Allemagne : La consommation énergétique baisse de nouveau au premier semestre 2024

Le bilan du premier semestre 2025 est disponible ici

Texte mis à jour le 10.08.2024

Temps de lecture : 10 min

Les 7 points essentiels

  1. La consommation énergétique en Allemagne affiche à nouveau un recul de 3,4% au 1er semestre 2024, après avoir atteint un niveau historiquement bas en 2023. Près de la moitié de cette baisse est due à des températures globalement plus douces. Les autres raisons sont le climat économique terne et le niveau élevé des prix de l’énergie ;
  1. La production brute d’électricité a enregistré une baisse de presque 5% par rapport au 1er semestre 2023 ;
  1. La production à partir des énergies renouvelables est en hausse de presque 10% par rapport à la même période de l’année précédente et représente, lissée sur les premiers six mois, une part de presque 60% ;
  1. Le solde allemand des échanges d’électricité a été à nouveau importateur au 1er semestre 2024 ;
  1. Une forte augmentation des épisodes de prix négatifs a été observée au marché de gros notamment au 2e trimestre 2024 ;
  1. Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier est globalement inférieur à celui du 1er semestre 2023. En revanche, le prix de l’électricité pour les clients résidentiels se situe toujours parmi les plus élevés en Europe bien qu’il ait baissé de près de 10% par rapport à la même période en 2023 ;
  1. Malgré le volume important de production des énergies renouvelables, les émissions moyennes de CO2 pour la production allemande par kWh d’électricité restent toujours à un niveau élevé.
Bild Smard BNetzA
Source : Bundesnetzagentur/SMARD

Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Développement des parcs d’énergies renouvelables

Échanges transfrontaliers d´électricité

Prix de l´électricité

  • Evolution des prix de l’électricité sur le marché de gros
  • Episodes de prix négatifs
  • Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Intensité carbone du mix électrique allemand

Références

Consommation énergétique

Après avoir atteint un niveau historiquement bas en 2023 /9/, la consommation énergétique affiche à nouveau un recul de 3.4% en 2024 selon AG Energiebilanzen /1/.

Près de la moitié de cette baisse est due à des températures globalement plus douces. Le volume de consommation énergétique (corrigée des aléas météorologiques) sur le 1er semestre de 2024 a baissé d’environ 1,5% à celui de la même période de l’année précédente.

Les autres raisons sont le climat économique terne et un niveau élevé des prix de l’énergie notamment suite à l’augmentation de la taxe carbone à 45 € par tonne de CO2 en 2024, contre 30 € en 2023. Dans le cadre du système national de tarification du CO2, la taxe carbone s’applique entre autres au prix final de l´essence, du gazole, du fioul et du gaz naturel /12/.

La consommation d’énergie primaire atteint 1508 TWh au 1er semestre 2024 (1er semestre 2023 : 1561 TWh). Les raisons principales sont la forte diminution de l’utilisation du charbon (houille et lignite) notamment pour la production électrique, cf. figure 1.

Fig 1 Conso energie primaire 1 sem 2024
Figure 1 : consommation d’énergie primaire par filière au 1er semestre 2024 et évolution en pourcentage par rapport au 1er semestre 2023

Le solde des échanges d’électricité a été importateur au 1er semestre 2024, tandis qu’au 1er semestre 2023 le solde des échanges était encore légèrement exportateur (voir plus loin).

Consommation et production d’électricité

Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l’Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires du 1er semestre 2024 /2/. 

La figure 2 montre la production brute d’électricité aux premiers semestres 2023 et 2024.

Fig 2 Bruttostromerzeugung sem 1 2023_2024
Figure 2 : production brute d’électricité aux premiers semestres 2023 et 2024

Avec 252 TWh, l’Allemagne a enregistré une baisse de la production brute de presque 5% par rapport à la même période de l’année précédente (1er semestre 2023 : 264,5 TWh).

La production nette totale s’est élevée à 242 TWh contre 253 TWh au 1er semestre 2023, cf. tableau 1.

Tableau 1
Tableau 1 : production et consommation d’électricité en Allemagne aux premiers semestres 2023 et 2024

* production brute : la production brute est la quantité d’électricité mesurée aux bornes des alternateurs d’une centrale, elle inclut donc la consommation d’électricité par les auxiliaires de la centrale et les transformateurs ;

** production nette : la production nette d’électricité est celle mesurée/évaluée à la sortie d’une centrale, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales. La production nette désigne la quantité d’électricité réellement fournie par la centrale au réseau ;

*** Consommation intérieure brute : la production brute plus le solde des échanges transfrontaliers d’électricité.

Le volume de la production brute à partir des énergies renouvelables de 150 TWh représente donc, lissée sur les premiers six mois, une part de presque 60%. Les raisons pour la hausse de presque 10% par rapport à la même période de l’année précédente (1er semestre 2023 : 136,9 TWh) sont notamment l’augmentation de la production du photovoltaïque de presque 4,2 TWh, de l’éolien terrestre de presque 3,8 TWh et de l’hydraulique de plus de 2,5 TWh (cf. tableau 1).

Pour rappel : la Loi EEG 2023 (§4a) fixe des objectifs indicatifs annuels pour les volumes de production d’électricité à partir de sources renouvelables. L’objectif cible s’élève à 310 TWh pour fin 2024. Il faudrait donc produire un volume d’au moins 160 TWh au 2e semestre 2024 pour atteindre cet objectif.

Le parc conventionnel a produit 102 TWh bruts contre 127,6 TWh au cours de la même période de l’année dernière, cf. tableau 1. La baisse de production conventionnelle de 20% s’explique notamment par la réduction de la production du parc thermique à flamme (centrales à houille et au lignite). Le nucléaire fournissait encore 7,2 TWh au 1er semestre 2023. Suite à l’arrêt définitif des trois dernières centrales en avril 2023, le nucléaire n’a donc plus contribué à la production d’électricité en 2024 /8/, /9/.

La figure 3 montre la consommation brute d’électricité. Elle stagne par rapport à la même période de l’année dernière pour atteindre 261 TWh (1er semestre 2023 : 262 TWh).

Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est avec 58%, lissée sur les premiers six mois, en hausse de 6 points par rapport au premier semestre 2023 (52%).

Fig 3 Bruttostromverbrauch 2023_2024
Figure 3 : consommation brute d´électricité et parts des énergies renouvelables aux premiers semestres 2023 et 2024

Développement des parcs d’énergies renouvelables

La figure 4 montre les parcs éoliens, photovoltaïques et de la biomasse à mi-2024 par rapport aux objectifs de fin 2024 et de 2030 selon la Loi sur la promotion des énergies renouvelables de 2023 (EEG 2023) /11/.

Fig 4 Zubau ENR 2024
Figure 4 : parc d’énergies renouvelables à mi-2024 par rapport aux objectifs 2024 et 2030 de la Loi EEG 2023

Parc éolien terrestre

Au cours du 1er semestre 2024, 1308 MW ont été raccordés au réseau, soit 250 éoliennes y compris le repowering (remplacement d´anciennes machines par des turbines plus puissantes et plus productives). En tenant compte de la mise hors service définitive de 277 éoliennes (379 MW), l’ajout net s’élève à 929 MW.

Fin juin 2024, le parc comptait 28 611 éoliennes terrestres en service, soit 27 de moins que fin juin 2023, d’une capacité totale de 61,9 GW /14/.

L’ajout réalisé est actuellement trop faible pour atteindre l’objectif intermédiaire de développement fixé par la loi EEG 2023 à 69 GW fin 2024 /11/.

En 2030 la Loi vise une capacité installée de 115 GW. Pour atteindre cet objectif il faudrait désormais ajouter en moyenne 22 MW par jour, soit 5 à 6 éoliennes d’une puissance nominale de 4 MW.

Parc éolien en mer

Fin juin 2024, le parc comptait 1 602 éoliennes en service, d’une capacité totale de près de 8,9 GW. Parmi elles, 36 éoliennes d’une puissance totale de 377 MW nets ont injecté sur le réseau pour la première fois au cours du 1er semestre 2024. De plus, une augmentation de la puissance (16 MW nets) a été effectuée sur 78 éoliennes existantes. En outre, de nouvelles fondations ont été installées et la mise en place des éoliennes correspondantes commencée.

Il est prévu de porter la capacité totale des éoliennes en mer à 11 GW jusqu’à fin 2025 et à au moins 30 GW d’ici 2030 /11/, /14/.

Parc photovoltaïque

Au premier semestre 2024 une capacité photovoltaïque de 7 535  MW a été installée portant la capacité cumulée à 89,7 GW /7/. L’objectif intermédiaire fixé pour fin 2024 par la loi EEG 2023 à 88 GW /11/ est déjà dépassé.  

Il est prévu de porter la capacité totale à 215 GW d’ici 2030. En partant d’une puissance crête moyenne de 450 Wc par panneau solaire, il faudrait donc ajouter en moyenne plus de 117 000 panneaux par jour. C’est un défi considérable pour l’industrie du solaire photovoltaïque /16/.

Parc biomasse

Au premier semestre 2024 une capacité de la biomasse de 74 MW a été installée portant la capacité cumulée à 9,6 GW /7/. L’ajout réalisé comprend aussi bien des nouvelles installations ainsi que de l’augmentation de puissance des installations existantes.

