Le baromètre de McKinsey de septembre 2023 – Seuls 6 sur 15 critères de la transition énergétique allemande empruntent la bonne trajectoire  

Temps de lecture : 10 minutes

Depuis 2012, McKinsey publie un baromètre semestriel pour analyser la progression de la transition énergétique allemande. Le cabinet s’appuie sur trois critères : la sécurité d’approvisionnement, l’économie et la protection de l’environnement et du climat. Le cabinet évalue 15 critères au regard des objectifs fixés par l’Allemagne à l’horizon de 2030.

Le baromètre actuel (septembre 2023) de McKinsey /1/ montre que 6 des 15 critères étudiés empruntent la bonne trajectoire, pour 4 critères la réalisation semble incertaine et pour 5 critères la réalisation des objectifs est considérée comme « irréaliste ».

De plus, McKinsey consacre ce baromètre à la nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène du gouvernement allemand décidée en juillet 2023 /2/.

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Le baromètre de la transition énergétique allemande de McKinsey

Six indicateurs sont au vert

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent notamment l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité. Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est au premier semestre 2023 avec 52,3% en hausse par rapport au deuxième semestre 2022 (46%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité /3/.

L’objectif d’étape de 45,7% étant dépassé, une part de 80% dans la consommation intérieure brute d’ici 2030 semble réalisable.

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale

La part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale a atteint 20,4% au premier semestre 2023 et progresse légèrement par rapport au deuxième semestre 2022 (19,2%). Une part de 30% est actuellement visée en 2030.

Cependant les États de l´Union européenne et les eurodéputés se sont accordés en mars 2023 sur un nouvel objectif d´une part d´au moins 42,5% des énergies renouvelables dans la consommation énergétique à l´horizon de 2030 avec l’espoir de parvenir à 45 % /4/ : cela pourrait conduire à une révision à la hausse de l´objectif de l´Allemagne.

Indicateur : niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées

Le niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées (càd celles qui ne sont pas électro intensives), s’est amélioré malgré un prix moyen de gros sur le marché journalier toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.

Cela s’explique par la méthode de calcul de l’indicateur qui évalue les prix de l’électricité des industries non privilégiées par rapport à la moyenne européenne : si les prix dans les autres pays européens augmentent plus fortement qu’en Allemagne l’indicateur s’améliore. Actuellement le prix de l’électricité pour les industries non privilégiées se situe 1,4% en dessous de la moyenne européenne, alors qu’au deuxième semestre 2022 il était encore 3,5% au-dessus de la moyenne européenne.

Indicateurs : coupures de courant non prévues, capacités d’importation disponibles et nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent également : la durée moyenne en minutes d’interruption de l’approvisionnement d’électricité d’un consommateur final pendant une période considérée (SAIDI – System Average Interruption Duration Index), les capacités d’importation disponibles dans les pays voisins ainsi que le nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables de 344 100 actuellement (objectif 2030 : 322 100).

Quatre indicateurs dont la réalisation semble incertaine à l’horizon de 2030

Indicateur : le prix de l’électricité des ménages

Parmi les 4 indicateurs dont la réalisation semble incertaine figure le prix de l’électricité des ménages qui, en juin 2023, était 31% plus élevé que la moyenne européenne contre 28,5% en décembre 2022. La raison en est que la baisse des prix de gros a été répercutée souvent plus rapidement aux clients finaux à l’étranger et que le « bouclier tarifaire » mis en place en Allemagne a eu un effet moins important que prévu.

Indicateur : émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre se situeraient à 746 Mt CO2éq en 2022 soit 14 Mt CO2éq de moins qu’en 2021 /5/. Le rythme de réduction n’est pas encore suffisant pour atteindre la cible nationale de 65% de réduction d’ici 2030 (438 Mt CO2éq) par rapport à 1990. Il faudrait une réduction de 44 Mt CO2éq par an à partir de maintenant pour atteindre cet objectif.

