Transition énergétique allemande, Energiewende Deutschland, sortie du nucléaire, énergies renouvelables, économies d´énergie, réduction des émissions de gaz à effet de serre
Selon la publication de l’Agence Fédérale des Réseaux (Bundesnetzagentur) du 6 août 2025 /1/, l’appel d’offres éolien maritime susceptible d’allouer deux concessions en mer du Nord, baptisées N-10.1 et N-10.2, d’une capacité totale de 2,5 GW pour une mise en service prévue en 2029 et 2031, n’a reçu aucune réponse. Les conditions cadres comportaient manifestement trop de risques pour les investisseurs. En outre le rendement annuel attendu des éoliennes était plus faible que pour d’autres sites suite à une densité élevée de la puissance prospectée favorisant l’effet de sillage.
Il s’agit de sites qui avaient déjà été soumis à une analyse préalable par l’Office Fédéral de la Navigation Maritime et de l’Hydrographie (BSH) concernant l’environnement marin, le sol de construction et les conditions atmosphériques et océanographiques.
Selon l’annonce du régulateur, les concessions feront l’objet d’un nouvel appel d’offres, selon des règles moins strictes, conformément aux spécifications pour les sites non préalablement analysés. La date limite de soumission des offres a été fixée au 1er juin 2026.
Il s’agit du deuxième revers majeur en peu de temps pour le développement des éoliennes en mer. En juin 2025 le français TotalEnergies avait remporté un appel d’offres pour un montant de 180 M€ pour une concession de 1 GW /2/, soit une fraction de ce que les soumissionnaires avaient encore offert les années précédentes.
Ainsi, l’Agence Fédérale des Réseaux avait encaissé plus de 12 Md€ en 2023 pour 4 concessions de 7 GW au total /3/. En 2024, ce chiffre s’élevait encore à 3 Md€ pour deux concessions de 2,5 GW au total /4/.
Effets de sillages sur un parc éolien en Mer du Nord entrainant une baisse de production des éoliennes environnantes, source : Bundesamt für Seeschifffahrt und Hydrographie
Procédures d’appels d’offres pour l’éolien en mer en Allemagne
Les procédures d’appels d’offres pour l’éolien en mer sont fixées dans la Loi pour le développement et la promotion de l´éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG). Il existe deux types de procédures d’appel d’offres avec des conditions cadres différentes.
Les concessions baptisées N-10.1 et N-10.2, d’une capacité totale de 2,5 GW ont fait l’objet d’« appels d’offres pour des sites ayant fait l’objet d’une étude préliminaire centralisée ».
Aucune rémunération (par exemple tarif d’achat garanti) n’est prévue pour ces sites. Les investisseurs proposent un montant (en €) pour la concession pour pouvoir construire des éoliennes et précisent en outre les critères qualitatifs auxquels celles-ci répondent. Cela concerne par exemple la contribution à la décarbonisation, la compatibilité environnementale de la technologie utilisée pour les fondations ou la garantie de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée.
De plus l’octroi d’une attribution entraine l’obligation de payer une redevance de 37,4 M€ pour la concession N-10.1 et de 9,8 M€ pour la concession N-10.2 pour couvrir les dépenses engagées pour la réalisation de l’étude préliminaire des sites /1/. Exemple : Même si un investisseur n’avait proposé qu’un Euro pour une concession, il aurait dû payer les redevances citées ci-dessus.
En l’absence d’offres, l’Agence Fédérale des Réseaux met désormais ces concessions aux enchères selon les règles moins strictes des « appels d’offres pour des terrains n’ayant pas fait l’objet d’une étude préalable centralisée ». Les critères qualitatifs ne s’appliquent pas et il existe pour les investisseurs la possibilité de demander une rémunération (tarif d’achat garanti) pour l’électricité injectée au réseau.
Ce n’est que lorsque plusieurs offres dites « à zéro centime » ne font pas état d’un besoin d’une rémunération pour leur projet qu’une procédure d’appel d’offres « dynamique » est lancée dans un deuxième temps. Au cours de laquelle les investisseurs font des offres financières pour la concession.
Cette procédure a par exemple été utilisée lors de l’appel d’offres clôturé en juin 2025 pour le site non pré-étudié N-9.4, pour lequel deux soumissionnaires se sont présentés avec « zéro centime par kWh /2/. Le gagnant (TotalEnergies) était prêt à payer pour la concession 180 M€ au gouvernement fédéral (droit de construction d’une puissance éolienne totale d’un gigawatt).
Trop de risques pour les investisseurs
Selon la Fédération allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW), les risques pour les développeurs de parcs éoliens en mer ont considérablement augmenté ces dernières années /5/. Cela s’explique notamment par la hausse des coûts d’investissement et d’exploitation due aux tensions géopolitiques et aux goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement.
À cela s’ajoutent incertitudes sur les prix de l’électricité et un rendement des éoliennes plus faible en raison d’effets de sillage.
Les conditions géologiques pourraient également expliquer l’absence d’offres. Selon la Ministre Fédérale de l’Économie et de l’Energie, Katherina Reiche /6/, les concessions mises en adjudication présentent des risques plus élevés en raison des conditions géologiques. En effet, une plus grande profondeur d’eau augmente le risque que les fondations soient emportées. Cela pourrait entraîner des primes de risque plus élevées et rendre les zones mises en adjudication peu attractives.
De plus, lors des épisodes de prix négatifs, les gestionnaires de réseaux rechignent à honorer leurs contrats d’achat d’électricité, ce qui remet en question l’ensemble du plan de financement d’un projet.
BDEW /5/ demande que le modèle de subvention soit remplacé par des contrats pour différence (Contracts for Difference). Ceux-ci prévoient la fixation d’un prix de l’électricité entre l’État et l’exploitant de l’installation. Si le prix réel du marché est inférieur, l’État compense la différence. En revanche, si le prix du marché dépasse le prix convenu, l’exploitant doit reverser les recettes supplémentaires à l’État.
Problèmes liés à l’effet de sillage non résolus
La forte densité de construction prévue jusqu’ici entraîne une réduction significative des heures équivalent de pleine puissance (hepp) sur les sites actuellement mis en adjudication en raison d’effets de sillage. A l’arrière d’une éolienne, un sillage se développe et la vitesse moyenne du vent est diminuée entrainant notamment une baisse de production des éoliennes environnantes /5/, /7/.
Selon BDEW /5/ il convient de tenir compte, dans le cadre de la réforme de la Loi pour le développement et la promotion de l´éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG), des effets de sillage croissants en raison de la densité des installations dans la zone économique allemande de la Mer du Nord.
Dans une analyse de l’Institut Fraunhofer /5/ le rendement annuel des concessions N-10.1 et N-10.2 (densité de puissance moyenne de 13,8 MW/km2) serait inferieur à 3 000 hepp.
Dans de nombreux parcs éoliens en mer existants, moins touchés par l’effet de sillage, il est possible d’atteindre entre 3 300 et 4 500 hepp et donc une rentabilité plus élevée.
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Les bureaux d’études « Deutsche WindGuard » et « Fachagentur Wind und Solar » ont publié le bilan 2024 de l’éolien terrestre et maritime sur le territoire allemand /1/, /2/.
Résultats essentiels :
La production éolienne atteint 139 TWh en 2024, en légère baisse par rapport à 2023 (141 TWh). Les éoliennes terrestres ont produit 113 TWh et les éoliennes maritimes 26 TWh. Lissée sur l’année, la part des éoliennes à la production brute nationale s’élève à environ 27% sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d’approvisionnement en raison de leur production variable au cours de l’année. À titre d’exemple : pendant deux courts épisodes pratiquement sans vent ni soleil en novembre et décembre 2024, l’Allemagne a fait s’envoler les prix sur le marché spot /4/, /10/.
Fin 2024, le parc éolien connecté au réseau représente presque 73 GW (2023 : 69,5 GW) dont 63,6 GW d’éolien terrestre et 9,2 GW d’éolien maritime.
Concernant le parc éolien terrestre, l’objectif intermédiaire de 69 GW fin 2024 stipulé dans la Loi sur les énergies renouvelable (EEG 2023) a été largement manqué. La Loi prévoit 84 GW au réseau fin 2026. Il faudrait donc ajouter 20 GW nets au cours des deux prochaines années.
Concernant le parc éolien maritime, la loi stipule une capacité au réseau de 30 GW d’ici 2030. Si toutes les conditions sont réunies, cet objectif pourrait être atteint à l’horizon de 2031.
Des informations détaillées sont présentées dans le texte ci-dessous.
Selon Deutsche Windguard /1/, le parc éolien terrestre en Allemagne se compose de 28.717 éoliennes d’une capacité totale de 63.551 MW au 31 décembre 2024, cf. tableau 1.
Tableau 1 : situation du parc éolien terrestre
Au cours de l’année, 3.292 MW ont été raccordés au réseau, soit 644 éoliennes y compris le repowering (remplacement d’anciennes éoliennes par des modèles plus puissants et présentant un meilleur rendement /11/). En tenant compte de la mise hors service définitive de 557 éoliennes (712 MW), l’ajout net s’élève à 87 éoliennes (2.580 MW) soit une progression de 4% par rapport à 2023 (60.971 MW), cf. figure 1.
Figure 1 : progression du parc terrestre entre 1995 et 2024
Déconstruction et repowering
En 2024, 557 éoliennes d’une capacité totale de 712 MW ont été mises hors service. Par rapport à 2023, cela représente un tiers de plus en termes de capacité démantelée.
L’âge moyen des éoliennes mises hors service en 2024 était de 22 ans dont la plupart avait déjà cessé de bénéficier du mécanisme de soutien prévu pendant 20 ans.
8.749 éoliennes (~ 9,8 GW) sans droit au mécanisme de soutien étaient encore en service fin 2024, soit environ 15% du parc éolien terrestre.
A partir de 2025, environ 1,8 GW entrera en phase d’exploitation sans droit au mécanisme de soutien.
Tant que ces anciennes installations ne sont pas arrêtées définitivement pour des raisons techniques ou économiques ou remplacées par de nouvelles éoliennes dans le cadre d’un repowering elles peuvent poursuivre leur exploitation.
En 2024, dans le cadre du repowering, 207 éoliennes (1.096 MW) ont été remplacées, soit environ 33% des capacités connectées au réseau en 2024, cf. figure 2.
Figure 2 : repowering : capacité raccordée par an (en absolu et en pourcentage de l´ajout total brut) et capacité mise hors service par an
Configuration moyenne des éoliennes terrestres
La technologie des éoliennes terrestres ne cesse d’évoluer /1/, cf. tableau 2. En moyenne, une éolienne installée en 2024 a une puissance nominale de 5,1 MW, soit 7% de plus qu’en 2023. La hauteur totale des éoliennes augmente en moyenne de 5% par rapport à l’année précédente. Le diamètre du rotor est en moyenne 4% et la hauteur de moyeu 5% plus grande par rapport à 2023.
Tableau 2 : configuration moyenne des éoliennes terrestres mises en service en 2024 et évolution par rapport à 2023
La puissance moyenne des éoliennes est très variable d’une région à l’autre et se situe entre 4,6 et 5,8 MW. En 2024, les éoliennes présentant la puissance moyenne la plus faible ont été installées dans le Bade-Wurtemberg, tandis que les nouvelles éoliennes les plus puissantes se trouvent en Thuringe. La hauteur totale des nouvelles éoliennes est également nettement inférieure à la moyenne dans le Schleswig-Holstein (179 m en moyenne). Les éoliennes les plus hautes (plus de 240 m en moyenne) ont été construites en Bavière, en Thuringe et en Hesse.
Fabricants et types d’éoliennes
En 2024, les fabricants d’éoliennes Nordex, Enercon et Vestas détenaient au total 90% des parts de marché, cf. figure 3.
Figure 3 : part de marché des fabricants d’éoliennes terrestres en Allemagne
Le modèle « E-138 EP3 E2 (4,2 MW) » de la société Enercon est le type le plus répandu avec 85 éoliennes installées en 2024. Le seul type d’éolienne qui n’est pas produit par les trois fabricants dominants est le modèle 5.5-158 (5,5 MW) de GE.
Répartition régionale des éoliennes terrestres
La répartition régionale montre toujours une nette disparité nord-sud en 2024 /1/. Les régions du nord et du centre (Schleswig-Holstein, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Basse-Saxe, Saxe-Anhalt, Brandebourg et Rhénanie-du-Nord-Westphalie) représentent trois quarts du parc éolien terrestre en Allemagne, cf. figure 4.
Le Bade-Wurtemberg et la Bavière, disposant environ de 30% de la surface du territoire allemand, ne représentent qu’une part de 7% du parc éolien terrestre.
Figure 4 : répartition régionale des capacités et gisements par km² des éoliennes terrestres
Production en 2024
Les éoliennes terrestres ont produit presque 113 TWh lissés sur l’année 2024 ce qui représente 23% de la production d’électricité totale /3/, /5/.
Par rapport à 2023 cela correspond à une baisse de 3% qui s’explique par des conditions météorologiques moins favorables qu’en 2023. Notamment les mois d’automne et d’hiver ont été moins venteux que la moyenne, cf. figure 5.
Figure 5 : production mensuelle et cumulée des éoliennes terrestres en 2023 et 2024
Le facteur de charge s’élève à environ 20,6% correspondant à environ 1810 heures équivalent pleine puissance (hepp) sous l’hypothèse d’une capacité moyenne de 62,3 GW au réseau en 2024.
Résultats des appels d’offres
Quatre appels d’offres ont été réalisés par le régulateur en 2024 /5/. Les volumes appelés ont augmenté à chaque tour au cours de l’année. Lors du quatrième d’appel d’offres en novembre 2024, une sursouscription de près de 50% a été obtenue. La capacité effectivement adjugée en 2024 s’élève à presque 11 GW contre seulement 6,4 GW en 2023 ce qui constitue un record sur une année, cf. figure 6.
Figure 6 : résultats des appels d’offres 2023 et 2024
Le montant d’adjudication moyen pondéré en fonction du volume pour les quatre d’appels d’offres de l’année 2024 s’élève à 7,26 ct/kWh et n’est donc que légèrement inférieur au montant d’adjudication de 2023.
Le tableau 3 montre les limites maximales (montant plafond) de la rémunération de référence pour un « site idéal » et les montants d’adjudication moyens pondérés en fonction du volume depuis 2020 /1/.
Tableau 3 : évolution des montants plafonds de la valeur de référence et des montants moyens d’adjudication pondérés en fonction du volume pour les éoliennes terrestres
Pour mémoire : la valeur de référence est la somme de la prime de marché et de la valeur marchande moyenne pour un « site idéal », soit 6,45 m/s à 100 m de hauteur. Le montant plafond de cette valeur est fixé par le régulateur.
La valeur de référence pour un « site idéal » est multipliée par un facteur de qualité en fonction du site réel et du rendement de l’éolienne prévue. Donc pour un site réel d’une qualité supérieure, la valeur de référence est multipliée par un facteur < 1 alors que pour un site réel de moindre qualité elle est multipliée par un facteur > 1.
Donc la rémunération payée à un soumissionnaire retenu peut en réalité être plus haute ou plus basse que le montant d’adjudication selon la région.
A titre d’exemple : en Allemagne du sud la vitesse moyenne du vent est nettement plus faible que dans le nord du pays. Pour favoriser la construction des éoliennes dans cette région, la valeur de référence est multipliée par un facteur > 1. Dans les endroits particulièrement défavorables, par exemple en Bavière, la valeur de référence est multipliée par 1,55. Un soumissionnaire ayant obtenu un montant d’adjudication de 7,26 ct/kWh en 2024 reçoit donc une rémunération réelle de 7,26 x 1,55 = 11,25 ct/kWh.
Taux de réalisation des capacités adjudiquées depuis 2017
Depuis la mise en place des appels d’offres en 2017, une capacité totale de 33,6 GW a été attribuée et 13,6 GW ont pu être réalisés jusqu’à fin 2024, cf. tableau 4.
Tableau 4 : taux de réalisation des capacités adjudiquées depuis 2017 /1/, /2/
Avec 12%, le taux de réalisation des adjudications de l’année 2017 était particulièrement mauvais. A l’époque, de nombreuses sociétés détenues par des citoyens (Bürgerenergiegesellschaft), dispensées de l’autorisation préalable selon la loi fédérale allemande de protection contre les nuisances environnementales, avaient reçu des adjudications pour des projets dont la plus grande partie n’a finalement pas été réalisée /6/.
Depuis, le taux de réalisation a nettement augmenté. La capacité attribuée en 2018 a été réalisée à 81% et en 2019 et 2020, les taux de réalisation ont atteint plus de 90%. En 2021, la réalisation est déjà bien avancée avec un taux de réalisation de 88% /1/, /2/.
Le délai de réalisation régulier des adjudications à hauteur de 13 GW issues des d’appels d’offres organisées jusqu’à 2021 est arrivé à échéance. Ces adjudications sont soit échues, soit font l’objet d’une prolongation du délai de réalisation. Pour mémoire : après l’appel d’offres l’adjudicataire dispose de 24 mois pour la mise en service, entre 25 et 30 mois avec pénalité et au-delà de 30 mois l’adjudication est annulée. Une prolongation du délai peut être demandée dans des cas exceptionnels, par exemple en cas de recours au tribunal contre l’annulation de l’autorisation.
Le taux de réalisation des capacités allouées en 2023 est en revanche de 23% et celui de 2024 de 2%. Les faibles taux de réalisation en 2023 et 2024 s’expliquent par le fait que la réalisation de ces éoliennes ne fait que commencer.
Développement de l’éolien terrestre et objectif politique à l’horizon de 2030
La loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023) fixe la trajectoire de développement visée pour l’éolien terrestre /7/. La figure 7 montre le parc au réseau, l’ajout annuel et les prévisions.
Figure 7 : parc éolien terrestre au réseau et ajout annuel (prévisions à partir de 2025)
Selon la loi, le parc éolien terrestre doit atteindre 115 GW à l’horizon de 2030 avec l’objectif intermédiaire de 69 GW en 2024 lequel, avec 63,6 GW réalisés, a été largement manqué.
Pour l’année 2026, la loi prévoit 84 GW au réseau. Pour atteindre cet objectif, il faudrait ajouter 20 GW nets au cours des deux prochaines années. Même si actuellement environ 25 GW sont adjudiqués, l’atteinte de l’objectif de 2026 est très ambitieuse.
L’expérience montre que l’ajout en 2025 sera essentiellement assuré par les capacités adjudiquées en 2023 et les capacités non encore réalisées de l’année d’adjudication de 2022. Si la vitesse de mise en œuvre actuelle se poursuit, l’ajout brut devrait atteindre environ 5 GW en 2025.
La capacité d’adjudication exceptionnellement élevée de 2024 laisse présager que le parc éolien terrestre atteindra le niveau requis de 84 GW en 2026.
Parc éolien maritime
Selon Deutsche Windguard /1/, au 31 décembre 2024, la capacité connectée au réseau représente environ 9 222 MW, soit 1639 éoliennes, cf. tableau 5.
Tableau 5 : Parc éolien maritime au réseau le 31 décembre 2024
Parmi elles, 73 éoliennes d’une capacité totale de 742 MW ont été connectées au réseau en 2024 et des modifications de puissance (repowering) apportées à 78 éoliennes existantes. Une capacité totale de 936 MW était en construction. Ces 81 éoliennes n’ont pas encore injecté d’électricité au réseau. En outre, 66 nouvelles fondations ont été installées. Les éoliennes correspondantes n’ont pas encore été installées à la fin de l’année 2024.
Configuration moyenne des éoliennes maritimes
La configuration moyenne des éoliennes maritimes en Allemagne est résumée dans le tableau 6 /1/.
Tableau 6 : configuration moyenne des éoliennes maritimes
La puissance des éoliennes maritimes connectées au réseau en 2024 s’élève à 10,2 MW en moyenne soit une augmentation de 7% par rapport à l’année précédente. La tendance vers des éoliennes de plus en plus puissantes se poursuit. Le diamètre moyen du rotor des éoliennes mises en service en 2024 augmente de 5% pour atteindre 182 m. Le gisement des éoliennes connectées en 2024 atteint 390 W/m². La hauteur moyenne du moyeu augmente de 6% pour atteindre 113 m.
Après la première mise en service d’une éolienne d’une puissance nominale de 11 MW en 2024, la barre des 15 MW sera probablement atteinte en 2025. En ce qui concerne le diamètre du rotor et la hauteur du moyeu, les éoliennes de 15 MW contribueront également à une augmentation significative de la taille par rapport aux installations existantes. Pour les projets qui seront mis en œuvre dans les années à venir, des éoliennes d’une puissance nominale de 15 MW à 18,5 MW sont prévues.