Toutefois, une utilisation accrue de la biomasse dans le secteur électrique n’est pas une priorité pour le gouvernement. La Loi sur la promotion des énergies renouvelables vise une capacité de 8,4 GW en 2030 soit une réduction nette par rapport à la capacité actuellement installée /11/.

Parc hydraulique

Le potentiel de développement du parc hydraulique étant faible, la loi EEG 2023 n’indique aucun objectif à l’horizon de 2030 /11/. Selon le régulateur /15/, la capacité installée s’élève à environ 18 GW y compris les STEP (Stations de Transfert d’Énergie par Pompage).

Échanges transfrontaliers d’électricité

Le solde des échanges d’électricité allemand a été importateur au premier semestre 2024, avec un solde net de 8,6 TWh /1/.

Au 1er semestre 2023, le solde des échanges a été avec 2,9 TWh encore légèrement exportateur, mais l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité sur l’année 2023 pour la première fois depuis 2002.

Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins.

La plus grande partie des importations d’électricité provient de la France. Les coûts de production d’électricité en Allemagne sont le double de ceux de la France.

Prix de l’électricité

Evolution du prix de l´électricité sur le marché de gros

La figure 5 montre aux premiers et deuxièmes trimestres des années 2021 à 2024 des prix journaliers moyens de l’électricité (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg

La crise énergétique, débutée en 2021 et amplifiée de façon considérable en 2022, se résorbe progressivement en 2023, en laissant des traces durables. Les prix ont baissé de plus d’un quart au deuxième trimestre 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, sans toutefois retrouver les niveaux d’avant crise.

Avec 67,48 €/MWh dans la zone Allemagne/Luxembourg au 2e trimestre 2024, les prix étaient environ 15% supérieurs à la moyenne des prix de gros des pays voisins /4/.

Fig 5 prix de gros
Figure 5 : Evolution des prix de gros constatés sur le marché journalier (day-ahead) de la zone Allemagne/Luxembourg

Le 25 juin 2024, des difficultés techniques sont survenues à la bourse de l’électricité EPEX Spot à Paris (filiale de EEX AG à Leipzig, qui appartient elle-même au Deutsche Börse Group) /13/.

Suite à un bug informatique, l’opérateur n’a pas pu participer au couplage du marché européen des prix journaliers (day-ahead) du marché de gros.

Durant cette période, l’Allemagne a dû couvrir la majeure partie de ses besoins en électricité à partir de sources nationales, ce qui a fait flamber les prix de l’électricité à 2 325,83 €/MWh par moments. Ces prix n’étaient pas visibles sur le site web du régulateur (SMARD), car les prix journaliers du marché de gros des bourses EXAA (Energy Exchange Austria) et Nord Pool, non concernées par la défaillance de l’EPEX Spot, y étaient affichés /4/.

Episodes de prix négatifs

Les prix négatifs sont observés principalement lors des périodes de surproduction d’énergies renouvelables variables (solaire et éolien).

Déjà en 2020, les prix négatifs se sont accumulés sur le marché de gros (day -ahead) : avec 212 pas horaires au cours du 1er semestre 2020, l’année a enregistré une nette augmentation suite à la faible demande d’électricité due de la crise sanitaire.

Au 1er semestre 2024, l’Allemagne a connu 224 pas horaires à prix négatif surpassant déjà le record de 2020. Ces épisodes se sont concentrés en particulier en mai 2024 (78 pas horaires) du fait de la production photovoltaïque et éolienne élevée et une demande d’électricité relativement faible en raison des nombreux jours fériés /3/, /4/, /5/.

Fig 6 prix negatif 2024
Figure 6 : Nombre de pas horaires avec prix négatif aux premiers semestres de 2019 à 2024

Les gestionnaires de réseau sont tenus d’acheter l’électricité renouvelable indépendamment de la demande et de la vendre au marché spot.

Depuis 2023 la charge de soutien des énergies renouvelables est entièrement financée par l’État, c’est-à-dire in fine par le contribuable.

Si les gestionnaires de réseau ne réalisent pas de recettes suffisantes, l’État doit satisfaire les droits légaux à la charge de soutien des producteurs d’électricité renouvelable.

Pour l’année 2024 le montant a été initialement estimé à 10,6 Mds€. Selon un communiqué de presse du parlement allemand /16/, un besoin supplémentaire non planifié de 8,8 Mds€ serait nécessaire en 2024 pour couvrir cette charge de soutien, car la commercialisation de l’électricité verte a généré des recettes plus faibles qu’initialement prévues.

Pour réduire les coûts, la loi EEG 2023 /11/ prévoit à partir de 2024 une suspension de la rémunération pour des installations renouvelables ≥ 400 kW à partir de 3 heures de prix négatifs sans interruption. A partir de 2027, les heures de prix négatifs ne seront en règle générale plus remboursés, hors petites installations < 400 kW et éoliennes pilotes.

Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Le prix moyen de l’électricité pour les clients résidentiels a baissé de près de 10% en 2024 par rapport à la même période en 2023 /6/. Il est toutefois supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe.

Fig 7 prix menages
Figure 7 : prix de l’électricité en cts€/kWh en avril 2021 – 2024 pour les consommateurs résidentiels (consommation annuelle : 2500 à 5000 kWh)

Les coûts associés à la fourniture d’électricité représentent environ 43% de la facture d’électricité des clients résidentiels en avril 2024.

Malgré la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables mi-2022, les composants de prix réglementés par l’Etat (taxes et prélèvements, tarif d’utilisation des réseaux) représentent en 2024 plus de la moitié du prix de l’électricité, soit presque 57%.

Les coûts associés à l’acheminement par les réseaux de transport et distribution correspondent à environ 28% du prix total. Ils sont en avril 2024 presque 20% supérieurs par rapport à la même période de l’année précédente. La raison principale : en 2023 le tarif d’utilisation du réseau de transport était subventionné par l’État pour atténuer l’impact de la crise énergétique empêchant ainsi une augmentation significative /17/. En 2024 le gouvernement allemand a décidé de supprimer la subvention initialement prévue de 5,5 Mds€ /18/.

Les taxes et prélèvements sont à un niveau similaire à celui de 2023 et correspondent à presque 29% du prix total. 

Intensité carbone du mix électrique allemand

Malgré une part de presque 60% des énergies renouvelables à la production d’électricité, lissée sur les premiers six mois, les émissions moyennes de CO2 pour la production par kWh d’électricité restent toujours à un niveau élevé, soit autour de 300 g CO2éq/kWh /10/.

Fig 8 Intensite carbone 2024
Figure 8 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit au 1er semestre 2024

Références

/1/ AGEB (2024) Primärenergieverbrauch 1. Halbjahr 2024, AG Energiebilanzen, en ligne : https://ag-energiebilanzen.de/daten-und-fakten/primaerenergieverbrauch/

 /2/ BDEW (2024) Erneuerbare Energien haben im ersten Halbjahr 58 Prozent des Stromverbrauchs gedeckt, Communiqué de presse commun ZSW et BDEW du 01.07.2024, Zentrum für Sonnenenergie- und Wasserstoff-Forschung Baden-Württemberg (ZSW) et Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/presse/erneuerbare-energien-haben-im-ersten-halbjahr-58-prozent-des-stromverbrauchs-gedeckt/

/3/ BNetzA/SMARD (2024) Der Strommarkt im 1.Quartal 2024, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/211784/213182

/4/ BNetzA/SMARD (2024) Der Strommarkt im 2.Quartal 2024, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/444/213848

/5/ FfE (2024) Negative Strompreise am Spotmarkt, Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH, en ligne : https://www.ffe.de/veroeffentlichungen/negative-strompreise-am-spotmarkt/

/6/ BNetzA/SMARD (2024) Haushaltskundenpreise, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.smard.de/page/home/topic-article/211972/212170

/7/ UBA (2024) Monats- und Quartalsdaten der Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien – Statistik (AGEE – Stat), Monatsbericht – Plus 16.07.2024, Umweltbundesamt, en ligne : agee-stat_monatsbericht_plus_2024-q2

/8/ Allemagne Energies (2023) Clap de fin pour l’électronucléaire en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2023/04/16/clap-de-fin-pour-lelectronucleaire-en-allemagne/

/9/ Allemagne Energies (2024) Allemagne : les chiffres clés de l’énergie en 2023, en ligne : https://allemagne-energies.com/2024/01/11/allemagne-les-chiffres-cles-de-lenergie-en-2023/

/10/ Stromdaten.info (2024), Stromdatenanalyse, en ligne : https://www.stromdaten.info/

/11/ BMJ (2023) Gesetz für den Ausbau erneuerbarer Energien (Erneuerbare-Energien-Gesetz – EEG 2023), Bundesministerium der Justiz, en ligne : https://www.gesetze-im-internet.de/eeg_2014/inhalts_bersicht.html

/12/ Allemagne Energies (2024) Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/

/13/ EpexSpot (2024) Decoupling Session was run according to procedures of Single Day-Ahead Coupling, communiqué de presse du 26.06.2024, en ligne : https://www.epexspot.com/en/news/decoupling-session-was-run-according-procedures-single-day-ahead-coupling

/14/ Deutsche Windguard (2024) Windenergie-Statistik: 1. Halbjahr 2024, en ligne : https://www.windguard.de/Statistik-1-Halbjahr-2024.html

/15/ BNetzA (2024) Kraftwerksliste, 15.04.2024, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Fachthemen/ElektrizitaetundGas/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html

/16/ Allemagne Energies (2024) Énergies renouvelables : de nombreux défis, en ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/

/17/ Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

/18/ BReg (2024) Gas- und Strompreisbremse. Fragen und Antworten zu den Energiepreisbremsen. Gouvernement allemand (Bundesregierung). En ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-de/schwerpunkte/entlastung-fuer-deutschland/strompreisbremse-2125002.

