Le rapport accablant de la Cour Fédérale des Comptes sur la transition énergétique

Temps de lecture : 12 minutes

Il semble que la Cour Fédérale des Comptes, organe indépendant de contrôle financier et l’une des plus hautes autorités fédérales, soit indispensable non seulement pour identifier le véritable état de la transition énergétique en Allemagne, mais aussi pour la présenter sans fard.

Dans son rapport spécial publié en mars 2024 /1/, l’autorité délivre un constat tout à fait accablant pour la politique énergétique allemande : le tournant énergétique n’est pas sur le bon cap, l’Allemagne est en retard par rapport à ses objectifs ambitieux.

Le rapport contraste fortement avec les déclarations sur le site web du Ministre Fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck (Les Verts), où l’on peut lire « Notre tournant énergétique : sûr, propre, abordable ».

Selon la Cour Fédérale des Comptes, les mesures prises jusqu’à présent sont insuffisantes. Le gouvernement fédéral serait en retard dans le développement des énergies renouvelables et des réseaux électriques ainsi que sur le calendrier de construction de nouvelles centrales électriques bas carbone en back-up pour pallier la variabilité de la production des énergies renouvelables telles que l’éolien et le photovoltaïque.

A cela s’ajoutent des lacunes sur l’évaluation des répercussions du tournant énergétique sur le paysage, la nature et l’environnement et l’absence de concept contre les prix élevés de l’électricité. Le gouvernement fédéral manque d’un monitoring efficace pour piloter la transition énergétique prenant en compte tous les objectifs (sécurité d’approvisionnement, accessibilité financière, protection de l’environnement).

Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement fédéral doit impérativement changer de stratégie. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour Fédérale des Comptes pour remédier aux déficits mis en évidence.

Fig 1 Nicht auf Kurs
Figure 1 : La transition énergétique allemande n’est pas sur le bon cap /Source : Cour Fédérale des Comptes

Sommaire

Contexte de départ

Sécurité d’approvisionnement en électricité

  • Développement des énergies renouvelables
  • Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup
  • Développement du réseau de transport
  • Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité

Abordabilité financière (prix de l´électricité)

Respect de l’environnement

Conclusion

Références

Contexte de départ

La Cour Fédérale des Comptes a déjà audité à plusieurs reprises la mise en œuvre du tournant énergétique. La dernière fois, en 2021, elle avait recommandé d’améliorer le suivi de la sécurité d’approvisionnement et de réformer fondamentalement le système de prix de l’électricité /2/. Dans le cas contraire, elle estimait que l’Allemagne risquait de perdre sa compétitivité économique et de voir diminuer l’acceptation sociétale de la transition énergétique.

La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a augmenté les défis. Le gouvernement fédéral a réagi à cette situation par de nombreuses mesures, entre autres par l’accélération du développement des énergies renouvelables et l’objectif d’une production d’électricité de presque 100% à partir des énergies renouvelables à l’horizon de 2035.

Ces mesures devraient non seulement contribuer à la protection du climat, mais aussi réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles. Le gouvernement fédéral maintient la sortie anticipée de la production d’électricité à partir du charbon à l’horizon de 2030 et a fait arrêter définitivement les trois dernières centrales nucléaires en avril 2023.

La Cour Fédérale des Comptes a saisi l’occasion de ces développements pour vérifier si le gouvernement met en œuvre le tournant énergétique conformément aux objectifs de la politique énergétique. Le rapport tient compte de la prise de position commune du Ministère Fédéral de l’Économie et de la Protection du climat (BMWK) et du Ministère Fédéral de l’Environnement (BMUV).

Sécurité d’approvisionnement en électricité

La transition énergétique représente des défis tant pour la mise à disposition du besoin en électricité que pour son acheminement via les réseaux électriques.

Développement des énergies renouvelables

L’approvisionnement en énergies renouvelables variables nécessite un effort particulier, car, contrairement aux centrales conventionnelles, elles sont soumises à des variations journalières et saisonnières ainsi qu’aux conditions météorologiques. Elles ne fournissent pas de puissance garantie (photovoltaïque) ou seulement dans une faible mesure (éolien), cf. figure 2.

Fig 2 Geringe gesicherte Leistung
Figure 2 : Puissance garantie par les énergies renouvelables variables et les centrales conventionnelles

Les charges flexibles et les moyens de stockage d’électricité contribuent à la sécurité d’approvisionnement. Les moyens de stockage sont toutefois soumis à des restrictions (techniques) et ne peuvent donc pas compenser à eux seuls les périodes prolongées de faible production des énergies renouvelables variables.

Suite au constat que le développement des éoliennes était encore loin d’être suffisant pour s’aligner sur la trajectoire cible de la loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023) un deuxième paquet de mesures a été décidé /3/ qui devrait déployer ses effets à partir de 2023.

Il a toutefois été constaté que la trajectoire de développement de l´éolien terrestre, en particulier, n’est pas conforme à la Loi sur les énergies renouvelables. La Loi a stipulé pour 2023 la mise en adjudication d’un volume de 12.840 MW mais seule environ la moitié de ce volume a été attribuée.

En outre, l’objectif intermédiaire de 2023 pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables n’a pas été atteint, soit 272 TWh bruts au lieu de l’objectif de 287 TWh visés par la Loi (§4a Strommengenpfad).

Le gouvernement doit veiller à ce que les énergies renouvelables soient développées conformément aux trajectoires fixées par la loi.

Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup

La puissance installée des énergies renouvelables n’a cessé d’augmenter, tandis que la puissance des centrales conventionnelles pilotables a diminué. Toutefois, un approvisionnement sûr en électricité avec un système électrique reposant en majorité sur des énergies renouvelables variables exige en parallèle des moyens de production fournissant une puissance garantie et pilotable.

La Cour des Comptes a constaté que le calendrier de construction de moyens pilotables en backup ne pourra probablement pas être respecté. En outre, la conception d’un mécanisme de capacité, annoncé par le gouvernement, n’a pas encore eu lieu. Il n’est donc pas garanti que la capacité nécessaire de moyens pilotables en backup soit disponible à temps.

Développement du réseau de transport

L’émergence de nouveaux usages de l’électricité et notamment le fort développement des énergies renouvelables rendent aussi nécessaire le développement et la modernisation des réseaux.

Le besoin en réseau de transport (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) a été évalué à environ 14.000 km à l´horizon de 2035. À la fin du troisième trimestre 2023, 2.695 km de lignes, soit seulement 19,3%, avaient été réalisés.

Selon la Cour des Comptes, le développement du réseau de transport accuse donc un retard considérable par rapport à la planification, soit environ sept ans et presque 6.000 km de lignes, cf. figure 3.

Fig 3 Ziele Netzausbau
Figure 3 : Ecart entre le développement planifié et réalisé du réseau de transport au 3e trimestre 2023

Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité

Le régulateur (Agence Fédérale des Réseaux) doit surveiller en permanence la sécurité d’approvisionnement en électricité en accord avec le Ministère Fédéral de l’Énergie et de la Protection du Climat (BMWK).

Le dernier rapport monitoring sur la sécurité d´approvisionnement en électricité, publié en février 2023, considère les années 2025 à 2031 (voir aussi /4/ chapitre « Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité à l’horizon de 2030/31 »).

Le régulateur arrive au résultat que, sous certaines hypothèses de base, le critère de sécurité d’approvisionnement serait respecté dans la période de 2025 à 2031 avec des marges confortables.

Pourtant, la Cour des Comptes estime que les hypothèses utilisées pour évaluer la sécurité d’approvisionnement sont irréalistes car le régulateur se base sur un « best case » improbable. Les auditeurs reprochent au Ministère Fédéral de l’Économie et au régulateur (l’Agence Fédérale des Réseaux) de faire preuve d’une irresponsabilité sans précédent. Selon la Cour des Comptes, le ministère accepterait que les risques pour la sécurité d’approvisionnement ne soient pas détectés à temps et que les actions nécessaires soient identifiées trop tard. Ainsi, l’objectif du monitoring en tant que système d’alerte anticipé pour identifier des besoins d’action est actuellement de facto invalidé.

Le régulateur a rejeté les critiques de la Cour des Comptes. Mais cela ne convainc pas la Cour des Comptes : selon le Code de l’énergie, l’analyse de la sécurité d’approvisionnement doit reposer sur des scénarios de référence appropriés. Des hypothèses manifestement improbables ne remplissent pas ces exigences. Les hypothèses de base, concernant notamment le développement des énergies renouvelables et des réseaux, doivent prendre en compte plusieurs scenarios. La supposition que le développement des énergies renouvelables et des réseaux soit conforme au planning ne correspond pas à la réalité : ni le développement des énergies renouvelables ni celui des réseaux électriques ne sont actuellement sur la trajectoire cible.

Selon la Cour des Comptes, le régulateur doit envisager différents scénarios en tenant compte de différentes probabilités de concrétisation des hypothèses de base. Cela doit également inclure un scénario « worst-case ».

La Fédération Allemande de l’Industrie de l’Energie et de l’Eau (BDEW) estime que la critique des auditeurs est en partie exagérée /6/. Malgré toutes les remarques justifiées sur certains points, le BDEW ne voit pas de « déficit d’approvisionnement » dans le système électrique, comme le craint la Cour des Comptes.

Abordabilité financière (prix de l’électricité)

Un autre objectif du Code de l’énergie est d’assurer un approvisionnement en électricité abordable pour tout le monde. Des prix élevés de l’électricité constituent un risque considérable pour le site économique allemand et l’acceptation sociétale du tournant énergétique.

Aujourd’hui déjà, l’abordabilité du prix de l’électricité est remise en question, constate le rapport de la Cour des Comptes. Les prix de l’électricité en Allemagne ont continuellement augmenté au cours des dernières années et comptent aujourd’hui parmi les plus élevés de l’Union Européenne : les clients résidentiels ont payé en moyenne 45,19 ct/kWh au premier semestre 2023, cf. figure 4. Ce prix est largement supérieur à la moyenne européenne.

Fig 4 Strompreis Haushaltskunden
Figure 4 : Composants du prix de l’électricité des clients résidentiels au premier semestre 2023

La forte augmentation des prix de gros est à l’origine de la nette hausse des composants de prix induits par le marché. Ceux-ci devraient continuer à être nettement supérieurs au niveau des années 2019/2020. 

Parallèlement, les composants de prix réglementés par l’Etat représentent une part importante, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022, cf. figure 4. Contrairement aux charges et taxes, le tarif d’utilisation des réseaux et les redevances couvrent les coûts du système électrique.

De plus, d’autres coûts du système électrique sont à prendre en compte à l’avenir. Ainsi, des investissements massifs de plus de 460 Mds€ seront nécessaires d’ici 2045 pour le développement des réseaux électriques, cf. figure 5. Selon les estimations des acteurs du marché, les coûts pourraient être encore plus élevés.

Fig 5 Netrzausbaukosten
Figure 5 : Coûts de développement des réseaux à l’horizon de 2045

S’y ajoutent les coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport. En 2022 ces coûts ont dépassé les 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu’en 2021, cf. /5/. Selon la Cour des Comptes les coûts d´équilibrage du réseau de transport pourraient atteindre 6,5 Mds€/an jusqu’à 2026.

Les coûts de développement et d’exploitation des réseaux électriques terrestres (y compris les services système) et maritimes sont répercutés sur les consommateurs finaux par le biais du tarif d’utilisation des réseaux et de la redevance pour les réseaux offshore.

Le tarif d’utilisation des réseaux a considérablement augmenté entre 2013 et 2023, cf. figure 6.

Netzentgelte
Figure 6 : Evolution des tarifs d’utilisation des réseaux entre 2013 et 2023

L’industrie a été particulièrement touchée. Pour elle, les coûts ont augmenté de 84,4% depuis 2013.

Face à des prix très élevés, le gouvernement a subventionné à plusieurs reprises les coûts du système électrique. Il reconnaît ainsi que le prix de l’électricité serait trop élevé sans intervention de l’État.

Le Ministre allemand de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, a récemment affirmé que le développement de l’éolien et du solaire permettrait bientôt de faire baisser les prix de l’électricité.  Par le passé, la Cour des Comptes avait déjà critiqué le fait que le ministère ne tienne pas compte d’autres coûts considérables liés à la transition énergétique. Il s’agit par exemple des coûts de distribution de l’électricité (y compris le développement des réseaux et les services système) et la construction de moyens pilotables supplémentaires. Il en résulte, en dehors du public spécialisé, une image erronée des coûts réels de la transformation énergétique.

Selon la Cour des Comptes, le gouvernement doit, en ce qui concerne l’abordabilité financière :

  • garantir un volume d’électricité suffisant, disponible à tout moment afin d’éviter une hausse des prix de l’électricité due à une crise de l’offre ;
  • identifier clairement les coûts systémiques de la transition énergétique ;
  • développer un monitoring permettant d’évaluer le caractère abordable de l’électricité à l’aide d’indicateurs et de valeurs cibles ;
  • orienter de manière cohérente les composants du prix réglementés par l’Etat vers les objectifs de politique énergétique – notamment pour promouvoir l’électrification des autres secteurs de l’économie.

Les subventions ponctuelles de l’État sapent la transparence du système électrique et l’effet de contrôle des prix de l’électricité. Au lieu de cela, le gouvernement doit définir de manière compréhensible, sur la base d’une analyse systématique, sous quelle forme les coûts de la transformation doivent être supportés.

Respect de l’environnement

Un autre objectif du code de l’énergie est de fournir de l’électricité dans le respect de l’environnement.

Le tournant énergétique a de nombreux effets sur l’environnement et les énergies renouvelables contribuent à la protection du climat. Toutefois, le gouvernement dispose de nombreuses informations sur les effets négatifs des énergies renouvelables sur l’environnement, par exemple l’utilisation de surfaces et de ressources limitées, mais aussi les atteintes à la biodiversité.

Dans le cadre de la crise énergétique, le gouvernement avait abaissé les normes en matière de protection de l’environnement. Cela a augmenté le risque que certains biens protégés soient affectés plus que nécessaire. Pourtant, à l’exception du bien « climat », le gouvernement a jusqu’à présent omis de mettre en place des objectifs et un monitoring pour une transition énergétique respectueuse de l’environnement. Le Ministère Fédéral de l’Environnement a souligné auprès de la Cour des Comptes qu’un suivi approprié de la compatibilité environnementale échouait moins en raison de l’insuffisance des données que de « faisabilité politique ».

Néanmoins la Cour des Comptes estime que le gouvernement doit mettre en place un monitoring pour que l’on puisse identifier à temps les effets indésirables du tournant énergétique sur les différents biens à protéger et les réorienter de manière appropriée.

Pour mettre en place un tel système il faut notamment :

  • fixer des objectifs mesurables pour les différents biens à protéger ;
  • concevoir le monitoring de manière à pouvoir saisir et évaluer non seulement les changements au fil du temps, mais aussi les interactions entre les biens à protéger ;
  • combler les lacunes existantes en matière de connaissances sur l’impact environnemental de la transition énergétique et adapter le monitoring de manière systématique.

Cela ne doit pas être omis sous prétexte que cela n’est pas politiquement réalisable – au contraire, un suivi efficace doit être à la base des décisions politiques.

Conclusion

La réussite de la transition énergétique est d’une importance capitale pour l’Allemagne. Les objectifs sont ambitieux. Mais dans la mise en œuvre, l’Allemagne est nettement en retard sur ces objectifs. En matière d’approvisionnement en électricité, le gouvernement n’est pas sur le bon cap. Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement doit donc impérativement changer de cap pour que la transition soit un succès. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour des Comptes pour combler les lacunes mises en évidence pour :

  • atteindre la neutralité climatique tout en assurant un approvisionnement en électricité sûr, abordable et respectueux de l’environnement ;
  • mettre enfin en œuvre de manière ciblée la transition énergétique, ce projet de génération

Références

/1/ BRH (2024) Energiewende nicht auf Kurs: Nachsteuern dringend erforderlich, Communiqué de presse du 07.03.2024, Bundesrechnungshof, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/SharedDocs/Kurzmeldungen/DE/2024/energiewende/kurzmeldung.html

/2/ Allemagne Energies (2021) La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/06/la-cour-des-comptes-allemande-critique-a-nouveau-la-transition-energetique-du-gouvernement-federal/

/3/ Allemagne Energies (2024) Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/4/ Allemagne Energies (2024) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/5/ Allemagne Energies (2024) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2024/01/11/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2023/

/6/ BDEW (2024) BDEW zum Sonderbericht des Bundesrechnungshofs zum Stand der Energiewende, Communiqué de presse du 07.03.2024, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/bdew-zum-sonderbericht-des-bundesrechnungshofs-zum-stand-der-energiewende/

Allemagne : les chiffres clés de l’énergie en 2023

Texte mis à jour le 26.04.2024

Temps de lecture : 2 min (résumé), 30 min (article entier)

Les 10 points essentiels 

  1. La consommation énergétique en Allemagne marque un recul d’environ 8% par rapport à 2022 et atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Les principales raisons sont le faible développement économique et les prix élevés de l’énergie ;
  1. Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique ;
  1. La production brute d´électricité recule d’environ 11% par rapport à 2022. Depuis mi-avril 2023 le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne ;
  1. Amplifiée par la baisse générale de la production brute d’électricité, la part des énergies renouvelables dépasse – lissée sur l´année – pour la première fois la moitié de la production d’électricité ;
  1. L’Allemagne a été en 2023 importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 20 ans ;
  1. La modernisation du réseau de transport n’avance que lentement. Seuls 20,2% des 14.000 km prévus à l´horizon de 2035 ont été réalisés mi-2023. Le développement des énergies renouvelables, associé à des retards dans la modernisation du réseau provoque depuis 2015 une forte augmentation des coûts d’actions correctives ayant pour but d’éviter la congestion du réseau de transport ;
  1. L’approvisionnement en gaz naturel a été assuré en 2023 grâce à l’augmentation des livraisons en provenance d’Europe occidentale et à l’achat de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ;
  1. Actualisation en 2023 de la stratégie nationale pour l’hydrogène, adoptée en 2020. Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert » ;
  1. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué d’environ de 10%. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie. Les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale dʼ1 kWh d’électricité restent toujours à un niveau élevé ;
  1. Le prix de gros moyen de l’électricité s’est situé en 2023 à moins de la moitié de celui de 2022 et a atteint à nouveau le niveau de 2021. En revanche, le prix d’électricité pour le consommateur résidentiel a encore augmenté en 2023. Il est supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe.
Anfang
Source : Bundesnetzagentur

Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Stockage de l’énergie

Échanges transfrontaliers d´électricité

Réseaux de transport

  • Réseaux en mer
  • Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Prix de l´électricité

  • Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
  • Episodes de prix négatifs au marché journalier
  • Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Economie de l’hydrogène en 2023

Émissions de gaz à effet de serre

  • Révision de la Loi sur la Protection du Climat        

Perspectives 2024  

Références

Consommation énergétique

La consommation énergétique en Allemagne atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a) la consommation d´énergie primaire s’élève à 2982 TWh (256 Mtep) en 2023, cela correspond à une baisse de 8,1% par rapport à l´année précédente (2022 : 3243 TWh ou 279 Mtep).

La principale raison est l’impact de la crise énergétique sur l’industrie allemande. En raison des coûts élevés de l’énergie, des charges administratives importantes et de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, de nombreuses entreprises ont fortement réduit leur production en 2022.

Les températures légèrement plus chaudes par rapport à 2022 n’ont eu qu’un faible effet. Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse de 7,4%.

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique. Le pétrole reste l’énergie fossile la plus importante en 2023, suivi par le gaz naturel.  

La consommation des produits pétroliers a connu une baisse de 6,8% par rapport à 2022 notamment à cause de la réduction de consommation du gazole, du fioul et des livraisons d’essence « brute » à l’industrie chimique.

La consommation de gaz naturel baisse de 2,4% en 2023, principalement due à des économies réalisées par les consommateurs.

Compte tenu de la baisse de la consommation énergétique, le gaz naturel et le pétrole ont enregistré malgré tout une légère augmentation de leur part, cf. figure 1.

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 17,0% de la consommation d’énergie primaire contre 19,8% en 2022, cf. figure 1

La consommation du lignite baisse de 23,4% en 2023 par rapport à 2022 notamment en raison d’un recul des livraisons vers les centrales électriques.

La consommation de la houille baisse de 18,5 % en 2023 par rapport à 2022. Alors que la baisse de la consommation dans l’industrie sidérurgique est restée relativement modérée (-1,8 %), son utilisation dans les centrales électriques a baissé d’environ un tiers. 

La part du nucléaire a baissé de près de 80% en 2023, en raison de la fermeture définitive des trois dernières centrales le 15 avril 2023. Depuis, le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne. Pour plus d’informations sur le nucléaire voir aussi (Allemagne Energies 2).

Fig 1 Energie primaire 2023
Figure 1 : consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire atteint 19,6% (2022 : 17,5%). Cause principale : une production d’électricité élevée des éoliennes terrestres, surtout au second semestre, grâce à une météo favorable.

La part « divers » a augmenté, principalement du fait que l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité en 2023.

Pour une comparaison des bilans énergétiques entre l’Allemagne et la France, voir (Allemagne Energies 4).

Consommation et production d’électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 517 TWh (2022 : 540 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une hausse des prix de l´électricité et une météo légèrement plus clémente (BDEW 2023b).

Sous l’hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute d´électricité augmente à 52% contre 47% en 2022 (BDEW 2023b). Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a enregistré un net recul d’environ 11% par rapport à 2022, cf. figure 2 et s’élève à 508 TWh (2022 : 569 TWh).

Le mix électrique en 2023 a été principalement influencé par la mise hors service des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2) et une baisse de production d´électricité du couple lignite/houille.

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de 6%. Amplifiée par la baisse générale de la production brute de 61 TWh, leur part passe – lissée sur l´année – à presque 53% (267 TWh), contre environ 44% en 2022 (252 TWh). Toutefois, la production en 2023 est inférieure de 20 TWh à l’objectif de 287 TWh fixé par la Loi. Pour plus d’informations sur les énergies renouvelables, voir aussi (Allemagne Energies 3).

Toutefois, les énergies conventionnelles continuent à contribuer pour plus de 47% à la production brute malgré une baisse de 24%. Environ 54% de la production brute ont été assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).

Fig 2 Stromproduktion brutto 2023
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2023

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2023 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective (BDEW 2023b).

Tabelle 1 evolution production electricite 2022-2023
Tableau 1 : production et consommation d’électricité 2022 et 2023 ; * production brute : la production brute est la quantité d’électricité mesurée aux bornes des alternateurs d’une centrale, elle inclut donc la consommation d’électricité par les auxiliaires de la centrale et les transformateurs ; ** production nette : la production nette d’électricité est celle mesurée/évaluée à la sortie d’une centrale, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales ; *** Consommation intérieure brute : la production brute plus le solde des échanges transfrontaliers d’électricité ; **** Consommation finale : électricité réellement consommée par les différentes typologies de consommateurs soit la consommation intérieure brute moins la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des installations de production, moins la différence entre l’électricité consommée en pompage et produite en turbinage des STEP (Stations de Transfert d’Énergie par Pompage) et moins les pertes dans les réseaux de transport et de distribution

C’est l’éolien terrestre qui a produit le plus d’électricité grâce à des conditions météorologiques favorables notamment au deuxième semestre.

En revanche, la production des éoliennes maritimes est en baisse par rapport à 2022. Cela s’explique notamment par le manque d’interconnexions et des travaux de maintenance sur les parcs éoliens. 