Les éoliennes au large des côtes allemandes sont pour la plupart situées à au moins 40 km de la côte et à des profondeurs d’eau de 20 m et plus. Seules quelques éoliennes sont situées dans des eaux peu profondes à proximité de la côte. Les éoliennes au réseau sont situées en moyenne à une profondeur d’eau de 31 m et d’une distance de la côte de 70 km. Les parcs éoliens les plus éloignés se trouvent à plus de 120 km de la côte et à des profondeurs d’eau de plus de 40 m.
Les fondations dites à « monopieu » restent la technologie la plus utilisée en Allemagne. Les éoliennes connectées au réseau en 2024 utilisent toutes ce type de fondation.
Répartition des éoliennes en Mer du Nord et Mer Baltique sur le territoire allemand
Les éoliennes maritimes sont réparties sur la Mer du Nord et la Mer Baltique. Fin 2024, la Mer du Nord dispose avec 7,4 GW de la plus grande partie des éoliennes au réseau. La Mer Baltique représente une capacité nettement inferieure avec 1,8 GW au réseau.
Figure 8 : Répartition des éoliennes sur la Mer du Nord et la Mer Baltique
Production en 2024
Selon UBA /3/, la production, lissée sur l’année, s’élève à 26 TWh en 2024, en hausse par rapport à 2023 (24 TWh), cf. figure 9 /1/.
En janvier 2024, la production la plus élevée a été atteinte avec 3,1 TWh, tandis qu’en août 2024, la production la plus faible a été enregistrée avec 1,4 TWh /3/. Entre octobre et décembre 2024 la production était inférieure à celle de la même période de 2023.
Figure 9 : production mensuelle et cumulée des éoliennes maritimes en 2023 et 2024
Le facteur de charge est estimé à environ 33,8% correspondant à 2966 heures équivalent pleine puissance (hepp) sous l´hypothèse d’une capacité moyenne de 8,8 GW au réseau. Cette performance est légèrement en hausse par rapport à 2023 : 32,9% correspondant à 2880 hepp.
Résultats des appels d’offres 2024
En 2024 deux appels d’offres ont eu lieu pour un volume total appelé de 8 GW dont 5,5 GW pour des sites qui ont déjà été soumis à une analyse préalable par l’Office Fédéral de la Navigation Maritime et de l’Hydrographie (BSH) concernant l’environnement marin, le sol de construction et les conditions atmosphériques et océanographiques et 2,5 GW pour des sites non préalablement analysés. La procédure d’adjudication diffère selon le site concerné.
L’adjudication s’accompagne du droit au raccordement au réseau – financé via le tarif d’utilisation des réseaux – et à l’exploitation des parcs pendant au moins 25 ans.
Le premier appel d’offres de juin 2024 d’un volume de 2,5 GW a concerné deux sites en Mer du Nord au large de l’archipel de Heligoland (nord-ouest) pour une mise en service prévue en 2031. Il s’agit de sites non préalablement analysés, c’est-à-dire qu’il incombe aux soumissionnaires retenus de le faire examiner eux-mêmes.
Plusieurs offres « à zéro centime » ont été soumises pour les deux concessions, signifiant que les soumissionnaires étaient prêts à construire les éoliennes sans garantie de l’État sur un prix de vente de leur production. Pour les départager, un second tour d’enchères non plafonnées et attribuées sur la seule base du prix a été organisé.
Le français TotalEnergies et l’allemand EnBW sont sortis vainqueurs du processus d’enchères pour une somme totale d’environ 3 milliards d’Euros selon le régulateur allemand /8/. TotalEnergies déboursera la somme de 1,95 milliards d’Euros via sa filiale Offshore Wind One pour son lot de 1,5 GW et EnBW 1,065 milliard d’Euros pour son lot de 1 GW. Selon le régulateur 90% des recettes des enchères seront utilisées pour réduire les coûts de l’électricité, le reste étant consacré à la conservation marine et à des mesures de pêche durable.
En août 2024, un deuxième appel d’offres a eu lieu : un volume de 5,5 GW a été appelé pour trois sites en Mer du Nord avec une mise en service prévue entre 2029 et 2031. Ces sites ont déjà été soumis à une analyse préalable (voir plus haut).
Outre la volonté des soumissionnaires de verser une somme pour chaque concession, des critères tels que la décarbonisation du développement de l’éolien en mer et l’utilisation de technologies de fondation respectueuses de l’environnement ont été pris en compte.
Deux sites (2 GW chacun) ont été attribués à RWE via ses filiales Offshore Wind Four GmbH et Offshore Wind Two GmbH et le troisième site (1,5 GW) à Luxcara, gestionnaire d’actifs indépendant allemand spécialisé dans les infrastructures énergétiques, via Waterekke Energy GmbH. Les montants déboursés par les entreprises pour l’attribution des sites n’ont pas été publiés par le régulateur /9/.
Prévisions de développement de 2025 à 2034
La prévision de développement de l’éolien maritime à l’horizon de 2034 est présentée dans la figure 10 /1/.
Figure 10 : évolution de la capacité de l’éolien maritime connectée au réseau et prévisions à l’horizon de 2034
Les objectifs de développement fixés par la loi sur l’éolien maritime (WindSeeG) prévoient que la capacité connectée au réseau doit atteindre au moins 30 GW d’ici 2030 et au moins 40 GW d’ici 2035. En outre, un objectif de 50 GW est visé d’ici 2035 soit un dépassement de l’objectif fixé par la Loi.
L’objectif légal de développement de 30 GW prévu pour 2030 pourra vraisemblablement être atteint avec un retard d’environ un an. L’objectif de 40 GW d’ici 2035 pourrait être atteint dès 2034, conformément aux prévisions, à condition que tous les sites prévus à cet effet soient attribués et réalisés comme prévu. C’est là que réside un certain risque suite à la hausse des coûts sur les différents composants de la chaîne d’approvisionnement.
Aucune information n’a encore été donnée sur la manière dont l’objectif accru de 50 GW d’ici 2035 serait atteint.
/3/ UBA (2025) Monatsbericht zur Entwicklung der erneuerbaren Stromerzeugung und Leistung in Deutschland, Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien Statistik (AGEE Stat), Stand 12.01.2025, en ligne : pdf
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Les 10 points essentiels
La consommation énergétique en Allemagne marque un recul de 1,1% par rapport à 2023 et atteint un niveau historiquement bas. La principale raison est la conjoncture toujours en berne ;
Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique ;
Principalement marquée par la baisse de production du couple lignite/houille et l’absence du nucléaire, la production brute d’électricité recule de 2% par rapport à 2023 ;
Les énergies renouvelables sont en progression de presque 4% par rapport à 2023 et atteignent – lissées sur l’année – environ 58% de la production brute d’électricité et 55% de la consommation intérieure brute ;
Avec 457 heures à prix négatif sur le marché de gros de l’électricité le record de 2023 (301 pas horaires) a été battu. D’autre part, pendant un court épisode pratiquement sans vent ni ensoleillement en décembre, les prix sur les marchés de gros se sont envolés dans la soirée du 12 décembre 2024 à 936 €/MWh. L’Allemagne, jouant un rôle clé dans la formation des prix de l’électricité en Europe, a fait s’envoler les prix spot non seulement au niveau national mais aussi chez certains de ses voisins, notamment les pays scandinaves ;
L’Allemagne a été à nouveau importatrice nette d’électricité. En 2024, le solde des échanges transfrontaliers s’est encore creusé par rapport à 2023 : importations principalement de la France et des pays scandinaves ;
L’approvisionnement en gaz a été assuré en 2024. La Norvège est de loin le principal fournisseur de gaz naturel par gazoduc, le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) provient principalement des États-Unis ;
La part des véhicules « 100% électrique » au parc de véhicules de tourisme immatriculés en Allemagne (~ 49,3 millions) est actuellement d’environ 3,3%. L’atteinte de l’objectif de 15 millions véhicules « 100% électrique » d’ici 2030 semble inaccessible ;
Les prix de l’électricité et du gaz pour le consommateur résidentiel ont baissé par rapport à 2023, sans toutefois retrouver les niveaux d’avant-crise ;
Selon les données provisoires de l’Agence Fédérale de l’Environnement, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 3,4% par rapport à 2023, principalement en raison du recul de consommation du charbon.
La consommation énergétique en Allemagne baisse en 2024 de 1,1% par rapport au niveau déjà historiquement bas de 2023 et se situe presque 30% sous le niveau de l’année 1990.
Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2025b) la consommation d’énergie primaire s’élève à 2927 TWh ou 252 Mtep (2023 : 2959 TWh ou 254 Mtep).
Des températures plus chaudes par rapport à 2023 ont eu un effet sur la consommation de chaleur dans le secteur résidentiel.
En l’absence d’une reprise conjoncturelle, l’évolution économique n’a pas eu d’effets significatifs. En revanche, la croissance démographique et la baisse des prix de l’énergie ont contribué à l’augmentation de la consommation énergétique.
Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique. Le pétrole (36,5%) reste l’énergie fossile la plus importante en 2024, suivi par le gaz naturel (25,9%).
La consommation des produits pétroliers a connu une légère baisse de 0,9% par rapport à 2023. La consommation de gaz naturel a augmenté de 4% en 2024, principalement due à la baisse du niveau des prix.
Le charbon (couple lignite/houille) est à la baisse et atteint une part totale de 14,9% de la consommation d’énergie primaire contre 16,5% en 2023, cf. figure 1.
La consommation du lignite baisse de 10,2% par rapport à 2023 notamment en raison d’un recul des livraisons vers les centrales électriques.
La consommation de la houille baisse de 10,0% par rapport à 2023. Alors que la consommation de la houille dans l’industrie sidérurgique a augmenté d’environ 7%, son utilisation dans les centrales électriques a baissé d’environ 30% suite à l’augmentation de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et notamment des importations accrues d’électricité.
En raison de la fermeture définitive des trois dernières centrales mi-avril 2023, le nucléaire ne contribue plus à l’approvisionnent énergétique en 2024. Pour plus d’informations sur le nucléaire voir aussi (Allemagne Energies 2).
Figure 1 : consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen
La part des énergies renouvelables à la consommation d’énergie primaire progresse de 1,1% et atteint 20% (2023 : 19,4%). Cause principale : augmentation significative de la production d’électricité à partir du photovoltaïque et de l’hydroélectricité. En revanche, la production électrique à partir de l’éolien a baissé de 2% en raison de mois d’automne relativement peu venteux et l’utilisation d’énergies renouvelables pour la production de chaleur a diminué d’environ 1% par rapport à l’année dernière en raison de la météo plus clémente.
La part « divers » a augmenté, principalement du fait que l’Allemagne a importé encore plus d’électricité qu’en 2023.
La part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique par usage (électricité, chaleur et froid, transports) et l’objectif de 2030 sont illustrés sur la figure 2 du texte « Énergies renouvelables : de nombreux défis » (Allemagne Energies 3)
Pour une comparaison des bilans énergétiques entre l’Allemagne et la France, voir (Allemagne Energies 4).
Secteur électrique
Production et consommation d’électricité
La production brute d’électricité s’élève à 496 TWh (AGEB 2025a ; UBA 2025a) et enregistre ainsi un léger recul de 2% par rapport à 2023 (506 TWh).
La production a été influencée en 2024 notamment par la conjoncture toujours en berne et une météo plus clémente. A cela s’ajoute fin mars 2024 la fermeture ou la mise en réserve de centrales thermiques à flamme dont le fonctionnement a été temporairement prolongé suite à la crise énergétique.
Selon les chiffres provisoires environ 286 TWh bruts ont été produits par les énergies renouvelables, soit environ 58% de la production brute totale. Presque la moitié de la production renouvelable provient de l’éolien (terrestre et maritime). Plus d’informations sur le bilan 2024 de l’éolien en Allemagne se trouvent dans (Allemagne Energies 2025).
Figure 2 : Production brute d’électricité (hors STEP : Stations de Transfert d’Énergie par Pompage) en 2024
La production nette (hors STEP) mesurée/évaluée à la sortie d’une centrale, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales, s’élève à 474 TWh en 2024 (AGEB 2025a).
La figure 3 montre l’évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2025a). En 2018 la production renouvelable a dépassé la production du charbon (couple houille/lignite) et constitue depuis la principale source de production dans le mix électrique allemand.
La production du couple houille/lignite a diminué de 60% entre 2010 et 2024 et a atteint son niveau le plus bas depuis la réunification de l’Allemagne.
Le nucléaire ne contribue plus à l’approvisionnent électrique en 2024.
Figure 3 : évolution de la production nette des différentes filières depuis 2010
La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne saurait dissimuler qu’en chiffres absolus, la production nette d’électricité bas-carbone se retrouve en 2024 au même niveau que 2017.
Jusqu’à présent, les énergies renouvelables n’étaient pas en mesure de compenser la perte de production des centrales nucléaires (AGEB 2025a). Résultat : sept années perdues sur la route d’un approvisionnement en électricité climatiquement neutre.
Figure 4 : évolution de la production nette bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire)
Le tableau 1 détaille la production brute en 2023/2024 pour chaque filière du secteur de l’électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l’industrie et l’autoconsommation individuelle et collective (AGEB 2025a ; UBA 2025a).
Tableau 1 : production et consommation d’électricité 2023 et 2024
* production brute hors STEP : la production brute est la quantité d’électricité mesurée aux bornes des alternateurs d’une centrale, elle inclut donc la consommation d’électricité par les auxiliaires de la centrale et les transformateurs ;
** Consommation intérieure brute hors STEP : la production brute plus le solde des échangestransfrontaliers d’électricité ;
La production d’électricité en 2024 a été principalement marquée par la baisse de production du couple lignite/houille et l’absence du nucléaire.
Malgré le recul de la production éolienne en raison de l’automne 2024 relativement peu venteux, les filières renouvelables enregistrent une hausse de presque 4% notamment grâce au photovoltaïque et à l’hydro-électricité (AGEB 2025a ; UBA 2025a).
Amplifiée par la baisse de la production brute, leur part passe – lissée sur l´année – à environ 58% (286TWh), contre 54% en 2023 (275 TWh). Toutefois, leur production reste 24 TWh sous l‘objectif de 310 TWh fixé pour 2024 par la Loi sur la promotion des énergies renouvelables. Pour plus d’informations sur les énergies renouvelables, voir aussi (Allemagne Energies 3).
La consommation intérieure brute d’électricité s’élève à 522 TWh (hors STEP) soit une légère augmentation par rapport à 2023 (515 TWh). Le déficit entre la production brute nationale et la consommation brute a été comblé par des importations d’électricité qui ont atteint un nouveau record (voir plus loin).
Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute d’électricité atteint 55% contre 53% en 2023 (AGEB 2025a ; UBA 2025a). Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s’agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d’énergies renouvelables.
La tendance baissière de la consommation électrique nationale depuis une dizaine d’années contraste avec les prévisions d’évolution de la demande : la stratégie bas carbone de l’Allemagne s’appuie en effet sur une électrification des usages, donc une hausse de la consommation brute à 750 TWh d’ici 2030.
Deux courts épisodes pratiquement sans vent ni ensoleillement en novembre et décembre 2024
Pendant deux courts épisodes pratiquement sans vent ni soleil en novembre et décembre 2024, l’Allemagne, jouant un rôle clé dans la formation des prix de l’électricité en Europe, a fait s’envoler les prix sur le marché spot non seulement au niveau national mais, notamment lors de l’épisode en décembre, aussi chez certains de ses voisins, cf. figure 5. La Norvège mais aussi la Suède ont fait part de leur mécontentement.
Grâce aux moyens pilotables en back-up (notamment centrales thermiques à flamme) et des importations massives d’électricité (jusqu’à 17 GW le 12.12.2024) la situation a pu être maitrisée. Par chance, la demande d’électricité était à ce moment-là bien inférieure à la demande lors de la pointe annuelle.
Toutefois, des prix de l’électricité élevés ont été enregistrés sur le marché spot (Day – Ahead) à deux reprises pendant quelques heures en novembre (820 €/MWh) puis en décembre (936 €/MWh). Le prix sur le marché intra-journalier ou « Intraday » a même atteint 1.158 €/MWh le 12.12.2024, cf. figure 5.
Figure 5 : épisodes hivernaux pratiquement sans vent ni ensoleillement en novembre et décembre 2024
Certaines entreprises électro-intensives, qui achètent sur le marché en temps réel, ont témoigné avoir dû limiter ou arrêter momentanément leur production. En revanche la plupart des particuliers et de nombreuses entreprises ont des tarifs fixes, qui les préservent de ces fluctuations. Et la situation est rapidement revenue à la normale.
En principe, les pics de prix de gros sont le résultat de la libre formation des prix entre l’offre et la demande et font partie du fonctionnement du marché de l’électricité à court terme. Toutefois, afin d’exclure tout abus, le régulateur a examiné les raisons et les causes de ces pics. Selon le rapport publié début novembre 2025, il n’y a aucune indication de comportement abusif au sujet des pics de prix de gros en automne 2024 (BNetzA 2025f).
Une contribution scientifique sur l’épisode en novembre 2024 sans vent ni soleil, appelé « Dunkelflaute » en allemand (Allemagne Energies 2024b), a été publiée par le Service météorologique allemand DWD (Deutscher Wetterdienst) en décembre 2024 (DWD 2024).
Conclusion : de manière générale, il faut s’attendre à une production éolienne inférieure à la moyenne en Allemagne lors d’une situation de haute pression (ou anticyclonique) en Europe centrale principalement en hiver. Le nombre de jours sans vent survenus jusqu’à présent en 2024 n’est pas inhabituel par rapport à l’occurrence de cette situation anticyclonique en Europe centrale observée depuis 1950/51.
Le « nombre moyen » de jours avec une telle situation météorologique était exactement de 8,19 par an. Le nombre maximal s’est produit durant l’hiver 2011/2012 avec 23 jours. Une absence de situation anticyclonique en Europe centrale ne s’est produite que pendant 6 hivers.
Il s’agit donc d’un évènement qui peut se produire relativement souvent et pour lequel un système électrique fonctionnant doit être préparé.
Parc de production
L’Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle : un parc composé d’énergies renouvelables et un parc composé principalement de centrales thermiques à flamme.
Alors que le parc d’énergies renouvelables ne cesse d’augmenter, la capacité de centrales thermiques et donc des moyens pilotables est en recul, cf. tableau 2 (BDEW 2024a ; BNetzA 2024e ; UBA 2025a). Néanmoins, l’objectif de la sortie de la production d’électricité à partir de la houille et du lignite d’ici 2030 dans « l’idéal » est toujours maintenu.
Tableau 2 : Capacité de production au réseau, en réserve stratégique ou provisoirement arrêtée (hors les systèmes de stockage : STEP, batteries etc.)
Besoin de moyens pilotables à l’horizon de 2030
Pour atteindre l’objectif d’une production d’électricité de presque 100% à partir des énergies renouvelables à l’horizon de 2035 et pouvoir pallier la défaillance des énergies renouvelables variables quand c’est nécessaire, il faut, en l’absence de systèmes de stockage d’énergie suffisants, conserver un deuxième parc de production de centrales au gaz convertissables à l’hydrogène, pour prendre le relais.
En février 2024, la coalition gouvernementale avait annoncé qu’elle s’était mise d’accord sur les principaux éléments d’une stratégie de moyens pilotables à l’horizon de 2030/2035. Elle sera inscrite dans la loi sur la sécurisation des centrales électriques (Kraftwerkssicherheitsgesetz) dont le projet a été publié en juillet 2024 (Allemagne Energies 1 ; BMWK 2024f). Les points clefs sont les suivants :
Une capacité totale de 500 MW fera l’objet d’un appel d’offres afin de permettre l’expérimentation et la mise sur le marché de centrales électriques pouvant fonctionner immédiatement à 100% à l’hydrogène. Ce projet sera subventionné (investissement et coûts d’exploitation).
La mise en adjudication de 10 GW de nouvelles centrales à gaz « prêtes pour l’hydrogène » qui fonctionneront d’abord au gaz naturel et seront converties à l’hydrogène entre 2035 et 2040. De plus il est prévu de subventionner 500 MW de dispositifs de stockage d’énergie et de transformer à l’hydrogène 2 GW de centrales à gaz existantes.
La mise en place d’un mécanisme de capacité, lequel devrait être opérationnel d’ici 2028. Le mécanisme de capacité permet le maintien en fonctionnement de capacités existantes de production d’électricité nécessaires à la sécurité d’approvisionnement. Concrètement, des moyens de production peuvent être, après certification, rémunérés pour rester « disponibles » lors des périodes de pointe hivernale qui génèrent des situations de tension sur le réseau.
Suite à la dissolution du parlement allemand en décembre 2024 la loi citée ci-dessus n’est pas encore entrée en vigueur.
Néanmoins, on peut douter qu’un ajout de seulement 10,5 GW au parc de centrales à gaz existant soit suffisant pour gérer des épisodes hivernaux sans vent ni ensoleillement lors d’une situation de pointe annuelle de 80 GW ou plus.