Allemagne : les chiffres clés de l’énergie en 2023

L’édition 2024 est disponible ici

Texte mis à jour le 17.12.2024

Temps de lecture : 2 min (résumé), 30 min (article entier)

Les 10 points essentiels 

  1. La consommation énergétique en Allemagne marque un recul d’environ 8% par rapport à 2022 et atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Les principales raisons sont le faible développement économique et les prix élevés de l’énergie ;
  1. Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique ;
  1. La production brute d´électricité recule de plus de 11% par rapport à 2022. Depuis mi-avril 2023 le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne ;
  1. Amplifiée par la baisse générale de la production brute d’électricité, la part des énergies renouvelables dépasse – lissée sur l´année – pour la première fois la moitié de la production d’électricité ;
  1. L’Allemagne a été en 2023 importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 20 ans ;
  1. La modernisation du réseau de transport n’avance que lentement. Seuls 20,2% des 14.000 km prévus à l´horizon de 2035 ont été réalisés en 2023. Le développement des énergies renouvelables, associé à des retards dans la modernisation du réseau provoque depuis 2015 une forte augmentation des coûts d’actions correctives ayant pour but d’éviter la congestion du réseau de transport ;
  1. L’approvisionnement en gaz naturel a été assuré en 2023 grâce à l’augmentation des livraisons en provenance d’Europe occidentale et à l’achat de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ;
  1. Actualisation en 2023 de la stratégie nationale pour l’hydrogène, adoptée en 2020. Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert » ;
  1. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué d’environ de 10%. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie. Les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale dʼ1 kWh d’électricité restent toujours à un niveau élevé ;
  1. Le prix de gros moyen de l’électricité s’est situé en 2023 à moins de la moitié de celui de 2022 et a atteint à nouveau le niveau de 2021. En revanche, le prix d’électricité pour le consommateur résidentiel a encore augmenté en 2023. Il est supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe.
Anfang
Source : Bundesnetzagentur

Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Stockage de l’énergie

Échanges transfrontaliers d´électricité

Réseaux de transport

  • Réseaux en mer
  • Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Prix de l´électricité

  • Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
  • Episodes de prix négatifs au marché journalier
  • Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Economie de l’hydrogène en 2023

Émissions de gaz à effet de serre

  • Révision de la Loi sur la Protection du Climat        

Perspectives 2024  

Références

Consommation énergétique

La consommation énergétique en Allemagne atteint en 2023 un niveau historiquement bas. Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a) la consommation d´énergie primaire s’élève à 2982 TWh (256 Mtep) en 2023, cela correspond à une baisse de 8,1% par rapport à l´année précédente (2022 : 3243 TWh ou 279 Mtep).

La principale raison est l’impact de la crise énergétique sur l’industrie allemande. En raison des coûts élevés de l’énergie, des charges administratives importantes et de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, de nombreuses entreprises ont fortement réduit leur production en 2022.

Les températures légèrement plus chaudes par rapport à 2022 n’ont eu qu’un faible effet. Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse de 7,4%.

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique. Le pétrole reste l’énergie fossile la plus importante en 2023, suivi par le gaz naturel.  

La consommation des produits pétroliers a connu une baisse de 6,8% par rapport à 2022 notamment à cause de la réduction de consommation du gazole, du fioul et des livraisons d’essence « brute » à l’industrie chimique.

La consommation de gaz naturel baisse de 2,4% en 2023, principalement due à des économies réalisées par les consommateurs.

Compte tenu de la baisse de la consommation énergétique, le gaz naturel et le pétrole ont enregistré malgré tout une légère augmentation de leur part, cf. figure 1.

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 17,0% de la consommation d’énergie primaire contre 19,8% en 2022, cf. figure 1

La consommation du lignite baisse de 23,4% en 2023 par rapport à 2022 notamment en raison d’un recul des livraisons vers les centrales électriques.

La consommation de la houille baisse de 18,5 % en 2023 par rapport à 2022. Alors que la baisse de la consommation dans l’industrie sidérurgique est restée relativement modérée (-1,8 %), son utilisation dans les centrales électriques a baissé d’environ un tiers. 

La part du nucléaire a baissé de près de 80% en 2023, en raison de la fermeture définitive des trois dernières centrales le 15 avril 2023. Depuis, le nucléaire ne contribue plus à la production d’électricité en Allemagne. Pour plus d’informations sur le nucléaire voir aussi (Allemagne Energies 2).

Fig 1 Energie primaire 2023
Figure 1 : consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2024a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire atteint 19,6% (2022 : 17,5%). Cause principale : une production d’électricité élevée des éoliennes terrestres, surtout au second semestre, grâce à une météo favorable.

La part « divers » a augmenté, principalement du fait que l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité en 2023.

Pour une comparaison des bilans énergétiques entre l’Allemagne et la France, voir (Allemagne Energies 4).

Consommation et production d’électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 515 TWh (2022 : 545 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une hausse des prix de l´électricité et une météo légèrement plus clémente (AGEB 2024b).

Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute d’électricité augmente à plus de 52% contre 46% en 2022 (UBA 2024b). Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s’agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d’énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d’électricité amplifie statistiquement l’effet de l’augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d’électricité a enregistré un recul de plus de 11% par rapport à 2022 (cf. figure 2) et s’élève à 506 TWh (2022 : 572 TWh).

Le mix électrique en 2023 a été principalement influencé par la mise hors service des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2) et une baisse de production d’électricité du couple lignite/houille.

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 7%. Amplifiée par la baisse générale de la production brute de 66 TWh, leur part passe – lissée sur l’année – à presque 54% (273 TWh), contre moins de 45% en 2022 (255 TWh). Toutefois, leur production en 2023 n’a pas atteint son objectif de 287 TWh fixé par la Loi sur la promotion des énergies renouvelables. Pour plus d’informations sur les énergies renouvelables, voir aussi (Allemagne Energies 3).

Environ 55% de la production brute ont été assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire). Toutefois, les énergies fossiles continuent à contribuer pour 45% à la production brute.

Fig 2 Stromproduktion brutto 2023
Figure 2 : Production brute d’électricité (hors STEP : Stations de Transfert d’Énergie par Pompage) en 2023

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2023 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective (AGEB 2024b).

Tabelle 1 evolution production electricite 2022-2023
Tableau 1 : production et consommation d’électricité 2022 et 2023

* production brute hors STEP : la production brute est la quantité d’électricité mesurée aux bornes des alternateurs d’une centrale, elle inclut donc la consommation d’électricité par les auxiliaires de la centrale et les transformateurs ;

** production nette hors STEP : la production nette d’électricité est celle mesurée/évaluée à la sortie d’une centrale, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales ;

*** Consommation intérieure brute hors STEP : la production brute plus le solde des échanges transfrontaliers d’électricité.

Grâce à des conditions météorologiques favorables, notamment au deuxième semestre, l’éolien terrestre a produit environ 17% de plus par rapport à 2022.

En revanche, la production des éoliennes maritimes est en baisse par rapport à 2022. Cela s’explique notamment par le manque d’interconnexions et des travaux de maintenance sur les parcs éoliens. 

Bien que le photovoltaïque ait connu en 2023 une augmentation de la puissance installée de l’ordre de 20% (cf. tableau 2), la production n’a augmenté que de 5,5% : grâce à la forte augmentation de la puissance installée en 2023, le temps moins ensoleillé après l’année record de 2022 a été donc compensé.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse recule légèrement par rapport à 2022. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué environ 18% à la production renouvelable en 2023.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, a augmenté en raison d’une pluviométrie plus importante qu’en 2022. La production hydroélectrique a ainsi pu se normaliser quelque peu.

La figure 3 montre l’évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2024b). La production renouvelable a augmenté d’un facteur 2,6 depuis 2010. Elle a dépassé en 2018 la production du charbon (couple houille/lignite). Après une hausse en 2021 et 2022, la production du charbon a fortement diminué en 2023.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2023
Figure 3 : évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne saurait dissimuler que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2024b).

Fig 4 Production co2frei 2023
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Le bilan s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023. En chiffres absolus, la production d’électricité bas-carbone est retombée à son niveau de 2015, les énergies renouvelables n’ayant pas été en mesure de compenser la perte de production des centrales nucléaires.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation hivernale entre 80 et 83 GW.

L’augmentation de capacité du parc de production en 2023 a été tirée à la hausse notamment par la progression des filières éolienne et solaire  photovoltaïque. Au 31.12.2023, la puissance installée a atteint environ 266 nets y compris les systèmes de stockage (STEP, batteries etc.), soit une augmentation de 19 GW en un an.

Les centrales thermiques à flamme disposaient d’environ 85 GW et les installations renouvelables d’environ 172 GW, cf. tableau 2 (BNetzA 2024d).

Au 15.4.2024 une capacité de production de 245 GW était activement au réseau et 12,3 GW (gaz, fioul, houille) sont maintenus en réserve stratégique ou provisoirement arrêtés. Les centrales en réserve ne peuvent injecter de l’électricité que sur demande des gestionnaires de réseau.