Le photovoltaïque a connu en 2023 une augmentation de la puissance installée de l’ordre de 20%, cf. tableau 2. Malgré cela, la production à partir du solaire n’a augmenté que d’environ 5% : le temps moins ensoleillé après l’année record de 2022 a été compensé par la forte augmentation de la puissance installée en 2023.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse recule légèrement par rapport à 2022. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour presque un cinquième à la production renouvelable en 2023.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, a augmenté en raison d’une pluviométrie plus importante qu’en 2022. La production hydroélectrique a ainsi pu se normaliser quelque peu.

La figure 3 montre l’évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2024b). La production renouvelable a augmenté d’un facteur 2,6 depuis 2010. Elle a dépassé en 2018 la production du charbon (couple houille/lignite). La production du charbon a diminué de moitié depuis 2010 et atteint en 2023 à nouveau le niveau de 2020 après une hausse en 2021 et 2022.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2023
Figure 3 : évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne saurait dissimuler que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2024b).

Fig 4 Production co2frei 2023
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Le bilan s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023. En chiffres absolus, la production d’électricité bas-carbone est retombée à son niveau de 2015, les énergies renouvelables n’ayant pas été en mesure de compenser la perte de production des centrales nucléaires.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2023 d´environ 248 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont 80,3 GW de centrales thermiques à flamme et 168 GW d´installations renouvelables, cf. tableau 2 (BDEW 2023a ; BNetzA 2023a ; UBA 2024b).

Parmi le parc thermique à flamme, environ 7 GW (gaz, fioul, houille) sont maintenus en réserve stratégique ou provisoirement arrêtés et environ 8 GW (lignite, houille, fioul) ont été temporairement réactivés sur le marché électrique suite à la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine. Il est actuellement prévu que leur présence au marché électrique se terminera fin mars 2024 (BReg 2023b).

Tabelle 2 Puissance installee 2022_2023
Tableau 2 : Puissance installée en 2022 et 2023 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation, mais hors systèmes de stockage

Le gouvernement maintient actuellement son objectif de sortie de la production d´électricité à partir de la houille et du lignite d´ici 2030 dans « l´idéal ».

Pour pallier la variabilité des énergies renouvelables la capacité des centrales à gaz existantes est insuffisante pour se substituer au charbon. C’est pour cela que le gouvernement fédéral prévoit jusqu’à 30 GW de moyens pilotables bas carbone supplémentaires à l’horizon de 2035 en incluant des centrales à biomasse et des grandes batteries de stockage d’électricité (Allemagne Energies 2023b ; BT 2023a ; EWI 2023). Les investisseurs prêts à se lancer dans de tels projets n’ont pas encore été trouvés : les risques sont trop importants. Le gouvernement voulait présenter une « stratégie » pour leur financement. Mais aucune décision n’a été prise en 2023.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 5 montre pour chaque filière la relation entre la puissance au réseau et la production réalisée en 2022 (BDEW 2023a ; BDEW 2023b ; AGEB 2024b). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent environ 63% de la puissance nette totale au réseau.

Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à 40% seulement. Cela correspond aux facteurs de charge moyen suivants : photovoltaïque  ~ 9%, éolien terrestre  ~ 22% et éolien maritime ~ 32% sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très variable au cours de l´année.

Fig 5 Capacite_production en pourcent 2023
Figure 5 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2023 (hors installations de stockage d´énergie) Le nucléaire est pris en compte au prorata temporis jusqu’au 15.04.23

A titre de comparaison, les trois dernières centrales nucléaires (puissance nette 4,055 GW) ont produit en prolongation du cycle 6,8 TWh net jusqu’au 15 avril 2023. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 66%.

Stockage d’énergie

L´Allemagne dispose fin 2023 d´une capacité de stockage totale d´environ 16,5 GW (Agora Energiewende 2024).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) en Allemagne y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,4 GW. Leur potentiel est largement exploité.

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

La capacité des batteries industrielles et domestiques s´élève à environ 7,2 GW. Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée en 2023 à environ 11 GWh par cycle de charge (Agora Energiewende 2024 ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2023).

STEP et batteries ensemble pourraient théoriquement couvrir la demande moyenne en électricité en Allemagne pendant une heure environ.

Échanges transfrontaliers d’électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l’électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

L’Allemagne a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 2002 (AGEB 2024a). Le solde des échanges s’est creusé en particulier pendant l’été.

Le régulateur allemand a souligné que le fait d’être importatrice nette d’électricité ne permet pas de conclure à un manque de capacités de production. De nombreux pays européens voisins produisent leur électricité à un prix nettement inférieur, ce qui signifie qu’il peut être plus judicieux d’importer de l’électricité non seulement en raison du manque de capacité des centrales, mais aussi pour des raisons économiques.

Néanmoins, ces données indiquent que le mix de production allemand est comparativement cher par rapport à d’autres pays européens.

Le solde de la France a été légèrement exportateur (2,4 TWh) à la frontière avec l’Allemagne et la Belgique (région Core), contrairement aux années 2021 et 2022 (RTE 2024).

Fig 6 export _ import 2023
Figure 6 : solde des échanges physiques d´électricité en TWh

Réseaux de Transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Les besoins en réseaux (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) sont évalués à environ 14.000 km à l´horizon de 2035 dont environ 5.600 km en courant continu (BMWK 2023e). Seuls 2822 km (environ 20,2%) étaient réalisés en 2023, 1.846 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023b).

Le plan de développement du réseau 2037/2045 dont la confirmation finale est prévue en 2024 décrit pour la première fois un réseau qui permet d’obtenir un système électrique climatiquement neutre d’ici 2037 et la neutralité carbone d’ici 2045. Ce plan à l’horizon de 2037/2045 nécessite un développement considérable de lignes électriques supplémentaires sur terre et en mer par rapport au plan actuel de 2035 (Allemagne Energies 1).

Réseaux en mer

Le gouvernement a fixé un objectif de développement des parcs éoliens en Mer du Nord et Mer Baltique d’ici 2050, pour atteindre 30 GW de puissance en service à l’horizon 2030, 40 GW d’ici 2035 et 70 GW à l’horizon de 2045. Les besoins en réseaux à l’horizon de 2030 sont évalués à environ 6400 km.

Coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport 

L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays.

Depuis 2015 ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une flambée des coûts des actions correctives (i.e. redispatching, countertrading, centrales de réserve et écrêtement de la production renouvelable) en raison du développement de la production d’énergie renouvelable, associé à des retards dans la modernisation du réseau de transport. L’éolien en mer est la source de production la plus écrêtée.

Fig 7 Netzengpassmassnahmen
Figure 7 : évolution des coûts de stabilisation du réseau de transport

En 2022 les coûts liés à l´équilibrage ont dépassé les 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu’en 2021. Pour plus d’informations, cf. (Allemagne Energies 2023a).

Pour 2023, selon l’estimation du régulateur (BNetzA 2023c), les coûts totaux s’élèvent à presque 3,8 Mds€ y compris l’indemnisation pour l’écrêtement de la production d’énergies renouvelables et de la cogénération. Malgré la réduction des coûts par rapport à 2022 (4,2 Mds€) – principalement en raison de la baisse du prix de gros – ils restent à un niveau élevé. Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Deux des trois centrales nucléaires arrêtées mi-avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.

Le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaires au redispatching ou au countertrading, risque d´accroitre d’avantage les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir.

Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2017) a décidé la mise en service de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). 

Prix de l’électricité

Evolution des prix sur le marché de gros de l’électricité

Suite à la crise énergétique en 2022, née de la guerre en Ukraine, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne avait plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020.

En 2023 le prix de gros moyen d’électricité s’est élevé à 95,18 €/MWh (BNetzA 2024a). Il représentait ainsi moins de la moitié de la valeur de 2022 (235,45 €/MWh) et a chuté au niveau de 2021, cf. figure 8.

La tension sur le prix de gros de l’électricité s’est résorbée en 2023 sous l’effet de deux dynamiques : d’une part le prix du gaz a sensiblement baissé avec la diversification des approvisionnements (voir figure 10) et d’autre part la réduction de la consommation d’électricité résultant des prix élevés.

Le prix reste toutefois largement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Le remplacement du gaz russe, moins onéreux, par le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), conduira vraisemblablement à un maintien des prix à des niveaux plus élevés que ceux observés avant la crise énergétique.

La figure 8 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2024a).

Fig 8 Prix spot 2019_2023
Figure 8 : moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2023, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg.

Tabelle 3 prix spot 2023
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

En 2023, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 11 septembre entre 19h et 20h avec 524,27 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables variables, rendant nécessaire une production conventionnelle accrue.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré le dimanche 2 juillet 2023 entre 14h et 15h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a été supérieure à la consommation. Le prix de gros est tombé à – 500 €/MWh, soit à la valeur la plus basse autorisée par epexspot (EPEX SPOT 2023).

Bien que le niveau de prix sur le marché spot ait diminué en 2023, le prix d’électricité pour le consommateur reste supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatif a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatif a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité. Mais en 2023 une forte hausse du nombre de pas horaires à prix négatif a été observée à nouveau et le record de 2020 a été battu.

Fig 9 Nombre heures prix negatif 2020_2023
Figure 9 : pas horaires à prix négatif par trimestre sur le marché journalier entre 2020 et 2023 (BNetzA 2024a)

Alors que les exploitants d’une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations. 

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

Au total, 260 des 301 pas horaires à prix négatif sont tombés sous la « règle de 4 heures » en 2023, c’est-à-dire aucune rémunération n’a été versée et les exploitants des installations d’énergies renouvelables ont dû prendre à charge les frais des prix négatifs pour l’injection de leur électricité au réseau (FFE 2024).

Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Malgré la baisse du prix sur le marché de gros en 2023, le prix de l’électricité pour les clients résidentiels a augmenté de 25% par rapport à 2022 (BNetzA 2024c). Il est supérieur d’environ 40% par rapport au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Les composants de prix réglementés par l’Etat (taxes, redevances et tarif d’utilisation des réseaux) représentent presque la moitié, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022.

Fig 10 Haushaltskundenpreis
Figure 10 : évolution et décomposition des prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Selon les premières données (BNetzA 2024b), la consommation de gaz naturel a diminué de 4,3% en 2023 pour atteindre 810 TWh, soit le niveau le plus bas depuis la première moitié des années 90, cf. tableau 4.

Tabelle 4 Bilanz Erdgasversorgung
Tableau 4 : Approvisionnement en gaz naturel en Allemagne en 2022 et 2023

La consommation des clients résidentiels, de l’artisanat et du secteur  tertiaires représente environ 41% et celle de l’industrie 59% en 2023.

L‘Allemagne est fortement dépendante des importations. Elle dispose seulement d’un petit nombre de gisements nationaux de gaz naturel qui ont fourni 37 TWh en 2023 (2022 : 44 TWh). A cela s’ajoute l’injection de biogaz dans le réseau.

De ce fait, l’industrie gazière a été fortement marquée par les conséquences de la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine. Cela a provoqué une importante modification dans l’origine des importations. Alors que jusqu’à 2022 plus de 60% du gaz naturel consommé en Allemagne provenaient encore de la Russie, ces importations ont fortement diminué courant 2022 (BNetzA 2023d).

Depuis septembre 2022, l’Allemagne n’importe plus de gaz naturel de la Russie. Ces livraisons ont été compensées par une augmentation des importations notamment en provenance de Norvège, des Pays-Bas et de la Belgique, cf. figure 11.

Fig 10 Gasimporte
Figure 11 : Importations annuelles et origine des importations du gaz naturel consommé en Allemagne

En outre, l’infrastructure gazière a été complétée par des terminaux méthaniers destinés à accueillir le gaz naturel liquéfié (GNL). En décembre 2023, trois terminaux étaient en service, trois autres sont en projet.

Au total, 69,7 TWh ont été importés en 2023 via les terminaux méthaniers en Allemagne. Cela correspond à une part de 7,2% des importations totales de gaz naturel.

Parmi les 6 pays d’origine du GNL, les États-Unis dominaient avec une part de 84 %. Les 5 autres pays, à savoir la Norvège, l’Angola, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et Trinité-et-Tobago, représentaient chacun entre 1 et 5 % (BDEW 2023a).

Bien que l’approvisionnement en gaz naturel ait été assuré en 2023, la situation de l’approvisionnement reste soumise à des risques (facteurs de risque : hiver froid, défaillance des importations norvégiennes ou d’une partie des importations de GNL).

Economie de l’hydrogène en 2023

L’hydrogène fait l’objet d’une attention croissante ces dernières années. Conscient de l’importance de l’hydrogène, le gouvernement allemand avait adopté en 2020 la « Stratégie nationale pour l’hydrogène ». L’objectif était de faire de l’hydrogène une technologie clé dans le cadre de la transition énergétique en particulier dans les industries qui ne peuvent pas utiliser directement l´électricité.

La stratégie nationale a été actualisée en 2023 dans le but de mettre à disposition suffisamment d’hydrogène « vert » et ses dérivés à l’horizon de 2030 (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023a). Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

Jusqu’à présent, l’hydrogène « vert » ne joue pratiquement aucun rôle en Allemagne. La majeure partie des environ 57 TWh d’hydrogène actuellement produits provient de sources fossiles, principalement par le reformage du gaz naturel à la vapeur d’eau et la gazéification à partir de charbon. En outre, de l’hydrogène est généré comme sous-produit dans l’industrie chimique (actuellement 9,4% de la production totale).

Pour l’année 2030, la demande totale en hydrogène et ses dérivés est estimée à 95 – 130 TWh. Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement de la capacité d’électrolyse nationale.

La capacité d’électrolyse en Allemagne s’élève actuellement à environ 110 MW, selon les estimations de la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW 2023a). Il est prévu de mettre en place au moins 10 GW d´électrolyseurs d´ici 2030 pour la production d’hydrogène « vert ». Près de 20 % de la capacité visée de 10 GW seraient déjà en construction ou en projet, avec l’objectif d’une mise en service d’ici 2030. La production nationale de l’hydrogène « vert » pourrait se situer entre 22 et 28 TWh en 2030.

Actuellement, l’importation ou l’exportation d’hydrogène vers et depuis l’Allemagne est quasiment inexistante, notamment en raison du manque d’infrastructures nécessaires à cet effet – par exemple des canalisations ou des terminaux d’importation.  Le gouvernement prévoit la mise en place d´ici 2032 d’un premier réseau d´hydrogène d’une longueur d’environ 9.700 km. Environ 60% du réseau consisteraient en canalisations reconverties et 40% de canalisations nouvellement construites (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023c).

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique, il doit être créé. Le processus de production d´hydrogène « vert » est électro-intensif et les pertes de transformation par électrolyse sont élevées. La production nationale étant insuffisante pour couvrir la demande en 2030, il est également prévu de mettre en place une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

La question de savoir sur quelles quantités d’hydrogène « vert » les parties prenantes (producteurs, fournisseurs et acheteurs) peuvent compter et à quel prix il sera négocié à l´avenir est d´une importance fondamentale pour évaluer son rôle dans le futur mix énergétique. Selon les études actuelles, l’hydrogène serait en 2030 encore 3 à 5 fois plus cher que le gaz naturel en Allemagne (EWI 2023).

Émissions de gaz à effet de serre

Selon les premières estimations de l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA 2024c), les émissions de gaz à effet de serre ont diminué en 2023 d’environ 10% à 674 Mt CO2éq soit une réduction de l’ordre de 76 Mt CO2éq, cf. figure 12. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie.

Les secteurs de l’énergie (- 52 Mt CO2éq) et de l’industrie (- 13 Mt CO2éq) ont réalisé les réductions les plus importantes.

Les secteurs du bâtiment (- 8 Mt CO2éq) et des transports (- 2 Mt CO2éq) n’atteignent pas les objectifs 2023 de la Loi de Protection du Climat. La raison principale est la lenteur de l’électrification de ces secteurs : les voitures électriques représentent à peine 20% des nouvelles immatriculations, comme c’était déjà le cas en 2022. Pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures électriques en 2030, la part des nouvelles immatriculations devrait passer à 90 % dans les années à venir. 2023 a été une année record pour l’installation des pompes à chaleur, mais aussi pour les chauffages au gaz : les chauffages fossiles se sont vendus environ 2,5 fois plus que les systèmes de chauffage climatiquement neutre.

Les émissions du secteur électrique, soit les émissions de l’ensemble des installations de production d’électricité en Allemagne y compris les installations dans l’industrie, ont diminué d’environ 21% et atteignent 177 Mt CO2éq en 2023 (2022 : 224 Mt CO2éq) selon les calculs provisoires (BDEW  2023a, Agora Energiewende 2024). En cause, notamment la baisse de plus d’un quart de la production électrique du couple lignite/houille. Le recul de la production brute d’électricité de 11% et de la consommation nationale d’environ 4% (voir plus haut) a renforcé cette évolution.  

Les émissions pour la production d’électricité représentent actuellement autour de 26% des émissions territoriales en Allemagne contre environ 5% en France (RTE 2023).

Fig 11 emission 2023
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030 (UBA 2024a ; UBA 2024c)

En raison de la forte baisse de production du couple lignite/houille les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale d’électricité dʼ1 kWh ont légèrement baissé pour s’établir à environ 370 g CO2/kWh (2022 : 434 g CO2/kWh), cf. figure 13 (BDEW 2023a ; UBA 2023).

Fig 12 Emissionen Strommix
Figure 13 : Émissions de CO2 de la production d’électricité

Malgré le développement massif des énergies renouvelables, l’intensité carbone de la production d’électricité est toujours élevée et largement supérieure au niveau européen : 0,26 kg CO2/kWh en 2021 selon (MTE 2023). Bien que très variable en termes de production d’électricité et de CO2 par heure, la moyenne allemande est environ 7 fois supérieure à la moyenne française.

Révision de la Loi sur la Protection du Climat

La loi en vigueur depuis 2021 avait fixé des objectifs annuels en matière d´émissions de gaz à effet de serre pour chaque secteur entre 2020 et 2030. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 65% d’ici 2030 par rapport à 1990. Si les objectifs ne sont pas atteints dans certains secteurs, les ministères compétents doivent présenter des mesures immédiates pour y remédier.

En juin 2023 le gouvernement a adopté une révision de la Loi sur la Protection du Climat (BReg 2023a). Les objectifs sectoriels ont été supprimés et remplacés par le bilan global couvrant tous les secteurs. Cela signifie qu’il sera possible de compenser entre les secteurs. Si, par exemple, le secteur des transports n’atteint pas ses objectifs, cela peut être compensé par d’autres secteurs ayant dépassé leurs objectifs. L’essentiel est que l’objectif global de réduction annuelle des émissions de gaz à effet de serre soit atteint.

La révision de la loi est critiquée par des associations de protection du climat craignant une érosion des objectifs climatiques de l’Allemagne. Le parlement a finalement donné son feu vert en avril 2024. 

En lien avec la révision de la Loi sur la Protection du Climat, un programme de protection du climat (Klimaschutzprogramm 2023) a été adopté par le gouvernement en octobre 2023 (BMWK 2023b) pour se rapprocher de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce programme regroupe de nombreuses nouvelles mesures notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports. En revanche, même si toutes les mesures étaient mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baisseraient pas assez vite et occasionneraient un gap d’environ 200 Mt CO2éq d´ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat (Allemagne Energies 1).

Perspectives 2024

En tant qu’instrument de financement, le Fonds pour le Climat et la Transformation (Klima- und Transformationsfonds) apporte une contribution essentielle à la réalisation des objectifs de l’Allemagne en matière de politique énergétique et climatique. Un total environ 212 Mds€ a été prévu entre 2024 et 2027 pour promouvoir le tournant énergétique et la protection du climat (BReg 2023c). Après la suppression, le 1er juillet 2022, de la « EEG-Umlage » payée jusqu’à cette date par le consommateur, le Fonds permet entre autres de refinancer le soutien aux énergies renouvelables (Allemagne Energies 3), ainsi que le programme fédéral pour la rénovation énergétique du bâtiment. Il est principalement alimenté par les recettes tirées des systèmes d´échanges de quotas d´émission européens (ETS) et de la taxe carbone nationale (Allemagne Energies 1).

Dans le but de soutenir les entreprises lors de la pandémie de coronavirus le Fonds de Stabilisation Economique (Wirtschaftsstabilisierungsfonds) a été créé en 2020. Ce Fonds a été réorienté en 2022 afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique née de la guerre en Ukraine. Il a été doté d’un nouveau crédit de 200 Mds€ notamment pour financer les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz dans le but d´atténuer la hausse des coûts de l´énergie et donc de soulager les clients résidentiels et les entreprises (Allemagne Energies 2022).

Suite au jugement de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de novembre 2023, la réaffectation de 60 Mds€, initialement destinés à la lutte contre la pandémie de coronavirus, au Fonds Climat et Transformation est considérée comme incompatible avec la Loi Fondamentale de l’Allemagne (BVerfG 2023).

Avec le verdict de Karlsruhe, qui supprime purement et simplement une partie du budget prévu, le financement en matière d’investissements verts devient un casse tête pour 2024. Le gouvernement doit maintenant, tout en respectant l’obligation de « frein à l’endettement » inscrite dans la Constitution, faire des économies ailleurs pour trouver cette somme supplémentaire.

Etant donné que le jugement pourrait mettre en péril d’autres fonds, les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz, financés par le Fonds de Stabilisation Economique, ont expiré à la fin de 2023. Initialement une prolongation a été prévue jusqu’à fin mars 2024 (BT 2023b). Dans le même contexte, la subvention de 5,5 Mds€, prévue pour la stabilisation des tarifs du réseau de transport en 2024, a été supprimée (Agora Energiewende 2024) ce qui conduit à une hausse des tarifs du réseau de transport à partir de 2024 pour les consommateurs. L’État a également décidé de mettre fin aux aides à l’achat d’une voiture électrique à partir de mi-décembre 2023.

De plus la taxe carbone nationale a été augmentée à 45 € par tonne de CO2 en 2024 ce qui renchérit pour le consommateur final les prix des produits énergétiques tels que l’essence, le gazole, le fioul et le gaz naturel (Allemagne Energies 1). Le gouvernement fédéral revient ainsi sur sa décision de 2022 de n’augmenter que modérément les prix de la tonne de CO2 à 35 € en 2024 pour atténuer les effets de la crise énergétique (BMWK 2022).

L’année 2023 a été marquée par certains progrès en matière de politique climatique, notamment dans les secteurs du bâtiment (BMWK 2023d ; Missions allemandes en France 2023) et de l’électricité.

Toutefois, le débat sur la nouvelle Loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments a laissé des traces au sein de la population en ce qui concerne la confiance dans la mise en œuvre pratique et l’équilibre social des mesures climatiques. Le chauffage aux énergies renouvelables étant un pilier majeur de la protection du climat, le gouvernement doit donc assurer durablement le financement des mesures adoptées.

Un autre dossier brûlant est la construction de nouveaux moyens pilotables bas carbone annoncée par le gouvernement en 2023 (voir plus haut). Compte tenu du fait que ces nouvelles centrales ne fonctionneront que lors d’épisodes de production d’origine renouvelable insuffisante, leur rentabilité est loin d’être acquise. À cela s’ajoutent les incertitudes sur la disponibilité suffisante de l’hydrogène « vert » à un prix raisonnable. Pour l’instant, les investisseurs potentiels attendent que le gouvernement présente sa stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales

Le temps presse. La stratégie pour leur financement doit être établie au plus tard au premier semestre 2024 afin de garantir la mise en place d’une capacité suffisante de moyens pilotables supplémentaires à la fin de la décennie.