Différentes analyses sur la sécurité d’approvisionnement ont mis en évidence une urgence d’agir à l’horizon 2030. Selon le dernier rapport d’évaluation des progrès de la transition énergétique de la Commission d’experts indépendants (BMWK 2024b), la comparaison de différentes études à long terme montre de très grandes disparités au sujet de l’ajout de nouvelles capacités de moyens pilotables à l’horizon 2030, variant entre 27 et 70 GW. Les arguments qui se cachent derrière ces résultats ne sont que partiellement compréhensibles.
Dans ce contexte, la Commission estime qu’il est urgent de clarifier les résultats divergents des analyses de la sécurité d’approvisionnement, afin d’établir une base stratégique solide.
Adaptation de la production industrielle en fonction de la météo
Une autre approche pour pallier un déficit de production des énergies renouvelables variables en cas de forte demande d’électricité serait l’utilisation des sources de flexibilité et de la modulation de la demande (réduction ou déplacement temporaire de la consommation). Cela permettrait de réduire la capacité de moyens pilotables en backup.
Un document du Ministère de l’Economie et de la Protection du Climat publié en août 2024 a toutefois alarmé l’industrie allemande (BMWK 2024c).
Les intentions du gouvernement fédéral pour un « futur market design de l’électricité » prévoient que les entreprises devraient orienter leur production en fonction de l’offre quotidienne d’électricité éolienne et solaire afin de soulager les réseaux électriques.
Les entreprises seraient récompensées lorsqu’elles réduisent leur production s’il y a peu d’électricité éolienne ou solaire injectée au réseau et sanctionnées dans le cas contraire.
En fait, il s’agit d’un virage à 180 degrés du système d’incitation actuellement en vigueur. Depuis 2005, les grandes entreprises électro-intensives bénéficient de réductions sur leurs tarifs d’utilisation du réseau si elles consomment de grandes quantités d’électricité de manière continue, pendant au moins 7000 heures par an.
Selon le document du ministère ces réductions ne seront plus accordées à celles qui consomment en permanence de l’électricité, mais à celles dont le comportement de consommation suit de manière « flexible » les fluctuations de la production éolienne et solaire.
L’industrie devrait donc baser sa production sur la météo et devenir un consommateur d’électricité « flexible ». Selon le régulateur, cela serait indispensable pour éviter que les énergies renouvelables variables mettent en péril la sécurité de l’approvisionnement.
Selon l’industrie il s’agirait d’un « signal dévastateur » pour certaines entreprises du pays si une production 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 n’était plus possible ou seulement avec des coûts d’électricité très élevés.
L’Agence fédérale des réseaux a essayé d’apaiser l’industrie et souligne que la nouvelle réglementation « ne surchargera pas les consommateurs finaux ». Il est prévu de « réaliser le potentiel de flexibilité effectivement disponible et réalisable à l’avenir ».
Toutes les parties prenantes intéressées avaient jusqu’au 6 septembre 2024 pour faire part de leurs réactions sur les options présentées. L’Agence allemande de l’Energie (dena) a publié les résultats de la consultation en octobre 2024 (dena 2024).
Une décision finale est attendue courant 2025.
Relation entre capacité nette et production nette
La figure 6 montre pour chaque filière la relation entre la capacité nette et la production nette en 2024 (BDEW 2024a ; AGEB 2025a). Les énergies renouvelables variables (éolien et photovoltaïque) représentent environ 64% de la capacité nette et 44% de la production nette.
Figure 6 : capacité nette et production nette des différentes filières en pourcentage en 2024 (hors installations de stockage d’énergie)
Stockage d’énergie
L’Allemagne dispose fin 2024 d’une capacité de stockage totale d’environ 60 GWh. STEP et batteries ensemble pourraient théoriquement couvrir la demande en électricité en Allemagne pendant une heure. Des épisodes pratiquement sans vent ni soleil peuvent toutefois durer jusqu’à deux semaines et se produire plusieurs fois pendant la période hivernale (Allemagne Energies 3).
Les STEP (Stations de Transfert d’Énergie par Pompage) en Allemagne y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l’électricité directement dans le réseau allemand ont une puissance nette totale de près de 10 GW réversible (BNetzA 2024e) et une capacité de stockage d’environ 40 GWh par cycle de charge.
En 2024, le pompage s’élevait à 8,3 TWh, contre un turbinage de 6,3 TWh (AGEB 2025a), soit un rendement d’environ 76% (ratio turbinage – pompage).
De plus, 12,6 GW de stockage stationnaire sur batterie d’une capacité totale de 18,5 GWh sont répertoriés en Allemagne fin 2024. La plus grande part revient aux batteries d’une capacité de stockage inferieure à 1 MWh (RWTH Aachen University 2024).
Tab 3 : stockage stationnaire sur batterie en Allemagne
Outre la puissance de stockage (GW), la capacité de stockage (GWh) est un paramètre important. Il convient de faire la distinction entre la capacité de stockage théorique et réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Le rapport entre la capacité de stockage (en kWh) et la puissance de stockage (en kW) est en moyenne d’environ 1,5, ce qui signifie qu’une batterie peut fournir sa puissance nominale pendant 1,5 heure en moyenne.
Échanges transfrontaliers d’électricité
Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et commerciaux devrait, dans l’idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu’en raison de la situation centrale de l’Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.
Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l’offre et de la demande, mais aussi des prix de l’électricité dans les pays voisins. Les prix sur les marchés de gros journaliers (Day – Ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.
En 2023 l’Allemagne a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 2002. En 2024, le solde des échanges transfrontaliers pour l’Allemagne s’est encore creusé (AGEB 2025a). Le solde importateur net est de 26,3 TWh (cf. figure 7) ce qui représente environ 5% de la consommation nationale d’électricité. Les importations proviennent principalement de la France et des pays scandinaves.
Le régulateur allemand a souligné que le fait d’être importatrice nette d’électricité ne permet pas de conclure à un manque de capacités de production. De nombreux pays européens voisins produisent leur électricité à un prix nettement inférieur, ce qui signifie qu’il peut être plus judicieux d’importer de l’électricité non seulement en raison du manque de capacité des centrales, mais aussi pour des raisons économiques.
Figure 7 : solde des échanges transfrontaliers d’électricité en TWh
Néanmoins, ces données indiquent que le mix de production allemand est cher par rapport à d’autres pays européens. Au cours de l’année 2024, le prix moyen du marché de gros de l’électricité en Allemagne était supérieur de presque 10% à celui des pays riverains, tandis que la différence n’était que de 2,2% en 2023 (BNetzA 2025a).
L’Agence Fédérale des Réseaux fournit approximativement les différentes sources d’électricité des importations en provenance des pays voisins (BNetzA 2025c).
Bien entendu, une fois l’électricité injectée dans le réseau, il n’est plus possible de l’attribuer à une source d’électricité particulière. Les données disponibles pour chaque quart d’heure sur le mix de production électrique et les échanges commerciaux pour tous les pays du marché intérieur européen permettent néanmoins de calculer approximativement la part des différentes sources d’électricité dans les importations d’électricité.
Selon le régulateur, le nucléaire représente désormais une part importante des importations d’électricité, cf. figure 7a. En 2024, la première année au cours de laquelle l’Allemagne a dû totalement se passer de sa propre énergie nucléaire, la part d’importation d’électricité d’origine « nucléaire » atteint presque 28%. Il s’agit principalement des importations d’énergie nucléaire de la France.
Figure 7a : sources d’électricité des importations en provenance des pays voisins en 2024
Si, selon les déclarations du régulateur (voir plus haut), les importations dépendent des prix de l’électricité dans les pays voisins, l’énergie nucléaire s’avère donc très compétitive en 2024.
Réseaux de Transport
Un approvisionnement électrique basé sur des sources d’énergies renouvelables recèle de nouveaux défis pour les réseaux de transport et de distribution. En effet, le nombre d’installations à raccorder aux réseaux augmente significativement avec la transition énergétique aussi bien côté producteurs que consommateurs.
Dorénavant, une grande partie de l’électricité sera injectée de manière décentralisée dans les réseaux électriques et transportée en partie sur de longues distances. Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l’ouest et sud industriel, l’épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).
Au total 128 projets à terre (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) sont en cours soit environ 16.800 km dont 5.400 km en courant continu. Seulement 18,4%, soit 3085 km étaient réalisés à la fin du 3e trimestre 2024 (BNetzA 2024b).
En mars 2024 le régulateur a donné son accord final au plan de développement du réseau 2037/2045 (BNetzA 2024d). Il porte sur les années 2037 et 2045 (année cible de la neutralité climatique) et tient compte pour la première fois des objectifs de la loi sur la promotion des énergies renouvelables de 2023 (EEG 2023). Le besoin d’extension du réseau de transport augmentera considérablement d’ici 2045 par rapport aux projets en cours.
L’amendement à la Loi sur le besoin de développement du réseau de transport à terre visant à inclure les projets du plan de développement du réseau 2037/2045 est en cours d’examen législatif.
Selon la Loi sur l’éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG), il est prévu que la capacité totale soit portée à au moins 30 GW d’ici 2030 et à 40 GW d’ici 2035 (BNetzA 2024b ; BMWK 2024 d).
Le « réseau de départ » comprend environ 12,6 GW dans la mer du Nord et environ 2,2 GW dans la mer Baltique. Le « réseau additionnel » comprend toutes les connexions, qui ont été confirmées dans les plans de développement du réseau jusqu’à l’année 2031 incluse, soit une trajectoire de développement de 34 GW.
Au 3e trimestre 2024, 13 projets de raccordement ont été achevés en mer du Nord pour une capacité totale d’environ 8 GW et 8 projets en mer Baltique pour une capacité totale d’environ 1,8 GW
Gestion de la congestion du réseau de transport
La transition énergétique se traduit par une augmentation continue de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique allemand.
Notamment l’injection accrue d’électricité éolienne dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l’ouest du pays. Les installations photovoltaïques au sol sont également de plus en plus souvent construites loin de centres à forte consommation. De plus, la production du photovoltaïque constitue un défi de plus en plus important pour la stabilisation du système électrique en raison de l’injection incontrôlée au réseau des petites installations < 100 kW (voir plus loin).
Suite à l’arrêt du nucléaire mi-avril 2023 et la fermeture programmée des centrales à charbon on constate en outre une diminution progressive des moyens pilotables sur le réseau.
La réforme du marché européen de l’électricité a entrainé une augmentation du volume d’échanges d’électricité entre les pays de l’UE. Le réseau de transport allemand est particulièrement sollicité par les importations d’électricité en provenance des pays scandinaves et par les exportations vers les pays voisins du sud et du sud-ouest.
Ce fait se superpose à l’injection accrue d’électricité éolienne dans le nord du pays, déjà mentionnée, associé à des retards dans la modernisation du réseau de transport, et provoque des forts flux nord – sud d’électricité.
Les risques de congestion du réseau de transport sont actuellement évités grâce aux mesures d’équilibrage (Allemagne Energies 3) comme le redispatching : si un goulet d’étranglement menace certaines lignes électriques, l’injection au réseau d’une installation de production d’électricité est réduite en amont mais augmentée en aval du goulet d’étranglement par une autre installation de production. Cela permet de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions des lignes électriques concernées.
Pour des raisons de droit européen et parce que l’Allemagne importe de l’électricité à d’autres moments, il n’est pas question d’empêcher les exportations vers les pays voisins.
Pour améliorer l’équilibrage du réseau, l’Agence Fédérale des Réseaux avait décidé en 2017 (BNetzA 2024g) la mise en service de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d’une puissance totale de 1200 MW). De telles installations de stabilisation du réseau sont nécessaires, selon l’Agence Fédérale des Réseaux, pour faire face aux défis particuliers de la période entre l’arrêt des dernières centrales nucléaires et l’achèvement des grandes lignes de courant continu.
Afin de garantir la stabilité du réseau même dans des situations dégradées, les gestionnaires de réseau de transport font appel, en cas de besoin, à des centrales électriques ciblées pour le redispatching. L’expérience montre que le besoin de redispatching est le plus élevé pendant l’hiver.
Si la capacité de production sur le marché d’électricité est insuffisante pour effectuer le redispatching necessaire, les gestionnaires de réseau de transport font appel à des centrales de réserve. Le tableau 4 montre les besoins de centrales en réserve qu’il convient de se procurer pour les hivers jusqu’à 2027/2028 (BNetzA 2025e).
Tableau 4 : besoin identifié de centrales de réserve jusqu’à 2027/2028
Dans la mesure où le besoin en centrales de réserve ne peut pas être couvert exclusivement par des centrales de réserve nationales, il est nécessaire de se procurer de la puissance de réserve supplémentaire dans les pays voisins.
Depuis les dix dernières années, on observe une flambée des coûts des mesures d’équilibrage (i.e. redispatching, countertrading et centrales de réserve) pour éviter la surcharge de certaines sections des réseaux.
L’augmentation de la capacité d’énergies renouvelables variables oblige les gestionnaires de réseau à écrêter plus souvent leur production dans le nord et augmenter la production thermique pilotable dans le sud du pays (Allemagne Energies 3).
La figure 8 montre depuis 2015 l’évolution des coûts des mesures d’équilibrage des réseaux et les volumes d’électricité écrêtés (incitation ou obligation donnée à un certain nombre de centrales de réduire ou arrêter leur production).
Figure 8 : évolution des coûts d’équilibrage des réseaux et des volumes d’électricité écrêtés
Après un record enregistré en 2022 avec plus de 4 Md€, les coûts des mesures d’équilibrage des réseaux ont baissé à environ 3,3 Md€ en 2023, principalement en raison de la baisse du prix de gros (BNetzA 2024c).
En 2024, selon les données provisoires du régulateur (BNetzA 2025d), ces coûts ont baissé à environ 2,9 Md€, cf. figure 8. Raison principale : baisse du prix des combustibles et recul des besoins de redispatching.
Au total, environ 6% de la production brute de l’Allemagne, soit un volume d’électricité de 30,3 TWh a été écrêté en 2024, dont environ 31% (~ 9,4 TWh) relèvent de la production renouvelable. Les éoliennes maritimes et terrestres ont été la source de production renouvelable la plus écrêtée.
Prix de l’électricité
Evolution des prix sur le marché de gros de l’électricité
Suite à la crise énergétique née de la guerre en Ukraine, le prix de gros de l’électricité en Allemagne avait flambé en 2022, cf. figure 9. En 2023 le prix de gros de l’électricité est redescendu au niveau de 2021.
En 2024 le prix de gros a de nouveau baissé à 78,51 €/MWh. Par rapport au prix en 2023 de 95,18 €/MWh, cela représente une réduction de 17,5%. La part plus élevée des énergies renouvelables dans la production d’électricité y a contribué, mais aussi la baisse des prix du gaz.
Le remplacement du gaz russe, moins onéreux, par le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), conduira vraisemblablement à un maintien des prix de gros de l’électricité à un niveau supérieur à l’avant crise énergétique.
La figure 9 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2024 des prix journaliers (dit « Day – Ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2025a).
Figure 9 : moyennes annuelles de 2019 à 2023 des prix journaliers (Day – Ahead) sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Le tableau 5 montre, pour la période de 2019 à 2024, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg.
Tableau 5 : moyennes annuelles des prix de gros (day-ahead) de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
En 2024, des prix de gros supérieurs à 100 €/MWh ont été enregistrés pendant 2.296 heures contre 4.106 heures en 2023. Ce net recul des heures supérieures à 100 €/MWh a eu un impact positif sur les prix de gros moyens.
Le prix de gros le plus élevé de 2024 a été enregistré le jeudi 12 décembre entre 17h et 18h avec 936,28 €/MWh. Dans cette plage horaire, une consommation d’électricité élevée a coïncidé avec une très faible production des énergies renouvelables variables (voir plus haut).
Episodes de prix négatifs au marché de spot journalier
Depuis plusieurs années le marché de gros de l’électricité en Allemagne est confronté à une hausse des épisodes de prix négatifs. Les prix négatifs se produisent lorsque la quantité d’énergies renouvelables injectées est élevée, que la consommation est faible et que la production thermique à flamme inflexible est importante (epexspot 2024).
Les prix négatifs sont observés principalement lors des périodes de surproduction d’énergies renouvelables variables en raison des régimes de soutien. Bien que le coût marginal de la production renouvelable soit nul, dans le cas d’un régime de soutien tel que l’obligation d’achat (OA) les producteurs sont incités à maintenir leur production. Les exploitants de réseau sont tenus par la loi sur les énergies renouvelables d’absorber les kilowattheures sans valeur et de les vendre sur le marché de l’électricité. Dans ces situations, les acheteurs reçoivent effectivement des paiements et de l’électricité de la part des vendeurs.
Il faut toutefois concéder que, malgré leur hausse, les prix négatifs sont un phénomène relativement rare. Dans l’année 2023, l’Allemagne avait connu 301 heures de production électrique à prix négatif. En 2024, le record de 2023 a été encore battu. Au total 457 pas horaires à prix négatif ont été atteints, cf. figure 10. Cela signifie que 5,2% des heures en 2024 étaient négatives contre 3,4% en 2023.
Figure 10 : nombre de pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier (Day – Ahead) entre 2019 et 2024 (BNetzA 2025a)
En 2017 le gouvernement allemand avait pris des mesures contre la surproduction des grands parcs éoliens et solaires. La réglementation de 2017 a été durcie avec les avenants de la loi sur les énergies renouvelables (EEG).
La loi EEG 2023 prévoit, dès 2024, une suspension de la rémunération pour des installations ≥ 400 kW à partir de 3 heures de prix négatifs sans interruption. Le nombre d’heures sera progressivement réduit jusqu’à 2027 de sorte que les heures de prix négatifs ne seront plus rémunérées. Cette réglementation s’applique toutefois exclusivement aux nouvelles installations à partir de l’entrée en vigueur de l’amendement de la Loi EEG. Les installations préexistantes, les petites installations < 400 kW et les éoliennes pilotes ne sont pas encore concernées en 2024.
Selon une étude de l’institut de recherche de Munich d’octobre 2024 (FfE 2024) trois quarts des installations photovoltaïques et deux tiers des éoliennes continuaient à injecter dans le réseau sans suspension de leur rémunération en cas de prix négatifs.
Selon la Fédération allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW) l’État devrait agir afin que ces installations prennent leur part dans la gestion de la flexibilité en temps réel du système (BDEW 2024b).
Prix de l’électricité pour les clients résidentiels
En 2024, le prix de l’électricité pour les clients résidentiels a baissé de 8% par rapport à l’année précédente, pour atteindre en moyenne 41,59 ct€/kWh (BNetzA 2024f) sans toutefois retrouver les niveaux d’avant-crise.
La cause principale en est la baisse des prix de gros de l’électricité. Même si cet effet ne se répercute sur les tarifs des clients résidentiels qu’avec un certain décalage et ne suit pas la même dynamique, la part de l’approvisionnement et de la distribution dans le prix de l’électricité, largement influencée par les prix de gros, a baissé de 52% à près de 44% ce qui correspond à une réduction de 5,5 ct€/kWh.
Cette réduction a été quelque peu contrecarrée par une augmentation des tarifs d’utilisation du réseau. Ils sont passés en moyenne de 9,35 ct€/kWh à 11,62 ct€/kWh, de sorte que leur part dans le prix de l’électricité des clients résidentiels est passée à 28%. La raison principale de cette augmentation fulgurante était la suppression des subventions de l’État qui ont été déclarées anticonstitutionnelles par la Cour Constitutionnelle Fédérale.
Figure 11 : évolution et décomposition des prix de l’électricité pour les clients résidentiels
Malgré cette baisse, le prix du kWh payé par les clients résidentiels en Allemagne était en 2024 le plus élevé d’Europe selon la base de données Eurostat (Allemagne Energies 4).
Les composants de prix réglementés par l’Etat (taxes, redevances et tarif d’utilisation des réseaux) représentent 56% du prix total, malgré la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022.
La charge de soutien aux énergies renouvelables, financée jusqu’à mi-2022 par le consommateur d’électricité, est dorénavant entièrement financée par l’État, soit in fine le contribuable, et n’apparait donc plus sur la facture d’électricité.
Le besoin de financement des énergies renouvelables par l’État est estimé à presque 20 Md€ en 2024. La baisse des prix de gros de l’électricité en 2024 a conduit à une hausse des charges de soutien car la commercialisation de l’électricité verte a généré des recettes plus faibles (Allemagne Energies 3).
En tenant compte de cette charge de soutien, la facture d’électricité des clients résidentiels serait donc plus élevée.
Economie de l’hydrogène
L’hydrogène « vert » est pour l’instant quasiment absent du marché allemand, même si des projets pilotes ont été lancés. La majeure partie des quelque 40 TWh d’hydrogène produits en 2023 (BDEW 2024) provient de sources fossiles, principalement par le reformage du gaz naturel à la vapeur d’eau et la gazéification à partir de charbon. Environ 6% de la production totale de l’hydrogène « gris » sont générés comme sous-produit dans l’industrie chimique (ammonique, méthanol). Seulement 0,4% de l’hydrogène « vert » ont été produits par électrolyse, cf. figure 12.