Tabelle 2 Puissance installee 2022_2023
Tableau 2 : Puissance installée à fin 2022 et 2023 y compris les systèmes de stockage (STEP, batteries etc.)

Le gouvernement maintient actuellement son objectif de sortie de la production d´électricité à partir de la houille et du lignite d´ici 2030 dans « l´idéal ».

Pour pallier la variabilité des énergies renouvelables la capacité des centrales à gaz existantes est insuffisante pour se substituer au charbon. C’est pour cela que le gouvernement fédéral prévoit jusqu’à 30 GW de moyens pilotables bas carbone supplémentaires à l’horizon de 2035 en incluant des centrales à biomasse et des grandes batteries de stockage d’électricité (Allemagne Energies 2023b ; BT 2023a ; EWI 2023). Les investisseurs prêts à se lancer dans de tels projets n’ont pas encore été trouvés : les risques sont trop importants. Le gouvernement voulait présenter une « stratégie » pour leur financement. Mais aucune décision n’a été prise en 2023.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 5 montre pour chaque filière la relation entre la puissance au réseau et la production réalisée en 2022 (BDEW 2023a ; BDEW 2023b ; AGEB 2024b). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent environ 63% de la puissance nette totale au réseau.

Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à 40% seulement. Cela correspond aux facteurs de charge moyen suivants : photovoltaïque  ~ 9%, éolien terrestre  ~ 22% et éolien maritime ~ 32% sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très variable au cours de l´année.

Fig 5 Capacite_production en pourcent 2023
Figure 5 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2023 (hors installations de stockage d´énergie) Le nucléaire est pris en compte au prorata temporis jusqu’au 15.04.23

A titre de comparaison, les trois dernières centrales nucléaires (puissance nette 4,055 GW) ont produit en prolongation du cycle 6,7 TWh net jusqu’au 15 avril 2023. Cela correspond à un facteur de charge moyen d’environ 66%.

Stockage d’énergie

L´Allemagne dispose fin 2023 d´une capacité de stockage totale d´environ 16,5 GW (Agora Energiewende 2024).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) en Allemagne y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,4 GW. Leur potentiel est largement exploité.

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

La capacité des batteries industrielles et domestiques s´élève à environ 7,2 GW. Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée en 2023 à environ 11 GWh par cycle de charge (Agora Energiewende 2024 ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2023).

STEP et batteries ensemble pourraient théoriquement couvrir la demande moyenne en électricité en Allemagne pendant une heure environ.

Échanges transfrontaliers d’électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l’électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

L’Allemagne a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 2002 (AGEB 2024a). Le solde des échanges s’est creusé en particulier pendant l’été.

Le régulateur allemand a souligné que le fait d’être importatrice nette d’électricité ne permet pas de conclure à un manque de capacités de production. De nombreux pays européens voisins produisent leur électricité à un prix nettement inférieur, ce qui signifie qu’il peut être plus judicieux d’importer de l’électricité non seulement en raison du manque de capacité des centrales, mais aussi pour des raisons économiques.

Néanmoins, ces données indiquent que le mix de production allemand est comparativement cher par rapport à d’autres pays européens.

Le solde de la France a été légèrement exportateur (2,4 TWh) à la frontière avec l’Allemagne et la Belgique (région Core), contrairement aux années 2021 et 2022 (RTE 2024).

Fig 6 export _ import 2023
Figure 6 : solde des échanges physiques d´électricité en TWh

Réseaux de Transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Les besoins en réseaux (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) sont évalués à environ 14.000 km à l´horizon de 2035 dont environ 5.600 km en courant continu (BMWK 2023e). Seuls 2822 km (environ 20,2%) étaient réalisés en 2023, 1.846 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023b).

Le plan de développement du réseau 2037/2045 dont la confirmation finale est prévue en 2024 décrit pour la première fois un réseau qui permet d’obtenir un système électrique climatiquement neutre d’ici 2037 et la neutralité carbone d’ici 2045. Ce plan à l’horizon de 2037/2045 nécessite un développement considérable de lignes électriques supplémentaires sur terre et en mer par rapport au plan actuel de 2035 (Allemagne Energies 1).

Réseaux en mer

Le gouvernement a fixé un objectif de développement des parcs éoliens en Mer du Nord et Mer Baltique d’ici 2050, pour atteindre 30 GW de puissance en service à l’horizon 2030, 40 GW d’ici 2035 et 70 GW à l’horizon de 2045. Les besoins en réseaux à l’horizon de 2030 sont évalués à environ 6400 km.

Coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport 

L’injection accrue d’électricité éolienne dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays.

En raison du développement des énergies renouvelables variables loin des centres de forte consommation, associé à des retards dans la modernisation du réseau de transport, cette situation conduit fréquemment depuis 2015 à une congestion du réseau de transport et entraîne une flambée des coûts des actions correctives (i.e. redispatching, countertrading et centrales de réserve). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Fig 7 Netzengpassmassnahmen
Figure 7 : évolution des coûts de stabilisation du réseau de transport

Un record a été enregistré en 2022, soit plus de 4,2 Mds€ et deux fois plus qu’en 2021. Pour plus d’informations, cf. (Allemagne Energies 2023a).

Pour 2023, selon l’estimation du régulateur (BNetzA 2023c), le volume total des actions correctives s’élève à environ 34 TWh, soit presque 5% de plus par rapport à 2022. Malgré cela les coûts totaux de stabilisation du réseau de transport ont baissé à environ 3,1 Mds€ en 2023, principalement en raison de la baisse du prix de gros.

Les éoliennes maritimes et terrestres ont été la source de production la plus écrêtée en 2023. Les couts totaux de redispatching de la production renouvelable s’élèvent à environ 600 M€.

Deux des trois centrales nucléaires arrêtées mi-avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.  Le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne risque donc d´accroitre encore le volume des actions correctives à l´avenir.

Pour améliorer l’équilibrage du réseau en situation dégradée, l’Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2017) a décidé la mise en service de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d’une puissance totale de 1200 MW).

Prix de l’électricité

Evolution des prix sur le marché de gros de l’électricité

Suite à la crise énergétique en 2022, née de la guerre en Ukraine, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne avait plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020.

En 2023 le prix de gros moyen d’électricité s’est élevé à 95,18 €/MWh (BNetzA 2024a). Il représentait ainsi moins de la moitié de la valeur de 2022 (235,45 €/MWh) et a chuté au niveau de 2021, cf. figure 8.

La tension sur le prix de gros de l’électricité s’est résorbée en 2023 sous l’effet de deux dynamiques : d’une part le prix du gaz a sensiblement baissé avec la diversification des approvisionnements (voir figure 10) et d’autre part la réduction de la consommation d’électricité résultant des prix élevés.

Le prix reste toutefois largement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Le remplacement du gaz russe, moins onéreux, par le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), conduira vraisemblablement à un maintien des prix à des niveaux plus élevés que ceux observés avant la crise énergétique.

La figure 8 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2024a).

Fig 8 Prix spot 2019_2023
Figure 8 : moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2023, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg.

Tabelle 3 prix spot 2023
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

En 2023, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 11 septembre entre 19h et 20h avec 524,27 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables variables, rendant nécessaire une production conventionnelle accrue.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré le dimanche 2 juillet 2023 entre 14h et 15h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a été supérieure à la consommation. Le prix de gros est tombé à – 500 €/MWh, soit à la valeur la plus basse autorisée par epexspot (EPEX SPOT 2023).

Bien que le niveau de prix sur le marché spot ait diminué en 2023, le prix d’électricité pour le consommateur reste supérieur au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatif a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatif a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité. Mais en 2023 une forte hausse du nombre de pas horaires à prix négatif a été observée à nouveau et le record de 2020 a été battu.

Fig 9 Nombre heures prix negatif 2019_2023
Figure 9 : pas horaires à prix négatif par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2023 (BNetzA 2024a)

Alors que les exploitants d’une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations. 

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

La loi EEG 2023 prévoit, dès 2024, une suspension de la rémunération pour des installations ≥ 400 kW à partir de 3 heures de prix négatifs sans interruption. A partir de 2027, les heures de prix négatifs ne seront en règle générale plus remboursées, hors petites installations < 400 kW et éoliennes pilotes.

Au total, 260 des 301 pas horaires à prix négatif sont tombés sous la « règle de 4 heures » en 2023, c’est-à-dire aucune rémunération n’a été versée et les exploitants des installations d’énergies renouvelables ont dû prendre à charge les frais des prix négatifs pour l’injection de leur électricité au réseau (FFE 2024).

Prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Malgré la baisse du prix sur le marché de gros en 2023, le prix de l’électricité pour les clients résidentiels a augmenté de 25% par rapport à 2022 (BNetzA 2024c). Il est supérieur d’environ 40% par rapport au niveau d’avant crise énergétique et se situe parmi les plus élevés en Europe (Allemagne Energies 4).

Les composants de prix réglementés par l’Etat (taxes, redevances et tarif d’utilisation des réseaux) représentent presque la moitié, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022.

Fig 10 Haushaltskundenpreis
Figure 10 : évolution et décomposition des prix de l’électricité pour les clients résidentiels

Approvisionnement en gaz naturel

Selon les premières données (BNetzA 2024b), la consommation de gaz naturel a diminué de 4,3% en 2023 pour atteindre 810 TWh, soit le niveau le plus bas depuis la première moitié des années 90, cf. tableau 4.