Selon le rapport des experts sur les questions climatiques /6/, même si toutes les mesures sont mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baissent pas assez vite et environ 200 Mt CO2éq se seront accumulées en trop d’ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat. Le gouvernement doit agir pour combler l´écart restant par rapport aux objectifs.

Indicateur : consommation d’énergie primaire

La consommation d’énergie primaire s’élève à 11.769 PJ (3.269 TWh) en 2022 ce qui correspond à une réalisation de seulement 83 % de l’objectif d’étape (11.216 PJ). En anticipant la nouvelle directive européenne relative à l´efficacité énergétique, le gouvernement allemand vise maintenant une réduction d´au moins 39,3% d´ici 2030 par rapport à 2008, soit 2252 TWh /7/.

Indicateur : capacité de réserve de moyens pilotables

La capacité de réserve de moyens pilotables a baissé de 17% par rapport au deuxième semestre 2022 suite à l’arrêt des dernières centrales nucléaires en avril 2023. L’indicateur est atteint à 100 % lorsque la capacité garantie de moyens pilotables permet de couvrir la demande pendant 99,94 % du temps.

Selon la méthode de calcul employée par McKinsey, la marge de réserve de moyens pilotables a baissé à 5,0% en 2023 contre 9,2% en 2022. Suite à la fermeture attendue de centrales à charbon il faudrait s’attendre à une dégradation supplémentaire de la marge dès 2024. 

Cinq indicateurs sont au rouge

Indicateur : électromobilité dans le secteur des transports

En avril 2023, l’Allemagne comptait au total près de 2 millions de véhicules électriques, mais 4,2 millions auraient été nécessaires pour rester dans la bonne trajectoire.

A partir de maintenant il faudrait 1 million de nouvelles immatriculations de véhicules électriques par semestre pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures en 2030, or, jusqu’à présent, les nouvelles immatriculations par semestre n’atteignent même pas les 400 000.

Indicateur : coûts d’équilibrage du réseau de transport

Les coûts d’équilibrage sur le réseau de transport ont augmenté depuis le dernier baromètre de McKinsey passant de près de 22 € par MWh à plus de 24 € par MWh. On s’éloigne de plus en plus du seuil fixé par le cabinet de 1 € par MWh.

Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport. La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associée à des prix élevés de gros, cf. /8/.

Indicateur : développement du réseau de transport

L’objectif de développement du réseau (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) est évalué par McKinsey à 11.720 km à l´horizon de 2030. Fin 2022 seuls 2.458 km ont été réalisés alors que la valeur cible pour fin 2022 est avec 5553 km de plus du double.

Des progrès ont tout de même été réalisés au sujet des procédures d’autorisation : alors qu’entre 2019 et 2021, seules ~150 km de lignes ont été approuvés par semestre, en 2022 c’était près de 500 km par semestre. Bien que l’atteinte de l’objectif pour 2030 soit toujours jugée irréaliste par McKinsey on peut donc espérer une certaine accélération du développement du réseau.

Indicateur : coûts d’énergie des ménages

L’indicateur mesure la part des coûts de l’énergie (électricité, gaz, mazout, carburants et autres combustibles) dans le panier de consommation en se basant sur l’indice des prix à la consommation. L’objectif est considéré comme atteint si une part de 10,1% n’est pas dépassée.

La part des couts de l’énergie énergétique des ménages dans le panier de consommation s’élève à 12,7%. Les coûts de l’énergie pour les ménages continuent d’évoluer de manière insatisfaisante : la réalisation de l’objectif d’une part de 10,1% reste donc irréaliste.

Indicateur : chaleur et froid produits à partir d´énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables dans la consommation d´énergie finale du secteur de chaleur et de froid a été peu dynamique dans les dernières années. Leur part à la consommation finale atteint 17,4% en 2022.

Pour atteindre l’objectif d’une part de 50% en 2030, une part de 20,2% des énergies renouvelables au premier semestre 2023 aurait été nécessaire pour rester dans la bonne trajectoire.

Le recours à l’hydrogène est incontournable si l’Allemagne veut atteindre la neutralité carbone

Le gouvernement allemand a présenté en juillet 2023 sa nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène /9/, qui avait été élaborée pour la première fois trois ans plus tôt /7/.

