27/allemagne-une-sortie-du-charbon-preconisee-dici-2038/

 /2/ BMWi (2020), Kabinett beschließt Kohleausstiegsgesetz, communiqué de presse du 29.1.2020, En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2020/20200129-kabinett-beschliesst-kohleausstiegsgesetz.html

/3/ BMWi (2020) Kohleausstieg und Strukturwandel, En ligne :https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Artikel/Wirtschaft/kohleausstieg-und-strukturwandel.html

/4/ Allemagne-Energies (2019) : Le Conseil des ministres allemand approuve le projet de loi sur les aides fédérales pour accompagner la sortie du charbon, En ligne : https://allemagne-energies.com/2019/09/01/le-conseil-des-ministres-allemand-approuve-le-projet-de-loi-sur-les-aides-federales-pour-accompagner-la-sortie-du-charbon/

/5/ BNetzA (2019) : Kraftwerksliste, En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/kraftwerksliste-node.html

/6/ BMWi (2020) communiqué de presse du 16. 01. 2020 , Bund-/Länder-Einigung zum Kohleausstieg, En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Downloads/B/bund-laender-einigung-zum-kohleausstieg.pdf?__blob=publicationFile&v=8

/7/ Allemagne-Energies (2019) La mise en service éventuelle d´une nouvelle centrale à charbon en Rhénanie-Westphalie est une pierre d’achoppement, En ligne : https://allemagne-energies.com/2019/11/08/la-mise-en-service-eventuelle-dune-nouvelle-centrale-a-charbon-en-rhenanie-westphalie-est-une-pierre-dachoppement/

 /8/ RWI (2018) : Leibniz-Institut für Wirtschaftsforschung, Strukturdaten für die Kommission „Wachstum, Strukturwandel und Beschäftigung“, Projektbericht für das Bundesministerium für Wirtschaft und Energie (BMWi), Projektnummer 21/18, En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Publikationen/Studien/strukturdaten-der-kommission-wachstum-strukturwandel-und-beschaeftigung.pdf?__blob=publicationFile&v=4

/9/ Allemagne-Energies (2019) : Le parlement allemand adopte le programme de protection du climat 2030, En ligne : https://allemagne-energies.com/2019/12/29/le-parlement-allemand-adopte-le-programme-de-protection-du-climat-2030

 /10/ BDEW (2020), communiqué de presse du 04.02.2020 : BDEW zum heute stattfindenden Spitzengespräch Steinkohle. Heute findet im Bundeswirtschaftsministerium auf Anregung des Bundesverbandes der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW) ein Spitzengespräch zu den Regelungen für Steinkohlekraftwerke im Rahmen des Kohleausstiegsgesetzes statt, En ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/bdew-zum-heute-stattfindenden-spitzengespraech-steinkohle/

/11/ BnetzA (2020), communiqué de presse du 17. 01. 2020, Bundesnetzagentur beteiligt Öffentlichkeit am Szenariorahmen Strom 2021-2035, En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Presse/Pressemitteilungen/2020/20200117_Szenariorahmen.pdf?__blob=publicationFile&v=2

/12/ Netzentwicklungsplan Strom (2019), Bewertung der Systemstabilität, Begleitdokument zum Netzentwicklungsplan Strom 2030,Version 2019, zweiter Entwurf, En ligne : https://www.netzentwicklungsplan.de/sites/default/files/paragraphs-files/NEP_2030_V2019_2Entwurf_Systemstabilitaet_1.pdf

/13/ BMWi (2019) : Definition and monitoring of security of supply on the European electricity markets, Project No. 047/16, En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/EN/Publikationen/Studien/definition-and-monitoring-of-security-of-supply-on-the-european-electricity-markets-from-2017-to-2019.html

/14/ BMWi (2020), Generationenprojekt Kohleausstieg final beschlossen, communiqué de presse du 3.7.2020, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2020/20200703-generationenprojekt-kohleausstieg-final-beschlossen.html

/15/ BMWi (2020) Gesetz zur Reduzierung und zur Beendigung der Kohleverstromung und zur Änderung weiterer Gesetze (Kohleausstiegsgesetz), 14.08.2020, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/kohleausstiegsgesetz.html

/16/ BMWi (2020) Strukturstärkungsgesetz Kohleregionen, 14.08.2020, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/strukturstaerkungsgesetz-kohleregionen.html

/17/ OFATE (2020) Lois allemandes sur l’arrêt définitif du charbon et sur le renforcement structurel, Septembre 2020, en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/memo-sur-les-lois-allemandes-relatives-a-larret-definitif-du-charbon-et-au-renforcement-structurel-6864.html

/18/ BMWi, BMU (2020) Europäische Kommission genehmigt Steinkohle-Ausstieg, Gemeinsame Pressemitteilung mit dem Bundesministerium für Wirtschaft und Energie und dem Bundesministerium der Finanzen vom 25.11.2020, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2020/11/20201125-europaeische-kommission-genehmigt-steinkohle-ausstieg.html