Tabelle 4 Bilanz Erdgasversorgung
Tableau 4 : Approvisionnement en gaz naturel en Allemagne en 2022 et 2023

La consommation des clients résidentiels, de l’artisanat et du secteur  tertiaires représente environ 41% et celle de l’industrie 59% en 2023.

L‘Allemagne est fortement dépendante des importations. Elle dispose seulement d’un petit nombre de gisements nationaux de gaz naturel qui ont fourni 37 TWh en 2023 (2022 : 44 TWh). A cela s’ajoute l’injection de biogaz dans le réseau.

De ce fait, l’industrie gazière a été fortement marquée par les conséquences de la crise énergétique, née de la guerre en Ukraine. Cela a provoqué une importante modification dans l’origine des importations. Alors que jusqu’à 2022 plus de 60% du gaz naturel consommé en Allemagne provenaient encore de la Russie, ces importations ont fortement diminué courant 2022 (BNetzA 2023d).

Depuis septembre 2022, l’Allemagne n’importe plus de gaz naturel de la Russie. Ces livraisons ont été compensées par une augmentation des importations notamment en provenance de Norvège, des Pays-Bas et de la Belgique, cf. figure 11.

Fig 10 Gasimporte
Figure 11 : Importations annuelles et origine des importations du gaz naturel consommé en Allemagne

En outre, l’infrastructure gazière a été complétée par des terminaux méthaniers destinés à accueillir le gaz naturel liquéfié (GNL). En décembre 2023, trois terminaux étaient en service, trois autres sont en projet.

Au total, 69,7 TWh ont été importés en 2023 via les terminaux méthaniers en Allemagne. Cela correspond à une part de 7,2% des importations totales de gaz naturel.

Parmi les 6 pays d’origine du GNL, les États-Unis dominaient avec une part de 84 %. Les 5 autres pays, à savoir la Norvège, l’Angola, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et Trinité-et-Tobago, représentaient chacun entre 1 et 5 % (BDEW 2023a).

Bien que l’approvisionnement en gaz naturel ait été assuré en 2023, la situation de l’approvisionnement reste soumise à des risques (facteurs de risque : hiver froid, défaillance des importations norvégiennes ou d’une partie des importations de GNL).

Economie de l’hydrogène en 2023

L’hydrogène fait l’objet d’une attention croissante ces dernières années. Conscient de l’importance de l’hydrogène, le gouvernement allemand avait adopté en 2020 la « Stratégie nationale pour l’hydrogène ». L’objectif était de faire de l’hydrogène une technologie clé dans le cadre de la transition énergétique en particulier dans les industries qui ne peuvent pas utiliser directement l´électricité.

La stratégie nationale a été actualisée en 2023 dans le but de mettre à disposition suffisamment d’hydrogène « vert » et ses dérivés à l’horizon de 2030 (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023a). Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

Jusqu’à présent, l’hydrogène « vert » ne joue pratiquement aucun rôle en Allemagne. La majeure partie des environ 57 TWh d’hydrogène actuellement produits provient de sources fossiles, principalement par le reformage du gaz naturel à la vapeur d’eau et la gazéification à partir de charbon. En outre, de l’hydrogène est généré comme sous-produit dans l’industrie chimique (actuellement 9,4% de la production totale).

Pour l’année 2030, la demande totale en hydrogène et ses dérivés est estimée à 95 – 130 TWh. Le gouvernement met particulièrement l’accent sur le développement de la capacité d’électrolyse nationale.

La capacité d’électrolyse en Allemagne s’élève actuellement à environ 110 MW, selon les estimations de la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW 2023a). Il est prévu de mettre en place au moins 10 GW d´électrolyseurs d´ici 2030 pour la production d’hydrogène « vert ». Près de 20 % de la capacité visée de 10 GW seraient déjà en construction ou en projet, avec l’objectif d’une mise en service d’ici 2030. La production nationale de l’hydrogène « vert » pourrait se situer entre 22 et 28 TWh en 2030.

Actuellement, l’importation ou l’exportation d’hydrogène vers et depuis l’Allemagne est quasiment inexistante, notamment en raison du manque d’infrastructures nécessaires à cet effet – par exemple des canalisations ou des terminaux d’importation.  Le gouvernement prévoit la mise en place d´ici 2032 d’un premier réseau d´hydrogène d’une longueur d’environ 9.700 km. Environ 60% du réseau consisteraient en canalisations reconverties et 40% de canalisations nouvellement construites (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2023c).

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique, il doit être créé. Le processus de production d´hydrogène « vert » est électro-intensif et les pertes de transformation par électrolyse sont élevées. La production nationale étant insuffisante pour couvrir la demande en 2030, il est également prévu de mettre en place une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».

La question de savoir sur quelles quantités d’hydrogène « vert » les parties prenantes (producteurs, fournisseurs et acheteurs) peuvent compter et à quel prix il sera négocié à l´avenir est d´une importance fondamentale pour évaluer son rôle dans le futur mix énergétique. Selon les études actuelles, l’hydrogène serait en 2030 encore 3 à 5 fois plus cher que le gaz naturel en Allemagne (EWI 2023).

Émissions de gaz à effet de serre

Le gouvernement allemand prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 65% d’ici 2030 par rapport à 1990 (Allemagne Energies 1). Fin 2023 la réduction atteint 46% par rapport à 1990.

Selon les premières estimations de l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA 2024c), les émissions de gaz à effet de serre ont diminué en 2023 d’environ 10% à 674 Mt CO2éq soit une réduction de l’ordre de 76 Mt CO2éq par rapport à 2022, cf. figure 12. Cependant, il ne s’agit pas d’un succès en matière de politique climatique mais plutôt du résultat de la baisse inédite de la consommation énergétique suite à l’affaiblissement de l’industrie allemande et des prix élevés de l’énergie.

Le secteur de l’énergie atteint 205 Mt CO2éq en 2023, soit une réduction d’environ 20% (52 Mt CO2éq) par rapport à l’année précédente, en raison d’une baisse de l’utilisation de combustibles fossiles pour la production d’électricité et de chaleur.  

Dans le secteur de l’industrie, les émissions ont diminué pour la deuxième année consécutive, pour atteindre environ 155 Mt CO2éq, soit une baisse de près de 13 Mt ou de presque 8% par rapport à l’année précédente. La baisse des émissions est déterminée par la diminution de l’utilisation des combustibles fossiles, en particulier du gaz naturel et du charbon. Les principales raisons sont l’évolution conjoncturelle négative et l’augmentation des coûts de fabrication, qui ont entraîné une baisse de la production.

Dans le secteur du bâtiment, une réduction des émissions de 7,5% (8,3 Mt) a pu être obtenue pour atteindre environ 102 Mt CO2éq. Malgré cette réduction, le secteur du bâtiment manque son objectif 2023 (cf. Loi de Protection du Climat) d’environ 1,2 Mt CO2éq. Les raisons de la baisse des émissions sont les économies d’énergie dues aux conditions climatiques douces en hiver 2023 et la hausse des prix à la consommation. L’installation de pompes à chaleur a également eu un effet positif sur l’évolution des émissions dans ce secteur. En revanche  les chauffages fossiles se sont vendus environ 2,5 fois plus que les systèmes de chauffage climatiquement neutre.

Le secteur des transports a émis environ 146 Mt CO2éq, soit une baisse de 1,2% par rapport à l’année précédente. Malgré cela, le secteur dépasse de 13 Mt CO2éq son objectif 2023 (cf. Loi de Protection du Climat). La raison principale est la lenteur de l’électrification du secteur. Les voitures électriques représentent à peine 20% des nouvelles immatriculations, comme c’était déjà le cas en 2022. Pour atteindre l’objectif de 15 millions de voitures électriques en 2030, leur part aux nouvelles immatriculations devrait passer à 90% dans les prochaines années.

Fig 11 emission 2023
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030 (UBA 2024a ; UBA 2024c)

Dans le secteur de l’électricité (part du secteur de l’énergie), la reprise économique après la crise sanitaire en 2020, combinée à une baisse de la production éolienne due aux conditions météorologiques défavorables, a entraîné en 2021 un recours accru à la production d’électricité à base de charbon, cf. figure 13.

Cet effet s’est encore accéléré en 2022, en raison de la crise du gaz née de la guerre en Ukraine, mais aussi de la réduction de production nucléaire française, laquelle a entraîné une augmentation des exportations d’électricité vers la France.

En 2023, outre ces effets déjà mentionnés, l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 2002 (voir plus haut) et la reprise économique a continué à faire du surplace. Cela a un effet réducteur sur les émissions de CO2. Toutefois cette baisse sous le niveau de 2019 ne peut pas être considérée comme durable.

Les émissions pour la production d’électricité représentent en 2023 autour de 26% des émissions totales en Allemagne (UBA 2024d) contre environ 5% en France (RTE 2024).

En raison de la baisse de production d’électricité (notamment à base de lignite/houille) ainsi que de l’augmentation de la part des énergies renouvelables et du surplus d’importation d’électricité dont les émissions de CO2 ne peuvent pas être attribuées à la production d’électricité nationale (cf. tableau 1 et figure 6), les émissions moyennes de CO2 pour la production nationale d’électricité dʼ1 kWh (intensité carbone) ont légèrement baissé pour s’établir à environ 380 g CO2/kWh en 2023 (2022 : 429 g CO2/kWh), cf. figure 13.