En 2030, le besoin en hydrogène « vert » (ou au moins en hydrogène à faible teneur en carbone) est maintenant estimé à 1,2 – 2,2 millions de tonnes, outre la demande déjà existante d’hydrogène « gris » d’environ 1,6 million de tonnes.

Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement d’une capacité d’électrolyse nationale. C’est pour cela qu’il est prévu de construire une puissance de 10 GW d´électrolyseurs d’ici 2030.

Pour le transport le gouvernement prévoit de mettre en place d´ici 2027/2028 un réseau de démarrage national de l´hydrogène avec plus de 1.800 km de pipelines reconvertis et nouvellement construits.

Toutefois, les capacités nationales de production étant insuffisantes, une grande partie de la demande en hydrogène sera couverte par des importations.

Dans cadre du projet H2GLOBAL visant à positionner l’Europe comme leader mondial, technologique et industriel, sur le marché de l’hydrogène décarboné, il est prévu de conclure des contrats sur le marché mondial pour son approvisionnement. Ensuite l’hydrogène sera vendu à des prix économiquement raisonnables aux plus offrants au niveau national. La différence entre le prix d’achat et le prix de vente sera compensée par un mécanisme de soutien de l’État.

Le Ministère de l’économie et de la protection du climat prévoit actuellement un soutien de plus de 4 Mrds. €.

Retenus en tant que Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC ou IPCEI en anglais), des projets nationaux liés à la chaine de valeur de l’hydrogène pourraient également bénéficier d’aides publiques.

Grâce à ces aides publiques les décideurs politiques espèrent faire décoller le marché de l’hydrogène d’ici 2030, d’abord au niveau national et ensuite au-delà.

Un coup de pouce financier est certes une étape importante mais ne saurait suffire à faire décoller l’économie de l’hydrogène en Allemagne. Les parties prenantes – producteurs, fournisseurs et acheteurs – auront également besoin de données fiables sur les quantités d’hydrogène « vert » potentiellement disponibles et sur le prix auquel il sera négocié à l´avenir.

Bien que le prix de production d’hydrogène soit censé diminuer, les prix de production d’hydrogène « vert » en Allemagne se situeraient en 2030 entre 6,50 et 8,50 €/kg selon McKinsey.

Selon les analyses de McKinsey, l’hydrogène « vert » pourrait être importé à moindre coût d’Afrique du Nord par pipeline ou par des régions plus éloignées par bateau, car la production d’électricité à partir d’énergie éolienne ou solaire y est moins chère qu’en Allemagne.

Bien que les deux modes de transport entraînent des coûts supplémentaires, l´hydrogène « vert » importé serait avec un prix d’environ 3,50 à 5,50 €/kg toujours moins cher que celui produit au niveau national. L’hydrogène « bleu » (à base de gaz naturel avec captage de CO2) en provenance des États-Unis ou de Norvège pourrait même atteindre un prix de 2,50 à 3 €/kg selon le cabinet McKinsey.

La nouvelle stratégie du gouvernement en matière d’hydrogène présentée en juillet 2023 est une étape importante. Il s’agit maintenant de la mettre en œuvre.

Références

/1/ McKinsey (2023) Energiewende-Index, Septembre 2023, en ligne : https://www.mckinsey.de/branchen/chemie-energie-rohstoffe/energiewende-index

/2/ Vahlenkamp,T. et al. (2023) Wie Deutschland zur Wasserstoffrepublik werden kann, en ligne : ewi_september 2023

/3/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/02/allemagne-les-energies-renouvelables-sont-la-principale-source-dans-le-mix-electrique-au-premier-semestre-de-2023/

/4/ Parlement européen (2023a) Énergies renouvelables. Fiches thématiques sur l’Union européenne. Parlement européen. En ligne : https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/70/energies-renouvelables

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ Expertenrat für Klimafragen (2023) Stellungnahme zum Entwurf des Klimaschutzprogramms 2023. Gemäß § 12 Abs. 3 Nr. 3 Bundes-Klimaschutzgesetz. Expertenrat für Klimafragen. En ligne : https://expertenrat-klima.de/.