Références

AGEB (2024a) Energieverbrauch fällt kräftig / Weiterer Ausbau der Erneuerbaren. Communiqué de presse du 03.04.2024. AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/energieverbrauch-faellt-kraeftig-weiterer-ausbau-der-erneuerbaren/.

AGEB (2024b) Strommix. Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2023 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand April 2024). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/wp-content/uploads/2023/12/STRERZ_Abgabe-02-2024.pdf.

Agora Energiewende (2024) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2023. Rückblick auf die wesentlichen Entwicklungen sowie Ausblick auf 2024. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/publikationen/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2023.

Allemagne Energies (1) Le tournant énergétique allemand. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/.

 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (4) Bilans énergétiques : Comparaison Allemagne et France. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/bilans-energetiques/.

Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/.

Allemagne Energies (2023b) Le gouvernement allemand annonce la construction de presque 24 GW de centrales à hydrogène. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/08/02/le-gouvernement-allemand-annonce-la-construction-de-presque-24-gw-de-centrales-a-hydrogene/.

BDEW (2023a) Die Energieversorgung 2023 – Jahresbericht des BDEW. BDEW Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft. En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung/.

BDEW (2023b) Stromerzeugung und -verbrauch in Deutschland. BDEW Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft. En ligne : https://www.bdew.de/energie/stromerzeugung-und-verbrauch-deutschland/.

BMWK (2022) Habeck: „Wir gehen beim CO2-Preis bedachter vor und entlasten private Haushalte und Unternehmen“ – Erhöhung des CO2-Preises wird 2023 ausgesetzt. Communiqué de Presse du 28.10. 2022. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/10/20221028-habeck-wir-gehen-beim-co2-preis-bedachter-vor-und-entlasten-private-haushalte-und-unternehmen.html.

BMWK (2023a) Markthochlauf für Wasserstoff beschleunigen – Bundeskabinett beschließt Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie. Communiqué de presse du 26.07.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/07/20230726-markthochlauf-fuer-wasserstoff-beschleunigen.html?view=renderNewsletterHtml.

BMWK (2023b) Bundeskabinett verabschiedet umfassendes Klimaschutzprogramm 2023. Communiqué de presse du 04.10.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/10/20231004-bundeskabinett-verabschiedet-umfassendes-klimaschutzprogramm-2023.html.

BMWK (2023c) Gesetz zur Wasserstoff-Netzplanung und Kernnetz- Finanzierung beschlossen. Communiqué de presse du 15.11.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/11/20231115-gesetz-zur-wasserstoff-netzplanung-und-kernnetz-finanzierung-beschlossen.html.

BMWK (2023d) Weg frei für eine klimafreundliche und bezahlbare Wärmeversorgung. Communiqué de presse du 17.11.2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2023/11/20231117-klimafreundliche-und-bezahlbare-waermeversorgung.html?view=renderNewsletterHtml.

BMWK (2023e) Aktueller Stand des Netzausbaus (Übertragungsnetz). Septembre 2023. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/netzausbau-schreitet-voran.pdf?__blob=publicationFile&v=8.

BNetzA (2017) Bedarfsermittlung von Netzstabilitätsanlagen. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzreserve/start.html.

BNetzA (2023a) Kraftwerksliste. Stand 17.11.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html.

BNetzA (2023b) Netzausbau. Monitoringbericht. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.netzausbau.de/Vorhaben/uebersicht/report/de.html.

BNetzA (2023c) Netzengpassmanagement. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html.

BNetzA (2023d) Monitoringberichte. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Monitoringberichte/start.html.

BNetzA (2024a) Strommarkt aktuell. Der Strommarkt im Jahr 2023. Bundesnetzagentur _ SMARD. En ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/444/211756.

BNetzA (2024b) Gasversorgung im Jahr 2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/444/211846.

BNetzA (2024c) Haushaltskundenpreise. Entwicklung und Zusammensetzung der Strom-Haushaltskundenpreise seit 2016. Bundesnetzagentur _ SMARD. En ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/211972/212170.

BReg (2023a) Klimaschutzgesetz und Klimaschutzprogramm. Ein Plan fürs Klima. Bundesregierung Deutschland. Gouvernement fédéral allemand (Bundesregierung). En ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/aktuelles/klimaschutzgesetz-2197410.

BReg (2023b) Reserve für Stromproduktion nutzen. Gouvernement fédéral allemand (Bundesregierung). En ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/schwerpunkte/klimaschutz/versorgungsreserve-2130276.

BReg (2023c) Milliardeninvestitionen in Energiewende, Klimaschutz und Transformation. Gouvernement fédéral allemand (Bundesregierung). En ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/aktuelles/ktf-sondervermoegen-2207614.

BT (2023a) Steuerbare Kraftwerke (Kleine Anfrage der CDU/CSU. BT-Drucksache 20/8718 Antwort der Bundesregierung. Parlement allemand (Bundestag). En ligne : https://dip.bundestag.de/vorgang/steuerbare-kraftwerke/303404.

BT (2023b) Energiepreisbremsen werden bis Ende März verlängert. Parlement allemand (Bundestag). En ligne : https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2023/kw46-de-preisbremsenverlaengerung-976570.

BVerfG (2023) Zweites Nachtragshaushaltsgesetz 2021 ist nichtig. Communiqué de presse nr. 101/2023 du 15.11.2023. Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle). En ligne : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/bvg23-101.html.

EPEX SPOT (2023) Trading at EPEX SPOT 2023. Trading Brochure. European Power Exchange EPEX SPOT SE. En ligne : https://www.epexspot.com/en/downloads#trading-products.

EWI (2023) Finanzierungsbedarfe in der Stromerzeugung bis 2030. Energiewirtschaftliches Institut an der Universität zu Köln (EWI) gGmbH. En ligne : https://www.ewi.uni-koeln.de/de/publikationen/finanzierungsbedarfe-in-der-stromerzeugung-bis-2030/.

FFE (2024) Deutsche Strompreise an der Börse EPEX Spot im Jahr 2023. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-im-jahr-2023/

ISEA und PSG RWTH Aachen University (2023) Battery charts. The development of battery storage systems in Germany: A market review. ISEA – Institut für Stromrichtertechnik und elektrische Antriebe. En ligne : https://www.battery-charts.de.

Missions allemandes en France (2023) Se chauffer sans nuire au climat : mise en place d’une nouvelle loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments. Missions allemandes en France. En ligne : https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/03-Economie/-/2594522.

MTE (2023) Chiffres clés du climat France, Europe et Monde. Édition 2023. Ministère de la Transition Énergétique. En ligne : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2023/avant-propos.

RTE (2024) Bilan électrique 2023. Réseau de Transport d’Électricité. En ligne : https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/synthese.

UBA (2024a) Detaillierte Treibhausgas-Emissionsbilanz 2022: Emissionen sanken um 40 Prozent gegenüber 1990 – EU-Klimaschutzvorgaben werden eingehalten. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/detaillierte-treibhausgas-emissionsbilanz-2022.

UBA (2024b) Erneuerbare Energien in Zahlen. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/themen/klima-energie/erneuerbare-energien/erneuerbare-energien-in-zahlen.

UBA (2024c) Klimaemissionen sinken 2023 um 10,1 Prozent – größter Rückgang seit 1990. Communiqué de presse du 15.03.2024. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/klimaemissionen-sinken-2023-um-101-prozent.






Le baromètre de McKinsey de septembre 2023 – Seuls 6 sur 15 critères de la transition énergétique allemande empruntent la bonne trajectoire  

Temps de lecture : 10 minutes

Depuis 2012, McKinsey publie un baromètre semestriel pour analyser la progression de la transition énergétique allemande. Le cabinet s’appuie sur trois critères : la sécurité d’approvisionnement, l’économie et la protection de l’environnement et du climat. Le cabinet évalue 15 critères au regard des objectifs fixés par l’Allemagne à l’horizon de 2030.

Le baromètre actuel (septembre 2023) de McKinsey /1/ montre que 6 des 15 critères étudiés empruntent la bonne trajectoire, pour 4 critères la réalisation semble incertaine et pour 5 critères la réalisation des objectifs est considérée comme « irréaliste ».

De plus, McKinsey consacre ce baromètre à la nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène du gouvernement allemand décidée en juillet 2023 /2/.

Screenshot_2020-10-31 Energiewende-Index Deutschland
Le baromètre de la transition énergétique allemande de McKinsey

Six indicateurs sont au vert

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent notamment l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité. Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est au premier semestre 2023 avec 52,3% en hausse par rapport au deuxième semestre 2022 (46%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité /3/.

L’objectif d’étape de 45,7% étant dépassé, une part de 80% dans la consommation intérieure brute d’ici 2030 semble réalisable.

Indicateur : part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale

La part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale a atteint 20,4% au premier semestre 2023 et progresse légèrement par rapport au deuxième semestre 2022 (19,2%). Une part de 30% est actuellement visée en 2030.

Cependant les États de l´Union européenne et les eurodéputés se sont accordés en mars 2023 sur un nouvel objectif d´une part d´au moins 42,5% des énergies renouvelables dans la consommation énergétique à l´horizon de 2030 avec l’espoir de parvenir à 45 % /4/ : cela pourrait conduire à une révision à la hausse de l´objectif de l´Allemagne.

Indicateur : niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées

Le niveau du prix de l’électricité pour les industries non privilégiées (càd celles qui ne sont pas électro intensives), s’est amélioré malgré un prix moyen de gros sur le marché journalier toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.

Cela s’explique par la méthode de calcul de l’indicateur qui évalue les prix de l’électricité des industries non privilégiées par rapport à la moyenne européenne : si les prix dans les autres pays européens augmentent plus fortement qu’en Allemagne l’indicateur s’améliore. Actuellement le prix de l’électricité pour les industries non privilégiées se situe 1,4% en dessous de la moyenne européenne, alors qu’au deuxième semestre 2022 il était encore 3,5% au-dessus de la moyenne européenne.

Indicateurs : coupures de courant non prévues, capacités d’importation disponibles et nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables

Parmi les critères empruntant la bonne trajectoire figurent également : la durée moyenne en minutes d’interruption de l’approvisionnement d’électricité d’un consommateur final pendant une période considérée (SAIDI – System Average Interruption Duration Index), les capacités d’importation disponibles dans les pays voisins ainsi que le nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables de 344 100 actuellement (objectif 2030 : 322 100).

Quatre indicateurs dont la réalisation semble incertaine à l’horizon de 2030

Indicateur : le prix de l’électricité des ménages

Parmi les 4 indicateurs dont la réalisation semble incertaine figure le prix de l’électricité des ménages qui, en juin 2023, était 31% plus élevé que la moyenne européenne contre 28,5% en décembre 2022. La raison en est que la baisse des prix de gros a été répercutée souvent plus rapidement aux clients finaux à l’étranger et que le « bouclier tarifaire » mis en place en Allemagne a eu un effet moins important que prévu.

Indicateur : émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre se situeraient à 746 Mt CO2éq en 2022 soit 14 Mt CO2éq de moins qu’en 2021 /5/. Le rythme de réduction n’est pas encore suffisant pour atteindre la cible nationale de 65% de réduction d’ici 2030 (438 Mt CO2éq) par rapport à 1990. Il faudrait une réduction de 44 Mt CO2éq par an à partir de maintenant pour atteindre cet objectif.

Selon le rapport des experts sur les questions climatiques /6/, même si toutes les mesures sont mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baissent pas assez vite et environ 200 Mt CO2éq se seront accumulées en trop d’ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat. Le gouvernement doit agir pour combler l´écart restant par rapport aux objectifs.

Indicateur : consommation d’énergie primaire

La consommation d’énergie primaire s’élève à 11.769 PJ (3.269 TWh) en 2022 ce qui correspond à une réalisation de seulement 83 % de l’objectif d’étape (11.216 PJ). En anticipant la nouvelle directive européenne relative à l´efficacité énergétique, le gouvernement allemand vise maintenant une réduction d´au moins 39,3% d´ici 2030 par rapport à 2008, soit 2252 TWh /7/.

Indicateur : capacité de réserve de moyens pilotables

La capacité de réserve de moyens pilotables a baissé de 17% par rapport au deuxième semestre 2022 suite à l’arrêt des dernières centrales nucléaires en avril 2023. L’indicateur est atteint à 100 % lorsque la capacité garantie de moyens pilotables permet de couvrir la demande pendant 99,94 % du temps.

Selon la méthode de calcul employée par McKinsey, la marge de réserve de moyens pilotables a baissé à 5,0% en 2023 contre 9,2% en 2022. Suite à la fermeture attendue de centrales à charbon il faudrait s’attendre à une dégradation supplémentaire de la marge dès 2024. 

Cinq indicateurs sont au rouge

Indicateur : électromobilité dans le secteur des transports

En avril 2023, l’Allemagne comptait au total près de 2 millions de véhicules électriques, mais 4,2 millions auraient été nécessaires pour rester dans la bonne trajectoire.

A partir de maintenant il faudrait 1 million de nouvelles immatriculations de véhicules électriques par semestre pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures en 2030, or, jusqu’à présent, les nouvelles immatriculations par semestre n’atteignent même pas les 400 000.

Indicateur : coûts d’équilibrage du réseau de transport

Les coûts d’équilibrage sur le réseau de transport ont augmenté depuis le dernier baromètre de McKinsey passant de près de 22 € par MWh à plus de 24 € par MWh. On s’éloigne de plus en plus du seuil fixé par le cabinet de 1 € par MWh.

Les coûts liés à l’équilibrage s’élèvent à 4,2 Mds€ en 2022, soit presque deux fois plus qu’en 2021 (2,3 Mds€). La cause en est une superposition de plusieurs effets, amplifiée par le retard de la modernisation du réseau de transport. La part la plus importante dans la flambée des coûts s’explique par l’augmentation du volume de redispatching associée à des prix élevés de gros, cf. /8/.

Indicateur : développement du réseau de transport

L’objectif de développement du réseau (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) est évalué par McKinsey à 11.720 km à l´horizon de 2030. Fin 2022 seuls 2.458 km ont été réalisés alors que la valeur cible pour fin 2022 est avec 5553 km de plus du double.

Des progrès ont tout de même été réalisés au sujet des procédures d’autorisation : alors qu’entre 2019 et 2021, seules ~150 km de lignes ont été approuvés par semestre, en 2022 c’était près de 500 km par semestre. Bien que l’atteinte de l’objectif pour 2030 soit toujours jugée irréaliste par McKinsey on peut donc espérer une certaine accélération du développement du réseau.

Indicateur : coûts d’énergie des ménages

L’indicateur mesure la part des coûts de l’énergie (électricité, gaz, mazout, carburants et autres combustibles) dans le panier de consommation en se basant sur l’indice des prix à la consommation. L’objectif est considéré comme atteint si une part de 10,1% n’est pas dépassée.

La part des couts de l’énergie énergétique des ménages dans le panier de consommation s’élève à 12,7%. Les coûts de l’énergie pour les ménages continuent d’évoluer de manière insatisfaisante : la réalisation de l’objectif d’une part de 10,1% reste donc irréaliste.

Indicateur : chaleur et froid produits à partir d´énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables dans la consommation d´énergie finale du secteur de chaleur et de froid a été peu dynamique dans les dernières années. Leur part à la consommation finale atteint 17,4% en 2022.

Pour atteindre l’objectif d’une part de 50% en 2030, une part de 20,2% des énergies renouvelables au premier semestre 2023 aurait été nécessaire pour rester dans la bonne trajectoire.

Le recours à l’hydrogène est incontournable si l’Allemagne veut atteindre la neutralité carbone

Le gouvernement allemand a présenté en juillet 2023 sa nouvelle version de la stratégie nationale pour l’hydrogène /9/, qui avait été élaborée pour la première fois trois ans plus tôt /7/.

En 2030, le besoin en hydrogène « vert » (ou au moins en hydrogène à faible teneur en carbone) est maintenant estimé à 1,2 – 2,2 millions de tonnes, outre la demande déjà existante d’hydrogène « gris » d’environ 1,6 million de tonnes.

Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement d’une capacité d’électrolyse nationale. C’est pour cela qu’il est prévu de construire une puissance de 10 GW d´électrolyseurs d’ici 2030.

Pour le transport le gouvernement prévoit de mettre en place d´ici 2027/2028 un réseau de démarrage national de l´hydrogène avec plus de 1.800 km de pipelines reconvertis et nouvellement construits.

Toutefois, les capacités nationales de production étant insuffisantes, une grande partie de la demande en hydrogène sera couverte par des importations.

Dans cadre du projet H2GLOBAL visant à positionner l’Europe comme leader mondial, technologique et industriel, sur le marché de l’hydrogène décarboné, il est prévu de conclure des contrats sur le marché mondial pour son approvisionnement. Ensuite l’hydrogène sera vendu à des prix économiquement raisonnables aux plus offrants au niveau national. La différence entre le prix d’achat et le prix de vente sera compensée par un mécanisme de soutien de l’État.

Le Ministère de l’économie et de la protection du climat prévoit actuellement un soutien de plus de 4 Mrds. €.

Retenus en tant que Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC ou IPCEI en anglais), des projets nationaux liés à la chaine de valeur de l’hydrogène pourraient également bénéficier d’aides publiques.

Grâce à ces aides publiques les décideurs politiques espèrent faire décoller le marché de l’hydrogène d’ici 2030, d’abord au niveau national et ensuite au-delà.

Un coup de pouce financier est certes une étape importante mais ne saurait suffire à faire décoller l’économie de l’hydrogène en Allemagne. Les parties prenantes – producteurs, fournisseurs et acheteurs – auront également besoin de données fiables sur les quantités d’hydrogène « vert » potentiellement disponibles et sur le prix auquel il sera négocié à l´avenir.

Bien que le prix de production d’hydrogène soit censé diminuer, les prix de production d’hydrogène « vert » en Allemagne se situeraient en 2030 entre 6,50 et 8,50 €/kg selon McKinsey.

Selon les analyses de McKinsey, l’hydrogène « vert » pourrait être importé à moindre coût d’Afrique du Nord par pipeline ou par des régions plus éloignées par bateau, car la production d’électricité à partir d’énergie éolienne ou solaire y est moins chère qu’en Allemagne.

Bien que les deux modes de transport entraînent des coûts supplémentaires, l´hydrogène « vert » importé serait avec un prix d’environ 3,50 à 5,50 €/kg toujours moins cher que celui produit au niveau national. L’hydrogène « bleu » (à base de gaz naturel avec captage de CO2) en provenance des États-Unis ou de Norvège pourrait même atteindre un prix de 2,50 à 3 €/kg selon le cabinet McKinsey.

La nouvelle stratégie du gouvernement en matière d’hydrogène présentée en juillet 2023 est une étape importante. Il s’agit maintenant de la mettre en œuvre.

Références

/1/ McKinsey (2023) Energiewende-Index, Septembre 2023, en ligne : https://www.mckinsey.de/branchen/chemie-energie-rohstoffe/energiewende-index

/2/ Vahlenkamp,T. et al. (2023) Wie Deutschland zur Wasserstoffrepublik werden kann, en ligne : ewi_september 2023

/3/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/02/allemagne-les-energies-renouvelables-sont-la-principale-source-dans-le-mix-electrique-au-premier-semestre-de-2023/

/4/ Parlement européen (2023a) Énergies renouvelables. Fiches thématiques sur l’Union européenne. Parlement européen. En ligne : https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/70/energies-renouvelables

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ Expertenrat für Klimafragen (2023) Stellungnahme zum Entwurf des Klimaschutzprogramms 2023. Gemäß § 12 Abs. 3 Nr. 3 Bundes-Klimaschutzgesetz. Expertenrat für Klimafragen. En ligne : https://expertenrat-klima.de/.

/7/ Allemagne Energies (2023) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/8/ Allemagne Energies (2023) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/

/9/ BMWK (2023) Fortschreibung der Nationalen Wasserstoffstrategie, NWS 2023, 26.07.2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/fortschreibung-nationale-wasserstoffstrategie.html

/10/ H2Global Stiftung (2023) Shaping the global energy transition, en ligne : https://www.h2-global.de/

Allemagne : les énergies renouvelables sont la principale source dans le mix électrique au premier semestre de 2023

Texte mis à jour : 15.08.2023

Temps de lecture : 5 min

Au cours du 1er semestre 2023, la production brute d’électricité s’est élevée à environ 266 TWh et la production nette (mesurée à la sortie des centrales) à 254 TWh, en baisse de presque 11% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298 TWh bruts et 285 TWh nets).

La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport au 1er semestre 2022 (138,4 TWh) malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW au 2e semestre 2022. Les énergies renouvelables sont toutefois la principale source dans le mix électrique au 1er semestre 2023 en raison de la forte baisse de production conventionnelle, soit environ 128 TWh bruts contre 160 TWh à la même période de l´année précédente. 

Le parc thermique a produit 121 TWh bruts en baisse de plus de 15% (1er semestre 2022 : 143 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué avec 7,2 TWh bruts (1er semestre 2022 : 16,8 TWh) avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023.  

La consommation brute intérieure d’électricité marque un recul à environ 262 TWh au 1er semestre 2023 (1er semestre 2022 : 281 TWh), soit une diminution de 6,5 % du fait des températures clémentes et d’une demande plus faible en raison des prix de l’électricité toujours assez élevés malgré le bouclier tarifaire et une baisse conjoncturelle. 

La part de 52% des énergies renouvelables à la consommation brute est en hausse par rapport au 1er semestre 2022 (49 %)… en raison de la baisse de la consommation d’électricité. 

L’ajout réalisé de l’éolien terrestre est, contrairement au photovoltaïque, encore nettement insuffisant pour atteindre les objectifs de développement fixés par la loi sur les énergies renouvelables.

Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier est globalement inférieur à celui du 1er semestre 2022. Etant donné que le prix dépend encore fortement des prix du gaz, les prix de l’électricité seront, dans les prochaines années, nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique.

L´Allemagne a été avec 3,1 TWh exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023. Toutefois le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l´année précédente (17,3 TWh).

L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone, elle est en baisse au premier semestre 2023.

Eingangsbild
Source : Bundesnetzagentur/SMARD

Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires du premier semestre 2023 /1/.

La figure 1 montre la production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/.

Avec 265,9 TWh, l’Allemagne a enregistré une baisse de 10,8% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298,3 TWh). La production nette s’est élevée à 253,9 TWh contre 284,5 TWh au 1er semestre 2022. La production nette d’électricité est celle mesurée à la sortie des centrales, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales.

Malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW, soit environ 1,3 GW d’éolien terrestre et 3,6 GW de photovoltaïque au 2e semestre 2022, la production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 138,4 TWh).

Sur ce total, 58 TWh provenaient de l’éolien terrestre, 33 TWh du photovoltaïque, 22 TWh de la biomasse, près de 12 TWh de l’éolien en mer et près de 10 TWh de l’hydroélectricité.

Fig 1 Bruttostromerzeugung sem 1 2022_2023
Figure 1 : production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/

Le parc thermique et le nucléaire ont produit 128,4 TWh bruts contre 160 TWh au cours de la même période de l´année dernière /1/.

La baisse de production conventionnelle de presque 20% s´explique notamment par la réduction de la production du parc thermique de 15,4 %.  Sa production brute est passée de 143,2 TWh au 1er semestre 2022 à 121,2 TWh.