Fig 13 Emissionen Strommix
Figure 13 : Émissions de CO2 de la production d’électricité

Malgré le développement massif des énergies renouvelables, l’intensité carbone de la production d’électricité est toujours élevée et largement supérieure au niveau européen : 0,26 kg CO2/kWh en 2021 selon (MTE 2023). Bien que très variable en termes de production d’électricité et de CO2 par heure, la moyenne allemande est environ 7 fois supérieure à la moyenne française.

Révision de la Loi sur la Protection du Climat

La loi en vigueur depuis 2021 avait fixé des objectifs annuels en matière d´émissions de gaz à effet de serre pour chaque secteur entre 2020 et 2030. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 65% d’ici 2030 par rapport à 1990. Si les objectifs ne sont pas atteints dans certains secteurs, les ministères compétents doivent présenter des mesures immédiates pour y remédier.

En juin 2023 le gouvernement a adopté une révision de la Loi sur la Protection du Climat (BReg 2023a). Les objectifs sectoriels ont été supprimés et remplacés par le bilan global couvrant tous les secteurs. Cela signifie qu’il sera possible de compenser entre les secteurs. Si, par exemple, le secteur des transports n’atteint pas ses objectifs, cela peut être compensé par d’autres secteurs ayant dépassé leurs objectifs. L’essentiel est que l’objectif global de réduction annuelle des émissions de gaz à effet de serre soit atteint.

La révision de la loi est critiquée par des associations de protection du climat craignant une érosion des objectifs climatiques de l’Allemagne. Le parlement a finalement donné son feu vert en avril 2024. 

En lien avec la révision de la Loi sur la Protection du Climat, un programme de protection du climat (Klimaschutzprogramm 2023) a été adopté par le gouvernement en octobre 2023 (BMWK 2023b) pour se rapprocher de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce programme regroupe de nombreuses nouvelles mesures notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports. En revanche, même si toutes les mesures étaient mises en œuvre de manière conséquente, les émissions ne baisseraient pas assez vite et occasionneraient un gap d’environ 200 Mt CO2éq d´ici 2030 par rapport à la Loi sur la Protection du Climat (Allemagne Energies 1).

Perspectives 2024

En tant qu’instrument de financement, le Fonds pour le Climat et la Transformation (Klima- und Transformationsfonds) apporte une contribution essentielle à la réalisation des objectifs de l’Allemagne en matière de politique énergétique et climatique. Un total environ 212 Mds€ a été prévu entre 2024 et 2027 pour promouvoir le tournant énergétique et la protection du climat (BReg 2023c). Après la suppression, le 1er juillet 2022, de la « EEG-Umlage » payée jusqu’à cette date par le consommateur, le Fonds permet entre autres de refinancer le soutien aux énergies renouvelables (Allemagne Energies 3), ainsi que le programme fédéral pour la rénovation énergétique du bâtiment. Il est principalement alimenté par les recettes tirées des systèmes d´échanges de quotas d´émission européens (ETS) et de la taxe carbone nationale (Allemagne Energies 1).

Dans le but de soutenir les entreprises lors de la pandémie de coronavirus le Fonds de Stabilisation Economique (Wirtschaftsstabilisierungsfonds) a été créé en 2020. Ce Fonds a été réorienté en 2022 afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique née de la guerre en Ukraine. Il a été doté d’un nouveau crédit de 200 Mds€ notamment pour financer les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz dans le but d´atténuer la hausse des coûts de l´énergie et donc de soulager les clients résidentiels et les entreprises (Allemagne Energies 2022).

Suite au jugement de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de novembre 2023, la réaffectation de 60 Mds€, initialement destinés à la lutte contre la pandémie de coronavirus, au Fonds Climat et Transformation est considérée comme incompatible avec la Loi Fondamentale de l’Allemagne (BVerfG 2023).

Avec le verdict de Karlsruhe, qui supprime purement et simplement une partie du budget prévu, le financement en matière d’investissements verts devient un casse tête pour 2024. Le gouvernement doit maintenant, tout en respectant l’obligation de « frein à l’endettement » inscrite dans la Constitution, faire des économies ailleurs pour trouver cette somme supplémentaire.

Etant donné que le jugement pourrait mettre en péril d’autres fonds, les boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz, financés par le Fonds de Stabilisation Economique, ont expiré à la fin de 2023. Initialement une prolongation a été prévue jusqu’à fin mars 2024 (BT 2023b). Dans le même contexte, la subvention de 5,5 Mds€, prévue pour la stabilisation des tarifs du réseau de transport en 2024, a été supprimée (Agora Energiewende 2024) ce qui conduit à une hausse des tarifs du réseau de transport à partir de 2024 pour les consommateurs. L’État a également décidé de mettre fin aux aides à l’achat d’une voiture électrique à partir de mi-décembre 2023.

De plus la taxe carbone nationale a été augmentée à 45 € par tonne de CO2 en 2024 ce qui renchérit pour le consommateur final les prix des produits énergétiques tels que l’essence, le gazole, le fioul et le gaz naturel (Allemagne Energies 1). Le gouvernement fédéral revient ainsi sur sa décision de 2022 de n’augmenter que modérément les prix de la tonne de CO2 à 35 € en 2024 pour atténuer les effets de la crise énergétique (BMWK 2022).

L’année 2023 a été marquée par certains progrès en matière de politique climatique, notamment dans les secteurs du bâtiment (BMWK 2023d ; Missions allemandes en France 2023) et de l’électricité.

Toutefois, le débat sur la nouvelle Loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments a laissé des traces au sein de la population en ce qui concerne la confiance dans la mise en œuvre pratique et l’équilibre social des mesures climatiques. Le chauffage aux énergies renouvelables étant un pilier majeur de la protection du climat, le gouvernement doit donc assurer durablement le financement des mesures adoptées.

Un autre dossier brûlant est la construction de nouveaux moyens pilotables bas carbone annoncée par le gouvernement en 2023 (voir plus haut). Compte tenu du fait que ces nouvelles centrales ne fonctionneront que lors d’épisodes de production d’origine renouvelable insuffisante, leur rentabilité est loin d’être acquise. À cela s’ajoutent les incertitudes sur la disponibilité suffisante de l’hydrogène « vert » à un prix raisonnable. Pour l’instant, les investisseurs potentiels attendent que le gouvernement présente sa stratégie pour faciliter le déploiement de nouvelles centrales

Le temps presse. La stratégie pour leur financement doit être établie au plus tard au premier semestre 2024 afin de garantir la mise en place d’une capacité suffisante de moyens pilotables supplémentaires à la fin de la décennie.

Références

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AGEB (2024b) Strommix. Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2023 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand November 2024). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/wp-content/uploads/2024/11/STRERZ_09_2024.pdf.

Agora Energiewende (2024) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2023. Rückblick auf die wesentlichen Entwicklungen sowie Ausblick auf 2024. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/publikationen/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2023.

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 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (4) Bilans énergétiques : Comparaison Allemagne et France. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/bilans-energetiques/.

Allemagne Energies (2022) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) Les coûts d’équilibrage du réseau de transport ont dépassé les 4 milliards d’Euro en 2022. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/07/13/les-couts-dequilibrage-du-reseau-de-transport-ont-depasse-les-4-milliards-deuro-en-2022/.

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BVerfG (2023) Zweites Nachtragshaushaltsgesetz 2021 ist nichtig. Communiqué de presse nr. 101/2023 du 15.11.2023. Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle). En ligne : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2023/bvg23-101.html.

EPEX SPOT (2023) Trading at EPEX SPOT 2023. Trading Brochure. European Power Exchange EPEX SPOT SE. En ligne : https://www.epexspot.com/en/downloads#trading-products.

EWI (2023) Finanzierungsbedarfe in der Stromerzeugung bis 2030. Energiewirtschaftliches Institut an der Universität zu Köln (EWI) gGmbH. En ligne : https://www.ewi.uni-koeln.de/de/publikationen/finanzierungsbedarfe-in-der-stromerzeugung-bis-2030/.

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Missions allemandes en France (2023) Se chauffer sans nuire au climat : mise en place d’une nouvelle loi sur les économies d’énergie dans les bâtiments. Missions allemandes en France. En ligne : https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/03-Economie/-/2594522.

MTE (2023) Chiffres clés du climat France, Europe et Monde. Édition 2023. Ministère de la Transition Énergétique. En ligne : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2023/avant-propos.

RTE (2024) Bilan électrique 2023. Réseau de Transport d’Électricité. En ligne : https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/synthese.

UBA (2024a) Detaillierte Treibhausgas-Emissionsbilanz 2022: Emissionen sanken um 40 Prozent gegenüber 1990 – EU-Klimaschutzvorgaben werden eingehalten. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/detaillierte-treibhausgas-emissionsbilanz-2022.

UBA (2024b) Erneuerbare Energien in Zahlen. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/themen/klima-energie/erneuerbare-energien/erneuerbare-energien-in-zahlen.

UBA (2024c) Klimaemissionen sinken 2023 um 10,1 Prozent – größter Rückgang seit 1990. Communiqué de presse du 15.03.2024. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/presse/pressemitteilungen/klimaemissionen-sinken-2023-um-101-prozent.