Figure 12 : production d’hydrogène en 2023 et développement de la capacité des électrolyseurs à l’horizon de 2030
Conscient de l’importance de l’hydrogène pour la réussite de la transition énergétique, le gouvernement allemand avait adopté en 2020 la « Stratégie nationale pour l’hydrogène ». L’objectif était de faire de l’hydrogène une technologie clé pour la décarbonation, pouvant remplacer les énergies fossiles et résoudre la variabilité de l’éolien et du solaire en stockant et restituant de l’énergie.
La stratégie nationale a été actualisée en 2023. Les principaux objectifs : une capacité nationale d’électrolyseurs d’au moins 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène « vert ».
En 2024, l’Allemagne a porté sa capacité d’électrolyseurs à environ 110 MW. Une capacité d’environ 1 GW est en construction (EWI 2024).
La demande totale en hydrogène « vert » et ses dérivés est estimée entre 95 et 130 TWh par an en 2030. Le gouvernement prévoit d’en importer entre 50% et 70% (45 à 90 TWh). La pierre angulaire du futur approvisionnement en hydrogène est donc le développement renforcé de partenariats internationaux.
Actuellement il n’existe pratiquement pas d’importation ou d’exportation d’hydrogène vers ou depuis l’Allemagne. L’importation se concentre en grande partie sur les dérivés de l’hydrogène comme le méthanol et l’ammoniac.
Pour réaliser des importations, il faut que des infrastructures en Allemagne et dans les pays exportateurs potentiels soient disponibles.
En octobre 2024 l’Agence Fédérale des Réseaux (Bundesnetzagentur) a autorisé la mise en place du « réseau de démarrage » d’hydrogène d’une longueur de 9.040 km (Allemagne Energie 1). Il doit relier entre eux les principaux centres industriels du pays, les sites de stockage et les centrales électriques. De plus des points de connexion sont prévus aux frontières.
Le réseau de démarrage consisterait pour environ 60% en gazoducs existants reconvertis pour transporter de l’hydrogène et pour 40% en canalisations nouvellement construites. Les coûts d’investissement sont estimés à environ 19 Md€, l’achèvement du réseau est prévu pour 2032.
Secteur de chaleur et de froid
Le secteur du chaud et du froid représente plus de la moitié de la consommation d´énergie finale. Répondre à ces besoins grâce aux énergies renouvelables constitue un enjeu essentiel pour la réussite de la transition énergétique.
Pour atteindre cet objectif, il faut entre autres que les conditions-cadres soient réunies pour les champs de développement suivants :
Augmentation du taux de rénovation énergétique des bâtiments
Développement des réseaux de chaleur et décarbonisation du chauffage urbain
Utilisation efficace de la biomasse
Accroissement du parc de pompes à chaleur (PAC)
La nouvelle loi sur la rénovation énergétique des bâtiments (Gebäudeenergiegesetz) est entrée en vigueur en janvier 2024 (Allemagne Energies 1). Avec cette loi le gouvernement souhaite faire progresser le passage aux énergies renouvelables pour le chauffage des bâtiments car près de trois quarts des chauffages existants fonctionnent encore aux combustibles fossiles. L’obligation de remplacer les chaudières à combustibles fossiles sera mise en œuvre progressivement. Il n’y a pas d’obligation de remplacement immédiat des systèmes de chauffage existants mais il existe des dates butoirs : au plus tard en 2028, l’utilisation d’au moins 65% d’énergie renouvelable sera obligatoire pour les nouveaux systèmes de chauffage et à partir de 2045, plus aucune chaudière à gaz ou à mazout ne pourra fonctionner.
Les propriétaires de bâtiments actuellement équipés de chauffages au mazout, au gaz naturel ou au gaz liquide devront, dans de nombreux cas, passer à un autre système lors d’un prochain changement de chauffage.
La disponibilité et surtout les capacités en personnel des artisans spécialisés jouent aussi un rôle décisif dans la réalisation des objectifs.
Pour réussir la transition énergétique dans le secteur du chaud et du froid, il faut progresser dans la rénovation énergétique des bâtiments existants (1,3% à 2% par an). Cependant, le taux de rénovation réel a été bien inférieur à 1% en 2024 (Agora Energiewende 2025).
Le nombre de pompes à chaleur installées (PAC) s’élève à environ 2 millions fin 2024. L’objectif est d’augmenter leur nombre à au moins 6 millions d’ici 2030. C’est pour cela qu’il est prévu de mettre en service au moins un demi-million de PAC chaque année à partir de 2024.
Alors qu’en 2023, 356 000 PAC étaient encore vendues, ce chiffre a chuté de 44% pour atteindre seulement 200 000 appareils. L’objectif politique d’installer 500 000 PAC par an à partir de 2024 n’a donc pas été atteint (Agora Energiewende 2025).
Réseaux de chaleur et de froid
La Loi, entrée en vigueur début 2024, crée la base pour la consommation de chaleur et de froid et la décarbonation via des réseaux urbains (BMWK 2024a ;BMWSB 2023).
L’objectif est d’alimenter les réseaux urbains à 50% par des énergies renouvelables et de récupération d’ici 2030 et de rendre l’approvisionnement en chaleur et froid climatiquement neutre à l’horizon de 2045.
En 2024, selon des chiffres provisoires, les réseaux urbains de chaleur et de froid ont livré environ 127 TWh. Cela correspond à une baisse de 2,5 % par rapport à l’année précédente (BDEW 2024).
La part des énergies renouvelables et de récupération (EnR & R) au mix énergétique s’est élevée à 19,3%, cf. figure 13.
Figure 13 : mix énergétique des réseaux de chaleur en 2024
Branche gazière
Consommation de gaz naturel
Selon les premières données de 2024 (BDEW 2024), la consommation de gaz naturel a légèrement augmenté par rapport à 2023 pour atteindre 835 TWh, cf. tableau 6.
Tableau 6 : Approvisionnement en gaz naturel en Allemagne de 2021 à 2024
La consommation des clients résidentiels, de l’artisanat et du secteur tertiaire représente environ 42% et celle de l’industrie, fournisseurs d’électricité et de chauffage urbain 58% en 2024.
L‘Allemagne est fortement dépendante des importations. Elle dispose seulement d’un petit nombre de gisements nationaux de gaz naturel qui ont fourni 40 TWh en 2024 (2023 : 41,5 TWh). A cela s’ajoute l’injection de biogaz dans le réseau.
De ce fait, l’industrie gazière a été fortement marquée par les conséquences de la crise énergétique née de la guerre en Ukraine. L’Allemagne, sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, s’est trouvé confrontée à une envolée des prix de l’énergie, générant un problème de compétitivité globale de l’industrie.
Alors qu’en 2021 plus de 60% du gaz naturel consommé en Allemagne provenaient encore de la Russie, ces importations ont fortement diminué à 21% courant 2022 (BNetzA 2024h). En 2023, la quantité de gaz russe livrée par gazoduc vers l’Allemagne était de 0 TWh.
Entre-temps, la Norvège est de loin le plus grand fournisseur de gaz naturel par gazoduc, avec une part de plus de 45%. Des quantités importantes de gaz naturel continuent d’arriver par la frontière néerlandaise. Il s’agit toutefois majoritairement des quantités en transit en provenance d’autres pays, dont l’origine ne peut pas être déterminée avec précision.
En outre, l’infrastructure gazière a été complétée par des terminaux méthaniers destinés à accueillir le gaz naturel liquéfié (GNL). Fin 2024, quatre terminaux étaient en service (Wilhelmshaven, Brunsbüttel, Lubmin et Mukran), d’autres terminaux sont prévus.
Au total, 65 TWh ont été importés en 2024 via les terminaux méthaniers en Allemagne. Cela correspond à une part de 7,5% des importations totales de gaz naturel. Parmi les 4 pays d’origine du GNL, les États-Unis dominaient avec une part de 91 %. Les 3 autres pays, à savoir la Norvège, l’Angola et l’Égypte représentaient chacun entre 2 et 4 % (BDEW 2024a).
Selon des données provisoires, environ 40 TWh de gaz naturel ont été produits sur le territoire national en 2024, soit 4,8% de la consommation totale de gaz naturel. Par rapport à l’année précédente, cela représente une baisse de près de 4 %. Les quantités extraites au niveau national sont en baisse constante depuis le début des années 2000 et ne sont pas exportées.
Evolution des volumes de vente de gaz naturel par groupe de consommateur
Selon les premiers chiffres, la vente de gaz naturel aux consommateurs finaux a augmenté de près de 3% en 2024 (voir aussi tableau 6). Tous les groupes de consommateurs ont enregistré des hausses, mais l’augmentation de la consommation a été la plus marquée dans l’industrie (BDEW 2024a).
Malgré une conjoncture toujours morose, la demande de l’industrie a augmenté, principalement en raison d’une baisse des prix du gaz, même si les prix du gaz de gros sont encore environ deux fois plus élevés qu’avant la crise énergétique. La consommation de gaz naturel par les entreprises minières et manufacturières en tant que source d’énergie, mais aussi en tant que matière première, a augmenté de près de 6% en 2024 pour atteindre 301 TWh.
Tableau 7 : évolution des volumes de vente de gaz naturel par groupe de consommateurs
La consommation du gaz naturel dans les centrales électriques et thermiques des fournisseurs d’électricité et de chaleur a augmenté de près de 2% par rapport à 2023 pour atteindre 106 TWh. Cette évolution a été favorisée par les changements dans le mix de production électrique (recul du couple houille/lignite, hausse de la production à partir d’énergies renouvelables ainsi que des importations accrues d’électricité), cf. figure 2.
Prix du gaz pour les clients résidentiels
En Allemagne, il n’y a pas de régulation étatique des prix du gaz. Le prix du gaz se forme par le marché et se compose de facteurs dépendant du fournisseur, tels que, entre autres, les coûts d’approvisionnement en gaz, les coûts de distribution et la marge, et de facteurs ne dépendant pas du fournisseur, tels que les tarifs d’utilisation des réseaux et les prélèvements et taxes. Plus de 1.100 fournisseurs de gaz sont chargés d’approvisionner les consommateurs finaux en gaz.
Le prix moyen du gaz pour les clients résidentiels était de 12,5 ct/kWh à la date de référence du 1er avril 2024, contre 14,8 ct/kWh en 2023, cf. figure 14 (BNetzA 2025b).
Figure 14 : évolution des prix du gaz pour les clients résidentiels en Allemagne
Toutefois, par rapport à 2021, l’année de référence avant la crise énergétique, les prix du gaz pour les clients résidentiels sont en 2024 encore 87% plus élevés.
Les clients résidentiels ont pu profiter de la baisse des prix de gros du gaz naturel en 2024, mais la baisse des prix pour l’approvisionnement et la distribution a été contrecarrée par la hausse de la taxe carbone nationale début 2024 à 45 €/t CO2 et le retour de la TVA au taux normal à partir d’avril 2024. Les taxes et redevances pour les clients résidentiels ont augmenté de plus de 60% par rapport à 2023, passant de 2,14 ct€/kWh à 3,44 ct€/kWh.
La taxe carbone nationale augmente à partir de 2025 à 55 €/t CO2 et influencera les prix du gaz en conséquence (Allemagne Energies 1).
Secteur des transports
Selon la Loi sur la Protection du Climat, les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports devraient être réduites de presque 44% d’ici 2030 par rapport à 2020 (Allemagne Energies 1). Pour atteindre cet objectif, un parc de 15 millions de véhicules « 100% électrique » est prévu d’ici 2030 (BT 2024). Il n’existe pas d’objectif correspondant pour les véhicules hybrides rechargeables (plug-in hybrid).
Selon les données de l’Office Fédéral de l’Automobile, au total 49,3 millions de véhicules de tourisme ont été immatriculés en Allemagne début 2025. La part des véhicules « 100% électrique » était de 3,3% et des véhicules hybrides rechargeables de 2% (KBA 2025).
La subvention fédérale à l’achat des hybrides rechargeables a été supprimée début 2023. De plus, la subvention à l’achat des véhicules « 100% électrique » a été arrêtée prématurément en décembre 2023, après que la Cour constitutionnelle fédérale avait déclaré la politique budgétaire du gouvernement fédéral anticonstitutionnelle en novembre 2023.
En raison de la fin des subventions, la progression des voitures « 100% électrique » dans le parc de véhicules de tourisme allemand s’est ralentie en 2024, cf. figure 15.
Figure 15 : nombre de véhicules « 100% électrique » et hybrides rechargeables dans le parc de véhicules de tourisme allemand début 2025 et l’objectif à l’horizon de 2030
Selon le gouvernement fédéral (BT 2024), pour atteindre l’objectif de 15 millions de véhicules « 100% électrique » d’ici 2030, les coûts d’achat de ces véhicules doivent être réduits et la diversité des modèles doit être accrue. Plusieurs constructeurs automobiles auraient annoncé le lancement de nouveaux modèles à bas prix. La diversité des modèles de véhicules électriques augmenterait également.
En outre, le gouvernement fédéral encourage l’électromobilité en développant l’infrastructure de recharge.
Toutefois, en l’état actuel des choses, l’atteinte de l’objectif de 15 millions véhicules « 100% électrique » d’ici 2030 semble inaccessible.
Émissions de gaz à effet de serre
Selon les données provisoires de l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA 2025c), les émissions de gaz à effet de serre s’élèvent en 2024 à 649 Mt CO₂éq , soit une baisse de 3,4% (~ 23 Mt CO₂éq) par rapport à 2023. La réduction est notamment due à la forte diminution de la consommation de la houille et du lignite (cf. figure 1) et un solde net d’importations d’électricité (cf. figure 16).
La courbe de réduction des émissions s’est nettement aplatie en 2024, après un recul très marqué de 10,3% en 2023.
Le secteur de l’énergie atteint 185 Mt CO2éq en 2024. Avec – 8,7% par rapport à 2023 ce secteur représente la plus grande part de la réduction des émissions globales (-17,6 Mt CO₂éq). La baisse des émissions dans ce secteur s’explique principalement par la diminution de la production d’électricité et de chaleur à partir de sources d’énergie à fortes émissions, cf. figure 1.
Les émissions du secteur de l’industrie stagnent au niveau de 2023. Malgré cela il reste sur la trajectoire cible de réductions d’ici 2030.
En revanche les secteurs du bâtiment et des transports s’éloignent des objectifs de 2030, malgré une légère baisse en 2024, soit – 2,4 Mt CO₂éq dans le secteur du bâtiment et – 2,1 Mt CO₂éq dans le secteur des transports.
Les autres secteurs (agriculture, déchets/divers) ne contribuent que peu à la réduction des émissions totales. Ils restent toutefois sur la trajectoire cible de réductions d’ici 2030.
Figure 16 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2éq par an (hors puits de carbone) et objectifs 2030
Pour respecter l’engagement de l’UE de – 55% nets, l’Allemagne devra absorber dans des puits de carbone environ – 25 Mt CO2éq d’ici 2030 (Allemagne Energies 1). En revanche, en raison des années de sécheresse dans le passé, les puits de carbone ne contribuent actuellement pas à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, selon l’Agence Fédérale de l’Environnement (UBA 2025c), ils ont émis en 2024 environ + 51 Mt CO2éq.
Les émissions du secteur de l’électricité font partie du secteur de l’énergie. Selon les données provisoires, les émissions de CO2 de l’ensemble des installations de production d’électricité ont baissé en 2024 de 8,6% par rapport à 2023.
La baisse des émissions de CO2 s’est accompagnée d’une diminution (lissée sur l’année) de l’intensité carbone de la production d’électricité de 386 g CO2éq/kWh en 2023 à environ 363 g CO2éq/kWh en 2024 (UBA 2025d).
Depuis 2023 l’Allemagne est importatrice nette d’électricité (voir plus haut). Les émissions générées par l’excédent d’importations ne sont pas comptabilisées dans la production d’électricité en Allemagne, car elles proviennent d’autres pays. La réduction de l’intensité carbone du mix électrique allemand à partir de 2023 n’est donc qu’un indicateur partiel de la durabilité des mesures visant à réduire les émissions du secteur électrique.
Figure 17 : émissions de CO2éq de la production d’électricité et intensité carbone du mix électrique
De plus, l’évolution de l’intensité carbone au cours de l’année montre bien que la valeur lissée sur l’année est peu significative. En hiver, lorsque la production du photovoltaïque est généralement plus faible, l’intensité carbone dépasse les 400 g CO2eq /kWh si cela coïncide avec un épisode de faible production éolienne comme par exemple en novembre 2024, cf.figure 18 (Electricity Maps 2024).
Figure 18 : évolution de l’intensité carbone du mix électrique au cours de l’année 2024
Les données définitives concernant les émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2024 seront publiées par l’Agence Fédérale de l’Environnement début 2026.
Nouvelle stratégie de la capture et du stockage du CO2
Le gouvernement a pris conscience qu’il serait impossible d’atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2045 en Allemagne sans CSC, CCUS (Carbon Capture, Utilization and Storage).
Le cabinet des ministres a approuvé en mai 2024 les points clés d’une stratégie de gestion du carbone (BMWK 2024e). Il est prévu de créer un cadre juridique pour la mise en place d’une infrastructure de canalisation de CO2 et d’un stockage définitif de CO2 au large des côtes allemandes.
Dans le passé, sous la pression des ONG, le gouvernement d’Angela Merkel avait adopté en 2012 une loi qui interdisait de facto le stockage du CO2 pour une durée indéterminée sur le sol allemand. Il s’agit donc d’un virage stratégique surmontant ainsi une opposition de longue date au sein des milieux politiques contre le CSC.
Il est prévu d’autoriser le captage du CO₂ uniquement là où d’autres options ne sont pas disponibles. Seules les industries très polluantes du ciment/de la chaux ainsi que de l’incinération des déchets sont explicitement mentionnées. La question de savoir si l’industrie chimique pourrait également utiliser le CSC reste encore ouverte.
Le captage et le stockage du CO2 dans le secteur de l’électricité ne sont pas interdits pour les centrales à biomasse et les centrales à gaz qui servent à la stabilisation du réseau électrique dans la mesure où ces centrales ne peuvent pas être raccordées ou ne peuvent pas être raccordées à temps au réseau d’hydrogène.
En revanche, pour les émissions provenant de la production d’énergie à partir du charbon (centrales électriques et centrales de cogénération), l’accès à la future infrastructure de transport de CO2 par canalisation et au stockage de CO₂ est exclu.
Le stockage du CO2 ne sera autorisé que sous la mer, dans la partie allemande de la mer du Nord et la mer Baltique. Les zones marines protégées seront exclues du stockage.
Le stockage souterrain de CO2 restera interdit sous terre. Toutefois, les régions (Länder) ont la possibilité d’opter pour un stockage de CO₂ à terre. Cela pourrait devenir une option pour les régions du sud de l’Allemagne comme la Bavière et le Bade-Wurtemberg, car les trajets de transport du CO₂ jusqu’aux côtes sont longs et coûteux.
Suite à la dissolution du parlement allemand en décembre 2024 une modification de la Loi, autorisant le captage et stockage du CO2, n’est pas encore entrée en vigueur.
BT (2024) Wirksamkeit der Zuschüsse zur Neuanschaffung von Elektrofahrzeugen. Drucksache 20/10852 Antwort der Bundesregierung auf kleine Anfrage. Deutscher Bundestag (Parlement allemand). En ligne : https://dserver.bundestag.de/btd/20/108/2010852.pdf.
RWTH Aachen University (2024) Battery Charts. RWTH Aachen: Institut für Stromrichtertechnik und Elektrische Antriebe (ISEA) und Institute for Power Genration and Storage Systems (PGS). En ligne : https://battery-charts.rwth-aachen.de/.
UBA (2025a) Monatsbericht zur Entwicklung der erneuerbaren Stromerzeugung und Leistung in Deutschland. Stand 14.04.2025. UBA Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien -Statistik (AGEE-Stat) 04-2025_agee-stat_monatsbericht
Au cours du premier semestre 2024, les énergies renouvelables ont assuré près de 60% de la production d’électricité /1/. Même si certains médias ont omis de le préciser, il s’agit bien entendu d’un volume de production lissé sur les six premiers mois de 2024.
L’Energiewende a pour objectif une production d’électricité de presque 100% à partir des énergies renouvelables à l’horizon de 2035 en faisant des éoliennes et du photovoltaïque pratiquement le seul pilier de l’approvisionnement en électricité de l’Allemagne.
Mais le 6.11.2024, vers 17 heures, ce pilier s’est effondré de façon spectaculaire. Les éoliennes terrestres et maritimes (~72 GW) et les installations photovoltaïques (~94 GW) ont pratiquement cessé leur production pendant des heures.
Le prix de l’électricité a atteint 820 €/MWh sur le marché spot vers 17 h ce jour-là et l’intensité carbone du mix électrique est passée à presque 600 g CO2/kWh /2/, /3/, car les centrales thermiques à flamme ont dû prendre le relais.