La production d’électricité d’origine nucléaire a également diminué suite à la fermeture des trois dernières centrales nucléaires (4,055 GW) mi-avril 2023 /2/. Elles ont produit 7,2 TWh bruts au premier semestre 2023 (1er semestre 2022 : 16,8 TWh).

Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est avec 52,3% en hausse par rapport au premier semestre 2022 (49,2%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité.

La figure 2 montre la part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité. La consommation brute d’électricité marque un recul de 6,5% au premier semestre 2023 pour atteindre 262,8 TWh (1er semestre 2022 : 281,0 TWh). Cette réduction est attribuée à des températures plus clémentes et à une demande plus faible en raison des prix élevés de l’électricité et de la baisse conjoncturelle.

Fig 2 Bruttostromverbrauch 2022_2023
Figure 2 : part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/

Développement des énergies renouvelables

La figure 3 montre le développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023 par rapport aux objectifs.

Zubau ENR
Figure 3 : Développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023

Au premier semestre une capacité photovoltaïque de 6.262 MW a été installée portant la capacité cumulée à 73,7 GW.  Si ce rythme est maintenu, environ 12.500 MW seront installés en 2023, dépassant l’objectif de 2023 et en bonne voie vers l’objectif de fin 2024 fixé par la loi sur les énergies renouvelables à 88 GW /8/.

Concernant l’éolien en mer, 24 installations d’une puissance totale de 229 MW ont été injectées pour la première fois dans le réseau électrique au cours du premier semestre 2023. En outre, l’ajout d’une puissance de 20 MW a été apporté aux installations existantes /9/. Avec une capacité cumulée de 8,4 GW, l’objectif de 2023 est pratiquement atteint. Il est prévu de porter la puissance totale à au moins 30 GW d’ici 2030.

En ce qui concerne l’éolien terrestre, 331 nouvelles éoliennes d’une puissance de 1 565 MW ont été installées et 198 éoliennes d’une puissance de 239 MW démantelées. L’ajout net s’élève donc à 1.325 MW au cours du premier semestre 2023 /9/.

Bien que cela représente une nette accélération par rapport à la même période de l’année précédente, l’ajout réalisé est nettement insuffisant pour atteindre l’objectif intermédiaire de développement fixé par la loi sur les énergies renouvelables, soit 69 GW fin 2024 (capacité totale installée à la fin du premier semestre 2023 : 59,3 GW).

Evolution du prix du marché de gros de l´électricité

La crise énergétique liée à la situation internationale et à l’augmentation des prix des combustibles a conduit à une augmentation sans précédent des prix de l’électricité en Europe, en particulier entre le printemps et l’été 2022.

Au 1er semestre 2023, le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente /3/ mais se situe toujours à un niveau plus élevé qu’en 2020 et début 2021, voir figure 4.

Fig 3 Strompreis day ahead
Figure 4 : Evolution du prix de gros constaté sur le marché journalier (day-ahead) en Allemagne

Selon une récente analyse du bureau d´études PROGNOS pour le compte de l´Union Economique Bavaroise, les prix moyens de l’électricité seront dans les prochaines années nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique /10/. Ceci s’explique par les prix plus élevés du gaz dont le prix du mix électrique en Allemagne dépend encore fortement et l’augmentation des prix des certificats d’échange de quotas d’émission.

En 2023 les ménages et les entreprises ont été en large partie protégés des augmentations de prix grâce au « bouclier tarifaire » /4/.

A titre d’exemple, les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficient d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80% de leur consommation annuelle. Au-delà, ils payent leur électricité au prix du marché.

Echanges commerciaux

L’Allemagne a été exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023, mais le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l’année précédente. Le solde net a atteint 3,1 TWh contre 17,3 TWh au 1er semestre 2022 /1/.

Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins. À partir de mai 2023, l’Allemagne a importé plus d’électricité de France qu’elle n’en a exporté en raison d’un prix plus bas : l’électricité nucléaire française était visiblement moins chère que le mix de production allemand /6/.

Intensité carbone du mix électrique

L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh /5/. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone notamment en provenance de la France et du Danemark /6/, la moyenne mobile de l’intensité carbone, exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit, est en baisse au premier semestre 2023 /7/.

Fig 4 Intensite carbone
Figure 4 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit au 1er semestre 2023

Références

/1/ BDEW (2023) Aktuelle Berechnungen von ZSW und BDEW: Erneuerbare Energien haben im ersten Halbjahr mehr als die Hälfte des Stromverbrauchs gedeckt, Communiqué de presse du 27.06.2023, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/erneuerbare-energien-haben-im-ersten-halbjahr-mehr-als-die-haelfte-des-stromverbrauchs-gedeckt/

/ 2/ Allemagne Energies (2023) Clap de fin pour l’électronucléaire en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/04/16/clap-de-fin-pour-lelectronucleaire-en-allemagne/

/ 3/ Dashboard Deutschland (2023), Strompreis, en ligne : https://www.dashboard-deutschland.de/indicator/data_preise_strom

/4/ Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/

/5/ Allemagne Energies (2023) Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022, en ligne https://allemagne-energies.com/2023/01/07/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2022/

/6/ SMARD (2023) Strommarkdaten, Echanges commerciaux, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/page/home/marktdaten/78?marketDataAttributes=%7B%22resolution%22:%22month%22,%22from%22:1672527600000,%22to%22:1688162399999,%22moduleIds%22:%5B22004629,22004406,22004548,22004410,22004552,22004403,22004545,22004412,22004553,22004405,22004547,22004409,22004551,22004407,22004549,22004404,22004546,22004408,22004550,22004722,22004724,22004998,22004712%5D,%22selectedCategory%22:null,%22activeChart%22:true,%22style%22:%22color%22,%22region%22:%22DE%22,%22categoriesModuleOrder%22:%7B%7D%7D

/7/ Stromdaten.info (2023), Stromdatenanalyse, en ligne : https://www.stromdaten.info/

/8/ UBA (2023) Monats- und Quartalsdaten der AGEE-Stat, Monatsbericht 15.08.2023, Umweltbundesamt, en ligne : 08-2023_agee-stat_monatsbericht_final(1)

/9/ Deutsche Windguard (2023) Windenergie-Statistik: 1. Halbjahr 2023, en ligne : https://www.windguard.de/id-1-halbjahr-2023.html

/10/ VBW (2023), Strompreisprognose Juillet 2023, vbw – Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft, en ligne : https://www.vbw-bayern.de/vbw/Themen-und-Services/Energie-Klima/Energie/Neue-Strompreisprognose-bis-2040.jsp?shortcut

Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022

L’édition 2023 est disponible ici

Texte mis à jour le 13.07.2023

Temps de lecture : 6 min (résumé), 35 min (article entier)

Résumé 

La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP), voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.

L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».

La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite (environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité). 

La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.

Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :

  • Les émissions de gaz à effet de serre baissent légèrement et se situeraient à 746 Mt CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a été atteint malgré une augmentation des émissions du secteur de l´énergie de presque 11 Mt CO2éq par rapport à 2021. La raison est l´utilisation accrue de la houille et du lignite pour la production d´électricité ;
  • La consommation d´énergie primaire recule de 5,4% (- 4,0% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 et s´élève à 3 269 TWh (281 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) comptent pour près de 79% de la consommation d´énergie primaire (contre environ 77% en 2021) ;
  • La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix ;
  • La production brute d´électricité baisse d´environ 2% à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : La  production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 80 TWh (2021 : 90 TWh), en revanche la production du couple lignite/houille augmente à 181 TWh contre 165 TWh en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 35 TWh contre 69 TWh en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
  • Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,5% (2021 : 40,2%) et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,2 % contre 41,2% en 2021.
  • Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint seulement 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
  • Le solde exportateur d´électricité augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. A titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
  • Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.

Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 : 

  • Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
  • Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023).
    Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport
    au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
  • Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.

adobestock-384476407

Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production installé
    • Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
    • Energies renouvelables
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Échanges transfrontaliers d´électricité

Modernisation des réseaux de transport

  • Coûts des interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Émissions de gaz à effet de serre

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

  • Episodes de prix négatifs au marché journalier

Projets phares de la transition énergétique allemande en 2022

  • Mesures de soutien de presque 300 Mds€ pour les citoyens et l´industrie
  • Paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables
  • Mesures d´urgence en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023  

Références

——————————————————————————————————

Consommation énergétique

Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a) la consommation d´énergie primaire atteint 3269 TWh (281 Mtep) en 2022, cela correspond à une baisse de 5,4 % (~ 187 TWh) par rapport à l´année précédente (2021 : 3456 TWh ou 297 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.

Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.

Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.

Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 4,0% selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a).

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter près de 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.

La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 2,9% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,3% (2021 : 32,5%).

La consommation de gaz naturel baisse de presque 15,7% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz.  La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,6% contre 26,6% en 2021.

Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% (BNetzA 2023e). Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège (environ 33%).

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.

La consommation du lignite augmente de 3,5% en 2022. Le lignite atteint une part de 10% (2021 : 9,1%) de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.

La consommation de la houille augmente de 4% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8% (2021 : 8,9%) de la consommation d´énergie primaire.

La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2% (2021 : 6,1%) de la consommation d´énergie primaire.

Fig 1 Energie primaire 2022
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 3,8% et atteint 17,2% (2021 : 15,7%). Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. La part de la biomasse représente 51% en 2022 (2021 : 53%) dans la consommation d´énergie primaire des énergies renouvelables.

Consommation et production d´électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine.

Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record (UBA 2023a).

Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,2%% contre 41,2% en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse (voir plus loin).

La production brute d´électricité baisse à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.

La production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 80 TWh en 2022 contre 90 TWh en 2021. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.

La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 32% contre 28% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 116 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de 5,5% par rapport à 2021 (110 TWh).  Les centrales à houille ont fourni 64 TWh, soit une augmentation d´environ 18% par rapport à 2021 (55 TWh). La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve (voir plus loin).

La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,1% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 35 TWh bruts, soit presque 50% de moins qu´en 2021 (69 TWh).

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 8,5%. Leur part dans la production brute passe à 44,5%, soit à 254 TWh, contre 40,1% en 2021 (234 TWh). Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse (voir plus loin).

Fig 2 Stromproduktion brutto 2022
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.

Bien que l´éolien et le photovoltaïque marquent une augmentation record et que la production des énergies conventionnelles baisse de presque 9%, celles-ci continuent à contribuer pour presque 56% à la production brute. Presque 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).

Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse stagne au niveau de 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 11% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.

Tabelle 1 evolution production electricite 2021-2022
Tableau 1 : production (hors transfert d´énergie par pompage) et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon (AGEB 2023b ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 31%. En revanche l´année 2021 marque une inversion de la tendance : le charbon (couple houille/lignite) est à nouveau en hausse, cf. figure 3.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2022
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2023b ; UBA 2023a).

Fig 4 Production co2frei 2022
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 236 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~150 GW d´installations renouvelables (BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2023a).

Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) est entrée en vigueur mi-2022.  Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe (Allemagne Energies 2022a).

Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW (5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite) a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW (BNetzA 2022a) et environ 2 GW (gaz, fioul) sont provisoirement arrêtés.

Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie (stations de transfert d´énergie par pompage (STEP), batteries, etc.).

Tabelle 2 Puissance installee 2021_2022
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation

Centrales conventionnelles et stockage d´énergie

Centrales nucléaires

En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 (Allemagne Energies 2022b). Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 (Allemagne Energies 2022c).

Centrales à houille

Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.

Centrales à lignite

Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.

Centrales à gaz

Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.

Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.

Centrales au fioul et divers

Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers (déchets etc.) sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.

Stockage d´énergie

L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries (domestiques et industrielles) s´élève à environ 3,4 GW.

Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge (Agora Energiewende 2023).

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

Energies renouvelables

La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 10 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 150 GW (cf. tableau 2).  Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et des Libéraux (FDP), de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables intermittentes (Allemagne Energies 2021).

Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 10 GW installés en 2022, environ trois quarts sont dus au photovoltaïque. Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes (Windguard 2023).  Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.

Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.

Éolien

Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW (70% du volume appelé de 4,5 GW) a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.

Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.

La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières (i.e. le cuivre, le ciment) ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.

Fig 5 Auschreibungen Wind Land 2019_2022
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement (Allemagne Energies 2022d). Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023 (Windguard 2023), bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 (69 GW).

Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau (342 MW nets).  Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.

Photovoltaïque

Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc (3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture). Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc (30% du volume appelé). Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023 (88 GW en 2024) il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.

Fig 6 Ausschreibungen solar 2019_2022
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 (Allemagne Energies (2022f) ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.

L´électricité verte devient plus chère

Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. A partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture (BNetzA 2022b) et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol (BNetzA 2023f).

C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.

L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 (BDEW 2022 ; AGEB 2023b; UBA 2023). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent presque 57% de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.

Fig 7 Capacite_production en pourcent 2022
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 (hors installations de stockage d´énergie)

A titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.

Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Grace aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 (voir tableau 1).  La forte production éolienne en janvier et février 2022 (voir figure 8) et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année (voir figure 9) ont largement contribué à cette hausse (DWD 2022).

Fig 8 Jahresverlauf Wind_2022
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 (1544 heures par an). Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.

En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 11% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle (UBA 2023a). L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique (DWD 2022).

Fig 9 Jahresverlauf Solar_hydro 2022
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.

Échanges transfrontaliers d´électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017 (AGEB 2023b). Les importations marquent une légère baisse à 50 TWh tandis que les exportations augmentent de presque 11% à 78 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.

C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.

Fig 10 export _ import 2022
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh

Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2023a).

Modernisation des réseaux de transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Le plan actuel du réseau de transport prévoit 14.044 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes) à l´horizon de 2035, date à laquelle un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre est visé par le gouvernement. Seuls 16,3% (2.292 km) étaient réalisés à la fin du troisième trimestre 2022, 1.178 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023c).

La mise en service des tracés nord-sud en courant continu d´une capacité de 6 GW, initialement prévue en 2025/2026, a été reportée de deux ans à 2027/2028.

Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution. 

Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015 en raison de la lente modernisation du réseau électrique (Allemagne Energies 1).

Les coûts des actions d´équilibrage menées par les Gestionnaires du Réseau de Transport (GRT) étaient déjà en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€, cf. figure 11. En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et l´augmentation des prix de gros au deuxième semestre 2021 (Allemagne Energies 2022e).

Fig 11 Netzengpassmassnahmen
Figure 11 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

Les coûts de stabilisation du réseau ont augmenté au cours du premier semestre 2022 à environ 2,2 Mds€ et atteignent presque les coûts de l´année précédente (BNetzA 2023d). Cette forte augmentation des coûts est principalement due à la hausse significative des prix de gros (voir plus loin). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Les prix élevés du marché de gros ont entraîné une forte hausse des coûts du redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et du countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport).

Les coûts pour des centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante, sont également en forte hausse au premier semestre 2022. En revanche, les coûts de compensation pour l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération sont en net recul. Cependant, au cours du premier semestre, environ 5,4 TWh de production renouvelable (notamment la production des éoliennes maritimes et terrestres) ont dû être écrêtés contre 3,4 TWh dans la même période de l´année précédente.

L´Agence Fédérale des Réseaux a publié début juillet 2023 les chiffres pour l´année 2022. Les coûts liés à l´équilibrage s´élèvent à 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu´en 2021 (Allemagne Energies 2023b).

En attendant la mise en service des tracés nord – sud en courant continu, le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaire pour redispatching ou countertrading, risque d´accroitre encore les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir. De plus, la compensation de la puissance réactive manquante, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport, doit être assurée.

Deux des trois centrales nucléaires encore au réseau jusqu`au 15 avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.

Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux a décidé la construction de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). Leur mise en service est prévue en 2023, cf. annexe 2 (Allemagne Energies 2). 

Émissions de gaz à effet de serre

Sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, l´Allemagne a recouru de façon accrue au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel ce qui a entrainé une hausse des émissions dans le secteur de l´énergie. Malgré cela les émissions totales de gaz à effet de serre baissent légèrement à 746 CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq) selon le pronostic de l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023b). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a donc été atteint.

Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de 4,4% et atteint 256 Mt CO2éq (2021 : 245 Mt CO2éq). Il atteint néanmoins sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

Presque 90% des émissions du secteur de l’énergie proviennent du secteur électrique, soit 223 Mt CO2éq en 2022 (2021 : 215 Mt CO2éq) selon l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023c). L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq /kWh (2021 : 410 g CO2éq /kWh ).

En cause le recours accru aux centrales à houille et au lignite qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire (arrêt de 4 GW fin 2021) et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.

Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.

Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé de plus de 10% par rapport à l´année précédente à 164 Mt CO2éq (2021 : 183 Mt CO2éq). Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat (177 Mt CO2éq).

Dans le secteur de l´agriculture, les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué pour atteindre 62 Mt CO2éq (2021 : 63 Mt CO2éq). Le secteur reste ainsi bien en deçà de sa cible sectorielle de 2022, fixée à 67 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.

Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 112 Mt CO2éq (2021 : 118 Mt CO2éq), l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq  pour 2022 a été légèrement manqué. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel à cause de la flambée du prix et n´est vraisemblablement pas durable.

L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 148 Mt CO2éq (2021 : 147 Mt CO2éq). Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.

La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : (UBA 2023b).

Fig 12 emission 2022
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030

La légère baisse des émissions en 2022 ne doit cependant pas faire oublier que ce sont les économies d´énergie consécutives à la crise énergétique et les conditions météorologiques très favorables qui ont contribué à la réalisation de l´objectif fixé par la Loi sur la Protection du Climat.

Pour atteindre l´objectif de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 41% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était d´environ 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.

Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (production d´environ 5 TWh bas carbone en 2023), l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 (BNetzA 2023a ; FFE 2023).

Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.

La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : a flambée du coût des quotas de CO2 (le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021), mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.

L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.

Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh (BNetzA 2023e), ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.

En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH). La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité (figure 13) car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande (FFE 2023).

En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. »  En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque) n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.

Fig 13 GasPreis 2022
Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz (rendement de 40 à 60%) et des centrales à houille (rendement de 35 à 45%) résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022

Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août (BNetzA 2023a). A partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.

La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2023a).

Fig 14 Prix spot 2019_2022
Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon (BNetzA 2023a).

En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.

Tabelle 3 prix spot 2022
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier (day-ahead) de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » (EPEX SPOT 2022). 

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.

En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh (FFE 2023).

Fig 15 Nombre heures prix negatif 2019_2022
Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 (BNetzA 2023a)

Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.

La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021 (FFE 2022), soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.   

Projets phares du tournant énergétique en 2022 

Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2022 étaient :

Adoption d´un ensemble de mesures de presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique

La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise et fut un facteur déterminant de l´inflation, qui a dépassé temporairement les 10% en Allemagne. Le gouvernement a donc été contraint d´adopter un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises (Allemagne Energies 2022g).

Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation.

Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.

De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€.

La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.

Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.

Adoption d´un paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie

Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2023) du secteur électrique (Allemagne Energie 2022f ; Allemagne Energies 3).

Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 360 GW au total (éolien terrestre : 115 GW, éolien en mer : 30 GW, photovoltaïque : 215 GW).

Mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2022c) et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030 (Allemagne Energies 2022a).

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023

En 2022 la gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques.

Les efforts coûteux pour réduire durablement les émissions de CO₂ piétinent actuellement. Les émissions dues à la production d´électricité à partir du charbon sont à la hausse depuis l´arrêt de livraison du gaz russe bon marché.

Le déni de réalité dans la stratégie allemande de transition énergétique a atteint des proportions inquiétantes. En réaction à l´accident de Fukushima, déclenché à la suite d´un séisme et d´un tsunami, le gouvernement allemand avait accéléré la sortie du nucléaire. Et comme le gouvernement, même après l´occupation de la péninsule de Crimée en 2014, a considéré la Russie comme un partenaire fiable, l´Allemagne est devenu fortement dépendante de son gaz.

En vue de la sortie du nucléaire et du charbon, le gouvernement avait initialement prévu, pour suppléer aux aléas des énergies renouvelables intermittentes, la construction de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030. Celles-ci seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux. Mais en absence du gaz russe bon marché, la construction de ces centrales n´est pas rentable actuellement (Allemagne Energies 2023a). Jusqu´à maintenant aucune décision n´est prise ni sur leur capacité nécessaire ni sur leur financement.

Après la sortie définitive du nucléaire en avril 2023, il manquera environ 30 TWh supplémentaires de production bas-carbone dans le réseau électrique. Le développement de l´éolien et du photovoltaïque se poursuit trop lentement et n´a pas été en mesure depuis 3 ans de suppléer la perte de production du nucléaire sans parler des jours où le vent et le soleil sont faibles.

La devise du gouvernement semble être la suivante : « Il est plus important de bien choisir ses objectifs que de les atteindre ». Les 360 GW maintenant visés en 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque nécessitent un triplement de la puissance installée dans les huit prochaines années, soit un ajout annuel d´au moins 26 GW contre 6 GW/an en moyenne entre 2000 et 2022.

De plus, l´objectif pour 2035 de presque 100% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité implique, en une décennie, des paris technologiques lourds comme une bascule vers l´hydrogène et la mise à disposition de moyens suffisants de stockage d´énergie.

Avec la sortie du nucléaire, le gouvernement fait le deuxième pas avant le premier en arrêtant des centrales fiables et bas carbone. Les déclarations publiques des ministres responsables sur la garantie d´un approvisionnement énergétique sûr et abordable misent sur le principe de l´espoir. Les risques et problèmes, comme par exemple la faible résilience du système électrique à des aléas climatiques, ne sont pas pris en compte. Au pied du mur, les prochaines années détermineront si le gouvernement allemand parviendra à entamer la transition vers la neutralité climatique en 2045. Face à la crise climatique qui s´aggrave, déjà les décisions à prendre en 2023 seront d´une grande importance.


1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période 

Références 

AGEB (2023a) AG Energiebilanzen legt Bericht für 2022 vor Kräftiger Rückgang beim Energieverbrauch/Einsparziel bei Erdgas erreicht. Communiqué de Presse du 17.04.2023. AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/ag-energiebilanzen-legt-bericht-fuer-2022-vor/.

AGEB (2023b) Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2022 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand Februar 2023). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/.

Agora Energiewende (2023) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2022. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/projekte/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2022/.

Allemagne Energies (1) Le tournant énergétique allemand. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/.

 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (2021) Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2021/12/08/le-nouveau-gouvernement-allemand-veut-accelerer-la-transition-energetique/.

Allemagne Energies (2022a) Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/06/11/retour-au-charbon-dans-la-production-electrique-pour-baisser-la-consommation-de-gaz/.

Allemagne Energies (2022b) Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 2021. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/01/02/allemagne-arret-definitif-de-trois-centrales-nucleaires-le-31-decembre-2021/.

Allemagne Energies (2022c) Prolongation des trois dernières centrales nucléaires allemandes sur décision du Chancelier – Modification de la Loi Atomique adoptée par le conseil des ministres. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/10/20/prolongation-des-trois-dernieres-centrales-nucleaires-allemandes-sur-decision-du-chancelier-modification-de-la-loi-atomique-adoptee-par-le-conseil-des-ministres/.

Allemagne Energies (2022d) Le développement de l´éolien terrestre ne décolle pas. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/11/03/le-developpement-de-leolien-terrestre-ne-decolle-pas/.

Allemagne Energies (2022e) Forte hausse en 2021 des coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/05/15/les-couts-dinterventions-pour-eviter-la-congestion-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-23-mde-en-2021/.