/7/ Allemagne Energies (2023) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/8/ Allemagne Energies (2023) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/

/9/ BMWK (2023) Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie, NWS 2023, 26.07.2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/fortschreibung-nationale-wasserstoffstrategie.html

/10/ H2Global Stiftung (2023) Shaping the global energy transition, en ligne : https://www.h2-global.de/

Le baromètre 9/2020 de McKinsey – COVID – 19 : Frein ou accélérateur de la transition énergétique ?

Temps de lecture : 9 minutes hors annexe

Bien que le confinement au premier semestre 2020 ait donné un bref répit au changement climatique, la transition énergétique allemande (Energiewende) est néanmoins ralentie par la lutte contre la pandémie. Le développement de l´éolien terrestre et du réseau de transport ne progresse pas, et le nombre d’emplois dans les énergies renouvelables est en baisse. Le baromètre actuel (septembre 2020) de McKinsey de la transition énergétique montre que 8 des 15 indicateurs sont encore réalisables bien que pour 3 indices la réalisation semble incertaine. Pour 2 indicateurs il y a un besoin d’ajustement et pour 5 indicateurs, la réalisation des objectifs est « irréaliste ».

Photo Energiewende-Index Mc Kinsey

Depuis 2012 McKinsey publie un baromètre semestriel pour analyser la progression de la transition énergétique allemande. Le cabinet s’appuie sur les trois critères du triangle énergétique : la sécurité d’approvisionnement, l’économie et la protection de l’environnement et du climat. Le cabinet évalue en permanence jusqu’à maintenant 15 indicateurs sous l’angle de leur progression vers les objectifs prévus pour la transition énergétique /1/, /2/. L´avancement des indicateurs est décrit en détail dans l´annexe.

COVID-19 – Amplificateur de freinage pour la transition énergétique

Même avant la pandémie, la transition énergétique était déjà en perte de vitesse, par exemple en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables ou les investissements dans les technologies durables. La crise sanitaire a renforcé cette tendance négative : au premier semestre 2020, une capacité éolienne de seulement 810 MW a été installée, dont 591 MW d´éolien terrestre et 219 MW d´éolien maritime. Bien que cela représente 50 % de plus que le niveau historiquement bas des nouvelles constructions à la même période l’année dernière, ce n’est que la moitié de la capacité ajoutée au cours du premier semestre 2018. De plus, les nouvelles implantations d´éolien terrestre sont contrebalancées par le démantèlement d’une capacité de 84 MW au cours du premier semestre 2020 /3/, /4/.

Malgré le fait que la part des énergies renouvelables à la consommation brute d’électricité a atteint 50% au premier semestre de 2020 /5/, la faiblesse des cours sur les marchés internationaux de l’énergie suite à la crise sanitaire a rendu l’utilisation des énergies conventionnelles plus attrayante et a ralenti la transition énergétique.

Fin mars, les prix du gaz étaient inférieurs d’un quart et de la tonne CO2 d’un tiers à ceux du début de l’année.

Au cours du premier semestre 2020 la consommation brute d’électricité a baissé de 5,7 % par rapport à la même période de 2019. Entre février et mai 2020, le prix spot de l’électricité s´est effondré /6/. Toutefois, à partir de septembre 2020 un redressement du prix spot moyen est observé, le prix étant plus élevé qu´en septembre 2019 (voir figure 1).

Fig 1 _prix spot 2019_2020
Figure 1 : Evolution des prix spot moyens de l´électricité selon /6/

Une réduction des émissions de gaz à effet de serre d´environ 30% nécessaire d´ici 2030

L´objectif de l’Allemagne est une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d´ici 2020 et de 55 % à l’horizon de 2030 par rapport à 1990.

Conformément aux objectifs, le gouvernement allemand prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d´ici fin 2020 et de 55% d’ici 2030 par rapport à 1990.