Cet évènement montre à nouveau que, même dans les hypothèses les plus optimistes, le scénario à « 100% de renouvelables » est actuellement intenable techniquement sans des moyens de production pilotables en backup. Pour pallier la défaillance des énergies renouvelables variables, il faut donc, faute de moyens de stockage suffisants, conserver un deuxième parc de production, une solution très coûteuse pour le consommateur d’électricité.
Épisode de vents faibles en fin d´automne ou en hiver, source RWE
Pour sécuriser l’approvisionnement c’est l´instant qui compte et non pas la production lissée sur une période donnée car il est nécessaire d’équilibrer instantanément la production et la consommation sur l’ensemble du réseau. Mais dans un système électrique caractérisé par des moyens de production dépendant des conditions météorologiques, un équilibre exact entre la production et la consommation d’électricité n’est assuré à aucun moment. Il faut maitriser soit un excédent, soit un déficit de production /4/.
Les fameux « dark-doldrums », traduction anglaise du mot allemand « Dunkelflaute » sont un défi particulier. Ils désignent un épisode prolongé de production éolienne et photovoltaïque très faible, combiné à une demande d’électricité accrue en fin d’automne ou en hiver.
L’association européenne des producteurs d´électricité et de chaleur VGB PowerTech e.V. avait déjà publié dans le passé deux études sur la performance des éoliennes en Allemagne et en Europe. Entre 2010 et 2016, l’étude montre environ 160 épisodes de 5 jours de production éolienne faible et pour chaque année un épisode prolongé de vents faibles de 10 à 14 jours /4/.
Un tel évènement s’est produit à nouveau dans la première semaine de novembre 2024, cf. figure 1.
Le photovoltaïque ne fournissait plus qu’un seul MWh mercredi, le 6.11.2024 à 17 heures. Les 1602 éoliennes maritimes de la mer du Nord et de la Baltique étaient complètement à l’arrêt, la production d’électricité était donc nulle. Les éoliennes terrestres (environ 29000) ne produisaient à cette heure-là que 114 MWh pour une consommation d’électricité d’environ 66 GWh. Seules les énergies renouvelables telles que l’hydraulique et les bioénergies ont contribué avec environ 7 GWh à la production électrique.
Figure 1 : production et consommation d’électricité en première semaine de novembre 2024, source BNetzA/SMARD /2/.
Le photovoltaïque, fortement subventionné, d’une puissance installée de 94 GW n’a évidemment rien fourni avec la tombée de la nuit du 6 novembre. La production totale des éoliennes terrestres et maritimes était pendant plus de 30 h inférieure à 1 GW pour une puissance totale installée d’environ 72 GW, cf. figure 2.
Figure 2 : production des éoliennes entre le 5 et 8 novembre 2024, source BNetzA/SMARD /2/
Malgré cela, il n’y a pas eu de pénurie d’approvisionnement en électricité, car les gestionnaires des réseaux de transport ont pu maitriser la situation grâce aux moyens pilotables encore disponibles et à des importations d’électricité.
La situation a perduré toute la journée de mercredi 6 et de jeudi 7 novembre et ne s’est améliorée que vendredi 8 novembre 2024. La capacité des dispositifs de stockage (batteries et stations de transfert d’énergie par pompage – STEP) étant épuisée au bout de quelques heures, il a fallu faire appel en masse aux centrales thermiques à flamme pour couvrir les besoins en électricité.
Les centrales restantes à houille et au lignite soutenues par des centrales à gaz ont produit en continu au cours des ces trois jours pour stabiliser le réseau et satisfaire la demande. De plus environ 700 MW de centrales au fioul de la réserve stratégique ont été réactivés et ont contribué à nouveau à l’approvisionnement en électricité /6/.
Une partie importante des besoins en électricité de l’Allemagne a été couverte par des importations (environ 13 GW), car les moyens pilotables nationaux disponibles (environ 53 GW) n’ont pas été en mesure de couvrir à eux seuls la demande d’électricité (environ 66 GW), cf. figure 1.
Concrètement, cela signifie que la même situation n’aurait pas pu être gérée un autre jour tel que la pointe de consommation annuelle. Elle se produit généralement en hiver, le soir après le coucher du soleil, et s’est située les dernières années autour de 80 GW selon les gestionnaires des réseaux de transport /9/.
Une flambée des prix de l’électricité sur le marché spot
Depuis mercredi, les fournisseurs d’énergie ont été contraints de compenser l’absence de production d’électricité verte par des achats supplémentaires à court terme à la bourse de l’électricité EEX. Les prix journaliers de l’électricité (dit « day-ahead ») ont flambé et des pics de prix exceptionnellement élevés ont été observés à plusieurs reprises depuis mardi 5 novembre 2024, cf. figure 3.
Figure 3 : prix de l’électricité (dite day ahead) sur le marché spot Allemagne/Luxembourg, source BNetzA/SMARD /2/.
Ainsi, dès mardi 5 novembre, le prix a été supérieur à 500 €/MWh. Lorsque les prévisions météorologiques ont été connues pour mercredi 6 novembre, le prix à la bourse de l’électricité s’est même envolé jusqu’à 820 €/MWh. Après un pic à plus de 400 €/MWh jeudi 7 après-midi, le prix sur le marché spot était encore supérieur à 100 €/MWh vendredi 8 novembre. Par comparaison, le prix moyen était autour de 68 €/MWh au premier semestre 2024 /1/.
Ces pics de prix de début novembre 2024 ne sont peut-être qu’un signe avant-coureur de ce à quoi il faut s’attendre pour l’hiver à venir. L’affirmation que « le vent soufflerait toujours quelque part en Europe », pouvant atténuer les effets de la variabilité, semble relever d’un solide bon sens populaire, mais ne correspond pas aux faits. L’Europe occidentale se comporte souvent comme une zone venteuse assez homogène, dominée par l’influence des grands courants océaniques ou continentaux.
Selon l’agence spécialisée « Montel » /7/, des prix de 1000€/MWh en cas de « Dunkelflaute » pourraient être attendus. En effet, en période de faible production d’électricité éolienne et photovoltaïque et de forte demande, le système doit faire appel à des unités dont les coûts marginaux sont plus élevés, ce qui renchérit le prix sur le marché spot. Ce principe est appelé « merit order » en anglais.
Il est probable que les fluctuations de prix sur le marché de l’électricité continuent d’augmenter avec le développement des énergies renouvelables variables (éolien et photovoltaïque). Des phases estivales de prix bas de l’électricité alterneront avec des phases hivernales de prix élevés, les fluctuations de la production électrique devenant de plus en plus extrêmes.
Déjà aujourd’hui la production d’électricité verte est supérieure à la demande pendant de nombreuses heures. En 2023, l’Allemagne avait connu 301 heures de production électrique à prix négatif. Aux trois premiers trimestres de 2024, le record de 2023 était déjà largement battu avec 413 pas d’horaires à prix négatif /8/.
Les exploitants de réseau sont tenus par la Loi sur les énergies renouvelables d’absorber les kilowattheures sans valeur et de les vendre sur le marché de l’électricité. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière.
Si l’Allemagne avait maintenu au réseau son parc nucléaire de 2002 au lieu d’arrêter progressivement les centrales, elle aurait économisé 600 milliards d’Euros et au moins autant de CO2 qu’avec la sortie du nucléaire et le développement massif des énergies renouvelables variables, a révélé une étude de l’Université norvégienne des sciences et de la technologie à Trondheim.
Si l’Allemagne avait en plus investi dans de nouvelles centrales nucléaires elle aurait presque pu atteindre son objectif en matière d’émissions de gaz à effet de serre en réalisant une réduction de 73% des émissions en plus des résultats actuellement obtenus tout en réduisant les dépenses totales de moitié par rapport à la politique énergétique actuelle.
Les résultats, publiés en juin 2024 dans la revue « International Journal of Sustainable Energy », soulignent le caractère controversé de la politique énergétique allemande /1/.
Selon une « réponse critique » de l’institut Fraunhofer d’octobre 2024, l’analyse effectuée par l’Université norvégienne ne serait scientifiquement pas défendable /10/. Toutefois, l’analyse de l’institut Fraunhofer n’a pas fait l’objet d’une évaluation par les pairs (peer review).
Figure 1 : Centrale de Biblis au sud de Francfort, dans la Hesse; 2 réacteurs à eau pressurisée : tranche A (1200 MWe) mise en service 1974 et tranche B (1300 MWe) mise en service 1976 (source RWE Power)
En 2000, les centrales nucléaires avaient une part d’environ 30% à la production brute d’électricité de l’Allemagne, cf. figure 2. La coalition gouvernementale, composée des sociaux-démocrates (SPD) du chancelier Gerhard Schröder et du parti des Verts (Bündnis 90/Die Grünen), a saisi en 2000 le dossier de la sortie du nucléaire, actée en 2002 /2/. La convention passée entre le gouvernement et les exploitants fixait à 32 ans la durée de fonctionnement d’une centrale nucléaire, mais sans échéance définie.
La frénésie médiatique provoquée par l’accident de Fukushima a fait que le gouvernement de la chancelière Angela Merkel décide en 2011 la sortie accélérée du nucléaire d’ici fin 2022. Le gouvernement allemand a finalement arrêté ses 3 dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 /3/.
Parallèlement à la sortie du nucléaire le gouvernement s’est efforcé de sortir des énergies fossiles afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et il a investi ces dernières décennies des centaines de milliards d’Euros notamment dans le développement des énergies renouvelables variables (éolien et photovoltaïque) et les réseaux électriques.
Les informations sur les coûts de la transition énergétique allemande divergent. Jusqu’à présent, elle devrait avoir coûté bien plus de 500 milliards d’Euros pour le seul secteur électrique /4/
Le besoin de nouveaux investissements dans la transition énergétique pourrait quadrupler à l’horizon de 2030 selon une étude de l’Institut d’Économie de l’Énergie de l’Université de Cologne (EWI) /5/.
Et si le gouvernement allemand n’avait pas abandonné les centrales nucléaires existantes et éventuellement investi dans de nouvelles capacités nucléaires ?
Ce scenario a été étudié par Jan Emblemsvåg de l’Université norvégienne des sciences et de la technologie à Trondheim. Les résultats, publiés dans la revue « International Journal of Sustainable Energy » /1/, soulignent le caractère controversé de la politique énergétique allemande.
Le résultat de l’étude est remarquable : si l’Allemagne avait maintenu au réseau son parc nucléaire de 2002 (voir tableau 1) au lieu d’arrêter progressivement les centrales, elle aurait économisé 600 milliards d’Euros et au moins autant de CO2 qu’avec la sortie du nucléaire et le développement massif des énergies renouvelables variables.
Tableau 1 : centrales nucléaires au réseau en 2002
Si l’Allemagne avait en plus investi dans de nouvelles capacités nucléaires, elle aurait déjà presque atteint son objectif de neutralité carbone et le pays aurait tout de même économisé de l’ordre de 300 milliards d’Euros.
Pour arriver à ce résultat, l’auteur s’appuie sur des données officielles fournies par les autorités allemandes. Les coûts de la transition énergétique entre 2002 et 2022 sont estimés à 696 milliards d’Euros, dont environ 386 milliards d’Euros pour les dépenses d’investissement (CAPEX) et opérationnelles (OPEX) ainsi qu’environ 310 milliards d’Euros de subventions pour les énergies renouvelables. Malgré ces investissements importants les émissions de gaz à effet de serre ont seulement baissé d’environ 25% entre 2002 et 2022, voir aussi /6/.
Pour évaluer les coûts de l’exploitation hypothétique de 20 ans des centrales nucléaires existantes, l’auteur se base sur les coûts d’exploitation de 2002 et les extrapole aux valeurs actuelles. Les dépenses annuelles pour le nucléaire se seraient cumulées depuis à environ 91,3 milliards d’Euros. Même en tenant compte de 10 milliards d’Euros d’incertitude il est évident que le maintien de la capacité nucléaire de 2002 au réseau aurait entraîné des coûts bien moindres par rapport à la politique énergétique actuelle, selon l’auteur. Le pays aurait économisé environ 600 milliards d’Euros.
Parallèlement, le nucléaire aurait permis d’économiser un volume des émissions de gaz à effet de serre au moins similaire à celui de la politique de sortie du nucléaire et de développement massif des énergies renouvelables.
Selon l’auteur entre 2002 et 2022 les énergies renouvelables auraient produit en moyenne environ 182 TWh par an. La production nucléaire en 2002, qui était indépendante des aléas météorologiques, a été estimée à environ 186 TWh en supposant un facteur de charge de 90%.
(N.B. : selon la statistique nationale de l’Agence Fédérale de l’Environnement /7/ les énergies renouvelable ont produit entre 2002 et 2022 un volume de 3076 TWh soit environ 162 TWh/ an en moyenne. La production brute du parc nucléaire était 165 TWh en 2002, cf. figure 2. Extrapolé à 2022 cela correspond à un volume d’environ 3135 TWh. Ces chiffres ne modifient pas l’argumentation de Jan Emblemsvåg)
Figure 2 : résultats de production brute du nucléaire et pourcentage de la production d’électricité totale 1990 – 2022
Coûts d’investissement dans une nouvelle capacité nucléaire
Dans son étude, l’auteur a calculé la capacité nucléaire que l’Allemagne aurait pu développer avec les 600 milliards d’Euros qu’il aurait économisés en évitant la sortie du nucléaire et le développement massif des énergies renouvelables.
L’auteur s’est inspiré des centrales nucléaires construites à l’époque par d’autres pays industrialisés, comme la Corée du Sud et les Emirats Arabes Unis. Le développement des centrales nucléaires chinoises a également servi de référence. La décision de développer le nucléaire aurait toutefois dû être prise bien avant 2002 en Allemagne, car la durée moyenne de construction d’une centrale nucléaire est évaluée à au moins 7,5 ans.
L’augmentation de la capacité nucléaire, y compris le maintien en service du parc nucléaire déjà existant pendant 20 ans supplémentaires aurait nécessité un montant de 364 milliards d’Euros, soit 332 milliards d’Euros de moins que les coûts du tournant énergétique jusqu’à 2022.
L’Allemagne aurait déjà un approvisionnement en électricité neutre en carbone si elle avait investi dans de nouvelles centrales nucléaires, selon Emblemsvåg. Et ce, à un coût inférieur à celui de la politique énergétique actuelle.
Les coûts de stockage final des déchets radioactifs n’ont pas été pris en compte dans les calculs
Les coûts liés à l’aménagement d’un stockage final des déchets radioactifs ne sont pas compris dans les calculs. Mais les investissements sont bien inférieurs à la valeur de l’énergie restante dans les déchets radioactifs, selon l’auteur : « On estime que les déchets nucléaires américains peuvent alimenter le pays en électricité pendant 100 ans, mais la technologie n’est pas encore disponible commercialement », écrit Emblemsvåg.
Incertitude importante sur les coûts de la transition énergétique
L’auteur fait remarquer que le montant des coûts réels de la transition énergétique serait beaucoup plus incertain que celui du stockage final des déchets nucléaires : on ne sait par exemple pas exactement quelles sommes seront dépensées pour :
le développement des réseaux de transport et de distribution
le stockage de l’énergie,
la subvention de moyens pilotables nécessaires pour pallier l’intermittence,
la subvention destinée à garantir les revenus des énergies renouvelables en cas de surproduction et de prix de l’électricité négatifs
le démantèlement des éoliennes et solaires et l’élimination de leurs déchets.
Mise en garde sur les coûts de la transition énergétique par la Cour de Comptes allemande et l’Agence Internationale de l’Énergie
Des constats accablants concernant la politique énergétique allemande avaient déjà été fais dans le passé par les pouvoirs publics et par les scientifiques.
L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a mis en garde en 2013 contre les prix élevés de l’énergie en Allemagne.
La Cour des Comptes Fédérale a lancé un avertissement presque chaque année au cours des dix dernières années. En 2016, elle a déclaré que le tournant énergétique n’était « pas suffisamment coordonné et insuffisamment piloté » et que les dépenses et les charges pour les citoyens et l’économie étaient disproportionnées par rapport aux maigres bénéfices /8/.
En 2021, la Cour des Comptes Fédérale constatait que le tournant énergétique « mettait en danger le site économique allemand » /4/
En 2023, elle a constaté que l’Allemagne devait investir une somme supplémentaire de plusieurs centaines de milliards dans le tournant énergétique rien que jusqu’en 2030. Mais la politique menée jusqu’à présent n’est « pas adaptée » à une mise en œuvre judicieuse de la transformation /9/.
Réponse critique de l’institut Fraunhofer
Selon une « réponse critique » de l’institut Fraunhofer d’octobre 2024, l’analyse effectuée par l’Université norvégienne ne serait scientifiquement pas défendable /10/. À noter, cette publication de l’institut Fraunhofer n’a pas fait l’objet d’une évaluation par les pairs (peer review).
Selon Fraunhofer, l’analyse de Jan Emblemsvåg de l’Université norvégienne à Trondheim se fonde sur une comparaison des dépenses pour les énergies renouvelables par rapport à un scénario hypothétique de non-sortie du nucléaire et d’un développement de nouvelles centrales nucléaires en Allemagne. Fraunhofer estime que cette analyse repose sur une erreur méthodologique fondamentale du fait que la plupart des dépenses pour les énergies renouvelables seraient comptées deux fois.
Conclusion
L’étude a tenté d’évaluer les coûts et les résultats obtenus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre au cours des 20 dernières années. Les résultats ont été ensuite comparés à une politique alternative consistant à maintenir en activité le parc nucléaire existant en 2002 et à construire de nouvelles centrales nucléaires au lieu d’investir massivement notamment dans des énergies renouvelables variables (éolien, photovoltaïque).
De nombreux aspects ne sont pas couverts par cette analyse. Toutefois, indépendamment des incertitudes liées aux données et aux hypothèses, il n’y a aucun doute que le tournant énergétique apporte ainsi un succès bien moindre en matière de protection du climat pour des coûts bien plus élevés par rapport au « scénario nucléaire ».
La réponse de Fraunhofer montre que la dispute sur la sortie du nucléaire se poursuit. S’il y a bien une chose que de nombreux défenseurs de l’Energiewende n’aiment pas, c’est calculer les vrais coûts de la transition énergétique allemande. Un scénario alternatif, comme l’analyse de Jan Emblemsvåg, est le pire qu’ils puissent apparemment imaginer.
Références
/1/ Jan Emblemsvåg (2024) What if Germany had invested in nuclear power? A comparison between the German energy policy the last 20 years and an alternative policy of investing in nuclear power, International Journal of Sustainable Energy, 43:1, 2355642, DOI:10.1080/14786451.2024.2355642, en ligne : https://doi.org/10.1080/14786451.2024.2355642
Il semble que la Cour Fédérale des Comptes, organe indépendant de contrôle financier et l’une des plus hautes autorités fédérales, soit indispensable non seulement pour identifier le véritable état de la transition énergétique en Allemagne, mais aussi pour la présenter sans fard.
Dans son rapport spécial publié en mars 2024 /1/, l’autorité délivre un constat tout à fait accablant pour la politique énergétique allemande : le tournant énergétique n’est pas sur le bon cap, l’Allemagne est en retard par rapport à ses objectifs ambitieux.
Le rapport contraste fortement avec les déclarations sur le site web du Ministre Fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck (Les Verts), où l’on peut lire « Notre tournant énergétique : sûr, propre, abordable ».
Selon la Cour Fédérale des Comptes, les mesures prises jusqu’à présent sont insuffisantes. Le gouvernement fédéral serait en retard dans le développement des énergies renouvelables et des réseaux électriques ainsi que sur le calendrier de construction de nouvelles centrales électriques bas carbone en back-up pour pallier la variabilité de la production des énergies renouvelables telles que l’éolien et le photovoltaïque.
A cela s’ajoutent des lacunes sur l’évaluation des répercussions du tournant énergétique sur le paysage, la nature et l’environnement et l’absence de concept contre les prix élevés de l’électricité. Le gouvernement fédéral manque d’un monitoring efficace pour piloter la transition énergétique prenant en compte tous les objectifs (sécurité d’approvisionnement, accessibilité financière, protection de l’environnement).
Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement fédéral doit impérativement changer de stratégie. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour Fédérale des Comptes pour remédier aux déficits mis en évidence.
Figure 1 : La transition énergétique allemande n’est pas sur le bon cap /Source : Cour Fédérale des Comptes
Sommaire
Contexte de départ
Sécurité d’approvisionnement en électricité
Développement des énergies renouvelables
Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup
Développement du réseau de transport
Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité
Abordabilité financière (prix de l´électricité)
Respect de l’environnement
Conclusion
Références
Contexte de départ
La Cour Fédérale des Comptes a déjà audité à plusieurs reprises la mise en œuvre du tournant énergétique. La dernière fois, en 2021, elle avait recommandé d’améliorer le suivi de la sécurité d’approvisionnement et de réformer fondamentalement le système de prix de l’électricité /2/. Dans le cas contraire, elle estimait que l’Allemagne risquait de perdre sa compétitivité économique et de voir diminuer l’acceptation sociétale de la transition énergétique.