Allemagne Energies (2022f) L´Allemagne vise un approvisionnement en électricité presque 100% renouvelable d´ici 2035. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/03/07/lallemagne-vise-un-approvisionnement-en-electricite-presque-100-renouvelable-dici-2035/.

Allemagne Energies (2022g) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) La sortie du charbon nécessite la construction préalable de nouvelles centrales à gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/05/la-sortie-du-charbon-necessite-la-construction-prealable-de-nouvelles-centrales-a-gaz/.

Allemagne Energies (2023b) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/.

BDEW (2022) Jahresbericht: Die Energieversorgung 2022. Erdgasversorgung durch Ukrainekrieg in Turbulenzen – Günstige Witterung führt zu mehr Strom aus Erneuerbaren Energien. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW). En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung-2022/.

BNetzA (2022a) Kraftwerkliste. Situation 25.11.2022. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html.

BNetzA (2022b) Festlegung der Höchstwerte für Ausschreibungen für Wind an Land und Aufdach-Solaranlagen für 2023. Communiqué de presse du 27.12.2022. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2022/20221227_Hoechstwerte.html.

BNetzA (2023a) Bundesnetzagentur veröffentlicht Daten zum Strommarkt 2022. Communiqué de Presse du 04.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230104_smard.html;jsessionid=9504403AB813CD304304C885735DD056.

BNetzA (2023b) Ausschreibungen für EE- und KWK-Anlagen. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Ausschreibungen/start.html.

BNetzA (2023c) Netzausbau. Monitoringbericht. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.netzausbau.de/Vorhaben/uebersicht/report/de.html.

BNetzA (2023d) Netzengpassmanagement. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html.

BNetzA (2023e) Bundesnetzagentur veröffentlicht Zahlen zur Gasversorgung 2022. Communiqué de presse du 06.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230106_RueckblickGasversorgung.html?nn=265778.

BNetzA (2023f) Festlegung der Höchstwerte für Freiflächen-Solaranlagen für 2023. Communiqué de presse du 23.01.2023. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/20230123_SolarEEG.html?nn=265778.

DWD (2022) Deutschlandwetter im Jahr 2022. Communiqué de presse du 30.12.2022. Deutscher Wetterdienst. En ligne: https://www.dwd.de/DE/presse/pressemitteilungen/DE/2022/20221230_deutschlandwetter_jahr2022_news.html?nn=495078.

EPEX SPOT (2022) Trading Brochure. EPEX SPOT. En ligne : https://www.epexspot.com/en/downloads#trading-products.

FFE (2022) Deutsche Strompreise an der Börse EPEX Spot in 2021. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-in-2021/.

FFE (2023) Deutsche Strompreise im Jahr 2022 an der Börse EPEX Spot. Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-im-jahr-2022/.

ISEA und PSG RWTH Aachen University (2022) Battery charts. Institut für Stromrichtertechnik und Elektrische. En ligne : https://www.battery-charts.de/.

UBA (2023a) Erneuerbare Energien in Deutschland 2022. Daten zur Entwicklung im Jahr 2022. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/erneuerbare-energien-in-deutschland-2022.

UBA (2023b) UBA-Prognose: Treibhausgasemissionen sanken 2022 um 1,9 Prozent. Communiqué de presse N° 11/2023 du 15.03.2023. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/uba-prognose-treibhausgasemissionen-sanken-2022-um.

UBA (2023c) Entwicklung der spezifischen Treibhausgas-Emissionen des deutschen Strommix in den Jahren 1990 – 2022. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/entwicklung-der-spezifischen-treibhausgas-9.

Windguard (2023) Windenergie-Statistik: Jahr 2022. Deutsche Windguard. En ligne : https://www.windguard.de/jahr-2022.html.

Retour au charbon dans la production électrique pour baisser la consommation de gaz

Texte mis à jour le 18.07.2022

Temps de lecture : 7 minutes

Le cabinet fédéral des ministres a adopté le 8 juin 2022 un projet de loi visant à réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité en cas de pénurie ou de menace de pénurie de gaz. Pour cela il est prévu de réactiver temporairement des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), actuellement situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe. Au total, l´Allemagne disposerait alors d´une capacité supplémentaire pouvant atteindre 10 GW dans une situation critique d´approvisionnement des centrales à gaz.

La sortie du charbon sera temporairement suspendue, peut-on lire dans l´exposé des motifs pour la Loi portant le nom « Loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand). La fin justifie les moyens : en réactivant des centrales thermiques à flamme, le gouvernement allemand se tient prêt à préserver les réserves de gaz en cas d´urgence. L´objectif de sortir du charbon d´ici 2030 « dans l´idéal » et les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre resteraient quand même inchangés.

En revanche la prolongation pour des raisons de sécurité d´approvisionnement ou d´économie de gaz des trois dernières centrales nucléaires ne serait toujours pas prévue, même au vu de la situation actuelle tendue.

Selon le député chrétien-démocrate de l´opposition au parlement fédéral Christian Hirte, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, codirigeant du parti des Verts et vice-chancelier, préfère pour des raisons idéologiques donner la préférence à des centrales fortes émettrices de CO2 plutôt que de miser – du moins temporairement – sur l´énergie nucléaire, bas carbone et bon marché.

Mise à jour : Face aux baisses de livraison de Gazprom, l´réactivation des centrales de réserve sera effectuée le plus rapidement possible selon un communiqué de presse du Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat du 19 juin 2022.

Le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat a annoncé le 17 juillet 2022 un « nouveau test de résistance » pour la sécurité de l´approvisionnement en électricité. La question de la poursuite éventuelle de l´exploitation des centrales nucléaires serait également réévaluée à la lumière des résultats de cette étude.

2022-03-31-stilllegung-block-a-kraftwerk-neurath
Centrale au lignite Neurath, Grevenbroich en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 3×300 MWe et 2×600 MWe, tranche A à E (à gauche). La centrale fera éventuellement partie de l´augmentation de la réserve stratégique, source RWE

Le 8 juin 2022, le cabinet des ministres a adopté un projet de loi visant à réduire la consommation de gaz dans la production d´électricité en cas de pénurie ou de menace de pénurie de gaz /1/. Ces mesures doivent désormais être examinées et discutées au Bundestag allemand.

Le projet de loi vise à sécuriser la production d´électricité dans le cas d´une éventuelle pénurie de gaz résultant d´un arrêt des livraisons de gaz par la Russie. Dans une telle situation, l´Allemagne doit être en mesure de réduire considérablement sa consommation de gaz.

Actuellement, une capacité d´environ 27 GW de centrales à gaz est disponible sur le marché de l´électricité selon l´Agence Fédérale des Réseaux /2/. Le gaz naturel a contribué à environ 12% de la production d´électricité et à presque 7% de la production de chaleur à distance en 2021 selon la Fédération Allemande de l´Industrie de l´Énergie et de l´Eau (BDEW) /8/.

La « Loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) prévoit la réactivation temporaire des centrales thermiques (houille, lignite et fioul), actuellement situées dans la réserve stratégique, en substitution des centrales à gaz en cas de besoin.

Le projet de loi prévoit que les centrales à houille, lignite et fioul situées dans la réserve stratégique seront activées rapidement sur demande pour suppléer les centrales à gaz. Les centrales de réserve sont prêtes à fonctionner, mais sont en marge du marché de l´électricité, de sorte qu´il n´y a pas d´émissions de CO2 supplémentaires sauf en cas de besoin. La réactivation de la réserve, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, n´aurait lieu que si une pénurie de gaz se présente ou menace de se présenter.

Pour cela une ordonnance sera émise afin de pouvoir réduire très rapidement l´utilisation des centrales à gaz en cas de crise et ce, pour une durée maximale de six mois. L´ordonnance tient compte du fait que certaines centrales à gaz fournissent non seulement de l´électricité, mais aussi du chauffage urbain. Les centrales à cogénération faisant intervenir le gaz naturel ne peuvent produire de l´électricité que s´il n’existe pas d´alternative pour le chauffage urbain.

Ainsi, les centrales à houille dont la fermeture définitive a été prévue en 2022 et 2023 (2,1 GW en 2022 et 0,5 GW en 2023) resteront en réserve stratégique jusqu’au 31 mars 2024. A cela s´ajoutent les centrales qui sont déjà en réserve et qui ne fonctionnent pas au gaz naturel. Il s´agit d´une dizaine de centrales à houille (4,3 GW au total) et de six centrales au fioul (1,6 GW au total)

Les 5 centrales à lignite (1,9 GW au total), qui se trouvent actuellement encore dans la réserve ultime, feront également partie de l´augmentation de la réserve stratégique et pourraient être réactivées à court terme sur ordonnance ministérielle en cas de besoin.

Au total, l´Allemagne disposerait alors d´une capacité supplémentaire pouvant atteindre 10 GW, dans une situation critique d´approvisionnement en gaz pour la production d´électricité.

Selon le gouvernement, l´objectif de sortir du charbon d´ici 2030 « dans l´idéal » et les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre restent inchangés.

Réactivation immédiate des centrales de réserve face aux baisses de livraison de Gazprom

En réaction aux annonces récentes de plusieurs baisses de livraison de gaz par Gazprom, l´réactivation de la réserve stratégique sera effectuée immédiatement après le feu vert des instances législatives au projet de loi prévu le 8 juillet 2022, cf. communiqué de presse du 19.06.2022 /7/. Selon le Ministre de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck : « la sécurité de l´approvisionnement en gaz est garantie mais la situation est sérieuse. La consommation de gaz doit baisser, sinon ce sera vraiment juste en hiver ».

La situation actuelle nécessite des mesures d´urgence. Les exploitants des centrales de réserve doivent se préparer à démarrer leurs installations « de sorte que tout soit opérationnel le plus rapidement possible », selon Habeck. Cela permettra de réduire substantiellement la consommation de gaz pour la production d´électricité.

Clap de fin pour le nucléaire malgré la menace d´une pénurie de gaz ?

Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW encore en service seront arrêtées définitivement fin 2022.

Une évaluation menée par le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat et le ministère de l´Environnement en mars 2022 a conclu que le maintien en activité du parc nucléaire restant ne seraitpas recommandé à ce stade et qu´il serait trop tard pour réactiver les centrales nucléaires déjà fermées fin 2021 (/3/, /4/).

Dans l´exposé des motifs du projet de loi sur la mise à disposition de centrales électriques de remplacement, adopté le 8 juin 2022, le refus de prolongation du nucléaire est confirmé : suite à une évaluation des avantages et des risques, la prolongation des trois dernières centrales nucléaires encore en service n´est pas recommandée pour des raisons de sécurité d´approvisionnement ou d´économie de gaz, même au vu de la situation actuelle tendue.

Selon Christian Hirte, député chrétien-démocrate de Thuringe de l´opposition au parlement fédéral, « en cas de pénurie de gaz, la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires encore en service est nécessaire et dans l´intérêt national » /5/. Malgré l´avis favorable manifeste des citoyens pour une prolongation du nucléaire, le Ministre de l´Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, maintient son refus, sans doute uniquement pour ne pas trop froisser les fondamentalistes de son propre parti des Verts. Il donne la préférence à des centrales fortes émettrices de CO2 plutôt que de miser – du moins temporairement – sur l´énergie nucléaire, bas carbone et bon marché.

Le chef des Libéraux Christian Lindner souhaite lui aussi un débat « sans préjugés » sur le nucléaire. Ses partenaires de la coalition « feu tricolore » voient les choses différemment.  Selon son collègue Robert Habeck, « il n’y a plus grand-chose à dire sur l´énergie nucléaire. Ce n´est pas une voie que l´Allemagne continuera à poursuivre ». Le chancelier Olaf Scholz (Sociaux-démocrates) lui aussi s´est prononcé contre la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires /6/.

Compte tenu de la réduction de l´approvisionnement en gaz russe, les inquiétudes grandissent quant au passage de l´hiver 2022/23. Le ministère de l´Économie et de la Protection du Climat a annoncé le 17.07.2022 un « nouveau test de résistance » pour la sécurité de l´approvisionnement en électricité /9/. La question de la poursuite éventuelle de l´exploitation des centrales nucléaires serait également réévaluée à la lumière des résultats de cette étude. Le débat sur la poursuite de l´exploitation des centrales nucléaires devrait se poursuivre encore plusieurs semaines.

Références

/1/ BMWi (2022), Weitere Schritte auf dem Weg zur Unabhängigkeit von russischen Gasimporten – Bundeskabinett beschließt Vorsorgemaßnahmen im Fall einer drohenden Gasmangellage, Communiqué de presse du 8 juin 2022, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/06/20220608-bundeskabinett-beschliesst-vorsorgemassnahmen-im-fall-einer-drohenden-gasmangellage.html

/2/ BNetzA (2022), Kraftwerkeliste, 31 mai 2022, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html

/3/ BMWi (2022) Bundeswirtschaftsministerium und Bundesumweltministerium legen Prüfung zur Debatte um Laufzeiten von Atomkraftwerken vor. Communiqué de presse du 8 mars 2022. Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/03/20220308-bundeswirtschaftsministerium-und-bundesumweltministerium-legen-prufung-zur-debatte-um-laufzeiten-von-atomkraftwerken-vor.html

/4/ Allemagne-Energies (2022), Historique de la sortie du nucléaire, en ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/

/5/ Hirte (2022), Hirte für Weiterbetrieb verbliebener Kernkraftwerke, Communiqué de presse du 3 juin 2022, en ligne : https://www.christian-hirte.de/aktuelles/2022/energiekrise

/6/ Tagesschau (2022) Lindner will Diskussion über Atomkraft, 9 juin 2022, en ligne : https://www.tagesschau.de/wirtschaft/lindner-atomkraft-103.html

/7/  BMWi (2022), Habeck: „Wir stärken die Vorsorge weiter und ergreifen zusätzliche Maßnahmen für weniger Gasverbrauch“, Communiqué de presse du 19.06.2022, en ligne : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/06/20220619-habeck-wir-starken-die-vorsorge-weiter.html

/8/ BDEW (2022) Die Energieversorgung 2021 – aktualisierter Jahresbericht, 14.06.2022, Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/service/anwendungshilfen/die-energieversorgung-2021/

/9/ Bundesregierung (2022) Regierungspressekonferenz vom 18. Juli 2022, en ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/suche/regierungspressekonferenz-vom-18-juli-2022-2063078

 

L´Allemagne vise un approvisionnement en électricité presque 100% renouvelable d´ici 2035

Texte mis à jour le 11.04.2022

Temps de lecture : 10 minutes

Jusqu´à présent, la priorité de la transition énergétique a été la protection du climat. Avec l´invasion de l´Ukraine par la Russie, le développement massif des énergies renouvelables devient une question stratégique aussi pour réduire la dépendance aux importations d´énergies fossiles.  

Lors du bilan d´ouverture sur la protection du climat présenté en janvier 2022, le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat a annoncé un programme d´urgence comportant différentes réformes /1/ avec pour mesure phare l´amendement à la loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023).

Le paquet législatif de plus de 500 pages appelé « paquet de Pâques » (Osterpaket), adopté par le cabinet des ministres le 6 avril 2022, veut poser la base d´un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre en 2035 /2/. Un deuxième paquet de mesures dit « paquet d´été » (Sommerpaket) est prévu courant 2022 et sera focalisé sur la réduction de la lourdeur administrative des projets.  

Il est prévu que les énergies renouvelables couvrent 80% de l´électricité consommée en 2030. Suite à l´électrification accrue des autres secteurs de l´économie, le gouvernement prévoit une forte hausse de la demande annuelle d´électricité à 750 TWh à l´horizon de 2030 soit environ 180 TWh de plus par rapport à 2021. L´objectif de 80% implique en moins de 10 ans une augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité à environ 600 TWh contre 234 TWh en 2021.

Pour limiter la hausse des prix de l´électricité, la charge de soutien aux énergies renouvelables sera supprimée au 1er juillet 2022.  

La guerre en Ukraine a souligné une fois de plus l´importance des stocks stratégiques, notamment pour le gaz. C´est pour cela que le gouvernement fédéral prévoit d´imposer à l´avenir des stocks suffisants de gaz avant l´hiver.

La stratégie actuelle du gouvernement allemand prévoit l´abandon définitif du nucléaire fin 2022 et des centrales à charbon en 2030, dans l´idéal. Pour pallier les fortes variations de production des énergies renouvelables intermittentes, des centrales à gaz/hydrogène ont été prévues en backup. La flambée du prix du gaz et les efforts pour s´émanciper de la forte dépendance au gaz russe ébranlent la stratégie actuelle.  

Le Ministère Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat analyse actuellement avec l´Agence Fédérale des Réseaux et les Gestionnaires de Réseaux de Transport l´impact d´une disponibilité limitée du gaz sur la sécurité de l´approvisionnement en électricité l´hiver prochain et les mesures à prendre.

rwe_helgoland_offshore_wind_farms_amrumbank
Parc éolien « Amrumbank West », 35 km au nord-ouest de l´île d´Heligoland en Mer du Nord, puissance électrique 302 MW, mis en service 2015, source RWE

Mesures phares de l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023)

L´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique 2023 vise une production nationale d´électricité quasiment neutre en carbone dès 2035, c´est-à-dire qu´elle doit être presque entièrement assurée par des énergies renouvelables /2/. Pour y arriver, l´objectif de la part des énergies renouvelables a été relevé à 80% de la consommation brute d´électricité d´ici 2030.

Des efforts massifs sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Suite à l´électrification accrue des autres secteurs de l´économie, le gouvernement prévoit une forte hausse de la demande d´électricité à 750 TWh en 2030 contre environ 570 TWh en 2021. En moins d´une décennie il faudra plus que doubler la part des énergies renouvelables dans la consommation brute.

Leur part devra donc passer de 234 TWh en 2021 à environ 600 TWh pour atteindre l´objectif de 2030 /2/.  La figure 1 montre à titre indicatif la répartition entre la consommation d´énergies renouvelables et d´énergies conventionnelles en 2021 et 2030.

Fig 1 Part ENR production brute
Figure 1 : part des énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité en 2021 et prévisions en 2030

Le tableau 1 montre l´accroissement des capacités d´éolien terrestre et en mer ainsi que du photovoltaïque à l´horizon de 2045 fixé dans les projets de loi /2/.

En matière de biomasse une capacité de 8,4 GW est visée en 2030 contre environ 9 GW actuellement. La biomasse sera davantage axée sur des centrales de pointe très flexibles, afin que la bioénergie puisse jouer son rôle au service du système et contribuer davantage à la sécurité de l´approvisionnement en électricité.

Tableau 1 Kapazitaet
Tableau 1 : accroissement des capacités d´éolien terrestre et maritime ainsi que du photovoltaïque

L´objectif de 2045 du projet de loi EEG 2023 ressemble au scénario B/C 2045 du projet du plan de développement du réseau de transport /3/.  Ce scénario décrit une transformation du système énergétique dans laquelle l´électricité est utilisée bien au-delà de ses applications actuelles et joue un rôle central, par exemple, dans les transports lourds et la production de la chaleur industrielle. La demande d´électricité est supposée en forte hausse, dépassant les 1100 TWh, tirée par l´usage des nouveaux consommateurs d´électricité et notamment d´une production nationale d´hydrogène importante. Les capacités présumées par les gestionnaires de réseaux de transport sont 150 GW pour l´éolien terrestre, 71 GW pour l´éolien en mer et 395 GW pour le photovoltaïque.

La part de 80% d´énergies renouvelables à la consommation brute en 2030 nécessite une forte augmentation des ajouts bruts annuels /2/. En plus il faut tenir compte du fait que les anciennes installations qui ont cessé de bénéficier du mécanisme de soutien après 20 ans, seront déclassées dans les prochaines années. Dans ce contexte, le projet de loi précise également l´augmentation conséquente des volumes des futurs appels d´offres éolien et photovoltaïque et renforce la participation des communes dans ces projets

La figure 2 montre les ajouts annuels pour l´éolien terrestre, maritime et le photovoltaïque réalisés entre 2010 et 2021 et prévus à partir de 2022.

Ajouts annuelsLe nouvel objectif d´un approvisionnement en électricité presque 100% renouvelable d´ici 2035 nécessiterait donc un quadruplement des ajouts annuels moyens par rapport à la période de 2010 à 2021, un défi gigantesque.

Le gouvernement a l´intention de créer un environnement favorable sur le marché et supprimer les obstacles administratifs. Actuellement les procédures d´approbation d´ éolien terrestre sont beaucoup trop longues. Le gouvernement s´est engagé à supprimer une partie des obstacles qui pèsent sur les procédures d´autorisation et faciliter la planification des projets.

Il est temporairement prévu de classer leur développement comme « intérêt public majeur », afin d´être réévalué par rapport à d´autres enjeux, même celui de la protection de la nature ou des espèces.

En ce qui concerne le photovoltaïque, il est prévu d´améliorer les conditions de développement par un ensemble de mesures pour les différents types d´installations (installations en toiture, installations au sol). De nouvelles surfaces seront mises à disposition pour son développement. Outre les volumes appelés, les seuils de minimis pour les appels d´offres seront augmentés. Les nouvelles installations en toiture qui injectent entièrement leur électricité dans le réseau bénéficieront d´une rémunération plus élevée.

Dans l´intérêt de la diversité des acteurs, de l´acceptation sur place et de la réduction de la bureaucratie, les sociétés de citoyens (Société ≥ 10 personnes privées, majorité des voix détenue par des personnes présentes localement) seront exemptées d´appels d´offres dans la limite de 18 MW pour les projets d´éolien et de 6 MW pour les projets de photovoltaïque (règle de minimis pour les aides d´État de l´UE).

L´État souhaite en outre s´engager progressivement dans ce que l´on appelle les contrats pour la différence (Contracts for Difference – CfDs)  : l´électricité produite sera vendue sur le marché de gros. Si le prix du marché est inférieur à la rémunération garantie, la différence est remboursée à l´exploitant (complément de rémunération). Si le prix de gros est supérieur, l´exploitant reversera l´excédent dépassant la rémunération garantie par kWh.

Suppression de la charge de soutien aux énergies renouvelable (EEG – Umlage) au 1er juillet 2022

Pour limiter la hausse des prix de l´électricité, le gouvernement a adopté le 9 mars 2022 un projet de loi visant à anticiper la suppression de la charge de soutien au 1er juillet 2022 /4/. Les fournisseurs d´électricité seront tenus de répercuter l´intégralité des économies réalisées au consommateur final.

Le soutien aux énergies renouvelables sera dans l´avenir financé par l´État grâce aux recettes de la taxe carbone sur les émissions des produits combustibles non couverts par le système européen d´échange de quotas d´émissions.  Selon une première estimation, l´État devrait financer de l´ordre de 46 Md€ pour la période 2023-2026 et entre 72 et 81 Md€ pour la période de 2026 à 2030. Les estimations dépendent fortement de l´hypothèse du prix de l´électricité au marché de gros.

Développement du réseau de transport

Suite à l´accélération du développement des énergies renouvelables, il faut s´attendre à une nouvelle hausse des besoins en réseaux. C´est pour cela que le « paquet de Pâques » comprend également une actualisation du plan fédéral des besoins qui détermine l´extension du réseau de transport.

Règlement sur les stocks suffisants de gaz avant l´hiver.

Le code de l´énergie sera amendé par un règlement qui imposera des stocks suffisants de gaz avant l´hiver afin de détendre la situation d´approvisionnement sur le marché du gaz.