UBA (2024d) Entwicklung der spezifischen Treibhausgas-Emissionen des deutschen Strommix in den Jahren 1990 – 2023. Umweltbundesamt. En ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/entwicklung-der-spezifischen-treibhausgas-10.






Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022

L’édition 2023 est disponible ici

Texte mis à jour le 13.07.2023

Temps de lecture : 6 min (résumé), 35 min (article entier)

Résumé 

La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP), voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.

L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».

La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite (environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité). 

La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.

Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :

  • Les émissions de gaz à effet de serre baissent légèrement et se situeraient à 746 Mt CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a été atteint malgré une augmentation des émissions du secteur de l´énergie de presque 11 Mt CO2éq par rapport à 2021. La raison est l´utilisation accrue de la houille et du lignite pour la production d´électricité ;
  • La consommation d´énergie primaire recule de 5,4% (- 4,0% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 et s´élève à 3 269 TWh (281 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) comptent pour près de 79% de la consommation d´énergie primaire (contre environ 77% en 2021) ;
  • La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix ;
  • La production brute d´électricité baisse d´environ 2% à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : La  production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 80 TWh (2021 : 90 TWh), en revanche la production du couple lignite/houille augmente à 181 TWh contre 165 TWh en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 35 TWh contre 69 TWh en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
  • Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,5% (2021 : 40,2%) et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,2 % contre 41,2% en 2021.
  • Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint seulement 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
  • Le solde exportateur d´électricité augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. A titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
  • Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.

Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 : 

  • Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
  • Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023).
    Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport
    au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
  • Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.

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Sommaire

Consommation énergétique

Consommation et production d´électricité

  • Parc de production installé
    • Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
    • Energies renouvelables
  • Relation entre puissance installée et production réalisée
  • Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Échanges transfrontaliers d´électricité

Modernisation des réseaux de transport

  • Coûts des interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

Émissions de gaz à effet de serre

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

  • Episodes de prix négatifs au marché journalier

Projets phares de la transition énergétique allemande en 2022

  • Mesures de soutien de presque 300 Mds€ pour les citoyens et l´industrie
  • Paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables
  • Mesures d´urgence en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023  

Références

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Consommation énergétique

Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a) la consommation d´énergie primaire atteint 3269 TWh (281 Mtep) en 2022, cela correspond à une baisse de 5,4 % (~ 187 TWh) par rapport à l´année précédente (2021 : 3456 TWh ou 297 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.

Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.

Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.

Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 4,0% selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a).

Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter près de 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.

La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 2,9% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,3% (2021 : 32,5%).

La consommation de gaz naturel baisse de presque 15,7% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz.  La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,6% contre 26,6% en 2021.

Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% (BNetzA 2023e). Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège (environ 33%).

Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.

La consommation du lignite augmente de 3,5% en 2022. Le lignite atteint une part de 10% (2021 : 9,1%) de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.

La consommation de la houille augmente de 4% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8% (2021 : 8,9%) de la consommation d´énergie primaire.

La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2% (2021 : 6,1%) de la consommation d´énergie primaire.

Fig 1 Energie primaire 2022
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a)

La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 3,8% et atteint 17,2% (2021 : 15,7%). Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. La part de la biomasse représente 51% en 2022 (2021 : 53%) dans la consommation d´énergie primaire des énergies renouvelables.

Consommation et production d´électricité

La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine.

Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record (UBA 2023a).

Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,2%% contre 41,2% en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables.  La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.

La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse (voir plus loin).

La production brute d´électricité baisse à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.

La production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 80 TWh en 2022 contre 90 TWh en 2021. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.

La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 32% contre 28% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 116 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de 5,5% par rapport à 2021 (110 TWh).  Les centrales à houille ont fourni 64 TWh, soit une augmentation d´environ 18% par rapport à 2021 (55 TWh). La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve (voir plus loin).

La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,1% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 35 TWh bruts, soit presque 50% de moins qu´en 2021 (69 TWh).

Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 8,5%. Leur part dans la production brute passe à 44,5%, soit à 254 TWh, contre 40,1% en 2021 (234 TWh). Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse (voir plus loin).

Fig 2 Stromproduktion brutto 2022
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.

Bien que l´éolien et le photovoltaïque marquent une augmentation record et que la production des énergies conventionnelles baisse de presque 9%, celles-ci continuent à contribuer pour presque 56% à la production brute. Presque 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).

Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.

La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse stagne au niveau de 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.

La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 11% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.

Tabelle 1 evolution production electricite 2021-2022
Tableau 1 : production (hors transfert d´énergie par pompage) et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon (AGEB 2023b ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 31%. En revanche l´année 2021 marque une inversion de la tendance : le charbon (couple houille/lignite) est à nouveau en hausse, cf. figure 3.

Fig 3 evolution production electricite 2010-2022
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)

La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2023b ; UBA 2023a).

Fig 4 Production co2frei 2022
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.

Parc de production

L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.

Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 236 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~150 GW d´installations renouvelables (BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2023a).

Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) est entrée en vigueur mi-2022.  Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe (Allemagne Energies 2022a).

Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW (5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite) a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW (BNetzA 2022a) et environ 2 GW (gaz, fioul) sont provisoirement arrêtés.

Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie (stations de transfert d´énergie par pompage (STEP), batteries, etc.).

Tabelle 2 Puissance installee 2021_2022
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation

Centrales conventionnelles et stockage d´énergie

Centrales nucléaires

En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 (Allemagne Energies 2022b). Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 (Allemagne Energies 2022c).

Centrales à houille

Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.

Centrales à lignite

Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.

Centrales à gaz

Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.

Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.

Centrales au fioul et divers

Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers (déchets etc.) sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.

Stockage d´énergie

L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022).

Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries (domestiques et industrielles) s´élève à environ 3,4 GW.

Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge (Agora Energiewende 2023).

La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

Energies renouvelables

La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 10 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 150 GW (cf. tableau 2).  Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et des Libéraux (FDP), de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables intermittentes (Allemagne Energies 2021).

Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 10 GW installés en 2022, environ trois quarts sont dus au photovoltaïque. Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes (Windguard 2023).  Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.

Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.

Éolien

Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW (70% du volume appelé de 4,5 GW) a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.

Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.

La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières (i.e. le cuivre, le ciment) ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.

Fig 5 Auschreibungen Wind Land 2019_2022
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement (Allemagne Energies 2022d). Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023 (Windguard 2023), bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 (69 GW).

Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau (342 MW nets).  Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.

Photovoltaïque

Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc (3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture). Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc (30% du volume appelé). Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023 (88 GW en 2024) il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.

Fig 6 Ausschreibungen solar 2019_2022
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)

Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 (Allemagne Energies (2022f) ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.

L´électricité verte devient plus chère

Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. A partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture (BNetzA 2022b) et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol (BNetzA 2023f).

C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.

L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.

Relation entre puissance installée et production réalisée

La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 (BDEW 2022 ; AGEB 2023b; UBA 2023). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent presque 57% de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.

Fig 7 Capacite_production en pourcent 2022
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 (hors installations de stockage d´énergie)

A titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.

Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022

Grace aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 (voir tableau 1).  La forte production éolienne en janvier et février 2022 (voir figure 8) et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année (voir figure 9) ont largement contribué à cette hausse (DWD 2022).

Fig 8 Jahresverlauf Wind_2022
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 (1544 heures par an). Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.

En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 11% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle (UBA 2023a). L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique (DWD 2022).

Fig 9 Jahresverlauf Solar_hydro 2022
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)

Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.

Échanges transfrontaliers d´électricité

Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.

Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.

Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017 (AGEB 2023b). Les importations marquent une légère baisse à 50 TWh tandis que les exportations augmentent de presque 11% à 78 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.

C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.

Fig 10 export _ import 2022
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh

Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2023a).

Modernisation des réseaux de transport

Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).

Le plan actuel du réseau de transport prévoit 14.044 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes) à l´horizon de 2035, date à laquelle un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre est visé par le gouvernement. Seuls 16,3% (2.292 km) étaient réalisés à la fin du troisième trimestre 2022, 1.178 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023c).

La mise en service des tracés nord-sud en courant continu d´une capacité de 6 GW, initialement prévue en 2025/2026, a été reportée de deux ans à 2027/2028.

Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution. 

Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport

L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015 en raison de la lente modernisation du réseau électrique (Allemagne Energies 1).

Les coûts des actions d´équilibrage menées par les Gestionnaires du Réseau de Transport (GRT) étaient déjà en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€, cf. figure 11. En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et l´augmentation des prix de gros au deuxième semestre 2021 (Allemagne Energies 2022e).

Fig 11 Netzengpassmassnahmen
Figure 11 : évolution des coûts de stabilisation du réseau

Les coûts de stabilisation du réseau ont augmenté au cours du premier semestre 2022 à environ 2,2 Mds€ et atteignent presque les coûts de l´année précédente (BNetzA 2023d). Cette forte augmentation des coûts est principalement due à la hausse significative des prix de gros (voir plus loin). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.

Les prix élevés du marché de gros ont entraîné une forte hausse des coûts du redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et du countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport).

Les coûts pour des centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante, sont également en forte hausse au premier semestre 2022. En revanche, les coûts de compensation pour l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération sont en net recul. Cependant, au cours du premier semestre, environ 5,4 TWh de production renouvelable (notamment la production des éoliennes maritimes et terrestres) ont dû être écrêtés contre 3,4 TWh dans la même période de l´année précédente.