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a augmenté les défis. Le gouvernement fédéral a réagi à cette situation par de nombreuses mesures, entre autres par l’accélération du développement des énergies renouvelables et l’objectif d’une production d’électricité de presque 100% à partir des énergies renouvelables à l’horizon de 2035.
Ces mesures devraient non seulement contribuer à la protection du climat, mais aussi réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles. Le gouvernement fédéral maintient la sortie anticipée de la production d’électricité à partir du charbon à l’horizon de 2030 et a fait arrêter définitivement les trois dernières centrales nucléaires en avril 2023.
La Cour Fédérale des Comptes a saisi l’occasion de ces développements pour vérifier si le gouvernement met en œuvre le tournant énergétique conformément aux objectifs de la politique énergétique. Le rapport tient compte de la prise de position commune du Ministère Fédéral de l’Économie et de la Protection du climat (BMWK) et du Ministère Fédéral de l’Environnement (BMUV).
Sécurité d’approvisionnement en électricité
La transition énergétique représente des défis tant pour la mise à disposition du besoin en électricité que pour son acheminement via les réseaux électriques.
Développement des énergies renouvelables
L’approvisionnement en énergies renouvelables variables nécessite un effort particulier, car, contrairement aux centrales conventionnelles, elles sont soumises à des variations journalières et saisonnières ainsi qu’aux conditions météorologiques. Elles ne fournissent pas de puissance garantie (photovoltaïque) ou seulement dans une faible mesure (éolien), cf. figure 2.
Figure 2 : Puissance garantie par les énergies renouvelables variables et les centrales conventionnelles
Les charges flexibles et les moyens de stockage d’électricité contribuent à la sécurité d’approvisionnement. Les moyens de stockage sont toutefois soumis à des restrictions (techniques) et ne peuvent donc pas compenser à eux seuls les périodes prolongées de faible production des énergies renouvelables variables.
Suite au constat que le développement des éoliennes était encore loin d’être suffisant pour s’aligner sur la trajectoire cible de la loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023) un deuxième paquet de mesures a été décidé /3/ qui devrait déployer ses effets à partir de 2023.
Il a toutefois été constaté que la trajectoire de développement de l´éolien terrestre, en particulier, n’est pas conforme à la Loi sur les énergies renouvelables. La Loi a stipulé pour 2023 la mise en adjudication d’un volume de 12.840 MW mais seule environ la moitié de ce volume a été attribuée.
En outre, l’objectif intermédiaire de 2023 pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables n’a pas été atteint, soit 272 TWh bruts au lieu de l’objectif de 287 TWh visés par la Loi (§4a Strommengenpfad).
Le gouvernement doit veiller à ce que les énergies renouvelables soient développées conformément aux trajectoires fixées par la loi.
Stratégie gouvernementale en matière de moyens pilotables en backup
La puissance installée des énergies renouvelables n’a cessé d’augmenter, tandis que la puissance des centrales conventionnelles pilotables a diminué. Toutefois, un approvisionnement sûr en électricité avec un système électrique reposant en majorité sur des énergies renouvelables variables exige en parallèle des moyens de production fournissant une puissance garantie et pilotable.
La Cour des Comptes a constaté que le calendrier de construction de moyens pilotables en backup ne pourra probablement pas être respecté. En outre, la conception d’un mécanisme de capacité, annoncé par le gouvernement, n’a pas encore eu lieu. Il n’est donc pas garanti que la capacité nécessaire de moyens pilotables en backup soit disponible à temps.
Développement du réseau de transport
L’émergence de nouveaux usages de l’électricité et notamment le fort développement des énergies renouvelables rendent aussi nécessaire le développement et la modernisation des réseaux.
Le besoin en réseau de transport (nouvelles lignes, renforcement des lignes existantes) a été évalué à environ 14.000 km à l´horizon de 2035. À la fin du troisième trimestre 2023, 2.695 km de lignes, soit seulement 19,3%, avaient été réalisés.
Selon la Cour des Comptes, le développement du réseau de transport accuse donc un retard considérable par rapport à la planification, soit environ sept ans et presque 6.000 km de lignes, cf. figure 3.
Figure 3 : Ecart entre le développement planifié et réalisé du réseau de transport au 3e trimestre 2023
Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité
Le régulateur (Agence Fédérale des Réseaux) doit surveiller en permanence la sécurité d’approvisionnement en électricité en accord avec le Ministère Fédéral de l’Énergie et de la Protection du Climat (BMWK).
Le dernier rapport monitoring sur la sécurité d´approvisionnement en électricité, publié en février 2023, considère les années 2025 à 2031 (voir aussi /4/ chapitre « Rapport monitoring du régulateur sur la sécurité d’approvisionnement en électricité à l’horizon de 2030/31 »).
Le régulateur arrive au résultat que, sous certaines hypothèses de base, le critère de sécurité d’approvisionnement serait respecté dans la période de 2025 à 2031 avec des marges confortables.
Pourtant, la Cour des Comptes estime que les hypothèses utilisées pour évaluer la sécurité d’approvisionnement sont irréalistes car le régulateur se base sur un « best case » improbable. Les auditeurs reprochent au Ministère Fédéral de l’Économie et au régulateur (l’Agence Fédérale des Réseaux) de faire preuve d’une irresponsabilité sans précédent. Selon la Cour des Comptes, le ministère accepterait que les risques pour la sécurité d’approvisionnement ne soient pas détectés à temps et que les actions nécessaires soient identifiées trop tard. Ainsi, l’objectif du monitoring en tant que système d’alerte anticipé pour identifier des besoins d’action est actuellement de facto invalidé.
Le régulateur a rejeté les critiques de la Cour des Comptes. Mais cela ne convainc pas la Cour des Comptes : selon le Code de l’énergie, l’analyse de la sécurité d’approvisionnement doit reposer sur des scénarios de référence appropriés. Des hypothèses manifestement improbables ne remplissent pas ces exigences. Les hypothèses de base, concernant notamment le développement des énergies renouvelables et des réseaux, doivent prendre en compte plusieurs scenarios. La supposition que le développement des énergies renouvelables et des réseaux soit conforme au planning ne correspond pas à la réalité : ni le développement des énergies renouvelables ni celui des réseaux électriques ne sont actuellement sur la trajectoire cible.
Selon la Cour des Comptes, le régulateur doit envisager différents scénarios en tenant compte de différentes probabilités de concrétisation des hypothèses de base. Cela doit également inclure un scénario « worst-case ».
La Fédération Allemande de l’Industrie de l’Energie et de l’Eau (BDEW) estime que la critique des auditeurs est en partie exagérée /6/. Malgré toutes les remarques justifiées sur certains points, le BDEW ne voit pas de « déficit d’approvisionnement » dans le système électrique, comme le craint la Cour des Comptes.
Abordabilité financière (prix de l’électricité)
Un autre objectif du Code de l’énergie est d’assurer un approvisionnement en électricité abordable pour tout le monde. Des prix élevés de l’électricité constituent un risque considérable pour le site économique allemand et l’acceptation sociétale du tournant énergétique.
Aujourd’hui déjà, l’abordabilité du prix de l’électricité est remise en question, constate le rapport de la Cour des Comptes. Les prix de l’électricité en Allemagne ont continuellement augmenté au cours des dernières années et comptent aujourd’hui parmi les plus élevés de l’Union Européenne : les clients résidentiels ont payé en moyenne 45,19 ct/kWh au premier semestre 2023, cf. figure 4. Ce prix est largement supérieur à la moyenne européenne.
Figure 4 : Composants du prix de l’électricité des clients résidentiels au premier semestre 2023
La forte augmentation des prix de gros est à l’origine de la nette hausse des composants de prix induits par le marché. Ceux-ci devraient continuer à être nettement supérieurs au niveau des années 2019/2020.
Parallèlement, les composants de prix réglementés par l’Etat représentent une part importante, même après la suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables en 2022, cf. figure 4. Contrairement aux charges et taxes, le tarif d’utilisation des réseaux et les redevances couvrent les coûts du système électrique.
De plus, d’autres coûts du système électrique sont à prendre en compte à l’avenir. Ainsi, des investissements massifs de plus de 460 Mds€ seront nécessaires d’ici 2045 pour le développement des réseaux électriques, cf. figure 5. Selon les estimations des acteurs du marché, les coûts pourraient être encore plus élevés.
Figure 5 : Coûts de développement des réseaux à l’horizon de 2045
S’y ajoutent les coûts d´intervention pour éviter la congestion du réseau de transport. En 2022 ces coûts ont dépassé les 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu’en 2021, cf. /5/. Selon la Cour des Comptes les coûts d´équilibrage du réseau de transport pourraient atteindre 6,5 Mds€/an jusqu’à 2026.
Les coûts de développement et d’exploitation des réseaux électriques terrestres (y compris les services système) et maritimes sont répercutés sur les consommateurs finaux par le biais du tarif d’utilisation des réseaux et de la redevance pour les réseaux offshore.
Le tarif d’utilisation des réseaux a considérablement augmenté entre 2013 et 2023, cf. figure 6.
Figure 6 : Evolution des tarifs d’utilisation des réseaux entre 2013 et 2023
L’industrie a été particulièrement touchée. Pour elle, les coûts ont augmenté de 84,4% depuis 2013.
Face à des prix très élevés, le gouvernement a subventionné à plusieurs reprises les coûts du système électrique. Il reconnaît ainsi que le prix de l’électricité serait trop élevé sans intervention de l’État.
Le Ministre allemand de l’Économie et de la Protection du Climat, Robert Habeck, a récemment affirmé que le développement de l’éolien et du solaire permettrait bientôt de faire baisser les prix de l’électricité. Par le passé, la Cour des Comptes avait déjà critiqué le fait que le ministère ne tienne pas compte d’autres coûts considérables liés à la transition énergétique. Il s’agit par exemple des coûts de distribution de l’électricité (y compris le développement des réseaux et les services système) et la construction de moyens pilotables supplémentaires. Il en résulte, en dehors du public spécialisé, une image erronée des coûts réels de la transformation énergétique.
Selon la Cour des Comptes, le gouvernement doit, en ce qui concerne l’abordabilité financière :
garantir un volume d’électricité suffisant, disponible à tout moment afin d’éviter une hausse des prix de l’électricité due à une crise de l’offre ;
identifier clairement les coûts systémiques de la transition énergétique ;
développer un monitoring permettant d’évaluer le caractère abordable de l’électricité à l’aide d’indicateurs et de valeurs cibles ;
orienter de manière cohérente les composants du prix réglementés par l’Etat vers les objectifs de politique énergétique – notamment pour promouvoir l’électrification des autres secteurs de l’économie.
Les subventions ponctuelles de l’État sapent la transparence du système électrique et l’effet de contrôle des prix de l’électricité. Au lieu de cela, le gouvernement doit définir de manière compréhensible, sur la base d’une analyse systématique, sous quelle forme les coûts de la transformation doivent être supportés.
Respect de l’environnement
Un autre objectif du code de l’énergie est de fournir de l’électricité dans le respect de l’environnement.
Le tournant énergétique a de nombreux effets sur l’environnement et les énergies renouvelables contribuent à la protection du climat. Toutefois, le gouvernement dispose de nombreuses informations sur les effets négatifs des énergies renouvelables sur l’environnement, par exemple l’utilisation de surfaces et de ressources limitées, mais aussi les atteintes à la biodiversité.
Dans le cadre de la crise énergétique, le gouvernement avait abaissé les normes en matière de protection de l’environnement. Cela a augmenté le risque que certains biens protégés soient affectés plus que nécessaire. Pourtant, à l’exception du bien « climat », le gouvernement a jusqu’à présent omis de mettre en place des objectifs et un monitoring pour une transition énergétique respectueuse de l’environnement. Le Ministère Fédéral de l’Environnement a souligné auprès de la Cour des Comptes qu’un suivi approprié de la compatibilité environnementale échouait moins en raison de l’insuffisance des données que de « faisabilité politique ».
Néanmoins la Cour des Comptes estime que le gouvernement doit mettre en place un monitoring pour que l’on puisse identifier à temps les effets indésirables du tournant énergétique sur les différents biens à protéger et les réorienter de manière appropriée.
Pour mettre en place un tel système il faut notamment :
fixer des objectifs mesurables pour les différents biens à protéger ;
concevoir le monitoring de manière à pouvoir saisir et évaluer non seulement les changements au fil du temps, mais aussi les interactions entre les biens à protéger ;
combler les lacunes existantes en matière de connaissances sur l’impact environnemental de la transition énergétique et adapter le monitoring de manière systématique.
Cela ne doit pas être omis sous prétexte que cela n’est pas politiquement réalisable – au contraire, un suivi efficace doit être à la base des décisions politiques.
Conclusion
La réussite de la transition énergétique est d’une importance capitale pour l’Allemagne. Les objectifs sont ambitieux. Mais dans la mise en œuvre, l’Allemagne est nettement en retard sur ces objectifs. En matière d’approvisionnement en électricité, le gouvernement n’est pas sur le bon cap. Un échec de la transition énergétique aurait de graves conséquences pour son acceptation sociétale, pour le site économique allemand et pour la réalisation des objectifs de protection du climat. Le gouvernement doit donc impérativement changer de cap pour que la transition soit un succès. Il devrait utiliser les observations et les recommandations de la Cour des Comptes pour combler les lacunes mises en évidence pour :
atteindre la neutralité climatique tout en assurant un approvisionnement en électricité sûr, abordable et respectueux de l’environnement ;
mettre enfin en œuvre de manière ciblée la transition énergétique, ce projet de génération
Au cours des trois premiers trimestres 2023, la production brute d’électricité s’est élevée à environ 373 TWh et la production nette (mesurée à la sortie des centrales) à 357 TWh, en baisse de 13% par rapport à la même période de l´année précédente.
La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 199,4 TWh en hausse de 3,6% par rapport à la même période de l´année précédente (192,5TWh).
Le parc thermique à flamme a produit 166,5 TWh bruts en baisse de presque 21% par rapport à la même période de l´année précédente (210,5 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué pour 7,2 TWh en 2023 avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023.
La consommation nationale brute d’électricité marque avec 383 TWh un net recul de 6,2% par rapport à la même période de l´année précédente (408 TWh).
Les énergies renouvelables ont couvert environ 52% de la consommation d’électricité (lissage sur des trois premiers trimestres 2023). Entre mars et septembre, leur part s’élevait chaque mois à environ 50% ou plus et a été particulièrement forte en mai et juillet avec 57% et 59%.
Comme la part des énergies renouvelables est calculée en pourcentage de la consommation d’électricité, la consommation nationale plus faible en 2023 a eu un effet positif sur leur part. De plus le score de 52% ne tient pas compte de la variabilité des renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque).
Au cours des trois premiers trimestres 2023 le solde des échanges allemand a été importateur, avec un solde net de 9,8 TWh,ce qui représente environ 2,5% de la consommation nationale d’électricité. Sur la même période de l’année précédente, le solde a été encore exportateur (20,8 TWh).
Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente mais reste toujours plus élevé qu’avant la crise énergétique.
L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh. Combinées avec la baisse de consommation, c’est notamment la baisse de production du parc thermique à flamme et l’accroissement des importations d’électricité qui ont conduit au recul de la moyenne mobile de l’intensité carbone en 2023.
Source : Bundesnetzagentur/SMARD
Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires des trois premiers trimestres 2023 /1/.
La figure 1 montre la production brute d´électricité des trois premiers trimestres 2023. Elle est en baisse de 13% par rapport à la même période de l´année précédente.
Figure 1 : production brute d´électricité des trois premiers trimestres 2022 et 2023
Lissée sur les trois premiers trimestres 2023, la part des énergies renouvelables à la production brute atteint 53,4% contre 44,9% à la même période de l´année précédente.
La figure 2 montre la consommation nationale brute d´électricité qui marque un net recul de plus de 6% par rapport à la même période de l´année précédente /1/.
Figure 2 : consommation nationale brute d´électricité aux trois premiers trimestres 2022 et 2023
Comme la part des énergies renouvelables est calculée en pourcentage de la consommation d’électricité, la consommation nationale plus faible en 2023 a eu un effet positif sur leur part. De plus le score de 52% ne tient pas compte de la variabilité des renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque).
Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation nationale brute est avec 52% en hausse par rapport au à la même période de l´année précédente (47%). Entre mars et septembre 2023, leur part s’élevait chaque mois à environ 50% ou plus et a été particulièrement forte en mai et juillet avec respectivement 57% et 59%.
Le tableau résume les principaux résultats /1/.
Tableau : production et consommation d’électricité en Allemagne
Le parc thermique à flamme a produit 166,5 TWh bruts en baisse de presque 21% par rapport à la même période de l´année précédente (210,5 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué pour 7,2 TWh en 2023 avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023 /2/.
La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 199,4 TWh en hausse de 3,6% par rapport à la même période de l´année précédente (192,5 TWh). Sur ce total, 77,5 TWh provenaient de l’éolien terrestre, 55,7 TWh du photovoltaïque, 32,5 TWh de la biomasse, près de 16 TWh de l’éolien en mer et près de 14 TWh de l’hydroélectricité.
Développement des énergies renouvelables
La figure 3 montre le développement de l’éolien terrestre et du photovoltaïque à la fin du 3e trimestre 2023 par rapport aux objectifs de fin 2024 fixés par la loi sur les énergies renouvelables /3/.
Figure 3 : Développement de l’éolien et du photovoltaïque à la fin du 3e trimestre 2023
Le développement de l’éolien et du photovoltaïque se fait à des rythmes différents.
En 2023 le développement de l’éolien terrestre se situe au-dessus du niveau de l’année précédente, mais reste inférieur au niveau des années records 2015 à 2017. Au cours des trois premiers trimestres de 2023, environ 2,1 GW ont été ajoutés. Le parc a ainsi augmenté de près de 4% par rapport à la fin de 2022 et atteint 60,2 GW fin septembre 2023.
La puissance moyenne d’une nouvelle éolienne installée au cours de 2023 s’élève à environ 4,7 MW /4/. L´objectif intermédiaire de 69 GW d´ici fin 2024 nécessiterait donc la mise en service d’environ 4 éoliennes de cette puissance par jour à partir d’octobre 2023 : alors que pour les 9 premiers mois de l’année, la moyenne journalière n’a été que de 1,6 éolienne.
Une accélération du rythme d’installation reste nécessaire pour atteindre l’objectif intermédiaire de fin 2024 fixé par l’État, soit encore 8,8 GW à installer.
Concernant l’éolien en mer, de nouvelles installations d’une puissance totale de 229 MW ont été raccordées au réseau électrique au premier semestre 2023 /10/. Aucun ajout n’a été enregistré au 3e trimestre /3/. Ainsi, avec une puissance installée de presque 8,4 GW, l’objectif de 2023 est pratiquement atteint. Toutefois, dans l’avenir une accélération demeure indispensable pour atteindre l’objectif de 30 GW en 2030 (soit 21,6 GW à installer).
En revanche le développement du parc photovoltaïque s’est maintenu à un rythme soutenu. Au cours des 3 premiers trimestres un volume record d’installations a été mis en service (près de 10 GW), soit plus que lors des années record de 2010 à 2012. Le parc a ainsi augmenté de près de 15% par rapport à la fin de 2022 et atteint 77,4 GW fin septembre 2023.
Si ce rythme est maintenu malgré les tensions sur les approvisionnements et la hausse du coût de certains composants de panneaux solaires, on est en bonne voie vers l’objectif de fin 2024 fixé par la loi sur les énergies renouvelables à 88 GW (soit 10,6 GW à installer).
Evolution du prix du marché de gros de l´électricité
L’année 2022 a connu une augmentation inédite des prix de l’électricité en Europe, sous l’effet des menaces sur l’approvisionnement de l’Europe résultant de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
En 2023, le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente /5/ mais se situe toujours à un niveau plus élevé qu’avant la crise énergétique, voir figure 4.
Au 3e trimestre le prix moyen de gros s’est établi à 90,78 €/MWh /11/.
Compte tenu de la forte injection d’électricité renouvelable lors des périodes de faible demande, l’Allemagne a été confrontée à 101 heures de prix négatifs au cours du seul 3e trimestre 2023. Depuis début 2023, cela fait 186 heures. En 2022 au total 69 heures à prix négatifs ont été enregistrées /8/.
Avec – 500,00 €/MWh, le prix le plus bas est survenu le dimanche 2 juillet 2023 entre 14h et 15h. Le prix plancher de – 500 €/MWh est le prix minimum autorisé sur le marché Day-Ahead.
Le prix le plus élevé au cours des trois premiers trimestres de 524,27 €/MWh s’est produit le lundi 11 septembre 2023 entre 19h et 20h : les énergies renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque) ont contribué pour seulement 6,7% à la consommation de 58 GW /11/.