Le ministère fédéral de l’Économie prévoit que les niveaux de remplissage des stocks de gaz atteignent au moins 65% début août, 80% début octobre et 90% début décembre. Début février, les stocks devraient encore être remplis à 40%.

Suite de la procédure

Suite à la décision du gouvernement du 9 mars 2022 de supprimer la charge de soutien aux énergies renouvelable, la procédure législative a été lancée en vue d´une entrée en vigueur de la loi avant le 1er juillet 2022.

Concernant le paquet législatif adopté par le cabinet des ministres le 6 avril 2022, l´achèvement de la procédure législative est visé avant les vacances d´été, afin que les négociations avec la Commission Européenne puissent avoir lieu au second semestre en vertu des règles de l´UE en matière d´aides d´État. L´approbation est attendue fin 2022 et une entrée en vigueur des lois au 1er janvier 2023.

Références

/1/ OFATE (2022) Bilan d´ouverture du ministre fédéral de l’Économie et du climat. Office franco-allemand pour la transition énergétique. En ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/societe-environnement-economie/actualites/lecteur/bilan-douverture-du-ministre-federal-de-leconomie-et-du-climat.html.

/2/ BMWi (2022) Habeck: „Das Osterpaket ist der Beschleuniger für die erneuerbaren Energien “, Communiqué de presse du 6 avril 2022, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/04/20220406-habeck-das-osterpaket-ist-der-beschleuniger-fur-die-erneuerbaren-energien.html

/3/ Allemagne-Energies (2022), Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

 /4/ BMWi (2022) Kabinett bringt Abschaffung der EEG-Umlage auf den Weg Communiqué de presse du 9 mars 2022, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2022/03/20220309-kabinett-bringt-abschaffung-der-eeg-umlage-auf-den-weg.html

 

Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2021

L´édition 2022 est disponible ici

Texte mis à jour le 22.06.2022

Temps de lecture : 4 min (résumé), 30 min (article entier)

La transition énergétique allemande a du plomb dans l´aile mais nonobstant les ambitions politiques augmentent : critiqué par la Cour Constitutionnelle, le gouvernement relève l´objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 65% d´ici 2030 par rapport à 1990 et avance la neutralité carbone à 2045.  Or jusqu´à maintenant, au-delà des déclarations de principe, les stratégies efficaces ont souvent fait défaut.

Les émissions allemandes sont en hausse par rapport à 2020 et la part des énergies renouvelables dans le mix électrique baisse pour la première fois de manière significative. La production d´électricité à partir des centrales à charbon atteint à nouveau un niveau record mais le gouvernement maintient son calendrier de sortie du nucléaire.

A l´occasion de la présentation d´un premier bilan le 11 janvier 2022 /22/, Robert Habeck, codirigeant du parti des Verts, Vice-Chancelier et Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, constate un retard considérable quant à l´atteinte des objectifs climatiques dans tous les secteurs. Les objectifs climatiques pour 2022 et 2023 sont déjà considérés inatteignables et les mesures actuellement engagées sont largement insuffisantes. Tout sera mis en œuvre pour atteindre les objectifs de 2030 définis dans le contrat de coalition du nouveau gouvernement /20/. C´est pour cela il faut tripler le rythme de réduction des émissions et faire nettement plus en moins de temps. Il est prévu de faire voter des mesures d´urgence courant 2022, afin qu´elles entrent en vigueur début 2023.

Selon les données statistiques, les résultats énergétiques 2021 se résument comme suit :

  • Après une année 2020 atypique du fait de la crise sanitaire, la reprise économique s´est traduite par un rebond de la consommation d´énergie primaire d´environ 3% par rapport à 2020 mais reste inférieure au niveau de 2019. Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) représentent plus des trois quarts de la consommation énergétique ;
  • La consommation d´électricité augmente de 3,3% et se rapproche de son niveau d´avant-crise sanitaire. Cette hausse est imputable à la reprise économique et à des températures globalement plus fraîches que l´année précédente ;
  • La production électrique des centrales conventionnelles progresse de presque 10%. Les centrales à charbon (lignite/houille) ont dépassé l´éolien (terrestre et maritime) et sont à nouveau la première source de production électrique ;
  • La production d´électricité renouvelable accuse une baisse de 5,3% par rapport à 2020 notamment en raison d´une forte baisse de la production éolienne. En conséquence, la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité marque un recul à 42,1 % (2020 : 45,9%) ;
  • La lenteur du développement des énergies renouvelables, notamment de l´éolien, met en péril l´objectif du nouveau gouvernement de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
  • Le solde exportateur s´élève à environ 19 TWh, soit au même niveau qu´en 2020 ;
  • Les émissions de gaz à effet de serre augmentent d´environ 4,5% (~ 33 MtCO2éq) par rapport à 2020 pour atteindre 762 MtCO2éq. Les émissions ont chuté de 38,7% depuis 1990, mais l´Allemagne s´est éloignée de l´objectif de réduction de 65% d´ici 2030.

Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2021 : 

  • Taxe carbone sur les émissions des produits combustibles non couverts par le Système Européen d´Échange de Quotas d´Émissions ;
  • Avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2021) visant une part des énergies renouvelables de 65% à la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
  • Avenant à la Loi sur la Protection du Climat pour un durcissement de l´objectif climatique (neutralité carbone en 2045) ;
  • Contrat de coalition du nouveau gouvernement visant entre autres une part des énergies renouvelables de 80% à la consommation brute d´électricité et 50% de la chaleur produite de manière climatiquement neutre d´ici 2030 ;
  • Arrêt de 3 centrales nucléaires et 6 centrales à charbon fin 2021Photo BNetzA

Consommation énergétique

Selon AG Energiebilanzen /1/, la consommation d´énergie primaire atteint 3407 TWh (293 Mtep) en 2021, cela correspond à une augmentation de 3,1 % (~ 103 TWh) par rapport à l´année précédente (2020 : 3304 TWh ou 284 Mtep). L´augmentation de la consommation énergétique a été entièrement assurée par des énergies conventionnelles. La contribution des énergies renouvelables a légèrement baissé par rapport à 2020.

La hausse de la consommation énergétique s´explique par la reprise économique et des températures plus fraiches par rapport à 2020. Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique augmente seulement de 0,6% selon /1/.

Toutefois, la consommation énergétique est encore inférieure au niveau d´avant la crise sanitaire. Le développement énergétique et économique en Allemagne continue d´être influencé par les effets de la pandémie.

Les énergies fossiles continuent de représenter plus des trois quarts de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2021 suivi par le gaz naturel.

Néanmoins, la consommation des produits pétroliers a connu une réduction de 3,1% par rapport à 2020. Le recul de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 32,3% (2020 : 34,4 %) s´explique en partie par la crise sanitaire et en partie par des effets de réduction de stocks compte tenu de la hausse du prix du combustible.

La consommation de gaz naturel a augmenté d´environ 5% par rapport à 2020. La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire augmente donc légèrement à 26,8% (2020 : 26,4%). Cause principale : les températures globalement plus fraiches au premier semestre et en conséquent une augmentation de la consommation de gaz pour la production de l´électricité et pour le chauffage. La forte hausse du prix du gaz au second semestre a entraîné un basculement vers d´autres sources d´énergie, comme la houille sur le marché de l´électricité. Malgré tout, le gaz naturel reste, après le fioul, la principale source d´énergie pour le chauffage en Allemagne.

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de presque 18% de la consommation d´énergie primaire.

La consommation de lignite a augmenté de 17,7 % par rapport à 2020, mais reste environ 3% inférieure à 2019 et suit donc la tendance baissière à long terme. Le lignite atteint une part de 9,2% (2020 : 8,1%) de la consommation d´énergie primaire.

La consommation de la houille a augmenté de 16,5 % en 2021. L´utilisation de la houille dans les centrales électriques, ce qui représente environ la moitié de sa consommation totale, a augmenté de presque un quart. La demande de houille de l´industrie sidérurgique a augmenté de 12%. Comme pour le lignite, cette évolution a été favorisée par la hausse des prix des autres sources d´énergie ainsi que par la baisse de la production renouvelable. La houille atteint une part de 8,5% (2020 : 7,5%) de la consommation d´énergie primaire.

Soutenue par une consommation d´électricité plus élevée et une baisse de la production renouvelable, la production du nucléaire a augmenté de 7,4% et atteint une part de 6,1% (2020 : 5,9%) de la consommation d´énergie primaire.

Fig 1 Energie primaire 2021
Figure 1 : consommation d´énergie primaire selon /1/

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a légèrement diminué à 15,9% (2020 : 16,5%). Cause principale une météo défavorable pour l´éolien et une consommation énergétique plus élevée en 2021 par rapport à 2020.

Consommation et production d´électricité

La consommation d´électricité représente environ un quart de la consommation brute d´énergie finale en Allemagne. Le secteur électrique a été influencé en 2021 par des facteurs assez divers :

  • Restrictions de la vie économique et publique dues à la crise sanitaire de la Covid -19 au début de l´année ;
  • Températures globalement plus froides au premier semestre ;
  • Forte baisse de la production éolienne du fait de conditions météorologiques défavorables ;
  • Reprise de l´activité économique aux 2e et 3e trimestres ;
  • Hausse significative du prix de gros sur le marché de l´électricité et de la tonne de CO2 sur le marché européen au cours du second semestre 2021.

La consommation intérieure brute d´électricité a été marquée à la fois par des températures relativement fraiches au premier semestre et par des effets de rattrapage conjoncturel. En 2021, elle a augmenté de 3,3% pour atteindre environ 565 TWh (2020 : 547 TWh), soit presque le niveau de 2019 (567 TWh). Le plus grand consommateur d´électricité a été l´industrie, avec une part d´environ 45 %, les ménages ont consommé environ un quart.

Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieur brute baisse à 42,1 % contre 45,9% en 2020 selon BDEW/4/. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a augmenté de 3,2 % à 586 TWh (2020 : 568 TWh). Le mix de production électrique enregistre en 2021 une hausse des sources conventionnelles de plus de 10%. Leur part dans la production brute est passée à presque 60% en 2021, soit environ 4% de plus par rapport à 2020. Presque 20% de la production nette de l´Allemagne (557 TWh) ont été fournis par des centrales à cogénération (production injectée dans le réseau public, autoconsommation de l´industrie et installations privées), soit environ 108 TWh /3/.

Depuis 1997, la production d´électricité renouvelable n´a cessé d´augmenter /4/. Les années avec des conditions métrologiques défavorables ont été compensées par l´augmentation de leur capacité installée. En revanche, en 2021 la production des énergies renouvelables accuse un recul de 5,3% par rapport à 2020 /3/, /4/. Leur part dans la production brute d´électricité baisse à 40,6% (2020 : 44,2%). En cause notamment la forte baisse de la production éolienne en raison des conditions météorologiques défavorables. En outre, l´ajout de nouvelles capacités a été faible en 2019 et 2020.

Fig 2 Production electricite 2020-2021
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2021 /4/ (données entre parenthèses pour 2020)

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2021 par rapport à 2020 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée à l´autoconsommation de l´industrie, individuelle et collective.

En dépassant l´éolien (terrestre et maritime), le charbon (couple lignite/houille) redevient la première source de production électrique en 2021, en hausse de presque 23% par rapport à 2020 malgré l´augmentation du coût des certificats de CO2 sur le marché européen. Le nucléaire a produit environ 7% de plus qu´en 2020. En revanche, la production des centrales à gaz a reculé de plus de 5%. Par l´effet du « merit order » elles se sont positionnées derrière le charbon suite à la forte augmentation du prix du gaz.

Malgré une forte baisse, l´ éolien (terrestre et maritime) a produit presque la moitié de l´électricité renouvelable sur l´ensemble de l´année. Le photovoltaïque a contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.

La production des déchets biogènes est en légère baisse par rapport à l´année précédente tandis que celle de la biomasse stagne.

La production de l´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, augmente légèrement en 2021 par rapport à 2020.

T 1 Tableau Production_Consommation
Tableau 1 : production et consommation d´électricité 2020 et 2021 selon /4/ (les chiffres de 2021 sont provisoires)

Au cours de la dernière décennie, la production renouvelable a doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé de presque 40%. Malgré cela l´année 2021 marque pour la première fois une inversion des tendances : les énergies renouvelables reculent et le charbon (couple houille/lignite) est en hausse (cf. figure 3).

Fig 3 Evolution diferentes filieres
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 /4/

L´augmentation de la production renouvelable au cours de la dernière décennie ne cache toutefois pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020.

Les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de suppléer la perte de production résultant de l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg 2 fin 2019. Le bilan devrait encore s´aggraver après l´arrêt des centrales nucléaires de Gundremmingen unité C, Grohnde et Brokdorf fin 2021 /5/. Déjà dans le passé l´arrêt de centrales nucléaires a eu un impact négatif sur l´évolution de la production bas-carbone (figure 4).

Fig 4 co2 frei
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires) selon /1/

Après l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires fin 2022 et sans qu´une seule tonne de CO2 supplémentaire soit économisée, une augmentation de 25% de la production renouvelable serait nécessaire pour pallier les 65 TWh nets produits par les six centrales nucléaires en 2021.

Puissance installée

Actuellement l´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2021 d´un parc de production d´environ 225 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~138 GW d´installations renouvelables.

Compte tenu des centrales arrêtées fin 2021 et des centrales en réserve stratégique, environ 73 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) sont activement sur le marché électrique au début 2022.

Le tableau 2 ci-dessous détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2020, y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation.

T2 Puissance installee 2021
Tableau 2 : Puissance installée en 2020 et 2021 hors du stockage de l´énergie (stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), batteries, etc.) Les chiffres de 2021 sont provisoires

Centrales conventionnelles

Centrales nucléaires

Début 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 /5/.

Centrales à houille

Début 2022 une puissance d´environ 14 GW est activement disponible sur le marché de l´électricité.

Suite aux résultats des deux premiers appels d´offres sur la fermeture anticipée des centrales à houille et centrales à lignite inférieures à 150 MW, environ 5,6 GW ont été fermés ou retirés du marché en 2021 /7/. De plus environ 4,3 GW sont en réserve stratégique en marge du marché de l´électricité. Ces centrales pourraient être activées en cas de besoin.

Centrales à lignite

Début 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité /7/.

Environ 1,8 GW ont été fermés ou retirés du marché en 2021 et environ 1,9 GW sont en marge du marché assurant une réserve ultime pour des situations extrêmes. Ces centrales doivent être opérationnelles dans un délai de 10 jours

Centrales à gaz

Début 2022 environ 27,4 GW sont activement sur le marché de l´électricité /7/. Environ 2,2 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.

Centrales au fioul

Début 2022 environ 2,9 GW sont activement sur le marché de l´électricité/7/. Environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,4 GW fermés ou retirés du marché.

Stockage d´énergie

L´Allemagne dispose début 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 10,4 GW/7/.

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) ont une capacité nette totale de 9,8 GW y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand et la capacité des batteries est estimée à environ 0,6 GW/7/.

Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues.

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

Il n´est donc guère possible d´en tirer une conclusion étayée sur la disponibilité des capacités de stockage en cas de besoin /2/.

Energies renouvelables

La capacité installée des énergies renouvelables a augmenté de près de 7 GW, soit un peu plus de 5% par rapport à 2020, pour passer à 137,7 GW (cf. tableau 2). Toutefois, la capacité ajoutée en 2019 et 2020 a été faible et le développement doit être fortement redynamisé pour atteindre les objectifs climatiques à l´horizon de 2030 /28/.

Photovoltaïque

Environ 5 GWc (~ 9%) ont été ajoutés, portant la capacité nette totale installée à 58,7 GWc fin 2021. C´est la première fois depuis 2012 que la capacité photovoltaïque ajoutée atteint les 5 GW. Seule la période 2010 – 2012 a connu un ajout annuel plus élevé.

Éolien terrestre

La capacité installée des éoliennes terrestres a augmenté de près de 1,7 GW en 2021, soit environ 3% pour atteindre un total d´environ 56,1 GW. La tendance de développement est certes positive par rapport à 2020 qui a été très faible avec un ajout de seulement 1,2 GW. Mais la construction annuelle de nouvelles éoliennes reste toujours nettement inférieure à celle des années 2014 – 2017.

Éolien en mer

Aucune nouvelle éolienne n´a été ajoutée en 2021. La puissance totale s´élève à 7,8 GW fin 2021.

Hydroélectricité/Biomasse/Déchets biogènes

La capacité installée a peu évolué par rapport à 2020.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La puissance nette installée des énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représente plus de la moitié de la puissance totale installée en Allemagne fin 2021. Cependant, la contribution de l´éolien et du photovoltaïque à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – a été inférieure à 30% (voir figure 5). Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 15%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.

Fig 5 Capacite_production en pourcent 2021
Figure 5 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2021 (hors STEP) selon /3/

A titre de comparaison, le nucléaire allemand, qui, avec 8,1 GW nets, représente environ 3,6% de la puissance installée en 2021, a produit 11,7 % nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen d´environ 92%.

Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2021

Les résultats des énergies renouvelables démontrent les limites de la conversion aux sources renouvelables intermittentes.

Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2021.

Normalement l´automne et l´hiver sont les périodes les plus venteuses. En revanche, le premier trimestre 2021 a connu une période assez peu venteuse (voir figure 6). La production éolienne terrestre a baissé de 13% par rapport à l´année précédente. La production éolienne en mer a été en baisse de 11% par rapport à 2020. En cause l´absence de tempêtes hivernales.

Fig 6 Jahresverlauf Wind 2021
Figure 6 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 /3/

Le photovoltaïque a produit 4,9 % de plus que l´année précédente. Selon le service météorologique allemand, la durée d´ensoleillement a été avec 1 650 heures au-dessus de la moyenne, mais inférieure aux 1 901 heures de 2020 /12/.

Notamment janvier 2021 a été marqué par la pluie et le manque de soleil (voir figure 7). La production était nettement inférieure par rapport à janvier 2020 (- 42,4 %). En revanche, en juin (+ 28,7%) et en octobre (+ 53,8%) la production photovoltaïque a été la plus élevée jamais enregistrée pendant ces mois-ci.

La production hydroélectrique s´est accrue de 3,7 % par rapport à 2020 en raison de fortes précipitations durant les mois d´été /4/.

Fig 7 Jahresverlauf PV_Hydro 2021
Figure 7 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 /3/

Échanges transfrontaliers d´électricité

Le solde des exportations d´électricité de l´Allemagne a baissé au cours des dernières années et s´élève selon /1/ à environ 19,3 TWh en 2021 (figure 8).

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché day-ahead de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

Depuis novembre 2020, l´échange transfrontalier direct entre l´Allemagne et la Belgique est possible via l´interconnexion ALEGrO /8/. En avril 2021, l´interconnecteur NordLink /9/, qui relie la Norvège avec l´Allemagne, est pleinement entré en fonction.

Fig 8 export _ import
Figure 8 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh selon /1/ (les chiffres de 2021 sont provisoires)

La structure des échanges physiques entre l´Allemagne et les pays voisins a changé. Les exportations vers la Suisse et la France ont augmenté, les importations ont été plus importantes en provenance de la République tchèque et de l´Autriche. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même.

Modernisation des réseaux de transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique /10/, /11/.

Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions.

Le plan actuel du réseau de transport prévoit environ 12.260 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes). Seuls 15,8% (1.934 km) étaient réalisés fin 2021 /10/.

A cela se rajoute la connexion des éoliennes en mer, environ 3650 km à réaliser d´ici 2030.

Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution.

Émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre augmentent de 4,5% (~ 33 Mt CO2éq) par rapport à 2020 pour atteindre 762 Mt CO2éq selon Agence Fédérale de l´Environnement /27/. Cela correspond à une réduction de 38,7% versus 1990. L´augmentation des émissions est particulièrement marquée dans le secteur de l´énergie. L´Allemagne prend du retard sur ses ambitions d´une réduction de 65% d´émissions de gaz à effet de serre d´ici 2030 par rapport à 1990.

Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de gaz à effet de serre d´environ 27 Mt CO2éq pour atteindre 247 Mt CO2éq notamment en raison d´une hausse des émissions du secteur électrique.

Les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d´électricité sont en 2021 avec ~ 223 Mt CO2éq en forte augmentation par rapport à 2020 (~195 Mt CO2éq), année atypique du fait de la crise sanitaire et des faibles niveaux de consommation. Les causes sont la hausse de consommation d´électricité, la baisse de la production renouvelable et le recours accru aux centrales à charbon en raison de la forte augmentation du prix du gaz. Pour l´année 2021, l´intensité carbone est estimé à 428g CO2éq /kWh /29/.

Pour le secteur de l´énergie n´existent que des objectifs sectoriels pour 2020 et 2022. Malgré la forte augmentation des émissions, ce secteur pourrait encore atteindre son objectif de 2022, soit 257 Mt CO2éq, compte tenu du fait qu´en 2020 les émissions ont été avec 220 Mt CO2éq bien en-dessous de la valeur cible de 280 Mt CO2éq.

Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont augmenté d´environ 9 Mt CO2éq, soit 5,5 % par rapport à l´année précédente. Avec environ 181 Mt CO2éq, le secteur se situe juste en dessous de la limite fixée par la loi fédérale sur la protection du climat (182 Mt CO2éq).

En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2021 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.

Pour le secteur du bâtiment c´est la deuxième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient baissé à 115 Mt CO2éq, soit environ -3,3% par rapport à l´année précédente, l´objectif sectoriel de 113 Mt CO2éq pour 2021 a été légèrement dépassé. La principale raison a été un effet spécial, la nette diminution de l´achat de fioul. Les stocks de fioul ont déjà été largement augmentés en 2019 et 2020 en raison des prix avantageux.

Pour le secteur des transports, malgré des activités économiques encore réduites en 2021 en raison de la crise sanitaire, l´objectif de 145 Mt CO2éq a été avec 148 Mt CO2éq réalisés également manqué de justesse.

L´avenant à la Loi sur la Protection du Climat fixe des objectifs juridiquement contraignants en matière d´émissions de gaz à effet de serre pour chaque année et pour chaque secteur économique.

En cas de non-respect des objectifs climatiques, les ministères compétents doivent présenter un programme d´urgence afin de s´engager le plus rapidement possible sur une voie de réduction pour atteindre les objectifs annuels. Le gouvernement fédéral travaille sur un programme d´urgence pour le climat qui devrait répondre à ces exigences.

La figure 9 montre l´évolution entre 2010 et 2021 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon l´avenant à la Loi sur la Protection du Climat (source des valeurs est l´Agence Fédérale de l´Environnement /26/, /27/).

Fig 9 emission 2021
Figure 9 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectifs

Pour atteindre les objectifs de 2030, il faut désormais réduire les émissions de 6% par an. Depuis 2010, la réduction moyenne n´a même pas atteint 2% par an /27/.

En l´absence de nouvelles mesures de protection du climat, conjuguée à l´arrêt de trois centrales nucléaires (environ 4 GW de capacité bas carbone) fin 2021 (voir plus loin), l´espérance d´une réduction des émissions en 2022 s´amenuise.

Evolution des prix de gros de l´électricité 

La forte hausse des prix des énergies fossiles a secoué les marchés de l´énergie en 2021 /2/.

Le gaz naturel a connu un tel renchérissement que le charbon est devenu plus avantageux, bien que le prix de la tonne de CO2 sur le marché européen ait battu de nouveaux records.