Dans l’état actuel des choses, cela signifie qu’il faudrait encore économiser 30 % de gaz à effet de serre et passer de 805 Mt CO2éq en 2019 à 563 Mt CO2éq en dix ans.

Selon les premières estimations, entre la mi-mars et la fin avril, les émissions quotidiennes en Allemagne ont été temporairement jusqu’à 26 % inférieures à celles de l’année précédente ; 15 à 20 Mt CO2éq ont été économisées /2/. Si les émissions devaient rester à ce niveau en permanence, les objectifs climatiques seraient presque atteints d’ici 2030.  C´est irréaliste et serait associé à l´arrêt d´une très grande partie de l’économie. La réduction drastique des émissions au printemps suite à la pandémie n’a été possible que par une restriction tout aussi drastique de la vie socio-économique.

Cette baisse des émissions devrait donc rester temporaire et sera nettement inférieure sur l’année entière. Si l’économie se redresse rapidement, l’effet de la crise sanitaire pourrait même disparaître complètement.

Les « stimulations vertes » du plan de relance de l´économie sont positives mais insuffisantes

Une reprise économique rapide est une condition préalable essentielle pour surmonter les conséquences économiques de la pandémie. Pour soutenir ce processus, le gouvernement allemand a lancé un vaste plan de relance économique de 130 milliards d’euros en juin 2020.

Afin que la protection du climat ne soit pas mise de côté, le plan de relance contient également des « stimulations vertes » ainsi que des mesures visant à promouvoir l’innovation.

L’éventail des mesures concrètes va du développement de l’énergie solaire et éolienne à l’électrification des secteurs des transports et du chauffage & refroidissement, en passant par la promotion des technologies de l’hydrogène vert.

Selon M. McKinsey, les stimulations vertes du plan de relance soutiennent la protection du climat mais elles ne sont pas suffisantes pour accélérer suffisamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs.

Secteur énergétique

Jusqu’à présent, le secteur énergétique est le principal contributeur à la réduction des émissions des gaz à effet de serre.  D’ici 2030, le secteur doit économiser de l´ordre de 7 Mt CO2eq par an pour atteindre l’objectif sectoriel (175 Mt CO2éq). Si l’on considère l’évolution depuis 2010, les entreprises ont atteint et dépassé depuis longtemps ce taux de réduction. La sortie progressive du charbon contribuera à elle seule de manière significative à la réduction des émissions d’ici 2030. En outre, le cadre du plan de relance économique ouvre désormais la voie à un développement accru de l’énergie solaire et de l´éolien maritime. Toutefois, pour l´éolien terrestre – filière de production renouvelable la plus importante –  des efforts supplémentaires sont nécessaires pour atteindre l’objectif de 2030.

Secteur industriel

Les émissions du secteur industriel devraient être réduites de plus de 4 Mt CO2éq par an pour atteindre l´objectif de 140 Mt CO2éq en 2030. L’effort réel nécessaire est encore plus important si l’on considère que la croissance économique future augmentera encore les émissions. Depuis 2010 les émissions de l´industrie n’ont diminué que de 188,2 Mt (2010) à 187,6 Mt CO2éq (2019), voir figure 2 /7/.

En dehors de la promotion des technologies de l’hydrogène vert, le plan de relance économique ne prévoit pas encore d’incitations suffisantes pour la réduction des émissions dans le secteur industriel.

Secteur des transports

Le secteur des transports doit économiser plus de 6 Mt par an pour atteindre l´objectif de 95 Mt CO2éq en 2030. Jusqu’à présent, cependant, peu de progrès ont été observés. Au contraire : au cours de la dernière décennie, les émissions sont en fait passées de 153 Mt en 2010 à 163 Mt CO2éq en 2019. C’est là que le plan de relance économique du gouvernement pourrait faire accélérer  la mise en place de véhicules électriques et la création d’infrastructures de recharge.