Figure 4 : Evolution du prix de gros constaté sur le marché journalier (day-ahead) en Allemagne
En 2023, le prix moyen de l’électricité pour les ménages est, en moyenne annuelle, 15% plus élevé qu’au deuxième semestre 2022 /6/. Malgré cela, les prix de l’électricité pour les ménages ont tendance à baisser depuis le 2e trimestre 2023.
En 2023 les ménages et les entreprises sont toutefois en large partie protégés des augmentations de prix grâce au « bouclier tarifaire ».
A titre d’exemple, les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficient d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80% de leur consommation annuelle. Au-delà, ils payent leur électricité au prix du marché.
Echanges commerciauxd’électricité
Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins.
À partir d’avril 2023, l’Allemagne a importé plus d’électricité qu’elle n’en a exporté, cf. figure 5.
Figure 5 : Solde des échanges commerciaux d’électricité /7/
Au cours des trois premiers trimestres 2023 le solde des échanges allemand a été donc importateur, avec un solde net de 9,8 TWh, ce qui représente environ 2,5% de la consommation nationale d’électricité /1/.
Dans la même période de l’année précédente, le solde des échanges a été encore exportateur (20,8 TWh).
Intensité carbone du mix électrique allemand
L’intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh /8/.
En 2023, notamment la baisse de production du parc thermique à flamme et l’accroissement des importations d’électricité, combinées avec la baisse de consommation, ont conduit au recul de la moyenne mobile de l’intensité carbone, exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit /9/. Toutefois, une hausse est à nouveau enregistrée à partir de septembre 2023.
Figure 6 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produits au cours des trois premiers trimestres 2023
Au cours du 1er semestre 2023, la production brute d’électricité s’est élevée à environ 266 TWh et la production nette (mesurée à la sortie des centrales) à 254 TWh, en baisse de presque 11% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298 TWh bruts et 285 TWh nets).
La production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport au 1er semestre 2022 (138,4 TWh) malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW au 2e semestre 2022. Les énergies renouvelables sont toutefois la principale source dans le mix électrique au 1er semestre 2023 en raison de la forte baisse de production conventionnelle, soit environ 128 TWh bruts contre 160 TWh à la même période de l´année précédente.
Le parc thermique a produit 121 TWh bruts en baisse de plus de 15% (1er semestre 2022 : 143 TWh). Les trois dernières centrales nucléaires ont contribué avec 7,2 TWh bruts (1er semestre 2022 : 16,8 TWh) avant être définitivement arrêtées mi-avril 2023.
La consommation brute intérieure d’électricité marque un recul à environ 262 TWh au 1er semestre 2023 (1er semestre 2022 : 281 TWh), soit une diminution de 6,5 % du fait des températures clémentes et d’une demande plus faible en raison des prix de l’électricité toujours assez élevés malgré le bouclier tarifaire et une baisse conjoncturelle.
La part de 52% des énergies renouvelables à la consommation brute est en hausse par rapport au 1er semestre 2022 (49 %)… en raison de la baisse de la consommation d’électricité.
L’ajout réalisé de l’éolien terrestre est, contrairement au photovoltaïque, encore nettement insuffisant pour atteindre les objectifs de développement fixés par la loi sur les énergies renouvelables.
Le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier est globalement inférieur à celui du 1er semestre 2022. Etant donné que le prix dépend encore fortement des prix du gaz, les prix de l’électricité seront, dans les prochaines années, nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique.
L´Allemagne a été avec 3,1 TWh exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023. Toutefois le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l´année précédente (17,3 TWh).
L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone, elle est en baisse au premier semestre 2023.
Source : Bundesnetzagentur/SMARD
Le Centre de Recherche sur l’Énergie solaire et l’Hydrogène (ZSW) de Bade-Wurtemberg (ZSW) et la Fédération des Industries de l’Énergie et de l´Eau (BDEW) ont publié les résultats préliminaires du premier semestre 2023 /1/.
La figure 1 montre la production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/.
Avec 265,9 TWh, l’Allemagne a enregistré une baisse de 10,8% par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 298,3 TWh). La production nette s’est élevée à 253,9 TWh contre 284,5 TWh au 1er semestre 2022. La production nette d’électricité est celle mesurée à la sortie des centrales, c’est-à-dire déduction faite de la consommation des services auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales.
Malgré l’ajout d’un volume de nouvelles installations de près de 5 GW, soit environ 1,3 GW d’éolien terrestre et 3,6 GW de photovoltaïque au 2e semestre 2022, la production brute à partir des énergies renouvelables est avec 137,5 TWh en légère baisse par rapport à la même période de l´année précédente (1er semestre 2022 : 138,4 TWh).
Sur ce total, 58 TWh provenaient de l’éolien terrestre, 33 TWh du photovoltaïque, 22 TWh de la biomasse, près de 12 TWh de l’éolien en mer et près de 10 TWh de l’hydroélectricité.
Figure 1 : production brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/
Le parc thermique et le nucléaire ont produit 128,4 TWh bruts contre 160 TWh au cours de la même période de l´année dernière /1/.
La baisse de production conventionnelle de presque 20% s´explique notamment par la réduction de la production du parc thermique de 15,4 %. Sa production brute est passée de 143,2 TWh au 1er semestre 2022 à 121,2 TWh.
La production d’électricité d’origine nucléaire a également diminué suite à la fermeture des trois dernières centrales nucléaires (4,055 GW) mi-avril 2023 /2/. Elles ont produit 7,2 TWh bruts au premier semestre 2023 (1er semestre 2022 : 16,8 TWh).
Sous l’hypothèse que l’électricité produite à partir des énergies renouvelables est entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute est avec 52,3% en hausse par rapport au premier semestre 2022 (49,2%) notamment grâce à la baisse de la consommation d’électricité.
La figure 2 montre la part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité. La consommation brute d’électricité marque un recul de 6,5% au premier semestre 2023 pour atteindre 262,8 TWh (1er semestre 2022 : 281,0 TWh). Cette réduction est attribuée à des températures plus clémentes et à une demande plus faible en raison des prix élevés de l’électricité et de la baisse conjoncturelle.
Figure 2 : part des énergies renouvelables à la consommation brute d´électricité aux premiers semestres 2022 et 2023 /1/
Développement des énergies renouvelables
La figure 3 montre le développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023 par rapport aux objectifs.
Figure 3 : Développement de l’éolien et du photovoltaïque au premier semestre 2023
Au premier semestre une capacité photovoltaïque de 6.262 MW a été installée portant la capacité cumulée à 73,7 GW. Si ce rythme est maintenu, environ 12.500 MW seront installés en 2023, dépassant l’objectif de 2023 et en bonne voie vers l’objectif de fin 2024 fixé par la loi sur les énergies renouvelables à 88 GW /8/.
Concernant l’éolien en mer, 24 installations d’une puissance totale de 229 MW ont été injectées pour la première fois dans le réseau électrique au cours du premier semestre 2023. En outre, l’ajout d’une puissance de 20 MW a été apporté aux installations existantes /9/. Avec une capacité cumulée de 8,4 GW, l’objectif de 2023 est pratiquement atteint. Il est prévu de porter la puissance totale à au moins 30 GW d’ici 2030.
En ce qui concerne l’éolien terrestre, 331 nouvelles éoliennes d’une puissance de 1 565 MW ont été installées et 198 éoliennes d’une puissance de 239 MW démantelées. L’ajout net s’élève donc à 1.325 MW au cours du premier semestre 2023 /9/.
Bien que cela représente une nette accélération par rapport à la même période de l’année précédente, l’ajout réalisé est nettement insuffisant pour atteindre l’objectif intermédiaire de développement fixé par la loi sur les énergies renouvelables, soit 69 GW fin 2024 (capacité totale installée à la fin du premier semestre 2023 : 59,3 GW).
Evolution du prix du marché de gros de l´électricité
La crise énergétique liée à la situation internationale et à l’augmentation des prix des combustibles a conduit à une augmentation sans précédent des prix de l’électricité en Europe, en particulier entre le printemps et l’été 2022.
Au 1er semestre 2023, le prix moyen de gros constaté sur le marché journalier s’est établi à un niveau inférieur à celui de la même période de l’année précédente /3/ mais se situe toujours à un niveau plus élevé qu’en 2020 et début 2021, voir figure 4.
Figure 4 : Evolution du prix de gros constaté sur le marché journalier (day-ahead) en Allemagne
Selon une récente analyse du bureau d´études PROGNOS pour le compte de l´Union Economique Bavaroise, les prix moyens de l’électricité seront dans les prochaines années nettement plus élevés qu’avant la crise énergétique /10/. Ceci s’explique par les prix plus élevés du gaz dont le prix du mix électrique en Allemagne dépend encore fortement et l’augmentation des prix des certificats d’échange de quotas d’émission.
En 2023 les ménages et les entreprises ont été en large partie protégés des augmentations de prix grâce au « bouclier tarifaire » /4/.
A titre d’exemple, les ménages et PME (consommation annuelle ≤ 30 MWh) bénéficient d´un plafonnement à 40 cts€/kWh du prix de l´électricité (toutes taxes et prélèvements compris) pour 80% de leur consommation annuelle. Au-delà, ils payent leur électricité au prix du marché.
Echanges commerciaux
L’Allemagne a été exportatrice nette d’électricité au 1er semestre 2023, mais le solde des échanges s’est creusé par rapport à la même période de l’année précédente. Le solde net a atteint 3,1 TWh contre 17,3 TWh au 1er semestre 2022 /1/.
Le moment où l’électricité est importée ou exportée dépend non seulement de l’offre et de la demande dans le pays concerné, mais aussi des prix de l’électricité des pays voisins. À partir de mai 2023, l’Allemagne a importé plus d’électricité de France qu’elle n’en a exporté en raison d’un prix plus bas : l’électricité nucléaire française était visiblement moins chère que le mix de production allemand /6/.
Intensité carbone du mix électrique
L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq/kWh /5/. Compte tenu de la réduction de la production du parc thermique et de l’accroissement des importations d’électricité bas carbone notamment en provenance de la France et du Danemark /6/, la moyenne mobile de l’intensité carbone, exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit, est en baisse au premier semestre 2023 /7/.
Figure 4 : Intensité carbone du mix électrique allemand exprimée en grammes de CO2éq par kWh produit au 1er semestre 2023
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Résumé
La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP), voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.
L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite (environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité).
La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.
Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :
Les émissions de gaz à effet de serre baissent légèrement et se situeraient à 746 Mt CO2éq(2021 : 760 Mt CO2éq). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a été atteint malgré une augmentation des émissions du secteur de l´énergie de presque 11 Mt CO2éq par rapport à 2021. La raison est l´utilisation accrue de la houille et du lignite pour la production d´électricité ;
La consommation d´énergie primaire recule de 5,4% (- 4,0% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 et s´élève à 3 269 TWh (281 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) comptent pour près de 79% de la consommation d´énergie primaire (contre environ 77% en 2021) ;
La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix ;
La production brute d´électricité baisse d´environ 2% à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : La production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 80 TWh (2021 : 90 TWh), en revanche la production du couple lignite/houille augmente à 181 TWh contre 165 TWh en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 35 TWh contre 69 TWh en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,5% (2021 : 40,2%) et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,2 % contre 41,2% en 2021.
Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint seulement 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
Le solde exportateur d´électricité augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017.Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. A titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.
Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 :
Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie.La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023).
Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivationtemporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.
Selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a) la consommation d´énergie primaire atteint 3269 TWh (281 Mtep) en 2022, cela correspond à une baisse de 5,4 % (~ 187 TWh) par rapport à l´année précédente (2021 : 3456 TWh ou 297 Mtep). Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.
Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.
Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.
Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 4,0% selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a).
Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) continuent de représenter près de 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.
La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 2,9% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,3% (2021 : 32,5%).
La consommation de gaz naturel baisse de presque 15,7% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz. La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,6% contre 26,6% en 2021.
Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% (BNetzA 2023e). Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège (environ 33%).
Le charbon (couple lignite/houille) atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.
La consommation du lignite augmente de 3,5% en 2022. Le lignite atteint une part de 10% (2021 : 9,1%) de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.
La consommation de la houille augmente de 4% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8% (2021 : 8,9%) de la consommation d´énergie primaire.
La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2% (2021 : 6,1%) de la consommation d´énergie primaire.
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen (AGEB 2023a)
La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 3,8% et atteint 17,2% (2021 : 15,7%). Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. La part de la biomasse représente 51% en 2022 (2021 : 53%) dans la consommation d´énergie primaire des énergies renouvelables.
Consommation et production d´électricité
La consommation intérieure brute d´électricité recule à 549 TWh (2021 : 569 TWh) suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine.
Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record (UBA 2023a).
Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,2%% contre 41,2% en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables. La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.
La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse (voir plus loin).
La production brute d´électricité baisse à 571 TWh (2021 : 582 TWh). La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.
La production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 80 TWh en 2022 contre 90 TWh en 2021. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.
La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 32% contre 28% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 116 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de 5,5% par rapport à 2021 (110 TWh). Les centrales à houille ont fourni 64 TWh, soit une augmentation d´environ 18% par rapport à 2021 (55 TWh). La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve (voir plus loin).
La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,1% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 35 TWh bruts, soit presque 50% de moins qu´en 2021 (69 TWh).
Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 8,5%. Leur part dans la production brute passe à 44,5%, soit à 254 TWh, contre 40,1% en 2021 (234 TWh). Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse (voir plus loin).
Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.
Bien que l´éolien et le photovoltaïque marquent une augmentation record et que la production des énergies conventionnelles baisse de presque 9%, celles-ci continuent à contribuer pour presque 56% à la production brute. Presque 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées (renouvelables et nucléaire).
Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.
La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse stagne au niveau de 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.
La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 11% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.
Tableau 1 : production (hors transfert d´énergie par pompage) et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon (AGEB 2023b ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 31%. En revanche l´année 2021 marque une inversion de la tendance : le charbon (couple houille/lignite) est à nouveau en hausse, cf. figure 3.
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2023b ; BDEW 2022 ; UBA 2023a)
La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) est en baisse depuis 2020 (AGEB 2023b; UBA 2023a).
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)
Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.
Parc de production
L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.
Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 236 GW nets hors systèmes de stockage (STEP, batteries etc.) dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~150 GW d´installations renouvelables (BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2023a).
Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement » (Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand) est entrée en vigueur mi-2022. Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme (houille, lignite et fioul), situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe (Allemagne Energies 2022a).
Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW (5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite) a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles (y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage) ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW (BNetzA 2022a) et environ 2 GW (gaz, fioul) sont provisoirement arrêtés.
Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie (stations de transfert d´énergie par pompage (STEP), batteries, etc.).
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation
Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
Centrales nucléaires
En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires (4,058 GW) le 31.12.2021 (Allemagne Energies 2022b). Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 (Allemagne Energies 2022c).
Centrales à houille
Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.
Centrales à lignite
Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.
Centrales à gaz
Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.
Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.
Centrales au fioul et divers
Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers (déchets etc.) sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.
Stockage d´énergie
L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022).
Les STEP (Stations de Transfert d´Énergie par Pompage) y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries (domestiques et industrielles) s´élève à environ 3,4 GW.
Outre la capacité de stockage (GW), la quantité d´électricité stockée (GWh) est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge (Agora Energiewende 2023).
La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.
Energies renouvelables
La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 10 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 150 GW (cf. tableau 2). Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et des Libéraux (FDP), de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables intermittentes (Allemagne Energies 2021).
Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 10 GW installés en 2022, environ trois quarts sont dus au photovoltaïque. Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes (Windguard 2023). Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.
Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.
Éolien
Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW (70% du volume appelé de 4,5 GW) a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.
Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.
La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières (i.e. le cuivre, le ciment) ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)
Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement (Allemagne Energies 2022d). Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023 (Windguard 2023), bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 (69 GW).
Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau (342 MW nets). Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.
Photovoltaïque
Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc (3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture). Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc (30% du volume appelé). Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023 (88 GW en 2024) il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022 (Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b)
Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 (Allemagne Energies (2022f) ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.
L´électricité verte devient plus chère
Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. A partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture (BNetzA 2022b) et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol (BNetzA 2023f).
C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables (EEG-Umlage) mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.
L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.
Relation entre puissance installée et production réalisée
La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 (BDEW 2022 ; AGEB 2023b; UBA 2023). Les énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) représentent presque 57% de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen [1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 (hors installations de stockage d´énergie)
A titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.
Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022
Grace aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 (voir tableau 1). La forte production éolienne en janvier et février 2022 (voir figure 8) et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année (voir figure 9) ont largement contribué à cette hausse (DWD 2022).
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 (1544 heures par an). Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.
En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 11% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle (UBA 2023a). L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique (DWD 2022).
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 (BDEW 2022 ; UBA 2023a)
Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.
Échanges transfrontaliers d´électricité
Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.
Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché journalier (day-ahead) de chaque pays sont le résultat de cette interaction.
Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à 28 TWh (2021 : ~19 TWh) en hausse pour la première fois depuis 2017 (AGEB 2023b). Les importations marquent une légère baisse à 50 TWh tandis que les exportations augmentent de presque 11% à 78 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.
C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh
Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux (BNetzA 2023a).
Modernisation des réseaux de transport
Le développement des réseaux de transport et de distribution est crucial pour la transition énergétique. Les gisements de vent, dans le nord du pays, étant géographiquement distants des grands centres de consommation dans l´ouest et sud industriel, l´épine dorsale est constituée par plusieurs tracés nord – sud en courant continu afin de limiter les congestions (Allemagne Energies 1).
Le plan actuel du réseau de transport prévoit 14.044 km terrestres (nouvelles lignes et renforcement des lignes existantes) à l´horizon de 2035, date à laquelle un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre est visé par le gouvernement. Seuls 16,3% (2.292 km) étaient réalisés à la fin du troisième trimestre 2022, 1.178 km ont reçu l´autorisation de construction ou sont en construction (BNetzA 2023c).
La mise en service des tracés nord-sud en courant continu d´une capacité de 6 GW, initialement prévue en 2025/2026, a été reportée de deux ans à 2027/2028.
Le développement des réseaux de distribution est également d´une grande importance pour la mise en œuvre de la transition énergétique. La majorité des installations d´énergies renouvelables décentralisées y est raccordée. De plus, l´électrification des autres secteurs de l´économie conduit à la croissance rapide des nouveaux consommateurs connectés majoritairement au réseau de distribution.
Coûts d´interventions pour éviter la congestion du réseau de transport
L´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente dans le nord du pays a provoqué un net déséquilibre géographique entre la production éolienne dans le nord et les centres de consommation du sud et de l´ouest du pays. De forts flux nord – sud d´électricité apparaissent en cas d´injection importante d´électricité éolienne dans le nord de l´Allemagne et, parallèlement, d´une forte demande d´électricité et d´une très faible injection de photovoltaïque dans le sud du pays. Ces situations conduisent souvent à une congestion du réseau et entraînent une hausse des coûts des actions correctives depuis 2015 en raison de la lente modernisation du réseau électrique (Allemagne Energies 1).
Les coûts des actions d´équilibrage menées par les Gestionnaires du Réseau de Transport (GRT) étaient déjà en forte hausse en 2021, s´élevant à presque 2,3 Md€, cf. figure 11. En cause la sortie du nucléaire, l´injection accrue d´électricité renouvelable intermittente et l´augmentation des prix de gros au deuxième semestre 2021 (Allemagne Energies 2022e).
Figure 11 : évolution des coûts de stabilisation du réseau
Les coûts de stabilisation du réseau ont augmenté au cours du premier semestre 2022 à environ 2,2 Mds€ et atteignent presque les coûts de l´année précédente (BNetzA 2023d). Cette forte augmentation des coûts est principalement due à la hausse significative des prix de gros (voir plus loin). Ces coûts sont supportés par le consommateur par le biais du tarif d´utilisation du réseau.
Les prix élevés du marché de gros ont entraîné une forte hausse des coûts du redispatching (réduction de la production d´électricité dans le nord et augmentation dans le sud de l´Allemagne dans le but de modifier les flux physiques afin de réduire les congestions du réseau de transport) et du countertrading (mesure commerciale consistant en la modification du plan de production de deux installations de façon symétrique – augmentation pour l´un et diminution pour l´autre – permettant également de modifier les flux physiques sur le réseau de transport).
Les coûts pour des centrales en réserve, réactivées ou en attente d´une réactivation pour fournir l´électricité de redispatching manquante, sont également en forte hausse au premier semestre 2022. En revanche, les coûts de compensation pour l´écrêtement de la production d´énergies renouvelables et de la cogénération sont en net recul. Cependant, au cours du premier semestre, environ 5,4 TWh de production renouvelable (notamment la production des éoliennes maritimes et terrestres) ont dû être écrêtés contre 3,4 TWh dans la même période de l´année précédente.