Si 2020 avait été marqué par une moyenne annuelle du prix du marché journalier de l´électricité de 30,47 €/MWh dans la zone Allemagne/Luxembourg, celle-ci a triplé en 2021 (voir tableau 3) en passant à 96,85 €/MWh /12/, /13/. Le prix de gros a marqué un record depuis 2000, date du début des échanges boursiers d´électricité en Allemagne.

T3 prix spot
Tableau 3 : sélection des prix de gros day-ahead pour la zone de marché Allemagne/Luxembourg /12/

Le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le mardi 21 décembre entre 17h et 18h avec 620,00 €/MWh. Une consommation d´électricité élevée de 66,5 GW a coïncidé avec une production renouvelable de seulement 8,8 GW.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré le samedi 22 mai entre 14h et 15h avec – 69,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a été très élevée, couvrant presque 98% de la consommation totale.

Pendant environ 30% des jours de l´année, le prix de gros sur le marché day-ahead a été négocié à plus de 100 €/MWh.

Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés day-ahead de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 3 000 €/MWh est définie pour le négoce day-ahead /14 /.

La figure 10 montre la moyenne du prix day-ahead par mois calculée à partir des 24 prix horaires d´une journée pour la zone de marché Allemagne/Luxembourg.

fig 10 Prix spot 2019_2021
Figure 10 : prix sur le marché day-ahead de l´EPEX SPOT (moyenne par mois de 2019 à 2021) pour la zone de marché Allemagne/Luxembourg /15/

L´année 2021 a été marquée par une évolution des prix de gros sans précédent. Le prix de gros sur le marché day-ahead a plus que quadruplé en passant de 52,81 €/MWh en janvier à 221,06 €/MWh en décembre. La raison en était l´augmentation du prix du gaz naturel et l´utilisation accrue de centrales à charbon. Cela a entrainé un accroissement de la demande de certificats d´émission de CO2 suivi d´une forte hausse du prix de la tonne de CO2 sur le marché européen.

Toutefois les résultats des échanges sur le marché à terme qui donnent une indication de l´évolution future des prix de gros laissent présumer une baisse des prix à partir d´avril 2022.

Episodes de prix négatifs au marché spot

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas d´abondance de production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production classiques ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

Depuis 2015 les épisodes de prix négatifs sont bien plus fréquents et marqués. En 2020 le nombre de pas horaires de prix négatifs a battu un record avec 298. En revanche en 2021 le nombre de pas horaires a diminué de plus de la moitié à 139 /12/, /13/. La figure 11 montre les pas horaires mensuels avec des prix négatifs négociés sur le marché day-ahead.

Fig 11 Nombre heures prix negatif 2019_2021
Figure 11 : pas horaires par mois avec des prix négatifs sur le marché de gros /10/, /13/

La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.

La règle des 6 heures s´est appliquée pour 80 pas horaires avec des prix négatifs en 2021 contre 192 pas horaires en 2020.

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021, voir plus bas), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021. En 2021, la règle des 4 heures s´est appliquée pour 117 pas horaires avec des prix de gros négatifs.

Selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH) la valeur du marché des prix négatifs est évaluée à environ 504 M€ pour la période de 2017 à 2020 /16/ soit environ 126 M€ par an. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse. 

Projets phares du tournant énergétique en 2021 

Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2021 étaient :

Taxe carbone

La taxe carbone sur les émissions des produits combustibles non couverts par le Système Européen d´Échange de Quotas d´Émissions est entrée en vigueur début 2021 /17/. Le prix initial à partir de 2021 a été fixé à 25 Euros par tonne de CO2. La taxe est censée augmenter régulièrement pour donner un signal prix, incitant à réduire l´usage des énergies fossiles.  En 2026, les certificats seront mis aux enchères dans une fourchette de 55 à 65 Euros par tonne de CO2.

Les recettes de la taxe carbone seront réinvesties dans des mesures de protection du climat ou restituées aux citoyens à titre de compensation (par exemple allègement de la charge de soutien des énergies renouvelables).

Avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2021)

L´avenant, entré en vigueur début 2021 /18/ vise l´objectif d´une part des énergies renouvelables de 65% à la consommation brute d´électricité d´ici 2030 en tablant sur une consommation brute de 580 TWh. La loi prévoit une trajectoire de développement de la puissance installée jusqu´en 2030, soit 71 GW pour l´éolien terrestre, 20 GW pour l éolien en mer, 100 GW pour le photovoltaïque et 8,4 GW pour la biomasse. Dans ce contexte, la loi fixe, de manière contraignante, la feuille de route pour y parvenir.

Avenant à la Loi sur la Protection du Climat

Critiquée par sa Cour Constitutionnelle, le gouvernement sortant a durci considérablement ses objectifs climatiques. Le gouvernement compte atteindre la neutralité carbone en 2045, soit cinq ans plus tôt que prévu par l´Union européenne. L´avenant à la Loi sur la Protection du Climat est entré en vigueur fin août 2021 /19/.

Comme étape intermédiaire une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 65% d´ici 2030 par rapport à 1990 est visée, contre 55% auparavant. Jusqu´à 2030, la Loi fixe des objectifs juridiquement contraignants en matière d´émissions de gaz à effet de serre pour chaque année et pour chaque secteur économique. La part la plus importante des réductions supplémentaires sera supportée par le secteur énergétique et celui de l´industrie.

La définition de mesures concrètes a été laissée au nouveau gouvernement formé après les élections fédérales en septembre 2021.

Contrat de coalition du nouveau gouvernement

Le nouveau gouvernement allemand, formé par les Sociaux-démocrates, les Verts et les Libéraux a pris ses fonctions le 8 décembre 2021. Le contrat de coalition de 177 pages décrit les grandes lignes de la politique commune en matière de climat et énergie /20/.

Le nouveau gouvernement plaide pour une « économie socio-écologique de marché » et fait la part belle à la lutte contre le changement climatique. Il est prévu de créer un ensemble de règles pour mettre l´Allemagne sur la voie de +1,5 °C, selon le préambule du contrat de coalition.

En supprimant les obstacles au développement des énergies renouvelables, un nouveau rythme sera apporté à la transition énergétique. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est maintenant visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant (voir EEG 2021 plus haut). Suite à l´électrification accrue des autres secteurs de l´économie, le nouveau gouvernement table sur une consommation brute de 680 à 750 TWh d´ici 2030. Le gouvernement sortant visait encore sur une consommation brute d´électricité de 580 TWh en 2030 (voir plus haut).

D´ici 2030, il est prévu d´augmenter la capacité du photovoltaïque à 200 GW avec obligation d´installation solaire pour les nouveaux bâtiments professionnels et celle des éoliennes en mer à 30 GW. Le nouveau gouvernement vise 40 GW d´ici 2035 et au moins 70 GW d´éoliennes en mer d´ici 2045. Aucune valeur cible n´est fixée pour les éoliennes terrestres dans le contrat de coalition. Une surface totale de l´Allemagne de 2 % sera requise pour les éoliennes terrestres. Sur cette base, il est possible de déterminer un corridor qui se situe entre 100 et 130 GW de puissance installée en 2030.

Confirmant l´arrêt des dernières centrales nucléaires d´ici 2022, le nouveau gouvernement souhaite aussi accélérer la sortie du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».

Dans le secteur de la chaleur un objectif de 50% de chaleur produite de manière climatiquement neutre est visé d´ici 2030. Pour avancer la décarbonation des transports le contrat de coalition prévoit 15 millions de voitures électriques et un million de bornes de recharge publiques à l´horizon 2030. Seuls les véhicules dits “zéro émission” seront autorisés à la vente à partir de 2035.

Les mesures actuellement engagées sont largement insuffisantes. Le nouveau gouvernement a l´intention de mettre en place un programme d´urgence pour la protection du climat avec des lois et mesures concrètes en 2022.

Arrêt de 3 centrales nucléaires et 6 centrales à charbon fin 2021

Conformément à la loi de sortie du nucléaire de 2011 trois centrales nucléaires ont été arrêtées définitivement le 31 décembre 2021 /21/. Il s´agit des centrales de Gundremmingen unité C, Grohnde et Brokdorf. L´Allemagne perd ainsi 4058 MW nets de moyens pilotables bas carbone. Les trois dernières centrales nucléaires (Emsland, Neckarwestheim unité 2 et Isar unité 2) d´une puissance totale nette de 4055 MW seront arrêtées fin 2022.

Dans le cadre de la loi sur l´arrêt définitif du charbon, six centrales ont été arrêtées en décembre 2021. Trois centrales à lignite d´une puissance totale de 910 MW sont concernées. Il s´agit des centrales Niederaußem unité C (295 MW), Neurath unité B (294 MW) et Weisweiler unité E (321 MW). Ces trois unités ont chacune fonctionné pendant plus de 49 ans /6/.

Suite aux résultats du deuxième appel d´offres sur la fermeture anticipée des centrales à houille et centrales à lignite inférieures à 150 MW, trois offres ont été retenues pour un volume de 1514 MW /24/. Il s´agit des centrales Mehrum (690 MW), Wilhelmshaven (757 MW) et Deuben (67 MW). Ces centrales ne seront plus autorisées à brûler de la houille ou du lignite à partir du 8 décembre 2021. Les centrales de Mehrum et de Wilhelmshaven sont en service depuis 1979 et 1976. La centrale de Deuben a été connectée au réseau en 1936.

La centrale de Mehrum a été mise en réserve stratégique suite à son classement « importance systémique » /12/.

Début 2021 le premier appel d´offres a entrainé l´arrêt ou retrait du marché d´environ 4,8 GW /23/. Les gestionnaires avaient identifié une « importance systémique » aux centrales Heyden unité 4 de l´exploitant Uniper (puissance électrique 875 MW), Walsum unité 9 de l´exploitant Steag (puissance électrique 370 MW) et Westfalen unité E de l´exploitant RWE (puissance électrique 764 MW).

L´Agence Fédérale des Réseaux a accepté le classement en « importance systémique » des centrales Heyden 4 et Westfalen E /25/. Les deux centrales seront converties en déphaseur rotatif et pourront ainsi contribuer à la stabilité du réseau à l´avenir par la fourniture ou absorption de puissance réactive. Le fonctionnement en tant que déphaseur ne nécessite plus de bruler du charbon dans la centrale.

Tandis que la conversion de la centrale de Westfalen E doit se faire rapidement, la conversion de la centrale de Heyden 4 ne pourra avoir lieu qu´à partir d´octobre 2022 pour des raisons de planification. D´ici là elle a été mise en réserve stratégique afin de suppléer en cas de besoin à la perte de puissance réactive suite à la fermeture de la centrale nucléaire de Grohnde et ainsi éviter des états critiques sur le réseau au début des périodes prolongées de vent faible au printemps 2022.


1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période.

Références 

/1/ AGEB (2022) Energiebilanzen, en ligne :  https://ag-energiebilanzen.de/

/2/AGORA Energiewende (2022) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2021. Rückblick auf die wesentlichen Entwicklungen sowie Ausblick auf 2022, en ligne :https://www.agora-energiewende.de/veroeffentlichungen/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2021/

/3/ BDEW (2022) Die Energieversorgung 2021 – aktualisierter Jahresbericht, 14.06.2022, Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/service/anwendungshilfen/die-energieversorgung-2021/

/4/ BDEW (2022) Stromerzeugung und -verbrauch in Deutschland. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW). En ligne : https://www.bdew.de/energie/stromerzeugung-und-verbrauch-deutschland/.

/5/ Allemagne-Energie (2022), Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 202, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/01/02/allemagne-arret-definitif-de-trois-centrales-nucleaires-le-31-decembre-2021/

/6/RWE Power (2021) Stilllegungen zum Jahresende: RWE setzt gesetzlich festgelegten Ausstieg aus Kohle und Kernkraft um, Communiqué de presse du 30 décembre 2021, en ligne : https://www.rwe.com/presse/rwe-power/2021-12-30-rwe-setzt-gesetzlich-festgelegten-ausstieg-aus-kohle-und-kernkraft-um

/7/ Bundesnetzagentur (2022) Kraftwerksliste, En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/kraftwerksliste-node.html

/8/ Allemagne-Energie (2018) Aix-la-Chapelle : Inauguration du chantier pour la première interconnexion électrique entre la Belgique et l´Allemagne ce mardi 30 octobre 2018, en ligne : https://allemagne-energies.com/2018/11/01/aix-la-chapelle-inauguration-du-chantier-pour-la-premiere-interconnexion-electrique-entre-la-belgique-et-lallemagne-ce-mardi-30-octobre-2018/

/9/ TenneT (2020) TenneT starts Trial Operation of NordLink. Communiqué de presse du 9 décembre 2020. TenneT TSO GmbH. En ligne : https://www.tennet.eu/fileadmin/user_upload/Company/News/German/Fischer/2020/20201209_PM_TenneT_NordLink_Probephase_Markteintritt_EN.pdf.

/10/ Bundesnetzagentur (2022), Netzausbau, Monitoringbericht, en ligne : https://www.netzausbau.de/Vorhaben/uebersicht/report/de.html

/11/ Allemagne-Energie (2021) La modernisation des réseaux électriques – talon d´Achille de l´Energiewende, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/11/02/la-modernisation-des-reseaux-electriques-talon-dachille-de-lenergiewende/

/12/ Bundesnetzagentur (2022) smard Der Strommarkt im Jahr 2021 en ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/444/206664

/13/ Bundesnetzagentur (2022) Bundesnetzagentur veröffentlicht Daten zum Strommarkt 2021, Communiqué de presse du 7 janvier 2022, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Presse/Pressemitteilungen/2022/20220107_smard.pdf?__blob=publicationFile&v=3

/14/ EPEX SPOT (2021) Trading at EPEX SPOT 2021. EPEX SPOT. En ligne : https://www.epexspot.com/sites/default/files/2021-05/21-03-15_Trading%20Brochure.pdf

/15/ Bundesnetzagentur (2022), smard – Strommarktdaten, en ligne : https://www.smard.de/en

/16/ FfE (2021) Deutsche Strompreise an der Börse EPEX Spot in 2020. FfE Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. En ligne : https://www.ffegmbh.de/kompetenzen/wissenschaftliche-analysen-system-und-energiemaerkte/strommarkt/1040-deutsche-strompreise-an-der-boerse-epex-spot-in-2020

 /17/Allemagne-Energies (2020)  L´Allemagne instaure la « taxe carbone » à partir de 2021 dans les secteurs non couverts par le système européen d´échange de quotas d´émission, en ligne https://allemagne-energies.com/2020/10/10/lallemagne-instaure-la-taxe-carbone-a-partir-de-2021-dans-les-secteurs-non-couverts-par-le-systeme-europeen-dechange-de-quotas-demission/

/18/ OFATE (2021) Mémo sur la loi allemande sur les énergies renouvelables 2021. 22 janvier 2021. Office franco-allemand pour la transition énergétique. En ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/memo-sur-la-loi-allemande-sur-les-energies-renouvelables-2021.html

/19/ Allemagne-Energies (2021) Le Conseil des Ministres allemand adopte le 12 mai 2021 le projet révisé de la Loi Fédérale sur la Protection du Climat (Bundes-Klimaschutzgesetz) suite au jugement de la Cour Constitutionnelle Fédérale, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/05/13/le-conseil-des-ministres-allemand-adopte-le-12-mai-2021-le-projet-revise-de-la-loi-federale-sur-la-protection-du-climat-bundes-klimaschutzgesetz-suite-au-jugement-de-la-cour-constitutionnelle-feder/

/20/ Allemagne-Energies (2021) Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/12/08/le-nouveau-gouvernement-allemand-veut-accelerer-la-transition-energetique/

/21/ Allemagne-Energies (2022) Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 2021, en ligne : https://allemagne-energies.com/2022/01/02/allemagne-arret-definitif-de-trois-centrales-nucleaires-le-31-decembre-2021/

/22/ OFATE (2022) Bilan d’ouverture du ministre fédéral de l’Économie et du climat, 11 janvier 2022, en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/societe-environnement-economie/actualites/lecteur/bilan-douverture-du-ministre-federal-de-leconomie-et-du-climat.html

/23/ Allemagne-Energies (2021) Résultat du premier appel d´offres sur la sortie des centrales à houille et petites centrales à lignite inférieures à 150 MW – presque 4,8 GW de centrales à charbon seront arrêtées, en ligne https://allemagne-energies.com/2020/12/03/resultat-du-premier-appel-doffres-sur-la-sortie-des-centrales-a-houille-et-petites-centrales-a-lignite-inferieures-a-150-mw-presque-48-gw-de-centrales-a-charbon-seront-arretees-fin-2020/

/24/ Allemagne-Energies (2021) Évolutions récentes de la sortie progressive du charbon en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/17/evolutions-recentes-de-la-sortie-progressive-du-charbon-en-allemagne/

/25/ Bundesnetzagentur (2021) Bundesnetzagentur gibt grünes Licht für Umbau stillzulegender Steinkohlekraftwerke zur Netzsicherheit, Communiqué de presse du 1er juin 2021, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2021/20210601_SystemRel.html?nn=265778

/26/ UBA (2022) Finale Klimabilanz 2020: Emissionen sanken um 41 Prozent gegenüber 1990, Communiqué de presse n° 5/2022 du 20 janvier 2022, Umweltbundesamt, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/finale-klimabilanz-2020-emissionen-sanken-um-41

/27/ UBA (2022) Treibhausgasemissionen stiegen 2021 um 4,5 Prozent, Communiqué de presse n° 15/2022 du 14 mars 2022, Umweltbundesamt, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/treibhausgasemissionen-stiegen-2021-um-45-prozent

/28/ BMWi (2022) Zeitreihen zur Entwicklung der erneuerbaren Energien in Deutschland, Stand 2/2022, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz. En ligne : https://www.erneuerbare-energien.de/EE/Navigation/DE/Service/Erneuerbare_Energien_in_Zahlen/Zeitreihen/zeitreihen.html.

/29/ UBA (2022) Entwicklung der spezifischen Treibhausgas-Emissionen des deutschen Strommix in den Jahren 1990 – 2021, CLIMATE CHANGE 15/2022, Avril 2022, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/entwicklung-der-spezifischen-kohlendioxid-8

La modernisation des réseaux électriques – talon d´Achille de l´Energiewende

Temps de lecture : 8 minutes

  • Un approvisionnement électrique basé sur des sources d´énergies renouvelables recèle d´importants défis pour les réseaux de transport et de distribution
  • Les investissements à l´horizon de 2030 dans les réseaux de transport, de distribution et les connexions offshore sont actuellement estimés à 100 – 120 Md€ et pourraient même atteindre 155 Md€ suite au durcissement de l´objectif climatique (neutralité carbone en 2045)
  • Actuellement la modernisation des réseaux électriques ne suit pas le rythme de celle des énergies renouvelables, ce qui conduit à des effets indésirables (management accru du réseau, flux d´électricité en boucle par les pays voisins)
  • Les réseaux de distribution qui acheminent le courant jusqu´au client final se trouvent en première ligne de la transition énergétique

    inline-teasergettyimages-989133352-jochen-tack
    Source : Bundesnetzagentur/smard

    Un approvisionnement électrique basé sur des sources d´énergies renouvelables recèle de nouveaux défis pour les réseaux de transport et notamment les réseaux de distribution car la majorité de l´électricité produite par les énergies renouvelables est injectée de manière décentralisée et transportée en partie sur de longues distances.

    Par conséquent, le développement des réseaux de transport et des réseaux de distribution est une tâche essentielle. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation, en particulier le sud industriel surconsommateur, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu (voir figure) afin de limiter les congestions.

    Le plan actuel de développement du réseau de transport /1/, entré en vigueur en mars 2021, prévoit environ 12 200 km terrestres (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes).

    Fig 1 Reseau NEP 2019_2030
    Figure 1 : Nouveau plan de développement des réseaux de transport 2030                                             

    A cela se rajoute le développement du réseau offshore pour la connexion des éoliennes en mer. Selon le plan de développement actuel le besoin est estimé à 3650 km y compris les 750 km approuvés précédemment.

    Suivant le plan de développement actuel, les gestionnaires des réseaux de transport ont estimé les coûts pour la modernisation des réseaux de transport à 62 Md€ à l´horizon de 2030. A cela s´ajoute un montant d´environ 24 Md€ pour la connexion des éoliennes en mer /2/.

    Or la construction des lignes est lente. Outre les contraintes administratives, l’installation de nouvelles lignes se heurte aux refus des riverains et des associations de protection de la nature. Les autorités ont pris la décision de la mise en souterrain du réseau électrique pour une grande partie. Pour accélérer le développement du réseau du transport, un avenant à la Loi sur l´Accélération du Développement du Réseau (Netzausbaubeschleunigungsgesetzes Übertragungsnetz – NABEG) vise à réduire la bureaucratie et à simplifier les procédures administratives /3/.

    Néanmoins, le progrès est toujours insuffisant. Selon la dernière mise à jour du rapport monitoring de l´Agence Fédérale des Réseaux, seuls 1.771 km soit environ 14,5% des 12.239 km ont été réalisés mi-2021.

    La figure 2 détaille l´avancement du développement des réseaux de transport /1/.

    Fig 2 Netzfortschritt
    Figure 2 : État d´avancement de la construction des réseaux de transport mi-2021 (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes)

    La Cour des comptes a critiqué à plusieurs reprises /4/, /5/ le développement insatisfaisant du réseau de transport qui accuse en 2020 un retard d´environ 5 ans par rapport au planning initial de 2010.  Dans l´état actuel des choses, les lignes à courant continu ne seront pas opérationnelles avant 2025/2026. Selon la Cour, les retards dans le développement du réseau pourraient également avoir un impact sur la sécurité d´approvisionnement.

    Effets indésirables de la lente modernisation des réseaux

    La lente modernisation du réseau oblige les gestionnaires de réseau de transport à recourir régulièrement à un management accru du réseau. En 2020 environ 1,4 Md€ ont été dépensés pour l´équilibrage du système électrique /6/. La figure 3 montre l´évolution des coûts relatifs à la stabilisation du réseau /11/. Les coûts sont composés de trois éléments : les coûts pour la mise à disposition et le fonctionnement d´une capacité conventionnelle de réserve stratégique, le redispatching & countertrading et l´indemnisation des producteurs d´énergies renouvelables pour l´écrêtement de leur production. L´indemnisation des producteurs d´énergies renouvelables constitue la part la plus importante.

    Fig 3 Hausse des coûts de stabilisation du réseau 2011_2020
    Figure 3 : Evolution des coûts de stabilisation du réseau

    En attendant, les flux d´électricité cherchent d´autres voies de circulation dans les pays voisins pour acheminer du courant du nord au sud de l´Allemagne. Ces flux en boucle, appelés « loop flows » sont un autre effet des retards dans le développement du réseau de transport. L´Allemagne fait ainsi reposer la stabilité de son réseau sur ceux de ses voisins.

    La figure 4 issue du rapport monitoring de l´Agence Fédérale des Réseaux /7/ montre la situation des flux en boucle (loop flows) qui sont la différence entre les soldes des échanges physiques et commerciaux.

    Fig 4 Loopflows2018_2019
    Figure 4 : Loop flows en 2018 et 2019 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (Bundesnetzagentur)

    Les valeurs noires signifient : solde échanges physiques > solde échanges commerciaux donc le volume des échanges physiques dépasse le volume des échanges commerciaux. Les valeurs rouges : solde échanges physiques < solde échanges commerciaux.