Secteur bâtiment, chaleur & refroidissement

Par rapport au secteur des transports, l’objectif 2030 du secteur bâtiment, chaleur & refroidissement est avec 70 Mt CO2éq bien inférieur, ce qui conduit à un taux de réduction de 5 Mt CO2éq par an. Cependant, entre 2010 et 2019 la réduction d’émissions n´a même pas atteint les 27 Mt CO2éq. Il y a encore beaucoup de rattrapage à faire. Malgré les subventions gouvernementales, la grande percée en termes de rénovation de bâtiments n’a pas encore eu lieu. Le taux de rénovation stagne à environ 1 % par an, alors qu’il faudrait au moins 1,5 % pour atteindre les objectifs climatiques de 2030. Dans ce secteur en particulier, l’Allemagne a perdu un temps précieux au cours de la dernière décennie.

Fig 2_Emissions par secteur 2010_2030

Annexe : Baromètre semestriel de septembre 2020 : vue d’ensemble des indicateurs

Augmentation de la part des énergies renouvelables, diminution des émissions de gaz à effet de serre : à première vue, le bilan actuel de la transition énergétique est assez positif. Mais, à y regarder de près, il faudrait agir dans de nombreux domaines. Le baromètre actuel (septembre 2020) de McKinsey de la transition énergétique montre que 8 des 15 indicateurs sont encore réalisables bien que pour 3 indices la réalisation semble incertaine. Pour 2 indicateurs il y a un besoin d’ajustement et pour 5 indicateurs, la réalisation des objectifs est « irréaliste ».

Annexe Indicateurs realise_1
Tableau 1 : Indicateurs dont la réalisation semble réaliste

Annexe Indicateurs realise_11
Tableau 1 suite

Annexe Indicateurs realise_2
Tableau 2 : Indicateurs dont la réalisation est incertaine

Annexe Indicateurs realise_3
Tableau 3 : Indicateurs demandant un ajustement

Annexe Indicateurs realise 4
Tableau 4 : Indicateurs dont la réalisation semble irréaliste

Annexe Indicateurs realise 41
Tableau 4 suite

Références

/1/ McKinsey (2020), Energiewende-Index, Septembre 2020, en ligne : https://www.mckinsey.de/branchen/chemie-energie-rohstoffe/energiewende-index

/2/ McKinsey (2020), T. Vahlenkamp et al., COVID-19: Bremser oder Beschleuniger der Energiewende? Energiewirtschaftliche Tagesfragen 70. Jg. (2020) Heft 9, en ligne : https://www.mckinsey.de/~/media/mckinsey/locations/europe%20and%20middle%20east/deutschland/news/presse/2020/2020-09-03%20energiewende-index/et_ewi_september%202020.pdf

/3/ Deutsche Windguard (2020), Status des Offshore-Windenergieausbaus in Deutschland, Erstes Halbjahr 2020, en ligne : https://www.windguard.de/id-1-halbjahr-2020.html

/4/ Deutsche Windguard (2020), Status des Windenergieausbaus an Land in Deutschland, Erstes Halbjahr 2020, en ligne :  https://www.windguard.de/id-1-halbjahr-2020.html

/5/ Allemagne-Energies (2020), Allemagne : la part des énergies renouvelables à la consommation brute d’électricité atteint 50% au premier semestre de 2020, en ligne : https://allemagne-energies.com/2020/07/05/allemagne-la-part-des-energies-renouvelables-a-la-consommation-brute-delectricite-atteint-presque-50-au-premier-semestre-de-2020/

/6/ Bundesnetzagentur (2020), SMARD, Strommarktdaten, en ligne : https://www.smard.de/home/strommarkt-aktuell/strommarkt

/7/ Umweltbundesamt (2020), Gemeinsame Pressemitteilung von Umweltbundesamt und Bundesministerium für Umwelt, Naturschutz und nukleare Sicherheit, Treibhausgasemissionen gingen 2019 um 6,3 Prozent zurück, Große Minderungen im Energiesektor, Anstieg im Gebäudesektor und Verkehr, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/treibhausgasemissionen-gingen-2019-um-63-prozent

/8/ Bundesnetzagentur (2020), Versorgungsunterbrechungen Strom 2019, communiqué de presse du 22.10.2020, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2020/20201022_SAIDIStrom.html?nn=265778