L´Agence Fédérale des Réseaux a publié début juillet 2023 les chiffres pour l´année 2022. Les coûts liés à l´équilibrage s´élèvent à 4,2 Mds€, soit presque deux fois plus qu´en 2021 (Allemagne Energies 2023b).
En attendant la mise en service des tracés nord – sud en courant continu, le manque de moyens pilotables dans le sud de l´Allemagne, nécessaire pour redispatching ou countertrading, risque d´accroitre encore les flux d´électricité entre le nord et le sud du pays dans l´avenir. De plus, la compensation de la puissance réactive manquante, nécessaire pour le maintien de la tension dans les réseaux de transport, doit être assurée.
Deux des trois centrales nucléaires encore au réseau jusqu`au 15 avril 2023 se situent en Allemagne du sud. A cela se rajoutera à terme la fermeture programmée des centrales à houille dans le centre et le sud.
Pour l´équilibrage du réseau en situation dégradée, l´Agence Fédérale des Réseaux a décidé la construction de turbines à combustion (4 sites dans le sud du pays d´une puissance totale de 1200 MW). Leur mise en service est prévue en 2023, cf. annexe 2 (Allemagne Energies 2).
Émissions de gaz à effet de serre
Sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante, l´Allemagne a recouru de façon accrue au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel ce qui a entrainé une hausse des émissions dans le secteur de l´énergie. Malgré cela les émissions totales de gaz à effet de serre baissent légèrement à 746 CO2éq (2021 : 760 Mt CO2éq) selon le pronostic de l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023b). L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, a donc été atteint.
Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions de 4,4% et atteint 256 Mt CO2éq (2021 : 245 Mt CO2éq). Il atteint néanmoins sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
Presque 90% des émissions du secteur de l’énergie proviennent du secteur électrique, soit 223 Mt CO2éq en 2022 (2021 : 215 Mt CO2éq) selon l´Agence Fédérale de l´Environnement (UBA 2023c). L´intensité carbone du mix électrique allemand en 2022 s´élevait à 434 g CO2éq /kWh (2021 : 410 g CO2éq /kWh ).
En cause le recours accru aux centrales à houille et au lignite qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire (arrêt de 4 GW fin 2021) et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.
Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.
Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé de plus de 10% par rapport à l´année précédente à 164 Mt CO2éq (2021 : 183 Mt CO2éq). Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat (177 Mt CO2éq).
Dans le secteur de l´agriculture, les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement diminué pour atteindre 62 Mt CO2éq (2021 : 63 Mt CO2éq). Le secteur reste ainsi bien en deçà de sa cible sectorielle de 2022, fixée à 67 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.
Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 112 Mt CO2éq (2021 : 118 Mt CO2éq), l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq pour 2022 a été légèrement manqué. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel à cause de la flambée du prix et n´est vraisemblablement pas durable.
L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 148 Mt CO2éq (2021 : 147 Mt CO2éq). Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.
La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : (UBA 2023b).
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an (hors secteur des terres et forêts – UTCATF) et objectif 2030
La légère baisse des émissions en 2022 ne doit cependant pas faire oublier que ce sont les économies d´énergie consécutives à la crise énergétique et les conditions météorologiques très favorables qui ont contribué à la réalisation de l´objectif fixé par la Loi sur la Protection du Climat.
Pour atteindre l´objectif de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 41% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était d´environ 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.
Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires mi-avril 2023 (production d´environ 5 TWh bas carbone en 2023), l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.
Evolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 (BNetzA 2023a ; FFE 2023).
Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.
La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : a flambée du coût des quotas de CO2 (le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021), mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.
L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.
Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh (BNetzA 2023e), ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.
En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE (Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH). La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité (figure 13) car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande (FFE 2023).
En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. » En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque) n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.
Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz (rendement de 40 à 60%) et des centrales à houille (rendement de 35 à 45%) résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022
Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août (BNetzA 2023a). A partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.
La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers (dit « day-ahead ») sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg (BNetzA 2023a).
Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon (BNetzA 2023a).
En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.
Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.
Tableau 3 : Moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier (day-ahead) de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » (EPEX SPOT 2022).
Episodes de prix négatifs au marché journalier
Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.
En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.
Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.
En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh (FFE 2023).
Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 (BNetzA 2023a)
Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.
La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.
Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021 (EEG 2021), la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW (exception faite des éoliennes pilotes) intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.
Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021 (FFE 2022), soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.
Projets phares du tournant énergétique en 2022
Les projets phares du tournant énergétique allemand en 2022 étaient :
Adoption d´un ensemble de mesures de presque 300 milliards d´Euros pour atténuer l´impact de la crise énergétique
La forte hausse des prix de l´énergie a conduit à une situation de crise et fut un facteur déterminant de l´inflation, qui a dépassé temporairement les 10% en Allemagne. Le gouvernement a donc été contraint d´adopter un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises (Allemagne Energies 2022g).
Les mesures de l´État allemand représentent presque 300 Mds€. L´objectif : soutenir les citoyens pendant cette période difficile, conséquence de la guerre en Ukraine, et préserver les emplois. Elles les inciteront simultanément à réduire leur consommation.
Pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation, le gouvernement a adopté depuis le printemps 2022 trois trains de mesures, qui représentent des allègements à hauteur totale de 95 Mds€.
De plus, pour limiter l´impact de l´envolée des coûts énergétique pour les ménages et les entreprises, le Parlement (Bundestag) et le Conseil Fédéral (Bundesrat) ont autorisé en octobre 2022 des nouveaux crédits pour un bouclier de défense économique doté de 200 Mds€.
La principale mesure est le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité. Elle est partiellement financée par le prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des producteurs d´électricité et des entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage conformément au règlement de l´Union Européenne 2022/1854 du 6 octobre 2022.
Les modalités du bouclier tarifaire pour le gaz, la chaleur et l´électricité sont réglées dans deux lois séparées qui ont reçu le feu vert du Parlement (Bundestag) le 15 décembre 2022 et du Conseil Fédéral (Bundesrat) le 16 décembre 2022.
Adoption d´un paquet législatif visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie
Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables (EEG 2023) du secteur électrique (Allemagne Energie 2022f ; Allemagne Energies 3).
Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 360 GW au total (éolien terrestre : 115 GW, éolien en mer : 30 GW, photovoltaïque : 215 GW).
Mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité
Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023 (Allemagne Energies 2022c) et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030 (Allemagne Energies 2022a).
Développement de la politique énergétique et perspectives 2023
En 2022 la gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques.
Les efforts coûteux pour réduire durablement les émissions de CO₂ piétinent actuellement. Les émissions dues à la production d´électricité à partir du charbon sont à la hausse depuis l´arrêt de livraison du gaz russe bon marché.
Le déni de réalité dans la stratégie allemande de transition énergétique a atteint des proportions inquiétantes. En réaction à l´accident de Fukushima, déclenché à la suite d´un séisme et d´un tsunami, le gouvernement allemand avait accéléré la sortie du nucléaire. Et comme le gouvernement, même après l´occupation de la péninsule de Crimée en 2014, a considéré la Russie comme un partenaire fiable, l´Allemagne est devenu fortement dépendante de son gaz.
En vue de la sortie du nucléaire et du charbon, le gouvernement avait initialement prévu, pour suppléer aux aléas des énergies renouvelables intermittentes, la construction de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030. Celles-ci seraient exploitées à terme de manière neutre en carbone grâce à l´hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux. Mais en absence du gaz russe bon marché, la construction de ces centrales n´est pas rentable actuellement (Allemagne Energies 2023a). Jusqu´à maintenant aucune décision n´est prise ni sur leur capacité nécessaire ni sur leur financement.
Après la sortie définitive du nucléaire en avril 2023, il manquera environ 30 TWh supplémentaires de production bas-carbone dans le réseau électrique. Le développement de l´éolien et du photovoltaïque se poursuit trop lentement et n´a pas été en mesure depuis 3 ans de suppléer la perte de production du nucléaire sans parler des jours où le vent et le soleil sont faibles.
La devise du gouvernement semble être la suivante : « Il est plus important de bien choisir ses objectifs que de les atteindre ». Les 360 GW maintenant visés en 2030 pour l´éolien et le photovoltaïque nécessitent un triplement de la puissance installée dans les huit prochaines années, soit un ajout annuel d´au moins 26 GW contre 6 GW/an en moyenne entre 2000 et 2022.
De plus, l´objectif pour 2035 de presque 100% d´énergies renouvelables pour la production d´électricité implique, en une décennie, des paris technologiques lourds comme une bascule vers l´hydrogène et la mise à disposition de moyens suffisants de stockage d´énergie.
Avec la sortie du nucléaire, le gouvernement fait le deuxième pas avant le premier en arrêtant des centrales fiables et bas carbone. Les déclarations publiques des ministres responsables sur la garantie d´un approvisionnement énergétique sûr et abordable misent sur le principe de l´espoir. Les risques et problèmes, comme par exemple la faible résilience du système électrique à des aléas climatiques, ne sont pas pris en compte. Au pied du mur, les prochaines années détermineront si le gouvernement allemand parviendra à entamer la transition vers la neutralité climatique en 2045. Face à la crise climatique qui s´aggrave, déjà les décisions à prendre en 2023 seront d´une grande importance.
1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période
AGEB (2023b) Stromerzeugung nach Energieträgern (Strommix) von 1990 bis 2022 (in TWh) Deutschland insgesamt (Datenstand Februar 2023). AG Energiebilanzen e.V. En ligne : https://ag-energiebilanzen.de/.
BDEW (2022) Jahresbericht: Die Energieversorgung 2022. Erdgasversorgung durch Ukrainekrieg in Turbulenzen – Günstige Witterung führt zu mehr Strom aus Erneuerbaren Energien. Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW). En ligne : https://www.bdew.de/service/publikationen/jahresbericht-energieversorgung-2022/.
ISEA und PSG RWTH Aachen University (2022) Battery charts. Institut für Stromrichtertechnik und Elektrische. En ligne : https://www.battery-charts.de/.
Le Ministère Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat (BMWK) a publié fin octobre le rapport 2022 du Comité de Coopération entre l´État fédéral et les régions (Länder) sur le développement des énergies renouvelables /1/. Ce rapport met en évidence des problèmes flagrants notamment pour le développement de l´éolien terrestre.
Le gouvernement veut doubler la puissance actuellement installée pour atteindre 115 GW à l´horizon de 2030. Mais malgré la crise énergétique, le développement ne décolle pas. Compte tenu de la lourdeur des démarches administratives et de la détérioration des conditions financières,due à la flambée des prix des matières premières et la hausse des taux d´intérêt, de nombreux investisseurs hésitent à s´engager sur la construction d´un parc éolien.
Selon le président de la Fédération de l´Énergie Éolienne (BWE) /2/, le rapport devrait servir de rappel à l´ordre. Les résultats sont inquiétants : le développement avance si lentement que les objectifs fixés par le gouvernement sont en danger.
Les trois premiers trimestres ont vu l´installation d´environ 1,4 GW. L´ajout net devrait atteindre 2 GW en 2022. Mais le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. De plus, l´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte en 2022, trois des quatre appels d´offres ont été sous-souscrits. La nervosité s´est installée au sein du gouvernement fédéral, qui voulait pourtant accélérer le développement de l´éolien terrestre.
C´est pour cela que le gouvernement a fait passer au Parlement mi-décembre 2022 une augmentation de la rémunération de l´électricité verte dans le sillage de la loi sur le plafonnement du prix de l´électricité. Résultat : la rémunération de référence pour l´éolien terrestre, qui n´avait cessé de baisser jusqu´à présent, sera augmentée de 25% à 73,50 €/MWh à partir de 2023.
Malgré cela il est de moins en moins probable que le gouvernement atteigne ses objectifs en matière de développement éolien terrestre à l´horizon de 2030. L´Allemagne devrait désormais construire six éoliennes par jour jusqu´en 2029.
Parc éolien de Krusemark-Ellingen en Saxe-Anhalt : mis en service en avril 2022 après remplacement de 15 éoliennes (puissance totale 15,7 MW) par 6 éoliennes (puissance totale 19,8 MW) dans le cadre du repowering /source RWE
Le développement des énergies renouvelables présente des dynamiques différentes. Alors que jusqu´à maintenant le développement du photovoltaïque suit à peu près le rythme voulu /3/, le développement des éoliennes terrestres reste à un niveau toujours faible.
Le parc éolien terrestre s´élève à environ 56,1 GW fin 2021. Pour atteindre l´objectif du gouvernement de 115 GW d´ici 2030 il faudrait, après une phase de démarrage, un ajout annuel de 10 GW à partir de 2025, cf. figure 1.
Figure 1 : développement de la puissance nette installée de l´éolien terrestre depuis 2015 et ajout annuel moyen entre 2022 et 2030 (scénario pour 600 TWh d´électricité produite à partir des énergies renouvelables en 2030)
Fin 2024, une puissance installée de 69 GW est visée selon la dernière modification de la Loi sur les énergies renouvelables (EEG 2023). Cela signifie, en partant du parc installé fin 2021, un ajout moyen net entre 2022 et 2024 de près de 4 GW par an.
Au cours des trois premiers trimestres 1 430 MW ont été installés /4/. L´ajout net devrait atteindre environ 2 GW en 2022, soit une légère augmentation par rapport à 2021, où le volume ajouté avait également été faible.
Au premier octobre 2022, le parc éolien terrestre comptait une puissance totale installée de 57,5 GW. L´objectif de 69 GW fin 2024 nécessiterait un ajout net d´au moins 5 GW en 2023, un objectif qui ne sera vraisemblablement pas atteint car plusieurs séries d´appels d´offres ont été sous-souscrites dans le passé.
Seulement environ 70% du volume mis aux enchères ont été attribués en 2022
L´Agence Fédérale des Réseaux a effectué quatre appels d´offres d´éolien terrestre en 2022 /5/. Les résultats confirment le développement préoccupant concernant les volumes offerts et attribués. En effet, l´attribution du volume mis aux enchères est loin d´être atteinte. Trois des quatre appels d´offres ont été sous-souscrits (voir figure 2).
Comme il fallait s´attendre à une sous-souscription lors du 4e d´appel d´offres en décembre 2022, l´Agence Fédérale des Réseaux avait préalablement réduit le volume appelé de 1 190 MW à 604 MW /6/.
Au total 16 offres ont été soumises pour un volume d´environ 203 MW soit un tiers du volume appelé. Seuls 189 MW ont finalement pu être adjudiqués.
En conclusion, en 2022, faute de soumissionnaires seuls 3 225 MW des 4 572 MW mis aux enchères, soit 70,5% ont été attribués. En outre l´écart entre le nord et le sud de l´Allemagne s´accentue de plus en plus. La Bavière et le Bade-Wurtemberg sont aux derniers rangs quant au développement de l´éolien terrestre.
Figure 2 : volumes (en MW) des appels d´offres d´éolien terrestre en 2022
C´est un coup dur pour les objectifs de la transition énergétique du gouvernement. Dans la crise énergétique actuelle, où « chaque kilowattheure compte » selon le Ministre Fédéral de l´Économie et de la Protection du Climat, le développement de l´éolien terrestre ne décolle pas.
Il est de moins en moins probable que l´Allemagne atteigne ses objectifs en matière de développement éolien terrestre à l´horizon de 2030. Selon une évaluation d´EWI – Institut d´économie de l´énergie de l´Université de Cologne – pour le compte du journal Handelsblatt, publiée fin décembre 2022 /9/, il faudrait ajouter 5,8 éoliennes par jour entre début 2023 et fin 2029 d´une puissance nominale moyenne de 4,2 MW. L´éventuel déclassement d´anciennes installations est pris en compte. Une comparaison historique montre l´ampleur de la tâche : en moyenne, entre 2010 et 2021, environ 3,5 éoliennes ont été construites par jour, avec une puissance nominale moyenne de 2,8 MW.
Raisons du manque de dynamisme
Inquiétude des investisseurs
La flambée des prix des matières premières suite à la guerre en Ukraine ainsi que l´ augmentation des coûts de financement due à la hausse des taux d´intérêt ont un impact sensible sur le développement des énergies renouvelables.
Les investisseurs sont si peu rassurés qu´ils ne s´inscrivent même pas aux procédures d´enchères. La raison de cette réticence : celui qui obtient une adjudication doit mettre le parc éolien en service dans un délai de 2 ans. Une pénalité est due en cas de dépassement.
Comme il s´écoule souvent plus de 2 ans entre l´attribution du marché par l´Agence Fédérale des Réseaux et la mise en service du parc éolien, les investisseurs craignent que les coûts de construction explosent entre-temps et qu´ils ne soient plus couverts par la rémunération attribuée. Ils risquent alors de réaliser une opération déficitaire.
Pour la Fédération de l´Énergie Éolienne (BWE) les modalités de l´appel d´offres sont responsables de cette situation insatisfaisante. En effet, les soumissionnaires aux appels d´offres doivent respecter la limite maximale de la rémunération de référence de 58,80 €/MWh actuellement imposée par l´Agence Fédérale des Réseaux. Cette limite date toutefois d´une époque où les prix des matières premières étaient encore relativement stables.
C´est pour cela que le gouvernement fédéral a fait passer au Parlement mi-décembre 2022 une augmentation de la rémunération de l´électricité verte dans le sillage de la loi sur le plafonnement du prix de l´électricité /7/. Résultat : la limite maximale de la rémunération de référence pour l´éolien terrestre pourra être augmentée jusqu`à 25% l´année prochaine.
En conséquence, l´Agence Fédérale des Réseaux a fixé, à partir de 2023, la rémunération de référence à 73,50 €/MWh au lieu de 58,80 €/MWh dans le but de renforcer la participation des investisseurs aux enchères /8/.
Pendant les derniers 20 ans la rémunération pour la production de l´électricité verte a été en baisse. Elle augmentera pour la première fois en 2023, c´est une sorte de revirement pour l´histoire de la transition énergétique.
Lourdeur des procédures administratives
Depuis 2017, environ 15,2 GW ont été attribués dans le cadre des appels d´offres. A la fin du premier semestre 2022, environ un tiers (5,4 GW) a pu être réalisé /4/.
Si l´on définit la durée de la procédure d´autorisation à partir du dépôt initial de la demande auprès de l´organisme chargé de délivrer les autorisations, la durée moyenne de la procédure est supérieure à deux ans /1/. En Hesse, les procédures atteignent même une moyenne de presque 57 mois. Environ 17 % des installations autorisées ont fait l´objet d´une plainte, et même 48 % en Mecklembourg-Poméranie occidentale et en Hesse.
La nouvelle législation adoptée mi-2022 intervient trop tard
Le paquet législatif final visant à accélérer le développement des énergies renouvelables a été adopté mi-2022 /3/. La mesure phare est la modification de la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique (EEG 2023), validant un approvisionnement en électricité de 80% en énergies renouvelables en 2030 et quasi climatiquement neutre en 2035. Comme étape intermédiaire une puissance totale installée de 360 GW (éolien et photovoltaïque) est prévue d´ici 2030.
Pour y arriver une simplification des démarches administratives et l´attribution de superficies supplémentaires pour le développement éolien ont été nécessaires. C´est pour cela qu´un paquet de mesures a été adopté /3/. Dans ce cadre, la loi sur l´Éolien Terrestre (Wind-an-Land-Gesetz, WaLG) et des modifications de la Loi Fédérale sur la Protection de la Nature ont été adoptées.
Le développement des énergies renouvelables est maintenant « d´intérêt public prépondérant et sert la sécurité publique ». Des dérogations relatives à la protection de la biodiversité et aux espèces protégées ont été adoptées. A l´avenir, la construction des éoliennes sera aussi autorisée dans des zones protégées. Seuls les territoires bénéficiant du plus haut niveau de protection ne pourront pas être aménagés.
Actuellement une superficie du territoire d´environ 0,8% est réservée aux éoliennes terrestres. Pour pouvoir installer une puissance de 160 GW (objectif 2040), la superficie réservée sera augmentée à 2% du territoire allemand à l´horizon de fin 2032 avec un objectif intermédiaire de 1,4% fin 2027.
Selon l´Association Fédérale de l´Économie Énergétique et des Eaux (BDEW) /6/ les lois adoptées l´été 2022 doivent être révisées, afin de parvenir à une réelle accélération des procédures administratives et une attribution plus rapide des superficies supplémentaires.
Cela concerne notamment la Loi sur l´Éolien Terrestre /3/. Le premier objectif contraignant de l´augmentation de la superficie du territoire à 1,4% d´ici fin 2027 intervient beaucoup trop tard pour soutenir l´objectif de développement de 2030.
/4/ UBA (2022) Monatsbericht PLUS mit Informationen zur quartalsweisen Entwicklung der erneuerbaren Energien in den Sektoren Strom, Wärme und Verkehr, Umweltbundesamt – Arbeitsgruppe Erneuerbare Energien Statistik (AGEE Stat), 4. Quartal 2022, en ligne :agee-stat_monatsbericht_plus_2022-q4_final