    Compte tenu du déficit des lignes de transport, le courant est acheminé du nord au sud de l´Allemagne par la frontière orientale via la Pologne, la République Tchèque vers l´Autriche. À la frontière ouest le courant transite via les Pays-Bas, la Belgique et la France vers l´Allemagne du sud.

    La transition énergétique bouleverse le rôle du réseau de distribution 

    Le développement massif des énergies renouvelables pose également un défi majeur aux gestionnaires des réseaux de distribution. Selon l´Agence Fédérale des Réseaux, l´état et le développement des réseaux de distribution sont d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique /8/.

    La majorité des installations d´énergies renouvelables est raccordée aux réseaux de distribution. La décarbonisation des autres secteurs, tels que le secteur des transports, de l´industrie et du bâtiment conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs tels que l´électromobilité, les pompes à chaleur, le numérique et le stockage d´énergie décentralisé. Les réseaux de distribution qui acheminent le courant jusqu´au client final se trouvent donc en première ligne. D’importants investissements dans l´augmentation de la capacité, la flexibilisation et la numérisation des réseaux de distribution sont donc nécessaires.

    Dans le rapport 2020 de l´Agence Fédérale des Réseaux sur l´état du réseau de distribution /8/, les coûts de modernisation sont actuellement estimés à 16 Md€ à l´horizon de 2030.

    Le rapport de Frontier Economics établi en collaboration avec l´Université Technique d´Aix-la-Chapelle pour le compte de l´énergéticien E.ON /9/ arrive à des coûts d´investissements nettement plus élevés, de l´ordre de 32 Md€ d´ici 2030 et 111 Md€ à l´horizon de 2050 (voir figure 5). A défaut d´investissement massif, l´augmentation des coûts du système électrique suite à l´écrêtement de la production renouvelable, des restrictions concernant la recharge des véhicules électriques, l´utilisation des pompes à chaleur et lors des interruptions intempestives de l´alimentation électrique, serait plus que probable.

    Fig 5 Verteilnetz
    Figure 5 : Besoins d’investissement dans les réseaux de distribution

    En l´absence de modernisation des réseaux de distribution les coûts du système électrique augmenteront de 0,1- 0,3 Md€/an en 2030 et de 2,6 – 4,2 Md€/an en 2050 selon / 9/.

    Le risque augmente de manière disproportionnée avec le temps (voir 2030 vs. 2050). En cas de sous-développement, le réseau de distribution existant peut encore avoir un effet « modérateur » sur les coûts. À long terme, cependant, les exigences sont si différentes de celles d´aujourd’hui que les coûts du système électrique exploseront si le réseau n´est pas adapté aux nouveaux défis. 

    Forte hausse des coûts d´investissement pour les réseaux à l´horizon de 2030 suite au durcissement de l´objectif climatique

    La décision du gouvernement de durcir l´objectif climatique, soit une réduction des gaz à effet de serre de 65% par rapport à 1990, nécessiterait une augmentation supplémentaire du développement des réseaux. Dans le rapport de Boston Consulting Group (BCG) pour le compte de la Fédération de l´Industrie Allemande (BDI), les investissements totaux dans les réseaux de transport, de distribution et les connexions offshore sont maintenant estimés à 155 Md€ d´ici 2030 /10/.

    Références

    /1/ Bundesnetzagentur (2021), Monitoringbericht, Stand nach dem zweiten Quartal 2021, en ligne : https://www.netzausbau.de/Vorhaben/uebersicht/report/de.html

    /2/ GRT (2021) Netzentwicklungsplan 2030 (2019), en ligne : https://www.netzentwicklungsplan.de/de/netzentwicklungsplaene/netzentwicklungsplan-2030-2019

    /3/ Bundesministeriums der Justiz und für Verbraucherschutz (2021), Netzausbaubeschleunigungsgesetz Übertragungsnetz (NABEG), en ligne : https://www.gesetze-im-internet.de/nabeg/

    /4/ Bundesrechnungshof /2019/, Maßnahmen zum Netzausbau für die Energiewende, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/de/veroeffentlichungen/produkte/beratungsberichte/2019/netzausbau-energiewende

    /5/ Bundesrechnungshof /2021/, Bund steuert Energiewende weiterhin unzureichend, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/de/veroeffentlichungen/produkte/sonderberichte/2021/bund-steuert-energiewende-weiterhin-unzureichend

    /6/ Bundesnetzagentur (2021) Netz- und Systemsicherheit, Netzengpassmanagement, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Versorgungssicherheit/Netzengpassmanagement/start.html

    /7/ Bundesnetzagentur (2020) Monitoringbericht Energie. Bundesnetzagentur. En ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/monitoringberichte.

    /8/ Bundesnetzagentur (2021) Bericht zum Zustand und Ausbau der Verteilernetze 2020, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Sachgebiete/Energie/Unternehmen_Institutionen/NetzentwicklungUndSmartGrid/ZustandAusbauVerteilernetze2020.pdf?__blob=publicationFile&v=3

    /9/  Frontier Economics (2020), Welchen Wert haben Stromverteilnetze in der Energiewende? En ligne : https://www.frontier-economics.com/de/de/news-und-veroeffentlichungen/news/news-article-i7915-electricity-distribution-companies-and-their-contribution-to-the-energy-transition/

    /10/ Boston Consulting Group (2021) Climate Paths 2.0, A Program for Climate and Germany’s Future Development, en ligne : https://english.bdi.eu/publication/news/climate-paths-2-0-a-program-for-climate-and-germanys-future-development/

    /11/ Allemagne-Energies (2021), Hausse des coûts pour le maintien de la stabilité du réseau de transport en 2020, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/05/05/hausse-des-couts-pour-le-maintien-de-la-stabilite-du-reseau-de-transport-en-2020/

Résultats des appels d´offres pour les énergies renouvelables en 2020

Temps de lecture : 12 – 14 min

La présente note résume les résultats et le retour d´expérience des appels d´offres 2020 pour les énergies renouvelables sur la base des informations fournies par l´Agence fédérale des réseaux /1/, /9/ et /10/. Les résultats des appels d´offres 2017 à 2019 ont été publiés en /2/

Comme dans les années précédentes, le photovoltaïque démontre sa compétitivité par rapport aux autres technologies renouvelables soumises à l´appel d´offres. Le volume appelé lors des sept appels d´offres a été largement sursouscrit. Les tarifs moyens se situent entre 50 et 53 €/MWh.

En revanche, les sept appels d´offres de l´éolien terrestre – à part le dernier de décembre 2020 – et les deux appels d´offres de la biomasse ont rencontré peu de succès auprès des soumissionnaires. Les tarifs moyens pour la biomasse se situent entre 140 et 148 €/MWh et entre 60 et 62 €/MWh pour un site éolien terrestre idéal.

Les résultats des deux appels d´offres bi – technologiques combinant solaire et éolien terrestre ont démontré une fois de plus la compétitivité des grandes centrales solaires : aucune offre de projet éolien n’a été retenue, le tarif moyen s´élève à 53 €/MWh pour les projets photovoltaïques. A partir de 2021 il est prévu d´intégrer les appels d´offres bi – technologiques aux appels d´offres d´innovation multi-technologiques.

Le premier appel d´offres d´innovation multi-technologiques a été un succès. Le volume appelé a été sursouscrit.

En 2020 aucun appel d´offres n’a eu lieu pour l´éolien maritime. De même il n´y a eu aucun appel d´offres transfrontalier pour photovoltaïque et éolien.

2020-09-04-offshore-windpark-nordsee-ost-jahreswartung-der-turbinen-vor-dem-zeitplan-abgeschlossen
Nordsee Ost, 295 MW électrique, mise en service 2015, source RWE

Dispositifs de soutien aux EnR

Selon la loi sur les énergies renouvelables de 2017 (EEG 2017), le soutien au développement des énergies renouvelables électriques est déterminé sous forme d´appels d’offres pour les nouvelles installations de puissance supérieure à une certaine taille (photovoltaïque ≥ 750 kWc,  éolien terrestre > 750 KW et biomasse > 150 KW). 

La loi sur le développement et la promotion de l’énergie éolienne maritime, entrée en vigueur début 2017, règlemente les procédures d´appels d’offres pour les installations mises en service à partir de 2021.

Les exploitants ayant reçu une adjudication reçoivent une rémunération de référence (anzulegender Wert) fixée par l´appel d´offres. La rémunération de référence fixée selon le type d´installation est constante et constitue le montant total par kWh obtenu par l´exploitant. Si le prix de l´électricité sur le marché spot (revenu du marché de référence) est inférieur à la rémunération de référence la différence est compensée par un complément de rémunération qui peut être qualifié de prime de marché variable. Si le prix moyen du marché spot est en baisse, la prime augmente et vice-versa. Aucune prime n’est versée si le prix de l´électricité sur le marché spot dépasse la rémunération de référence.

Le dispositif de soutien est décrit en détail dans l´annexe 6 du texte /3/ « Énergies renouvelables : de nombreux défis ».

Résultats d´appels d´offres des installations photovoltaïques d’une puissance à partir de 750 kWc

Sept appels d´offres ont été réalisés en 2020. Le volume total appelé de 1299 MWc a été avec un volume offert de 4562 MWc largement sursouscrit. Au total un volume de 1320 MWc a été attribué (voir figure 1).

Fig 1 PV volume
Fig. 1 : Volumes (en MWc) des appels d´offres photovoltaïque de 2020

La limite maximale de la rémunération de référence de 75 €/MWh pour les appels d’offres de 2020 n´a pas été atteinte lors des adjudications.  Les montants moyens d´adjudications pondérés en fonction du volume se sont stabilisés entre 50 et 53 €/MWh (voir figure 2).

Fig 2 PV montants
Figure 2 : Résultats d´appels d´offres photovoltaïque de 2020 – Rémunérations de référence retenues

Les futurs exploitants ont 24 mois maximum à partir de la date de publication des résultats des appels d´offres pour la mise en service de leurs installations et la demande de versement du soutien monétaire.

Résultats d´appels d´offres éolien terrestre d’une puissance supérieure à 751 kW

Sept appels d´offres ont été réalisés en 2020. Depuis l´obligation pour les soumissionnaires d’une autorisation préalable selon BImSchG – Loi fédérale sur la protection contre les nuisances environnementales – à leurs projets, les appels d´offres en 2020 sont caractérisés comme dans de nombreuses enchères en 2019 par le faible niveau de souscription, c’est-à-dire que les volumes offerts ont été, hormis le  dernier appel d´offres de décembre 2020, inférieurs aux volumes appelés.

Le volume total appelé a été de 3860 MW et le volume offert de 3115 MW. Le volume finalement retenu de 2672 MW par l´agence fédérale des réseaux était encore plus bas suite à l´exclusion de certaines offres en raison d’erreurs formelles (voir figure 3). Seulement lors de l´appel d´offre de décembre 2020 le volume appelé a été sursouscrit.

Les raisons sont multiples. Un obstacle majeur semble l´autorisation préalable obligatoire selon BImSchG (voir plus haut)  pour les projets soumis à l´appel d´offres. En octobre 2019, le ministère de l’Économie et de l´Énergie a publié un plan pour renforcer le développement de l´éolien terrestre /5/, /6/.

Fig 3 Wind onshore volume
Fig. 3 : Volumes (en MW) des appels d´offres éolien terrestre de 2020

Conformément à l´article 36 de la loi EEG 2017, le volume faisant l´objet d´une adjudication dans la zone où les réseaux de transport sont particulièrement congestionnés (Netzausbaugebiet) est limité à 902 MW par an /4/. Cette zone comprend les régions de l´Allemagne du nord, soit Brême, Hambourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Schleswig-Holstein et la partie nord de la Basse-Saxe. De nombreuses offres dans cette zone n’ont donc pas été retenues.  

Dans la loi EEG 2021 des quotas seront introduits dans les appels d’offres pour renforcer le développement de l´éolien terrestre dans le sud du pays (Südquote).

Les offrants soumettent une rémunération de référence pour un « site idéal » : 6,45 m/s à 100 m de hauteur. Ensuite la rémunération de référence est multipliée par un facteur de qualité en fonction du site réel et du rendement du type d’éolienne prévue. Donc pour un site réel d´une qualité supérieure, la rémunération de référence est multipliée par un facteur < 1  alors que pour un site réel de moindre qualité elle est multipliée par un facteur > 1. 

La limite maximale de la rémunération de référence pour un site idéal est avec 62 €/MWh la même que pour les appels d’offres en 2019. De nombreuses offres sont basées sur ce montant maximal (figure 4), les montants d´adjudication moyens pondérés en fonction du volume se situent donc près du montant maximal autorisé.

Fig 4 Wind onshore montants
Figure 4 : Résultats d´appels d´offres éolien terrestre de 2020 – Rémunérations de référence retenues pour un site idéal

Les attributions effectuées expirent en principe 30 mois après l’annonce de l’attribution si les installations n’ont pas été mises en service à ce moment-là. Pour certaines dates d’appel d’offres, les délais de réalisation sont plus courts après l’annonce publique de l´adjudication.

Appel d´offres bi – technologiques combinant solaire et éolien terrestre

Répondant à un souhait de la commission européenne, l´Allemagne a lancé des appels d’offres expérimentaux sur 3 ans (2018 – 2020) – pour un volume appelé de 200 MW par appel d´offres – mettant en concurrence les grandes centrales solaires au sol ou sur bâti supérieures à 750 kW et les éoliennes terrestres à partir de 750 kW même si les caractéristiques d’implantation de parcs éoliens et solaires sont généralement sensiblement différentes.

Les résultats de deux appels d´offre en 2020 sont sans appel. Comme en 2018 et 2019, seules des offres photovoltaïque ont été retenues, en revanche aucune offre pour l´éolien terrestre n’a été faite.

Le volume appelé de 400 MW a été avec 1071 MW offerts largement sursouscrit. Au total un volume de 406 MW photovoltaïque a été attribué en 2020.

La limite maximale de la rémunération de référence a été 75 €/MWh pour le photovoltaïque et 62 à 80 €/MWh pour l´éolien terrestre selon la région. Les montants supérieurs ont été réservés pour des projets en Allemagne du sud. En revanche aucun facteur de qualité en fonction du site réel et du rendement n´est attribué.

Les montants d´adjudication varient entre 49,7 €/MWh (le plus bas retenu) et 56,1 €/MWh (le plus haut retenu) pour les projets photovoltaïques. Le montant moyen pondéré en fonction du volume s´élève à 53,3 €/MWh.

A partir de 2021 il est prévu d´intégrer les appels d´offres bi – technologiques aux appels d´offres d´innovation multi-technologiques. 

Appels d´offres biomasse

L´agence fédérale des réseaux a procédé comme les années précédentes à deux appels  d´offres en 2020. La participation est ouverte pour des nouvelles installations supérieures à 150 kW et maximales de 20 MW et des installations déjà existantes dont la durée de soutien restante est de 8 ans maximum (les offres pour les installations existantes peuvent être inférieures à 150 kilowatts, la taille maximale est également limitée à 20 MW).  La limite maximale de la rémunération de référence pour ces installations s´élève à 164 €/MWh contre 144,4 €/MWh pour des nouvelles installations. De cette façon, les installations existantes pourraient se voir accorder le droit à un soutien de 10 ans supplémentaires. Cependant, elles doivent dans ce cas répondre aux mêmes exigences de flexibilité que les nouvelles installations.

En 2020, les appels d´offres ont rencontré – comme les années précédentes – peu de succès auprès des soumissionnaires.

Le volume offert est avec 143 MW nettement inférieur au volume appelé de 336 MW. Le volume finalement retenu par l´agence fédérale des réseaux de 119 MW est encore plus bas suite à l´exclusion de certaines offres en raison d’erreurs formelles (voir figure 5).

Fig 5 biomasse volume
Fig. 5 : Volumes (en MW) des appels d´offres biomasse de 2020

Le montant d´adjudication moyen pondéré en fonction du volume varie entre 139,9 et 148,50  €/MWh (voir figure 6).

Fig 6 biomasse montants_1
Figure 6 : Résultats d´appels d´offres biomasse de 2020 – Rémunérations de référence retenues

Le délai de réalisation à partir de la date de publication des résultats des appels d´offres est limité à 24 mois.

Appels d´offres éoliennes offshore

Aucun appel d´offres n’a eu lieu en 2020.

Appels d´offres transfrontaliers pour des installations photovoltaïques au sol et éolien terrestre

Aucun appel d´offres n’a eu lieu en 2020. Jusqu’à présent, un seul appel d’offres de cette nature a été organisé entre l’Allemagne et le Danemark en 2016.

Appels d´offres d´innovation multi-technologiques

L’Allemagne comme la France recourent au dispositif des appels d’offres d’innovation qui repose sur les lignes directrices de l’Union européenne /7/.

Le gouvernement a adopté le décret sur la mise en œuvre d´appels d’offres d´innovation en octobre 2019 /8/. Avec les dispositions de la loi EEG 2017 cette ordonnance constitue la base de ce type d’appels d’offres organisés par l’Agence fédérale allemande des réseaux. 

L´idée est d´encourager des projets combinant plusieurs technologies d’énergie renouvelable capables d´apporter une amélioration à la stabilité du système électrique : par exemple combinaison d’une installation photovoltaïque et/ou d’une installation éolienne terrestre avec un système de stockage d´énergie. La conception technique des systèmes combinés doit permettre de fournir une réserve secondaire positive pour au moins 25 % de la puissance installée.

Ce nouveau type d´appel d´offres vise aussi à tester de nouvelles modalités de rémunération conduisant à une plus grande concurrence et à un meilleur service pour le système électrique. Les projets retenus reçoivent en sus des revenus du marché un complément de rémunération fixe sur vingt ans, indépendamment de la variation du prix du marché. En revanche pendant les périodes de prix négatifs sur le marché, la rémunération fixe est suspendue.

De plus les systèmes combinés ont été également éligibles pour l´appel d´offres en 2020 des éoliennes terrestres et installations photovoltaïques à partir d’une puissance de 751 kW, centrales biomasse à partir d’une puissance de 150 kW et centrales biomasse existantes. La puissance des installations combinant plusieurs technologies doit être supérieure à 750 kW. En revanche il n’y a pas de taille minimale imposée pour les différentes composantes des systèmes combinés.

Le volume appelé du premier appel d´offres d´innovation multi-technologiques en 2020 a été de 650 MW compte tenu du fait qu´aucun appel d´offres n’a été effectué en 2019 /7/.

Le complément de rémunération a été plafonné à 30 €/MWh pour les installations individuelles d´éoliennes terrestres, solaires ou biomasse et s´élève à maximum 75 €/MWh pour les projets combinant plusieurs technologies ou des installations de production adossées à des solutions de stockage d´énergie.

Le volume appelé de 650 MW a été avec un volume offert de 1095 MW largement sursouscrit. Au total des projets d’un volume de 677 MW ont été attribués dont 394 MW pour 28 installations combinant plusieurs technologies.  27 projets étaient des combinaisons de centrales solaires avec des dispositifs de stockage d´énergie, le projet restant combinant éoliennes terrestres et dispositifs de stockage.

Le complément de rémunération fixe attribuée à des installations individuelles (éoliennes terrestres et photovoltaïque à partir de 750 kW) se situe entre 9,6 et 30 €/MWh. Le montant moyen pondéré dans ce segment s´élève à 26,5 €/MWh. Pour les installations combinant plusieurs technologies, le complément de rémunération attribuée se situe entre 19,4 à 55,2 €/MWh. Le montant moyen pondéré dans ce segment est de 45 €/MWh.

En raison des conditions de rémunération différentes – le complément de rémunération est fixe et ajouté aux revenus du marché – les résultats ne sont pas comparables avec ceux des autres appels d’offres spécifiques à une technologie où le complément de rémunération est variable.

Pour les systèmes combinés, le délai de réalisation standard est de 30 mois (au cours de cette période, au moins deux composants doivent être mis en service), les délais de réalisation des autres projets sont fonction des dispositions de la loi EEG (pour l’éolien terrestre : 30 mois).

Conclusion 

La figure 7  résume les résultats des appels d´offres de 2020 pour l´éolien terrestre, le photovoltaïque et la biomasse. Les valeurs indiquées correspondent à la rémunération de référence la plus basse et la plus élevée retenues pour chaque technologie.

Fig 7 Ergebnis AO 2020
Figure 7 : Résultats des appels d´offres de 2020 – Rémunérations de référence les plus basses et les plus élevées retenues

L´introduction des appels d´offres a eu un effet important sur le tarif de soutien des énergies renouvelables. Le photovoltaïque démontre sa compétitivité par rapport aux autres technologies.

La biomasse est la plus coûteuse. En revanche il s´agit d´un moyen pilotable contrairement aux énergies fatales (solaire et éolien) qui nécessitent toujours des technologies complémentaires soit le stockage d’électricité de masse soit des capacités de centrales conventionnelles backup pour assurer la sécurité d´approvisionnement.

Références

/1/ Bundesnetzagentur (2020), Ausschreibungen für EE- und KWK-An­la­gen, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Ausschreibungen/Ausschreibungen_node.html

/2/ Allemagne-Energies (2020) Retour d´expérience des appels d´offres en 2017 et 2019 selon la loi sur les énergies renouvelables de 2017 (EEG 2017), en ligne : https://allemagne-energies.com/2020/01/11/retour-dexperience-des-appels-doffres-de-2017-a-2019-selon-la-loi-sur-les-energies-renouvelables-de-2017-eeg-2017/

/3/ Allemagne-Energies (2020) Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/4/ FA Wind (2020) Analyse der Ausbausituation der Windenergie an Land im Herbst 2020, en ligne : https://www.fachagentur-windenergie.de/fileadmin/files/Veroeffentlichungen/Analysen/FA_Wind_Zubauanalyse_Wind-an-Land_Herbst_2020.pdf

/5/ BMWi (2019) Bundeswirtschaftsministerium legt Arbeitsplan zur Stärkung der Windenergie an Land vor, Communiqué de presse du 7 octobre 2019, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Pressemitteilungen/2019/20191007-bmwi-legt-arbeitsplan-zur-staerkung-der-windenergie-an-land-vor.html

/6/ OFATE (2019) Liste de mesures pour renforcer le développement de l’éolien terrestre, Office franco-allemand pour la transition énergétique, en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/energie-eolienne/actualites/lecteur/liste-de-mesures-pour-renforcer-le-developpement-de-leolien-terrestre.html.

/7/ OFATE (2020), Les appels d’offres Innovation en France et en Allemagne, Cadre juridique et retours d’expérience, Décembre 2020, en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/systemes-marches/actualites/lecteur/memo-sur-les-appels-doffres-innovation-en-france-et-en-allemagne.html

/8/ BMWi (2019) Verordnung zu den Innovationsausschreibungen und zur Änderung weiterer energiewirtschaftlicher Verordnungen, 16.10.2019, en ligne : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/Gesetzesvorhaben/verordnung-zu-den-innovationsausschreibungen-und-zur-aenderung-weiterer-energiewirtschaftlicher-verordnungen.html

/9/ Bundesnetzagentur (2020) Ergebnisse  der  Ausschreibungen zum Gebotstermin 1. September 2020, communiqué de presse du 30.9.2020, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Allgemeines/Presse/Pressemitteilungen/2020/20200930_GemeinsameSolarWind.pdf?__blob=publicationFile&v=2

/10/ Bundesnetzagentur (2020) Ergebnisse der Ausschreibungen zum Gebotstermin 1. Dezember 2020, communiqué de presse du 21.12.2020, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2020/20201221_WindSolar.html?nn=265778