L´Agence Fédérale des Réseaux a publié début juillet 2023 les chiffres pour l´année 2022. Les coûts liés à l´équilibrage s´élèvent à 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu´en 2021 (Allemagne Energies 2023b).

En attendant la mise en service des tracés nord – sud en courant continu, le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaire pour redispatching ou countertrading, risque d´accroitre encore les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir. De plus, la compensation de la puissance réactive manquante, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport, doit être assurée.

Deux des trois centrales nucléaires encore au réseau jusqu`au 15 avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.

Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux a décidé la construction de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). Leur mise en service est prévue en 2023, cf. annexe 2 (Allemagne Energies 2). 

Émissions de gaz à effet de serre

Sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, l´Allemagne a recouru de façon accrue au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel ce qui a entrainé une hausse des émissions dans le secteur de l´énergie. Malgré cela les émissions totales de gaz à effet de serre baissent légèrement à 746 CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq) selon le pronostic de l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023b). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a donc été atteint.

Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de 4,4% et atteint 256 Mt CO2éq (2021 : 245 Mt CO2éq). Il atteint néanmoins sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

Presque 90% des émissions du secteur de l’énergie proviennent du secteur électrique, soit 223 Mt CO2éq en 2022 (2021 : 215 Mt CO2éq) selon l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023c). L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq /kWh (2021 : 410 g CO2éq /kWh ).

En cause le recours accru aux centrales à houille et au lignite qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire (arrêt de 4 GW fin 2021) et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.

Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.

Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé de plus de 10% par rapport à l´année précédente à 164 Mt CO2éq (2021 : 183 Mt CO2éq). Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat (177 Mt CO2éq).

Dans le secteur de l´agriculture, les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué pour atteindre 62 Mt CO2éq (2021 : 63 Mt CO2éq). Le secteur reste ainsi bien en deçà de sa cible sectorielle de 2022, fixée à 67 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.

En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.

Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 112 Mt CO2éq (2021 : 118 Mt CO2éq), l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq  pour 2022 a été légèrement manqué. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel à cause de la flambée du prix et n´est vraisemblablement pas durable.

L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 148 Mt CO2éq (2021 : 147 Mt CO2éq). Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.

La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : (UBA 2023b).

Fig 12 emission 2022
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030

La légère baisse des émissions en 2022 ne doit cependant pas faire oublier que ce sont les économies d´énergie consécutives à la crise énergétique et les conditions météorologiques très favorables qui ont contribué à la réalisation de l´objectif fixé par la Loi sur la Protection du Climat.

Pour atteindre l´objectif de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 41% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était d´environ 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.

Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (production d´environ 5 TWh bas carbone en 2023), l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.

Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 (BNetzA 2023a ; FFE 2023).

Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.

La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : a flambée du coût des quotas de CO2 (le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021), mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.

L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.

Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh (BNetzA 2023e), ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.

En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH). La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité (figure 13) car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande (FFE 2023).

En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. »  En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque) n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.

Fig 13 GasPreis 2022
Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz (rendement de 40 à 60%) et des centrales à houille (rendement de 35 à 45%) résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022

Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août (BNetzA 2023a). A partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.

La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2023a).

Fig 14 Prix spot 2019_2022
Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon (BNetzA 2023a).

En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.

Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.

Tabelle 3 prix spot 2022
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier (day-ahead) de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » (EPEX SPOT 2022). 

Episodes de prix négatifs au marché journalier

Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.

En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.

Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.

En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh (FFE 2023).

Fig 15 Nombre heures prix negatif 2019_2022
Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 (BNetzA 2023a)

Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.

La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.

Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.

Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021 (FFE 2022), soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.   

Projets phares du tournant énergétique en 2022 

Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2022 étaient :

Adoption d´un ensemble de mesures de presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique

La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise et fut un facteur déterminant de l´inflation, qui a dépassé temporairement les 10% en Allemagne. Le gouvernement a donc été contraint d´adopter un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises (Allemagne Energies 2022g).

Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation.

Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.

De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€.

La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.

Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.

Adoption d´un paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie

Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2023) du secteur électrique (Allemagne Energie 2022f ; Allemagne Energies 3).

Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 360 GW au total (éolien terrestre : 115 GW, éolien en mer : 30 GW, photovoltaïque : 215 GW).

Mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité

Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2022c) et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030 (Allemagne Energies 2022a).

Développement de la politique énergétique et perspectives 2023

En 2022 la gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques.

Les efforts coûteux pour réduire durablement les émissions de CO₂ piétinent actuellement. Les émissions dues à la production d´électricité à partir du charbon sont à la hausse depuis l´arrêt de livraison du gaz russe bon marché.

Le déni de réalité dans la stratégie allemande de transition énergétique a atteint des proportions inquiétantes. En réaction à l´accident de Fukushima, déclenché à la suite d´un séisme et d´un tsunami, le gouvernement allemand avait accéléré la sortie du nucléaire. Et comme le gouvernement, même après l´occupation de la péninsule de Crimée en 2014, a considéré la Russie comme un partenaire fiable, l´Allemagne est devenu fortement dépendante de son gaz.

En vue de la sortie du nucléaire et du charbon, le gouvernement avait initialement prévu, pour suppléer aux aléas des énergies renouvelables intermittentes, la construction de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030. Celles-ci seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux. Mais en absence du gaz russe bon marché, la construction de ces centrales n´est pas rentable actuellement (Allemagne Energies 2023a). Jusqu´à maintenant aucune décision n´est prise ni sur leur capacité nécessaire ni sur leur financement.

Après la sortie définitive du nucléaire en avril 2023, il manquera environ 30 TWh supplémentaires de production bas-carbone dans le réseau électrique. Le développement de l´éolien et du photovoltaïque se poursuit trop lentement et n´a pas été en mesure depuis 3 ans de suppléer la perte de production du nucléaire sans parler des jours où le vent et le soleil sont faibles.

La devise du gouvernement semble être la suivante : « Il est plus important de bien choisir ses objectifs que de les atteindre ». Les 360 GW maintenant visés en 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque nécessitent un triplement de la puissance installée dans les huit prochaines années, soit un ajout annuel d´au moins 26 GW contre 6 GW/an en moyenne entre 2000 et 2022.

De plus, l´objectif pour 2035 de presque 100% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité implique, en une décennie, des paris technologiques lourds comme une bascule vers l´hydrogène et la mise à disposition de moyens suffisants de stockage d´énergie.

Avec la sortie du nucléaire, le gouvernement fait le deuxième pas avant le premier en arrêtant des centrales fiables et bas carbone. Les déclarations publiques des ministres responsables sur la garantie d´un approvisionnement énergétique sûr et abordable misent sur le principe de l´espoir. Les risques et problèmes, comme par exemple la faible résilience du système électrique à des aléas climatiques, ne sont pas pris en compte. Au pied du mur, les prochaines années détermineront si le gouvernement allemand parviendra à entamer la transition vers la neutralité climatique en 2045. Face à la crise climatique qui s´aggrave, déjà les décisions à prendre en 2023 seront d´une grande importance.


1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période 

Références 

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AGEB (2023b) Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2022 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand Februar 2023). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/.

Agora Energiewende (2023) Die Energiewende in Deutschland: Stand der Dinge 2022. Agora Energiewende. En ligne : https://www.agora-energiewende.de/projekte/die-energiewende-in-deutschland-stand-der-dinge-2022/.

Allemagne Energies (1) Le tournant énergétique allemand. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/.

 Allemagne Energies (2) Historique de la sortie du nucléaire en Allemagne. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/.

Allemagne Energies (3) Énergies renouvelables : de nombreux défis. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/energies-renouvelables/.

Allemagne Energies (2021) Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2021/12/08/le-nouveau-gouvernement-allemand-veut-accelerer-la-transition-energetique/.

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Allemagne Energies (2022b) Allemagne : arrêt définitif de trois centrales nucléaires le 31 décembre 2021. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/01/02/allemagne-arret-definitif-de-trois-centrales-nucleaires-le-31-decembre-2021/.

Allemagne Energies (2022c) Prolongation des trois dernières centrales nucléaires allemandes sur décision du Chancelier – Modification de la Loi Atomique adoptée par le conseil des ministres. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/10/20/prolongation-des-trois-dernieres-centrales-nucleaires-allemandes-sur-decision-du-chancelier-modification-de-la-loi-atomique-adoptee-par-le-conseil-des-ministres/.

Allemagne Energies (2022d) Le développement de l´éolien terrestre ne décolle pas. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/11/03/le-developpement-de-leolien-terrestre-ne-decolle-pas/.

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Allemagne Energies (2022f) L´Allemagne vise un approvisionnement en électricité presque 100% renouvelable d´ici 2035. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/03/07/lallemagne-vise-un-approvisionnement-en-electricite-presque-100-renouvelable-dici-2035/.

Allemagne Energies (2022g) Allemagne : presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2022/12/19/allemagne-presque-300-milliards-deuros-pour-attenuer-limpact-de-la-crise-energetique/.

Allemagne Energies (2023a) La sortie du charbon nécessite la construction préalable de nouvelles centrales à gaz. Allemagne Energies. En ligne : https://allemagne-energies.com/2023/01/05/la-sortie-du-charbon-necessite-la-construction-prealable-de-nouvelles-centrales-a-gaz/.

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